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Date : 20030109

Dossier : IMM-1443-01

Référence neutre : 2003 CFPI 13

Toronto (Ontario), le jeudi 9 janvier 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

BIBI NERISSA SCHUVANA LALL

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]         Mme Bibi Nerissa Schuvana Lall (la « demanderesse » ) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas Sara Trillo ( l' « agente des visas » ). Dans sa décision, en date du 5 février 2001, l'agente des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse.


LES FAITS

[2]         La demanderesse est une citoyenne du Guyana. Elle a résidé pendant plusieurs années à New York aux États-Unis d'Amérique avec son mari et sa fille. Pendant plusieurs années, la demanderesse a occupé un emploi de cuisinière et d'aide familiale dans une résidence privée.

[3]         La demanderesse a fait des études équivalentes de celles d'un collège aux États-Unis et a obtenu un certificat équivalant à ce niveau en 1990. Elle a également suivi un cours de langage gestuel et divers cours en cuisine et en boulangerie à la Peter Kump's New York School of Cooking. Des lettres de référence provenant de cette école, versées au dossier du tribunal, attestent que ses capacités sont celles d'une participante remarquable aux cours.

[4]         La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente au Canada en janvier 2000 dans laquelle elle a sollicité une admission dans la catégorie « parent aidé » . Elle a indiqué que son emploi envisagé au Canada est celui de « cuisinière » inscrit dans la Classification nationale des professions ( « CNP » ) sous le code CNP 6242.

[5]         La demanderesse a été reçue en entrevue le 12 janvier 2001. À cette occasion, l'agente des visas l'a informée qu'elle ne s'est pas qualifiée comme cuisinière et qu'elle serait évaluée comme « boulangère » , CNP 6252. L'agente des visas a examiné le dossier de la demanderesse, lui a posé des questions à l'entrevue et l'a informée qu'elle avait des inquiétudes quant à sa capacité de s'établir avec succès au Canada.


[6]         Dans une lettre en date du 5 février 2001, l'agente des visas a refusé la demande de la demanderesse. La lettre de refus a présenté le nombre total de points attribués à la demanderesse en ce qui a trait à son évaluation pour l'emploi de « boulangère » ; elle a eu 64 points d'appréciation; dans sa lettre de refus, l'agente des visas a informé la demanderesse que cette dernière n'a pas montré qu'elle a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la CNP, dont les fonctions essentielles.

[7]         La demanderesse avait demandé que, si nécessaire, le pouvoir discrétionnaire prévu par le Règlement sur l'immigration de1978, DORS/78-172, dans sa forme modifiée, (le « Règlement » ), paragraphe 11(3), soit exercé pour sa demande. À la suite de la décision défavorable du 5 février 2001, l'agente des visas a transmis le dossier de la demanderesse à E. Anne Arnott, agente principale au Consulat général du Canada à New York.

[8]         D'après son affidavit déposé dans le cadre de la présente instance, Mme Arnott a examiné les observations écrites faites par l'agente des visas demandant l'exercice du pouvoir discrétionnaire, de même que le dossier de la demanderesse et certaines données inscrites dans les fichiers du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI). L'agente principale a examiné la question de savoir si un pouvoir discrétionnaire pouvait être exercé en faveur de la demanderesse et a conclu que la demande de la demanderesse ne justifiait pas l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.


LES OBSERVATIONS DE LA DEMANDERESSE

[9]         La demanderesse soutient que l'agente des visas a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire dans la façon dont elle a évalué les facteurs études et personnalité, en application du Règlement.

[10]       La demanderesse soutient que l'agente des visas a attribué à tort dix points d'appréciation pour les études. Elle prétend qu'elle aurait dû recevoir treize points d'appréciation pour les études en application de l'annexe I, facteur 1(1)c)(ii) du Règlement. La demanderesse prétend détenir un diplôme d'études secondaires, comme l'atteste l'équivalence de diplôme d'études de niveau collégial qu'elle a obtenue aux États-Unis. Le diplôme la qualifie pour demander l'admission à une institution d'études post-secondaires. Elle s'est inscrite et a terminé au moins une année d'études à temps plein en salle de cours, en fréquentant la Peter Kump Cooking School. Ainsi, elle a rempli les exigences du facteur 1(1)c)(ii) de l'annexe I du Règlement.

