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Date : 20021220

Dossier : T-949-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1314

ENTRE :

                                              SVEDALA INDUSTRIES CANADA INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                           LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     défendeurs

                                    MOTIFS DE L'ORDONNACE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]                 Au cours des neuf dernières années, la demanderesse a contesté une décision ayant pour effet de mettre fin à la remise des droits de douane qu'elle avait obtenue en vertu du Programme de la machinerie du Tarif des douanes, L.R.C. (1985), ch. 41 (la Loi). L'an dernier, le ministre du Revenu national (le ministre) a confirmé cette décision pour l'essentiel. La présente demande vise à contester cette confirmation.


A. Les faits à l'origine du litige

[2]                 La demanderesse, Svedala Compaction Equipment AB, de la Suède (Svedala), est un fabricant de machinerie lourde. Avant 1998, Svedala était connue sous le nom de Dynapac Heavy Equipment AB. La demanderesse fabrique et exporte le vibrocompacteur CA301D, qui est un engin utilisé pour le compactage d'enrochements massifs pouvant atteindre vingt pouces de diamètre ainsi que pour le compactage du sol, de l'asphalte et du béton. C'est cet engin qui fait l'objet de la présente demande.

[3]                 En 1990, la demanderesse a présenté une demande de remise de droits de douane en vertu du Programme de la machinerie, dont les dispositions sont énoncées au paragraphe 74(1) et aux articles 75 et 76 de la Loi, notamment au paragraphe 76(1) :


74.(1) Aucun droit de douane n'est exigible sur les machines et appareils qui, à la date de leur déclaration en détail en application de l'article 32 de la Loi sur les douanes, sont inscrits sur la liste de machines et appareils établie par le ministre en application du paragraphe 75(1).

74.(1) No customs duties are payable in respect of machinery and equipment that, at the time the machinery and equipment is accounted for under section 32 of the Customs Act, is included on the list of machinery and equipment established by the Minister pursuant to subsection 75(1).

75.(1) Le ministre peut établir, compte tenu des critères visés au paragraphe (3), une liste de machines et appareils qui ne sont pas produits au Canada.

75.(1) The Minister may establish a list of machinery and equipment that, in the opinion of the Minister, having regard to the criteria mentioned in subsection (3), is not available from production in Canada.

(2) Le ministre fait publier la liste établie en vertu du paragraphe (1), ainsi que toute inscription ou radiation, dans la Gazette du Canada dans les soixante jours suivant l'établissement de la liste, de l'inscription ou de la radiation; la liste, une inscription ou une radiation ainsi publiées sont admises d'office.

(2) The Minister shall cause a list established under subsection (1) and every addition thereto and deletion therefrom to be published in the Canada Gazette within sixty days after the establishment, addition or deletion, and a list, addition or deletion so published shall be judicially noticed.


(3) Pour l'application du paragraphe (1), le ministre tient compte des critères suivants :

(3) For the purposes of subsection (1), the Minister shall have regard to the following criteria:    a) le fabricant dispose, dans le cadre habituel de son exploitation, des installations techniques et matérielles propres à la production au Canada de machines et appareils qui sont sensiblement comparables aux machines et appareils visés;

a) whether a manufacturer has, within his normal operational framework, the full range of technical and physical capabilities necessary for the production in Canada of machinery and equipment reasonably equivalent to the relevant machinery and equipment; and

b) le fabricant canadien a ainsi produit des machines et appareils de manière à établir une capacité de production sensiblement comparable à celle qui est nécessaire pour produire les machines et appareils visés.

b) whether a Canadian manufacturer has so produced machinery and equipment as to demonstrate a production competence reasonably equivalent to that required to produce the relevant machinery and equipment.

76.(1) Sur demande présentée conformément à l'article 77, le ministre peut, s'il juge, compte tenu des critères prévus au paragraphe 75(3), que les machines et appareils qui font l'objet de la demande ne sont pas produits au Canada, remettre sur ces machines ou appareils :

76.(1) Where an application for remission is made in accordance with subsection (4) in respect of machinery and equipment not included on the list established pursuant to subsection 75(1) and the Minister is of the opinion, having regard to the criteria mentioned in subsection 75(3), that the machinery is not available from production in Canada, the Minister may remit in respect of the machinery and equipment

...

