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Date : 20020524

Dossier : IMM-3391-01

Ottawa (Ontario), le 24 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                        VARGANE ROSTAS, ZSOFIA

                                                                    VARGA, JOZSEF

                                                          VARGA, VANDA (ZSOFIA)

                                                          VARGA, ATTILA ROBERT

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée au ministre pour décision devant une autre formation de la SSR.

                                                                                                                 « Carolyn A. Layden-Stevenson »     

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020524

Dossier : IMM-3391-01

Référence neutre : 2002 CFPI 593

ENTRE :

                                                        VARGANE ROSTAS, ZSOFIA

                                                                    VARGA, JOZSEF

                                                          VARGA, VANDA (ZSOFIA)

                                                          VARGA, ATTILA ROBERT

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Atilla Robert Varga (le demandeur), son épouse de facto Zsofia Vargane Rostas (la demanderesse) et leurs enfants Jozsef Varga et Vanda Varga (les demandeurs mineurs) sont des ressortissants hongrois de souche rom qui ont revendiqué le statut de réfugié au Canada. Le 14 juin 2001, la section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a estimé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]                 La Cour doit dire si la SSR était ou non compétente pour statuer sur les revendications des demandeurs. Si elle était incompétente, la décision de la SSR est nulle et sans effet.

[3]                 Les faits sont brièvement les suivants : les demandeurs se sont présentés le 31 août 2000 à l'audition de leurs revendications du statut de réfugié devant deux membres de la SSR (le tribunal). La demanderesse et le demandeur ont été assermentés. Plusieurs documents, dont les Formulaires de renseignements personnels (FRP) des demandeurs, ont été versés dans la preuve. Des modifications ont été apportées oralement aux FRP, notées par le tribunal et attestées par les demandeurs. L'avocat des demandeurs a produit deux rapports médicaux et une partie narrative supplémentaire faisant partie du FRP de la demanderesse. Les rapports médicaux et la partie narrative supplémentaire constituaient de nouvelles preuves et contrevenaient à la règle de la SSR concernant la communication de la preuve dans un délai de vingt jours. Le tribunal a interrogé la demanderesse, qui a répondu aux questions. Le témoignage du demandeur a été minime. Le tribunal a décidé qu'il accepterait les nouvelles preuves, mais il a ajourné l'audience pour pouvoir les examiner.


[4]                 Le 2 janvier 2002, les demandeurs se sont présentés à l'audition de leurs revendications du statut de réfugié devant deux membres de la SSR. Le tribunal comprenait un membre qui avait été présent durant l'audience d'août, et un nouveau membre. Au commencement de l'audience du 2 janvier, le demandeur et la demanderesse furent assermentés, et toutes les pièces du dossier furent cotées et versées dans la preuve.

[5]                 La disposition législative applicable, le paragraphe 69(7) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, est ainsi formulée :


69.(7) La procédure peut reprendre devant un ou d'autres membres que celui ou ceux qui entendaient l'affaire avant l'ajournement si le ministre, quand il y prend part, et l'intéressé y consentent ou qu'aucun élément de preuve de fond n'a été encore présenté.

69.(7) Proceedings before the Refugee Division that are adjourned may be resumed before any member or members of the Refugee Division other than the member or members who presided at the adjourned proceedings if the person who is the subject of the proceedings and the Minister, if taking part in the proceedings, consent thereto or if no substantive evidence was adduced before the adjournment.


[6]                 La Cour d'appel fédérale a examiné le paragraphe 69(7) dans l'arrêt Hernandez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 162 N.R. 391, et elle a décidé que les preuves documentaires, y compris les FRP, constituent des preuves de fond; le tribunal n'est pas empêché de reprendre l'affaire depuis le début lorsqu'il n'y a pas consentement.

[7]                 Il est admis qu'en l'espèce, le consentement n'a été ni demandé ni accordé. La résolution de l'exception d'incompétence dépend si l'audience du 2 janvier 2001 était ou non une reprise de la procédure antérieure. Pour les motifs qui suivent, je suis arrivée à la conclusion que la réponse est négative.