[11]       Par ailleurs, si l'agente des visas a des doutes sur le fait que les cours à l'école de cuisine exigent que la personne intéressée détienne un diplôme d'études secondaires, alors l'obligation d'équité exigeait qu'elle exprime ses doutes à la demanderesse. L'omission de le faire constitue, selon la demanderesse, un manquement à l'obligation d'équité.


[12]       La demanderesse a obtenu quatre points d'appréciation sur un maximum de dix, pour le facteur personnalité. D'après l'agente des visas, cette appréciation était grandement fondée sur les conclusions que la demanderesse n'avait pas les moyens financiers nécessaires pour s'établir avec succès au Canada. La demanderesse soutient que l'agente des visas a commis une erreur en tirant cette conclusion parce qu'elle n'a pas tenu compte du fait que la demanderesse a une soeur au Canada qui pouvait lui fournir une aide, y compris une aide financière, pour s'établir avec succès au Canada.

LES OBSERVATIONS DU DÉFENDEUR

[13]       Le défendeur soutient que, ayant vérifié le respect de l'obligation légale d'un immigrant éventuel de remplir les exigences de la Loi sur l'immigration, L.R.C.(1985), ch. I-2 (la « Loi » ), et ses modifications, ainsi que du Règlement, l'agente des visas n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire.

[14]       Le défendeur soutient que la conclusion de l'agente des visas dans son évaluation des études de la demanderesse, relativement à l'emploi « boulangère » de la CNP, était raisonnablement appuyée par la preuve. La demanderesse n'a fourni aucune preuve pour montrer que son admission à la Peter Kump School of Cooking exigeait qu'elle détienne un diplôme d'études secondaires. La demanderesse a la charge de montrer qu'un tel diplôme est requis et elle ne l'a pas fait.

[15]       En ce qui concerne l'erreur alléguée dans l'appréciation du facteur personnalité, le défendeur allègue que cette appréciation fait intervenir l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agente des visas et, en l'absence de preuve que ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de manière abusive ou arbitraire, sa décision entraînera une retenue judiciaire.


[16]       Le dossier contient des éléments de preuve que la conclusion de l'agente des visas en ce qui a trait à l'insuffisance de moyens financiers et à l'appréciation de la personnalité est tirée de façon raisonnable. Il y a aussi des éléments de preuve, selon le défendeur, que l'agente des visas a effectivement tenu compte de la présence de la soeur de la demanderesse au Canada en évaluant le facteur personnalité.

LA QUESTION EN LITIGE

[17]       L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en appréciant les études de la demanderesse et sa personnalité?

ANALYSE

[18]       La demande de résidence permanente qui a donné lieu à cette demande de contrôle judiciaire a été déposée en février 2000. À cette époque-là, la Loi disposait dans son article 8 que :


(1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

(1) Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person.

(2) Quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être immigrant tant qu'il n'a pas convaincu du contraire l'agent d'immigration qui l'interroge ou l'arbitre qui mène l'enquête.

(2) Every person seeking to come into Canada shall be presumed to be an immigrant until that person satisfies the immigration officer examining him or the adjudicator presiding at his inquiry that he is not an immigrant.



[19]       La demanderesse a fait sa demande dans la catégorie « parent aidé » . En conséquence, elle devrait répondre aux critères de sélection applicables définis par l'article 8 du Règlement. Cet article renvoie à l'annexe I. L'annexe I énumère les facteurs sur lesquels on se fonde pour attribuer des points d'appréciation aux demandeurs et elle contient des facteurs pour les études et la personnalité. Pour les fins de la présente demande, les dispositions pertinentes du facteur 1, « études » sont les suivantes :


1. Études

(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), des points d'appréciation sont attribués selon le barème suivant :

...

1. Education

(1) Subject to subsections (2) to (4), units of assessment shall be awarded as follows:

...

b) lorsqu'un diplôme d'études secondaires a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants :

...

(b) where a diploma from a secondary school has been completed, the greater number of the following applicable units:

...

