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Date : 19971223


Dossier : IMM-921-97

Ottawa (Ontario), le 23 décembre 1997

Devant : Monsieur le juge Pinard

ENTRE


WILLIANS ALEXANDER RODAS BONILLA,


requérant,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,


intimé.


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu, le 11 février 1997, que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention est rejetée.

                                        Yvon Pinard

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.


Date : 19971223


Dossier : IMM-921-97

ENTRE


WILLIANS ALEXANDER RODAS BONILLA,


requérant,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,


intimé.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]      Le requérant sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 11 février 1997, qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration. La Commission a rejeté la revendication du requérant, pour le motif qu'il ne s'était pas réclamé de la protection de l'armée salvadorienne.

[2]      Le requérant soutient essentiellement que la Commission a commis une erreur en concluant que l'armée salvadorienne serait en mesure de le protéger contre les guérilleros, et qu'il aurait dû faire de plus grands efforts pour se réclamer de cette protection.

[3]      À la suite de la décision rendue dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, il est maintenant reconnu que l'évaluation de la capacité de l'État de protéger ses citoyens constitue un élément essentiel du critère permettant de déterminer si un demandeur a objectivement une crainte fondée de persécution.

[4]      Dans l'arrêt Ward, la Cour a statué qu'il existe une présomption voulant que l'État soit capable de protéger ses citoyens, et qu'il incombe au demandeur de réfuter cette présomption. À la page 724, le juge LaForest a parlé de ce que le demandeur doit faire pour renverser la charge de la preuve :

             Comme Hathaway, je préfère formuler cet aspect du critère de crainte de persécution comme suit : l'omission du demandeur de s'adresser à l'État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l'État [TRADUCTION] "aurait pu raisonnablement être assurée". En d'autres termes, le demandeur ne sera pas visé par la définition de l'expression "réfugié au sens de la Convention" s'il est objectivement déraisonnable qu'il n'ait pas sollicité la protection de son pays d'origine; autrement, le demandeur n'a pas vraiment à s'adresser à l'État.                 
[Je souligne.]                 

[5]      Le demandeur pourrait renverser la charge de la preuve de diverses façons, comme il en est fait mention aux pages 724 et 725 :

         Il s'agit donc de savoir comment, en pratique, un demandeur arrive à prouver l'incapacité de l'État de protéger ses ressortissants et le caractère raisonnable de son refus de solliciter réellement cette protection. D'après les faits de l'espèce, il n'était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l'État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward. Toutefois, en l'absence de pareil aveu, il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.                 
[Je souligne.]                 

[6]      En l'espèce, la Commission s'est fondée sur le critère établi dans l'arrêt Ward, en concluant qu'il était [TRADUCTION] "objectivement déraisonnable que le demandeur n'ait pas pris plus de mesures pour se réclamer de la protection de l'armée salvadorienne", étant donné que la protection de l'État [TRADUCTION] "aurait pu raisonnablement être assurée".

[7]      En ce qui concerne son expérience personnelle, la Commission a principalement remis en question le fait que le requérant avait reçu des soins médicaux de l'armée à la suite de la première attaque, et qu'il n'avait pourtant jamais demandé à l'armée de le protéger contre d'autres attaques. Le seul motif invoqué par le requérant était qu'il croyait personnellement que l'armée ne pouvait pas le protéger. La Commission n'a tout simplement pas reconnu ce motif comme suffisant pour libérer le requérant de l'obligation de démontrer que l'État était incapable de le protéger. À mon avis, il était tout à fait loisible à la Commission d'arriver à cette conclusion.

[8]      En ce qui concerne les expériences de particuliers qui étaient dans une situation semblable à celle du requérant, la Commission n'était pas convaincue que l'État n'avait pas été capable de protéger d'autres anciens soldats par le passé. Elle a donné trois raisons pour attribuer peu d'importance à la preuve concernant les anciens soldats qui avaient par le passé été tués par les guérilleros ou qui, en proie à la peur, avaient été contraints à s'enfuir du pays. Premièrement, la Commission a conclu que les soins médicaux que l'armée avait dispensés au requérant prouvaient que l'armée essayait d'offrir sa protection aux soldats démobilisés. Deuxièmement, la Commission a conclu que le requérant n'avait pas donné suffisamment de détails permettant d'établir que les dispositions prises par l'État pour protéger les soldats démobilisés n'avaient pas aidé ceux-ci. Enfin, étant donné qu'aucun détail n'avait été donné au sujet de la protection fournie par l'État en pareil cas, la Commission n'a pas pu déterminer si de fait l'État s'était sérieusement efforcé de protéger ces particuliers. Je ne puis reconnaître que la Commission ait commis une erreur en tirant ces conclusions, compte tenu en particulier du fait qu'il est bien établi que l'appréciation de la preuve relève entièrement de son champ de compétence.

[9]      Dans ce contexte, je ne puis conclure que la conclusion tirée par la Commission, à savoir que le requérant aurait dû demander la protection de l'État, était déraisonnable compte tenu de la preuve dans son ensemble.

[10]      Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                        Yvon Pinard

                                 Juge

Ottawa (Ontario),

le 23 décembre 1997

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      IMM-921-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      WILLIANS ALEXANDER RODAS BONILLA c.

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

    

LIEU DE L'AUDIENCE :      VANCOUVER

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 10 DÉCEMBRE 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Pinard en date du 23 décembre 1997

ONT COMPARU :

BLAKE HOBSON      POUR LE REQUÉRANT

BRENDA CARBONELL      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

BLAKE HOBSON      POUR LE REQUÉRANT

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

George Thomson      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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