...

(3) Le ministre peut, s'il juge, compte tenu des critères prévus au paragraphe 75(3), que les machines et appareils qui font l'objet d'une remise accordée en vertu du paragraphe (1) sont produits au Canada, annuler celle-ci et, malgré ses modalités, elle cesse de s'appliquer aux machines et appareils déclarés en détail, après la prise d'effet de l'annulation, en application de l'article 32 de la Loi sur les douanes.

(3) Where the Minister is of the opinion, having regard to the criteria mentioned in subsection 75(3), that machinery and equipment in respect of which remission has been granted under subsection (1) has become available from production in Canada, the Minister may revoke the remission and, notwithstanding the terms and conditions of the remission, it shall cease to apply to machinery and equipment accounted for under section 32 of the Customs Act after the effective date of the revocation.

(4) Les demandes sont assorties des justificatifs que le ministre juge suffisants pour établir, compte tenu des critères prévus au paragraphe 75(3), que les machines et appareils ne sont pas produits au Canada.

(4) An application for remission must be accompanied by evidence satisfactory to the Minister that, having regard to the criteria mentioned in subsection 75(3), the machinery and equipment is not available from production in Canada.



[4]                 La demanderesse a d'abord obtenu une remise pour la période allant de 1990 à 1995, mais il a été mis fin à cette remise en novembre 1993, conformément au paragraphe 76(3). L'avis de cessation était fondé sur la preuve de la capacité de production de l'entreprise canadienne BNR, subséquemment acquise par l'entreprise Champion, notamment en ce qui a trait à son compacteur de modèle 840 de Superpac.

[5]                 Depuis que la remise a été annulée en 1993, la demanderesse s'est montrée réticente à accepter l'avis constituant le fondement de la décision et a donc cherché à différentes reprises à faire annuler celle-ci.

[6]                 Le 8 mai 1995, la demanderesse a présenté une nouvelle demande de remise des droits à l'égard de l'engin CA-301D pour les années 1994 et 1995. La demande comportait une description plus détaillée de la capacité des appareils CA-301D et 840. La demanderesse a également fourni aux représentants du ministre des renseignements détaillés au sujet des différences entre les deux modèles, notamment quant au fait que l'engin CA-301D peut être utilisé pour le compactage d'enrochements massifs, tandis que le modèle 840 est conçu et vendu pour les petits travaux de compactage et d'asphaltage. La demande a été rejetée en 1996.


[7]                 La demanderesse est revenue à la charge en 1997 en fournissant d'autres renseignements techniques au sujet des deux modèles. En 1998, un agent principal du Programme de la machinerie a rencontré des représentants de Svedala et de Champion afin de discuter des différences techniques entre les deux compacteurs. Le 2 juin 1998, la demanderesse a été avisée que sa demande avait à nouveau été rejetée.

[8]                 En 1999, les deux parties ont convenu de procéder à une expertise. Selon le rapport qu'a remis Blackwater, Inc. (le rapport Blackwater) le 20 janvier 2000, même si Champion avait la capacité voulue pour produire un modèle semblable à celui de l'engin CA-301D en 1995, elle ne l'a fait qu'en 1999, lorsqu'elle a mis en vente le modèle Champion 8340. Sur la foi de ce rapport, les représentants du ministre ont soutenu que le modèle équivalent était produit à des fins de production au Canada et ont continué à dire que la remise ne serait pas accordée.

