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Date : 20030904

Dossier : T-2112-02

Référence : 2003 CF 1030

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS                                   

ENTRE :

                                                                 H. LUNDBECK A/S

                                                                                   et

                                                         LUNDBECK CANADA INC.

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                                   et

                                                        LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                   et

                                                            PHARMASCIENCE INC.

                                                                                                                                                     défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une requête déposée afin d'obtenir une ordonnance portant que la présente demande et celle introduite dans le dossier de la Cour no T-122-02 soient entendues à la même date, à la même heure et par le même juge, pour que ce dernier les tranche en vertu de son pouvoir discrétionnaire ou, subsidiairement, une ordonnance portant que la présente requête soit entendue les 21 et 22 octobre 2003 lors de l'audience fixée relativement au dossier T-135-02.

[2]                 La demande introduite dans le dossier T-122-02 entre H. Lundbeck A\S et al. et le ministre de la Santé et al. et celle introduite dans le dossier T-1652-02 entre Genpharm Inc. et le ministre de la Santé et al. ont déjà été mises au rôle pour audition à la même date, à la même heure et devant le même juge les 16 et 17 septembre 2003.

[3]                 La demande présentée dans le dossier T-135-02 entre H. Lundbeck A\S et al. et le ministre de la Santé et Apotex Inc. a déjà été mise au rôle pour audition les 21 et 22 octobre 2003.

[4]                 Pharmascience Inc., demanderesse dans la présente requête, a laissé entendre que les avis de demande donnés dans le cadre de la présente instance et des dossiers T-122-02 et T-135-02 ont en commun des points de droit et de fait. Elle a en outre signalé que, comme les questions de droit soulevées dans chacune des trois demandes sont les mêmes et que les questions de fait auxquelles ces demandes donnent naissance ne sont que légèrement différentes, il ne faudrait pas plus de quarante-cinq minutes pour présenter des observations de vive voix touchant les particularités de son affaire.

[5]                 La demanderesse Pharmascience Inc. a soutenu que les deux parties sont prêtes pour l'audience et que les parties en litige dans les dossiers T-122-02 et T-135-02 n'ont pas besoin de temps supplémentaire pour se préparer en vue de l'audience qui se tiendra dans deux semaines.

[6]                 La demanderesse Pharmascience Inc. a renvoyé aux critères relatifs à l'application de l'article 105 des règles et qui sont résumés par la Cour dans la décision Canning (John E.) Ltd. c. Tripap Inc. (1999), 167 F.T.R. 93, aux paragraphes 26 et 27 :

La réunion de deux actions est habituellement ordonnée lorsque les questions soulevées par les allégations dans les deux instances sont suffisamment familières ou semblables pour que soient respectés les critères que sont l'intérêt général de la justice, sa bonne administration et l'intérêt véritable des parties.

La réunion d'instances vise généralement à éviter la multiplication des instances et à assurer le déroulement rapide et à moindre coût des instances engagées. Pour déterminer s'il y a lieu ou non d'ordonner la réunion des instances, la Cour tient compte des facteurs suivants : l'identité des parties et des questions de droit et de fait, la similitude des causes d'action, le caractère parallèle de la preuve et la probabilité que l'issue d'une affaire permette de régler l'autre.

[7]                 Elle a laissé entendre que les allégations d'absence de contrefaçon formulées par Pharmascience, Apotex et Genpharm dans les trois instances sont en grande partie semblables.

[8]                 En réponse aux arguments de la demanderesse Pharmascience Inc., la défenderesse Lundbeck a mentionné que les deux jours réservés pour la tenue de l'audience sont nécessaires et permettront aux parties de présenter leurs arguments.


[9]                 Si les parties en litige dans les dossiers T-122-02 et T-1652-02 ont déjà besoin de deux jours pour présenter leur preuve à la Cour les 16 et 17 septembre 2003 et que la présente affaire est entendue au même moment, la réunion de toutes ces audiences exigerait trois jours. De plus, tant Cobalt Pharmaceutical Inc., dans le dossier no T-2050-02, qu'Apotex, dans le dossier no T-135-02, ont demandé à être ajoutées aux autres parties pour les mêmes raisons. La Cour a rejeté la demande d'Apotex parce que l'audience ne durerait pas assez longtemps pour permettre qu'une autre partie s'y fasse entendre.

