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     IMM-3547-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 27 AOÛT 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

Entre :

     CESAR MARTIN DIAZ,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

         La demande est rejetée.

     P. ROULEAU

     juge

Traduction certifiée conforme                     
                                     François Blais, LL. L.

     IMM-3547-97

Entre :

     CESAR MARTIN DIAZ,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

         La présente demande en vue d'obtenir le sursis à l'exécution d'une ordonnance d'expulsion prévue pour le 28 août 1997 m'a été soumise à Toronto le 25 août 1997.

         Le requérant, un citoyen du Pérou, est arrivé au Canada le 30 juin 1989. Le 12 janvier 1990, il a revendiqué le statut de réfugié pour le motif que sa vie était en danger parce qu'il avait quitté le Sendero Luminoso (Sentier lumineux), un groupe révolutionnaire du Pérou, pour devenir informateur de la police. L'affaire a été soumise à la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en septembre 1992 ainsi qu'en mai et en juin 1993, et une décision a été rendue le 21 février 1994. Le tribunal a déterminé que l'auteur de la demande avait été jugé coupable de crimes contre l'humanité au sens de l'article 1.F de la Convention de 1951 des Nations Unies jointe en annexe à la Loi sur l'immigration. L'article 1.F se lit comme suit :

         Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :                 
         a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;                 
         b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés;                 
         c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.                 

         Le tribunal a effectué une analyse très détaillée de la preuve et de la situation avant de tirer sa conclusion et j'aimerais souligner certaines de ses remarques :

         [TRADUCTION]                 
         Il n'y a eu aucune preuve crédible que le demandeur a été recruté contre son gré dans le Sentier lumineux. Le demandeur a fréquenté l'Université de San Marcos en sachant parfaitement que cet endroit était le foyer des activités du Sentier lumineux. Il était parfaitement au courant de leur philosophie et de leurs tactiques. Il a fait des dons en argent, il a écouté leurs propos idéologiques et il a assisté à une rencontre lorsqu'on lui a demandé d'y assister. Contrairement à certains de ses camarades de classe, il a décidé de se rendre à une deuxième rencontre, au cours de laquelle il a été recruté. Ayant fait preuve de loyauté, il a reçu une formation sur leurs tactiques près de Ayacucho (le siège du Sentier lumineux) en matière d'armements et d'assemblage de bombes.                 
                                     (Je souligne.)
         [...]                 
         Cependant, il a sciemment amené de nombreuses personnes innocentes à subir ce sort. Il a joué le rôle de "leurre" pour tenir les militaires et la police éloignés du lieu des véritables cibles et des assassinats. Il était pleinement conscient de l'intention et de l'effet du comportement brutal du Sentier lumineux pendant qu'il servait de "leurre". Il a personnellement agi comme leurre, en sachant parfaitement bien qu'à un autre endroit, des gens se faisaient tuer .                 

Le dernier paragraphe de la décision du tribunal se lit comme suit :

         Compte tenu de l'ensemble de la preuve qui a été soumise sur la question de l'applicabilité de la clause d'exclusion, et pour tous les motifs qui précèdent, la Section du statut de réfugié conclut que Cesar Martin Diaz n'est pas visé par les dispositions de la Convention et que, compte tenu de la définition énoncée au paragraphe 2(1), il n'est pas un réfugié au sens de la Convention.                 

         Cette décision a été examinée par le juge Muldoon de la Cour et une décision a été rendue le 24 avril 1995. En maintenant la décision de la Section du statut de réfugié, le juge a rejeté la crédibilité du requérant et confirmé son appartenance au Sendero Luminoso (Sentier lumineux), qu'il a estimé être une organisation "qui vise des fins limitées et brutales, au sens du critère énoncé dans les décisions suivantes de la Cour d'appel" : Ramirez c. M.E.I. , [1992] 2 C.F. 306, et Moreno c. M.E.I., A-746-91 (14 septembre 1993). Dans ses motifs, en ce qui concerne l'allégation du requérant selon laquelle il était devenu un traître aux yeux de ce mouvement brutal et il estimait devoir quitter le pays pour le motif qu'il craignait pour sa propre sécurité, le juge Muldoon a conclu ceci :

         A-t-il fui directement vers ce lieu de refuge qu'est le Canada? Non, il s'est enfui au Chili - à travers le Chili, un pays hispanophone - et pour un séjour de cinq mois en Argentine [TRADUCTION] "03-02-89 [à] 29-06-89", un autre pays hispanophone. Fuyait-il réellement la persécution? Redoutait-il véritablement de perdre la vie et sa propre sécurité, quand il est arrivé au Canada? Cela importe peu. La SSR a rejeté la revendication du requérant en s'appuyant sur l'alinéa 1Fa ).                 

         À la suite de cette décision défavorable, aucune demande n'a été faite en vue d'une révision sous le régime de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada, et le délai pour le faire est maintenant prescrit.

         Au mois de juin 1995, le requérant a épousé une citoyenne canadienne. Par la suite, il a présenté une demande, parrainée par son épouse, en vertu de l'article 114 de la Loi sur l'immigration afin que son cas soit examiné pour des considérations d'ordre humanitaire, demandant l'autorisation du ministre pour demander, au Canada, le statut d'immigrant. Cette demande a été rejetée et le requérant a été informé le 11 avril 1997. Bien que le mariage ait été jugé légitime, on a rejeté sa demande en raison de [TRADUCTION] "ses activités criminelles passées".