[9]                 Néanmoins, la demanderesse a continué à demander une modification de la décision relative à la cessation de la remise. Le 23 novembre 2000, M. Denis Lefebvre, commissaire adjoint à la Direction générale des douanes, a remis une autre réponse dans laquelle il a réitéré les motifs sous-jacents à la cessation. La demanderesse a persisté et demandé une réponse du ministre lui-même. Le 1er mai 2001, le représentant dûment autorisé du ministre a fait parvenir la confirmation suivante :

[TRADUCTION] L'honorable Martin Cauchon, ministre du Revenu national, m'a demandé de répondre à votre lettre en date du 27 février 2001 dans laquelle vous demandez une confirmation de la décision qui vous a été communiquée dans une lettre du 23 novembre 2000 de M. Denis Lefebvre, commissaire adjoint à la Direction générale des douanes. Dans cette décision, votre demande de remise des droits de douane relatifs aux vibrocompacteurs importés par Svedala Industries of Canada (Svedala), de Mississauga (Ontario), a été rejetée.


Comme M. Lefebvre l'a expliqué dans sa lettre, toutes les questions soulevées précédemment ont été entièrement examinées et les critères appliqués à cet égard sont conformes aux dispositions législatives pertinentes. L'Agence des douanes et du Revenu du Canada estime que SuperPac Compaction, de Cambridge (Ontario), avait la capacité et les installations techniques et matérielles propres à la production, au cours de la période en question, des compacteurs sensiblement comparables à ceux qu'importe Svedala. Par conséquent, aucune remise ne peut être accordée à l'égard de ces compacteurs en vertu des conditions de l'ancien Programme de la machinerie (dossier de la demande de la demanderesse, à la page 90).

B. La décision sous examen

[10]            J'estime que la « décision » pertinente aux fins de la présente demande est celle qui est énoncée dans la lettre du ministre en date du 1er mai 2001. Je suis également d'avis qu'il n'existe aucun obstacle de nature procédurale quant à la présentation de la demande en l'espèce et que je peux donc me prononcer à ce sujet.

[11]            Voici le texte de la lettre de M. Lefebvre à laquelle le ministre a fait allusion :

[TRADUCTION] Selon les dispositions de l'ancien Programme de la machinerie, les machines sont considérées comme des machines sensiblement comparables lorsqu'elles se font concurrence sur le même marché et qu'elles permettent d'accomplir une fonction équivalente. À cet égard, l'Agence des douanes et du Revenu du Canada (ADRC) demeure d'avis que SuperPac Compaction de Cambridge (Ontario) possédait la capacité et les installations propres à la production de vibrocompacteurs sensiblement comparables au cours de la période en question. Selon nous, les critères appliqués dans la présente affaire sont appropriés et conformes aux dispositions législatives pertinentes. Par conséquent, il n'existe aucun motif permettant de recommander une remise en vertu de l'article 76 de l'ancien Tarif des douanes.

Après avoir passé en revue les renseignements que vous avez fournis dans votre lettre, nous avons conclu que toutes les questions soulevées ont déjà été examinées à fond. En conséquence, la conclusion qui vous a déjà été communiquée doit demeurer la même (dossier de la demande de la demanderesse, à la page 87).

[12]            Il est convenu que M. Lefebvre et le ministre se sont tous deux fondés sur les extraits suivants du rapport Blackwater :

[TRADUCTION]

Énoncé des travaux


Fournir des services d'ingénierie et des services techniques professionnels afin de déterminer si un fabricant canadien (SuperPac Compaction, de Cambridge (Ontario)), a démontré qu'il possédait, au moment où les vibrocompacteurs (modèle CA301D de Dynapac) ont été importés au Canada, la capacité nécessaire pour produire un vibrocompacteur (plus précisément les modèles 840 et 840P de SuperPac) dont la fonction serait sensiblement comparable à celle des vibrocompacteurs importés qui sont mentionnés. L'importateur en l'occurrence était Svedala Industries Canada Inc. La période de référence est l'année 1995 (dossier de la demande de la demanderesse, à la page 57).

....

Résumé

Nous sommes d'avis que SuperPac (Champion) possédait, en 1995, la capacité et les installations techniques et matérielles propres à la production d'un compacteur qui serait sensiblement comparable au vibrocompacteur en cause importé par Dynapac (Svedala) et qui répondrait aux besoins de l'industrie de la construction en matière de compactage (dossier de la demande de la demanderesse, à la page 61).

