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Date : 20031106

Dossier : IMM-7606-03

Référence : 2003 CF 1300

ENTRE :

                                                                ILHAN DEMIRCIVI

                                                                et SENAY AYDENIZ

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Les demandeurs ont sollicité un sursis à l'exécution de l'éventuelle mesure de renvoi du Canada les visant, pendant l'examen par notre Cour de leur demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire. Cette demande vise la décision rejetant leur demande d'établissement sans avoir à quitter le Canada, pour considérations humanitaires. Au moment de l'instruction de l'affaire à Vancouver, le 3 novembre 2003, la date du renvoi des demandeurs n'avait pas encore été fixée.

[2]                 Les demandeurs sont mari et femme; ils sont arrivés au Canada en 2000 et y ont revendiqué le statut de réfugiés. Le mari, natif de la Turquie, a épousé sa femme dans ce pays, où elle est allée habiter en 1990. Celle-ci, née en Bulgarie, est d'origine ethnique turque. Le mari est issu d'une famille musulmane très pieuse, qui s'est opposée au mariage des demandeurs et a même menacé de les tuer. Craignant pour leur sécurité en Turquie, ces derniers sont venus au Canada.

[3]                 Leur revendication du statut de réfugié a été rejetée le 18 octobre 2001. Par la suite, ils ont demandé qu'on leur accorde la résidence permanente sans avoir à quitter le Canada, pour considérations humanitaires. Leur demande d'examen des risques avant renvoi a été rejetée et, le 17 septembre 2003, on les a également informés du rejet de leur demande pour CH. On a aussi dit aux demandeurs qu'ils pouvaient s'attendre à être convoqués en vue de leur renvoi, lorsque seraient pris les arrangements nécessaires.

[4]                 Plus tôt cette année, les demandeurs ont acheté une pizzeria dans le centre-ville de Vancouver, grâce à de l'argent emprunté pour bonne part de sources canadiennes. Ils ont signé à l'origine un bail de trois ans pour les fins de cette entreprise, dont une période de deux ans et demi restait toujours à courir lorsqu'on les a informés du rejet de leur demande pour CH. Par suite, ils ont tenté mais sans succès de vendre l'entreprise, et on les a informés qu'il leur faudrait jusqu'à six mois pour réaliser une telle vente.

[5]                 Dans le cadre de leur demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire de la décision rejetant leur demande pour CH, ils prétendent craindre la violence de la part des parents du demandeur, essentiellement pour des motifs religieux, et ne pouvoir se réclamer de la protection des autorités turques. L'avocate des demandeurs soutient, en regard de la demande de sursis d'exécution de la mesure de renvoi, que de graves questions étaient soulevées par la demande sous-jacente de contrôle judiciaire.

[6]                 Je n'ai pas à trancher cette question, comme je ne suis pas convaincu que les demandeurs ont démontré qu'ils subiraient un préjudice irréparable entre la date de l'audience et la date future de l'examen de leur demande d'autorisation ainsi que, si l'autorisation est accordée, la date de la décision à l'égard de la demande de contrôle judiciaire. Selon l'affidavit de l'épouse appuyé par l'époux, « [traduction] au plan financier, aller en Turquie avant de vendre notre entreprise nous fera inévitablement subir un préjudice irréparable » . Compte tenu du revenu annuel moyen en Turquie, soutiennent les demandeurs, il leur serait impossible de rembourser les dettes découlant de la liquidation soudaine, sans bénéficier d'un délai raisonnable, de leur entreprise au Canada. Ils soutiennent en outre que, s'ils étaient renvoyés maintenant, leurs créanciers (auxquels ils doivent près de 45 000 $) en subiraient une perte. À mon avis, ni l'une ni l'autre situation pécuniaire difficile invoquée ne constitue un préjudice irréparable qui surviendrait pendant la période restreinte entre la présente date et celle de la décision relative à la demande de contrôle judiciaire.

[7]                 Les pertes pécuniaires ne sont généralement pas considérées constituer un préjudice irréparable. Si les demandeurs devaient avoir gain de cause en bout de ligne avec leur demande de contrôle judiciaire, dans le délai restreint qu'il faudra pour que cette décision soit rendue, il n'est guère probable que la perte pécuniaire des demandeurs sera aussi importante qu'ils l'envisagent maintenant. Leur entreprise serait vendue en fin de compte si cela s'avère nécessaire, et le produit de la vente pourrait être distribué aux créanciers canadiens. Quoi qu'il en soit, une perte de créanciers canadiens ne peut fonder une conclusion de préjudice irréparable subi par ceux-ci ou par les demandeurs.

[8]                 Dans ces circonstances, j'ai refusé d'accorder un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi visant les demandeurs. J'ai cependant demandé à l'avocat du défendeur de convier le représentant du ministre à veiller à ce que le renvoi des demandeurs ait lieu à un moment raisonnable, de manière à atténuer toute difficulté financière pouvant découler de la disposition soudaine de leur entreprise.

[9]                 Par suite de l'audience du 3 novembre, ordonnance a été rendue ayant pour effet de rejeter la demande de sursis.

                                                                                                                              « W. Andrew MacKay »            

                                                                                                                                                                 Juge                             

Vancouver (C-B)

Le 6 novembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-7606-03

INTITULÉ :                                                        ILHAN DEMIRCIVI et SENAY AYDENIZ

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                VANCOUVER (C-B)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 3 NOVEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE MacKAY

DATE DES MOTIFS :                                     LE 6 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Negar Azmudeh                                                                                       POUR LES DEMANDEURS

Peter Bell                                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Embarkation Law Group                                                                         POUR LES DEMANDEURS

Avocats en droit de la citoyenneté et de l'immigration

Vancouver (C-B)

Morris Rosenberg                                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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