(ii) si le diplôme rend le titulaire admissible à des études universitaires dans le pays où il a été obtenu, 10 points,

(ii) in the case of a diploma that may lead to entrance to university in the country of study, ten units, and

(iii) si le diplôme confère une qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 10 points;

(iii) in the case of a diploma that includes trade or occupational certification in the country of study, ten units;

c) lorsqu'un diplôme ou un certificat d'apprentissage d'un collège, d'une école de métiers ou de tout autre établissement postsecondaire, qui comporte au moins un an d'études à temps plein en salle de cours, a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants :

(c) where a diploma or apprenticeship certificate that requires at least one year of full-time classroom study has been completed at a college, trade school or other post-secondary institution, the greater number of the following applicable units:

(i) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé aux sous-alinéas b)(i) ou (iii), 10 points,

(i) in the case of a diploma or apprenticeship certificate program that requires completion of a secondary school diploma referred to in subparagraph (b)(i) or (iii) as a condition of admission, ten units, and

(ii) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé au sous-alinéa b)(ii), 13 points;

...

[Non souligné dans l'original.]

(ii) in the case of a diploma or apprenticeship certificate program that requires completion of a secondary school diploma referred to in subparagraph (b)(ii) as a condition of admission, thirteen units;

...

[Emphasis added]



[20]       La preuve contenue dans le dossier du tribunal montre que la demanderesse détient un diplôme équivalant à celui d'un collège, qui pourrait permettre l'admission dans une université des États-Unis. Il n'y a aucun litige à cet égard et la demanderesse a reçu dix points d'appréciation pour les études en application du sous-alinéa 1(1)c)(ii) de l'annexe I. Cependant, elle soutient que du fait de son inscription à temps plein à l'école de cuisine, elle aurait dû obtenir treize points d'appréciation en application du sous-alinéa 1(1)c)(ii) de l'annexe. Quoi qu'il en soit, on aurait dû lui donner la possibilité de répondre à toute question que l'agente des visas pouvait se poser sur son admissibilité à obtenir treize points pour le facteur études.

[21]       Je n'accepte pas ces observations. À mon avis, la demanderesse avait la charge de démontrer que son admission à la Peter Kump Cooking School répondait aux exigences du sous-alinéa 1(1)c)(ii). Elle ne l'a pas fait. La demanderesse se fie à une affirmation générale contenue dans une brochure sur l'école de cuisine pour appuyer son argumentation :

[TRADUCTION] Nous sommes la seule école aux États-Unis à exiger deux années d'études dans un collège (ou quatre années d'expérience de travail) pour l'admission.                                                           

[22]       À mon avis, cette affirmation montre simplement que l'école a des exigences variables d'entrée qui consistent soit en deux années d'études dans un collège ou quatre années d'expérience de travail pertinente. Elle ne répond pas à la question de savoir si on a exigé de la demanderesse un diplôme d'études secondaires comme pré-condition à son admission.

[23]       La demanderesse n'a pas prouvé que l'agente des visas a commis une erreur dans son appréciation du facteur études.


[24]       De même, je ne suis pas convaincue que l'agente des visas a commis une erreur dans son appréciation de la personnalité, compte tenu de la preuve au dossier concernant la sécurité financière de la demanderesse. Bien que je ne sois pas convaincue que l'agente des visas ait entièrement tenu compte des possibilités d'aide provenant de la soeur de la demanderesse lorsqu'elle a apprécié le facteur personnalité, je suis convaincue qu'une erreur à cet égard n'a pas eu de conséquence sur sa conclusion finale. Le dossier montre clairement que la demanderesse avait certaines possibilités d'accès aux ressources financières de son mari et ex-employeur mais il n'y a aucune preuve documentaire de la disponibilité réelle de cette somme pour elle.

[25]       Dans ces circonstances, je conclus que la décision de l'agente des visas est raisonnablement étayée par la preuve dont elle disposait. La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n'émerge de la présente demande.

                                           ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n'émerge de la présente demande.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                                                      IMM-1443-01

INTITULÉ :                                                                     BIBI NERISSA SCHUVANA LALL

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE MARDI 7 JANVIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                                        LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                                  LE JEUDI 9 JANVIER 2003   

COMPARUTIONS :                                        Ravi Jain           

pour la demanderesse

Martin Anderson                       

pour le défendeur

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ravi Jain           

Green & Spiegel

Avocats

390, rue Bay

Bureau 2800

Toronto (Ontario)

M5H 2Y2

pour la demanderesse

Morris Rosenberg         

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

         Date : 20030109

        Dossier : IMM-1443-01

ENTRE :

BIBI NERISSA SCHUVANA LALL

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L' IMMIGRATION

défendeur

                                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                           

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