[13]            Je suis donc d'avis que la période pertinente à laquelle le ministre fait allusion est l'année 1995. Cela signifie que l'avis de 2001 du ministre a pour effet de confirmer les avis que les représentants de celui-ci avaient donnés après l'annulation de la remise en 1993.

C. Les arguments de la demanderesse

[14]            La demanderesse soutient que le paragraphe 75(3) de la Loi exige que Champion produise au Canada un vibrocompacteur sensiblement comparable au modèle CA-301D afin que le ministre juge qu'un vibrocompacteur sensiblement comparable est produit au Canada. En réponse, le défendeur invoque la décision rendue dans Emerson Electric Canada Ltd. c. Canada (MRN), [1997] A.C.F. n ° 178, où le juge Noël a commenté comme suit au paragraphe 30 le sens du paragraphe 76(3) :

En outre, il faut se rappeler qu'aux termes du paragraphe 75(3), un fabricant canadien doit avoir :

(1)les installations techniques et matérielles propres à la production de machines et appareils qui sont sensiblement comparables (75(3)a)); et

(2)une capacité de production, pouvant être démontrée, sensiblement comparable à celle qui est nécessaire pour produire les machines et appareils visés (alinéa 75(3)b)).


Il s'ensuit que, même si l'on peut prétendre que les produits de General MFG ne sont pas, à strictement parler, comparables, le ministre avait quand même la possibilité de conclure que les importations de la requérante étaient "produites au Canada", s'il était convaincu que General MFG était en mesure de fabriquer des produits sensiblement comparables. [Non souligné à l'original]

[15]            Cet argument nécessite une évaluation attentive.

[16]            La demanderesse ajoute que, dans le dossier que les représentants du ministre ont créé et qui a mené à la décision sous examen en l'espèce, les dispositions législatives ont été mal interprétées à cet égard. La demanderesse invoque la lettre en date du 25 septembre 2000 que M. M.R. Jordan, le directeur général de la Direction de la politique commerciale et de l'interprétation, a écrite en réponse à la correspondance continue de la demanderesse :

[TRADUCTION]

Selon le Tarif des douanes (ainsi que les dispositions pertinentes du Mémorandum de Douanes D8-5-1), un fabricant canadien devait avoir les installations et la capacité nécessaires pour produire une machinerie sensiblement comparable à la machinerie importée. Il n'était pas obligatoire qu'une machine ait effectivement été produite (dossier de la demande de la demanderesse, à la page 78)

[Non souligné dans l'original].

La demanderesse soutient que la réponse est une preuve du fait que les représentants du ministre ont interprété l'alinéa 75(3)b) comme une disposition exigeant uniquement la possession de la compétence plutôt que l'établissement de la capacité, alors que le mot « établir » est utilisé dans la disposition législative.

[17]            Je conviens avec l'intimé qu'aucune importance ne devrait être accordée à la distinction que la demanderesse fait entre l'emploi des mots « posséder » et « établir » en l'espèce, puisqu'il s'agit uniquement d'une question de sémantique.


[18]            Dans sa lettre, M. Jordan s'exprime également comme suit :

[TRADUCTION]

En conséquence, les représentants de l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada (ADRC) ont conclu que non seulement SuperPac avait les installations et la capacité propres à la production d'une machine ayant un tambour de 1,4 pouce, mais qu'elle produisait effectivement une machine qui, selon les normes de l'industrie, était sensiblement comparable au modèle CA301D de Dynapac. Dans les circonstances, je ne puis recommander la remise des droits de douane en vertu du Programme de la machinerie (dossier de la demande de la demanderesse, à la page 79).

[19]            Il est donc évident, à la lumière de la preuve, que Champion avait établi une capacité en produisant le modèle 840 de SuperPac et j'en conclus que, lorsqu'elles sont lues ensemble, les déclarations de M. Jordan doivent être considérées comme des déclarations renvoyant à ce fait.

[20]            Par conséquent, je n'attache aucune importance à cet argument.