[8]                 La SSR a inscrit et numéroté de nouveau toutes les pièces du dossier, mais elle n'a pas réinscrit les modifications apportées aux FRP. Je n'ignore pas l'argument du défendeur selon lequel, parce que les modifications avaient été inscrites et attestées au cours de la première audience, les modifications faisaient partie des FRP lors de la deuxième audience. Il me semble que cet argument élude la question. Une reprise de la procédure s'entend d'une nouvelle procédure. La deuxième audience, pour constituer une reprise, doit se dérouler comme si la première audience n'avait pas eu lieu. Ce n'est pas le cas lorsque des modifications apportées lors de la première audience sont considérées comme des preuves à la deuxième audience, sans que ces preuves soient de nouveau inscrites. D'ailleurs, la transcription révèle une confusion chez les membres du tribunal en ce qui a trait aux modifications. Les modifications apportées aux FRP lors de la première audience ne se sont pas toutes retrouvées dans le dossier des membres du nouveau tribunal : transcription, page 9, lignes 20-65.


[9]                 Le défendeur a également soutenu que la déclaration de l'avocat selon laquelle des changements « ont été apportés aux FRP la dernière fois » équivaut à un acquiescement. Je ne suis pas de cet avis. En premier lieu, cette déclaration de l'avocat ne se rapportait qu'au FRP de la demanderesse : transcription, page 6, lignes 25-42. Deuxièmement, la transcription n'indique pas clairement quels échanges de propos ont entouré les modifications parce que certaines observations des avocats et des membres du tribunal sont consignées avec la mention « inaudible » : transcription, page 9, lignes 25-40. Troisièmement, la transcription ne fait état nulle part des modifications apportées au FRP du demandeur. En l'absence de déclarations claires et sans équivoque de l'avocat, je ne suis pas disposée à dire qu'il y a eu acquiescement en ce qui a trait à la réinscription des modifications du FRP. De plus, la SSR préside ses audiences, et il lui appartient de s'assurer que, lorsqu'elle conduit une audience en tant que procédure entièrement nouvelle, elle le fait d'une manière qui s'accorde avec les responsabilités correspondantes, notamment celles qui concernent la recevabilité des preuves.

[10]            Il y a eu également des témoignages durant la première audience. Encore une fois, je suis consciente des arguments du défendeur selon lesquels les preuves avaient été obtenues au regard des questions préjudicielles, à savoir l'audience d'exposition des moyens des demandeurs et la communication tardive des preuves nouvelles. Si les preuves avaient été limitées uniquement à ces questions préjudicielles, je me rangerais à l'avis du défendeur et dirais comme lui que les questions sont devenues théoriques et que les témoignages recueillis était hors de propos. Cependant, la transcription montre que certains des éléments de preuve se rapportaient à la crédibilité de la demanderesse. Les explications fournies par la demanderesse, en réponse aux questions des membres du tribunal concernant le rapport médical et la partie narrative supplémentaire de son FRP, sont ou pourraient être des facteurs à prendre en compte pour déterminer le poids à accorder aux documents : transcription de l'audience du 31 août 2000, page 19, lignes 40-70; page 20, lignes 1-5; page 23, lignes 15-70, et page 24, lignes 1-10. Par conséquent, une preuve orale de fond a été recueillie lors de l'audience d'août, qui n'a pas été réinscrite ni mentionnée lors de l'audience de janvier.

[11]            Pour les motifs susmentionnés, j'arrive à la conclusion que l'audience du 2 janvier 2001 n'était pas une reprise de la procédure et contrevenait donc aux dispositions du paragraphe 67(9) de la Loi sur l'immigration. Il ne m'est pas nécessaire de dire si la SSR doit, comme l'ont soutenu les demandeurs, indiquer formellement son intention de conduire l'audience en tant que procédure nouvelle.

[12]            En définitive, la SSR n'avait pas compétence pour statuer sur les revendications des demandeurs. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée au ministre pour décision devant une nouvelle formation de la SSR.

   

                                                                                                                 « Carolyn A. Layden-Stevenson »     

Juge

Ottawa (Ontario)

le 24 mai 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

No DU GREFFE :                                   IMM-3391-01

INTITULÉ :                                             Vargane Rostas et autres c. M.C.I.

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 1er mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                          le 24 mai 2002

   

COMPARUTIONS :

  

M. Ronald Poultonpour les demandeurs

  

M. Matthew Oommenpour le défendeur

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

  

Mme Lisa Winter-Cardpour les demandeurs

Avocate

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenbergpour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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