[10]            Selon l'avocat de Lundbeck, le temps réservé à Lundbeck et à Genpharm serait réduit si la Cour en arrivait à la décision d'entendre aussi Apotex, au même moment, dans le dossier T-135-02. Il a affirmé qu'il serait impossible de réunir même une ou deux autres affaires pour audition pendant ce laps de temps.

[11]            L'avocat de Lundbeck a signalé que quatre cabinets d'avocats participent déjà à l'instance dans les dossiers T-122-02 et T-1652-02 et que le fait d'y réunir une ou deux autres affaires entraînerait la participation d'au moins deux autres cabinets, ce qui augmenterait la durée des observations formulées à l'audience.

[12]            L'avocat de Lundbeck a laissé entendre qu'il n'y aurait tout simplement pas assez de temps pour entendre toutes les affaires. Comme deux journées ont été réservées pour la tenue de l'audience, cela signifie que Lundbeck et Genpharm seraient obligées de renoncer à une portion du temps qui leur est imparti et de partager avec d'autres parties la période qui leur a été allouée il y a un an.

[13]            Selon l'avocat de Lundbeck, la preuve produite dans l'affaire Genpharm fait l'objet d'une ordonnance de non-divulgation visant un affidavit et le mémoire des faits et du droit des parties.


[14]            En réponse à cet argument, les avocats de Pharmascience Inc. ont fait savoir qu'ils seraient prêts à se retirer lorsque d'autres parties et la Cour auraient à discuter de ces éléments de preuve confidentiels.

[15]            Enfin, l'avocat de Lundbeck a également soutenu qu'aucune preuve n'a été présentée pour établir que Pharmascience Inc. subira un préjudice irréparable si son affaire n'est pas réunie aux dossiers T-122-02 et T-1652-02.

[16]            Les avocates de Genpharm ont appuyé les arguments formulés par Lundbeck et rappelé à la Cour qu'il y a un an, elle a rejeté leur requête visant l'instruction accélérée de l'instance. Elles ont ajouté qu'elles n'étaient pas prêtes à participer à une audience englobant de nouvelles parties puisqu'il ne restait que deux semaines avant l'audience et qu'elles n'étaient pas disposées à partager avec d'autres parties le temps qui leur était alloué.

[17]            De toute évidence, chacune des affaires ont en commun des points de droit et de fait. La réunion des affaires aurait été opportune il y a six mois ou même un an. La réunion aurait dû avoir lieu avant le contre-interrogatoire des experts, ce qui aurait permis aux parties et à la Cour, au moyen d'audiences par voie de conférence téléphonique, de clairement définir les questions de droit et de fait que chacune des instances ont en commun.

[18]            À mon avis, il est maintenant trop tard pour procéder ainsi et il est manifeste que le temps réservé pour l'audience des 16 et 17 septembre 2003 est insuffisant pour instruire davantage que les demandes introduites dans les dossiers T-122-02 et T-1652-02.

[19]            L'ordonnance prononcée par Monsieur le protonotaire Morneau le 19 août 2003 donne à penser qu'il serait raisonnable d'entendre la demande présentée dans le dossier T-135-02 les 16 et 17 septembre 2003, au même moment que les demandes déposées dans les dossiers T-122-02 et T-1652-02.

[20]            Néanmoins, le protonotaire était conscient des contraintes de temps existantes et il a maintenu les dates fixées pour l'audition de la demande visée par le dossier T-135-02, soit les 21 et 22 octobre 2003.

[21]            Une ordonnance distincte tranche cette question.

[22]            Je n'irai pas jusqu'à convenir avec Lundbeck que la requête de la demanderesse Pharmascience Inc. pourrait être considérée comme une tentative déguisée d'obtenir une instruction accélérée, mais il n'en demeure pas moins que Pharmascience Inc. a omis de prouver qu'elle subirait un préjudice irréparable si sa requête était rejetée.

[23]            La demanderesse Lundbeck renvoie à de nombreuses décisions pour étayer sa position. Monsieur le protonotaire Morneau s'est exprimé en ces termes dans la décision Shao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), non publiée, 3 février 1999, no du greffe IMM-4178-98 (C.F. 1re inst.) :

[2] La façon de trancher une demande de procédure accélérée est décrite par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Apotex c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 28 N.R. 349. Lorsque le « préjudice irréparable [...] soulève une question sérieuse » (page 357), et lorsque la partie adverse ne subira pas de préjudice, la Cour affectera habituellement un juge à l'affaire, pourvu que les avocats et la Cour puissent convenir d'un échéancier qui leur convient.