D. L'interprétation à donner au paragraphe 76(3) et à la norme d'examen

[21]            À mon avis, pour interpréter correctement les dispositions législatives en question, il est nécessaire de déterminer si les éléments de preuve dont le ministre dispose sont suffisants en vertu du paragraphe 75(3). Cela signifie que des éléments de preuve suffisants doivent exister au sujet des deux critères énoncés au paragraphe 75(3) afin qu'il soit possible d'invoquer un argument valable quant à l'existence de la capacité de production.


[22]            Le ministre doit tenir compte de la preuve et des arguments ( « compte tenu des critères... » ), y compris la preuve d'expert disponible pour en arriver à un avis en vertu du paragraphe 76(1) ou 76(3). Je conviens avec le juge Noël qu'aux fins de l'avis prévu au paragraphe 76(3), l'affirmation selon laquelle il n'est pas nécessaire qu'une machine sensiblement comparable soit produite et disponible constitue une bonne interprétation des dispositions en cause.

[23]            Toutefois, je ne suis pas tout à fait d'accord avec le juge Noël lorsqu'il précise, au paragraphe 30 de l'arrêt Emerson, « qu'aux termes du paragraphe 75(3), un fabricant canadien doit avoir les installations techniques et matérielles » ; à mon avis, tout ce qui est nécessaire, c'est qu'il soit tenu compte de la preuve et des arguments présentés au sujet du potentiel. Cependant, je souscris à la conclusion qu'il formule au paragraphe 30 ainsi qu'à la description qu'il fait de l'intention du législateur au paragraphe 39 :

L'intention du législateur qui ressort de ces dispositions, c'est que même si l'admissibilité des produits à la remise des droits doit être déterminée en conformité avec des critères précis prévus dans la loi, la décision de remettre les droits est laissée à la discrétion du ministre. Dans l'arrêt Martineau c. Comité de discipline de Matsqui, le juge Dickson (plus tard juge en chef) a énoncé le principe suivant :

Une décision purement administrative, fondée sur des motifs généraux d'ordre public, n'accordera normalement aucune protection procédurale à l'individu, et une contestation de pareille décision devra se fonder sur un abus de pouvoir discrétionnaire.    De même, on ne pourra soumettre à la surveillance judiciaire les organismes publics qui exercent des fonctions de nature législative. D'autre part, une fonction qui se situe à l'extrémité judiciaire du spectre comportera des garanties procédurales importantes.    Entre les décisions de nature judiciaire et celles qui sont de nature discrétionnaire et en fonction d'une politique, on trouve une myriade de processus décisionnels comportant un élément d'équité dans la procédure dont l'intensité variera selon sa situation dans le spectre administratif.


La décision contestée se trouve à l'extrémité non judiciaire du spectre dont il est question ci-dessus.    À mon avis, le pouvoir ultime de remettre ou de ne pas remettre les droits est conféré au ministre du Revenu afin de lui permettre de répondre aux préoccupations industrielles, commerciales et fiscales du moment... Ces considérations vont bien au-delà des préoccupations particulières de la requérante et donnent lieu à un exercice qui est essentiellement de nature législative ou politique. Pour ce qui concerne la décision du ministre d'annuler les décrets de remise et de percevoir les droits appropriés, le seul recours que la requérante peut exercer est de nature politique et non juridique. [Notes omises]

[24]            En ce qui a trait à l'intention que le Parlement avait lorsqu'il a édicté les dispositions sous examen, le juge Noël a cité, dans l'arrêt Emerson, le Mémorandum de Douanes D8-5-1, qui énonce une interprétation réservée à l'usage du ministère seulement. Toutefois, ce document renferme également la description suivante de l'intention du législateur :

Le Programme de la machinerie a pour objectif d'accroître l'efficacité de l'industrie canadienne en permettant à des utilisateurs d'acquérir de l'équipement perfectionnéqui n'est pas produit au Canada, tout en accordant aux fabricants canadiens une protection tarifaire sur les machines et les appareils qu'ils produisent dès qu'ilssont en position de le faire. (Volume de jurisprudence de la demande de la demanderesse, onglet 11)