     Lorsque l'avocat du requérant a comparu devant moi, il a tenté de déposer à la Cour une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire modifiée. L'avocate de l'intimé s'y est opposée. Essentiellement, au moyen de cette demande modifiée, l'avocat a demandé une mesure de redressement ainsi que le contrôle judiciaire de questions qui n'avaient fait l'objet d'aucune décision par la Section du statut de réfugié, par le ministre ou par tout agent d'immigration. Il fait valoir qu'il a écrit une lettre à Immigration Canada le 15 août 1997, dans laquelle il a indiqué qu'ils devaient surseoir à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion; il a transmis aux agents d'immigration une preuve documentaire, demandant qu'ils effectuent une évaluation du risque relativement au renvoi de son client. Dans sa demande modifiée, il écrit qu'un agent d'immigration l'aurait informé verbalement qu'ils ne surseoiraient pas au renvoi du requérant.

         L'avocat soutient également dans l'acte de procédure modifié qu'expulser le requérant au Pérou violerait les droits qui lui sont conférés aux articles 7 et 12 de la Charte, et, subsidiairement, que si la Cour n'est pas disposée à infirmer l'ordonnance d'expulsion ou à prononcer un sursis, elle doit ordonner l'expulsion du requérant vers un troisième pays sécuritaire.

         Bien que je n'aie pas autorisé le dépôt de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire modifiée, je suis néanmoins disposé à faire des remarques. Je ne suis au courant d'aucune décision de la Section de première instance de la Cour fédérale ou de la Cour d'appel fédérale dans laquelle une procédure d'immigration a été contestée pour le motif qu'elle violait les articles 7 et 12 de la Charte, et je rejette ces observations sans plus tarder.

         Dans ses actes de procédure, le requérant conteste la validité de l'ordonnance d'expulsion sans pour autant soumettre quelque argument sérieux que ce soit à cet égard ni présenter d'observations relativement à la décision d'ordonner son expulsion vers un troisième pays sécuritaire.

         Essentiellement, ce que le requérant soutient, c'est que, compte tenu de la preuve documentaire plus récente soumise à l'agent d'immigration dans la lettre du 15 août 1997, je devrais être convaincu que la situation actuelle du pays appuierait l'existence de changements touchant à la sécurité du requérant et qu'une évaluation du risque devrait être effectuée avant son renvoi.

         J'ai tenté de trouver une compétence qui me permettrait d'effectuer le contrôle judiciaire de décisions de façon à pouvoir surseoir à l'ordonnance d'expulsion en cause. Il n'y a eu aucune demande sous la catégorie des DNRSRC qui aurait pu à la fin entraîner une évaluation du risque. Cette initiative n'a pas été prise. Il n'a été présenté au ministre aucune demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qui indique que le requérant en l'instance serait en danger s'il retournait au Pérou et, par conséquent, il n'a été rendu sur cette question aucune décision que la Cour puisse contrôler.

         Je suis en présence d'une situation où la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le requérant en l'instance n'était pas crédible; le juge Muldoon de la Cour est arrivé à une conclusion semblable. Comment alors pourrais-je, compte tenu de ces deux décisions, accepter le témoignage assermenté que j'ai entendu et selon lequel le requérant serait en danger s'il retournait au Pérou?

     L'avocat a affirmé qu'il m'incombait presque d'examiner la preuve documentaire. La Cour a à maintes reprises maintenu qu'il ne lui appartenait pas de déterminer les conditions qui doivent exister dans un pays pour procéder à une évaluation du risque.

     L'avocat soutient que Madame le juge McGillis, dans Sinnappu c. M.C.I., IMM-3659-95, a indiqué en principe que les évaluations du risque sont presque obligatoires dans les cas où les demandeurs de statut déboutés pourraient être en danger s'ils retournaient dans leur pays d'origine. J'ai examiné soigneusement sa décision et j'aimerais souligner que, dans son cas, toutes les mesures prévues sous le régime réglementaire de la Loi sur l'immigration avaient été prises par le requérant et les fonctionnaires de l'immigration avaient admis franchement que l'évaluation du risque n'avait pas été bien faite suivant l'examen de la demande d'appartenance à la catégorie des DNRSRC.

     Si je puis dire en terminant, la Section du statut de réfugié a conclu que le requérant, lorsqu'il alléguait qu'il avait été contraint d'adhérer au Sentier lumineux, aurait pu demander la protection de cousins qui faisaient tous deux partie du Service de renseignements péruvien et de l'armée, et il aurait pu demander leur aide dans le passé. Alors pourquoi ne pourrait-il pas se prévaloir de leur protection maintenant?

         Je n'ai pas été convaincu que je devrais modifier l'ordonnance d'expulsion et la demande est par les présentes rejetée.

     P. ROULEAU

     juge

OTTAWA (Ontario),

27 août 1997.

Traduction certifiée conforme                     
                                     François Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-3547-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      CESAR MARTIN DIAZ c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE :          25 AOÛT 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              27 AOÛT 1997

ONT COMPARU :

M. Osborne Barnwell          pour le requérant
Mme Bridget O'Leary          pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Ferguson, Barnwell              pour le requérant

Toronto (Ontario)

M. George Thomson          pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada

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