[3] Bien que je ne sois pas convaincu que le critère du préjudice irréparable constitue le seul critère permettant d'ordonner une procédure accélérée, le demandeur en l'espèce n'a réussi, au mieux, qu'à établir qu'il subissait de graves inconvénients.

[24]            Dans la décision Mon-Oil Ltd. c. Canada, (1989) F.T.R. 50 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Cullen affirme ce qui suit :

[4] Dans l'action T-266-88, le juge Reed dit ce qui suit :

« Le requérant doit également démontrer que la suspension ne causerait pas d'injustice ou de préjudice importants à l'intimé. Comme on peut le constater, les principes pertinents n'exigent pas simplement l'application du critère de la prépondérance des inconvénients. Aussi, le fardeau du requérant est-il plus lourd. »

Dans la présente demande, le mot « suspension » pourrait bien être remplacé par le mot « réunion » .

[5] Il est bien certain qu'il serait plus facile et plus pratique pour la défenderesse de réunir les actions ou d'exiger qu'elles soient entendues de façon consécutive selon un ordre déterminé à l'avance. Toutefois, cela ne suffit pas et la défenderesse est loin d'avoir établi les critères nécessaires à l'octroi de sa demande. Il est bien possible que des conclusions de fait différentes soient tirées, mais les avocats et la Cour pourront certainement minimiser cette possibilité en agissant avec vigilance. À tout événement, il ne s'agit pas là d'un motif suffisant pour justifier la réunion des actions.

[25]            À mon sens, la possibilité que des juges différents rendent des décisions différentes et qu'il en découle des incompatibilités n'a pas été établie dans les circonstances de l'espèce. L'avocat de Lundbeck a en outre mentionné que deux autres affaires opposant deux autres parties seraient probablement introduites devant la Cour dans les prochains mois.

[26]            J'estime qu'il ne serait pas raisonnable, à ce stade-ci, d'ajouter à ce qui est déjà prévu. Selon moi, le préjudice susceptible d'être causé aux parties visées par les dossiers T-122-02 et T-1652-02 ne saurait être compensé par un quelconque avantage pour la partie adverse.

[27]            La Cour est également informée que l'audition d'une requête en rejet sommaire produite par Pharmascience Inc. est fixée au 29 octobre 2003 et qu'une requête introduite auprès de la Cour le 18 août 2003 afin d'obtenir une ordonnance portant que la présente instance soit instruite au fond le 29 octobre 2003 a été ajournée sine die. Il serait légitime de s'attendre à ce que la demanderesse Pharmascience Inc. soit autorisée à obtenir l'instruction de sa requête en rejet sommaire le 29 octobre 2003, ce qui était son intention première.

                                     O R D O N N A N C E

Par conséquent, pour tous ces motifs,

LA COUR ORDONNE que la présente requête visant la réunion d'instances devant être instruites les 16 et 17 septembre 2003 ou, subsidiairement, les 21 et 22 octobre 2003 soit rejetée avec dépens.


Une copie des présents motifs de l'ordonnance et ordonnance sera versée aux dossiers T-122-02 et T-1652-02.

                     « Pierre Blais »                          

                 Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 T-2112-02

INTITULÉ :              H. LUNDBECK A/S et LUNDBECK CANADA INC.

                                                                             c.

LE MINISTRE DE LA SANTÉ DU CANADA et PHARMASCIENCE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 2 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                 LE 4 SEPTEMBRE 2003

                                                         

COMPARUTIONS :

Martin Sheehan

POUR LES DEMANDERESSES

Pascal Lauzon et Éric Ouimet

POUR PHARMASCIENCE INC.

Kamleh Nicola                                                     POUR GENPHARM INC.

Sara Zborovski                                                     POUR GENPHARM INC.

Heather Watts                                                     POUR COBALT PHARMACEUTICAL INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Martin Sheehan

POUR LES DEMANDERESSES

Pascal Lauzon et Bruno Barrette

POUR PHARMASCIENCE

Pascale-Catherine Guay                                                    POUR LE MINISTRE DE LA SANTÉ


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