[25]            Bien que la preuve ne soit pas concluante, elle constitue une ressource crédible qui fait partie des sources d'interprétation de la Loi et qui peut permettre de comprendre l'objet des dispositions législatives (voir Flavell c. Sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, [1997] 1 C.F. 640). Il importe également de souligner que le juge Pelletier a appuyé l'énoncé d'intention dans Apv Canada Inc. c. Canada (ministre du Revenu national), [2001] A.C.F. n ° 1099, au paragraphe 16 :

La Loi en question, en l'espèce la Loi sur le Tarif des douanes, est un mélange complexe de considérations de principe. Elle combine la protection des industries canadiennes à la volonté de garder les industries canadiennes concurrentielles lorsque des composantes ne sont pas produites au Canada et à la volonté de se conformer aux obligations contractées par le Canada aux termes des traités qu'il signe. Le ministre doit établir un équilibre entre les besoins des importateurs et ceux des fabricants. C'est au ministre qu'il sied le mieux de soupeser ces intérêts.

[26]            Aucune question n'a été soulevée au cours des plaidoiries au sujet de l'intention législative exprimée dans le Mémorandum de Douanes D8-5-1.


[27]            En conséquence, à mon sens, aucun des avis selon lesquels les appareils « ne sont pas produits au Canada » et « sont produits au Canada » en vertu des paragraphes 76(1) et 76(3) ne repose sur la question de savoir si un appareil équivalent a été produit ou peut être mis en vente; il s'agit d'avis de nature politique fondés sur la connaissance du potentiel de production.

[28]            À mon sens, la norme d'examen relative à un avis discrétionnaire de cette nature est celle du caractère raisonnable (voir Suresh c. MCI, [2002] C.S.C. 1). La question est donc de savoir s'il existe suffisamment d'éléments de preuve appuyant un argument et un avis raisonnables au sujet des critères énoncés au paragraphe 75(3).

[29]            Le paragraphe 76(4) impose une norme de preuve à la partie demanderesse qui tente d'obtenir un avis favorable du ministre au sujet de la remise des droits de douane. Je ne crois pas que cette disposition permet au ministre de se former un avis sur tout élément de preuve; elle oblige plutôt une partie qui demande une remise à produire des éléments de preuve que le ministre juge suffisants pour en arriver à un avis raisonnable.

[30]            Dans la présente affaire, j'estime qu'il existe amplement d'éléments de preuve sur lesquels le ministre pouvait se fonder pour en arriver à un avis raisonnable, ce qu'il a fait à mon sens.


E. Conclusion

      Les « points en litige » que la demanderesse a formulés sont les suivants :

1. Le paragraphe 75(3) de la Loi exigeait-il que Champion produise au Canada un vibrocompacteur sensiblement comparable au modèle CA-301D pour que le ministre puisse juger qu'un vibrocompacteur sensiblement comparable était produit au Canada?

et

2. Le ministre a-t-il commis une erreur mixte de droit et de fait lorsqu'il a jugé qu'un vibrocompacteur sensiblement comparable au modèle CA-301D était fabriqué au Canada au cours de la période pertinente?

À mon avis, compte tenu de l'analyse exposée ci-dessus, la réponse à la première question est « non » . J'estime que la seconde question et ma réponse à celle-ci ne sont pas pertinentes quant à l'avis que le ministre a exprimé et qui fait l'objet de la présente demande.


                                                                     ORDONNANCE

En conséquence, je rejette la demande de la demanderesse.

Les dépens sont adjugés au défendeur.

                                                                                                                              « Douglas R. Campbell »             

                                                                                                                                                                 Juge                              

  

OTTAWA

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

   

DOSSIER :                                                  T-949-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :                    SVEDALA INDUSTRIES CANADA INC.

c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                         Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                       le 12 décembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :        le juge Campbell

DATE DES MOTIFS :                              le 20 décembre 2002

  

COMPARUTIONS :

David M. Attwater                                               POUR LA DEMANDERESSE

Edward Pundyk

Derek Rasmussen                                                 POUR LES DÉFENDEURS

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lang Michener POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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