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     T-2873-96

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 11 AVRIL 1997

EN PRÉSENCE DU JUGE MARC NADON

ENTRE :

     DOMTAR INC.,

     demanderesse,

                         - et -

                 LINEAS DE NAVIGATION GEMA S.A.,

     - et -

     POSEIDON NAVIERA,

     - et -

     ADECON SHIPPING INC.,

     - et -

     LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT

     UN DROIT SUR LE NAVIRE PINE ISLANDS

     - et -

     LE NAVIRE PINE ISLANDS,

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     La requête des propriétaires du navire est rejetée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

                             MARC NADON

                                 Juge
Traduction certifiée conforme :     
                     Laurier Parenteau

     T-2873-96

ENTRE :

                 DOMTAR INC.,

     demanderesse,

                         - et -

                 LINEAS DE NAVIGATION GEMA S.A.,

     - et -

     POSEIDON NAVIERA,

     - et -

     ADECON SHIPPING INC.,

     - et -

     LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT

     UN DROIT SUR LE NAVIRE PINE ISLANDS

     - et -

     LE NAVIRE PINE ISLANDS,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

     Dans leur requête, les propriétaires du navire PINE ISLANDS (" les propriétaires du navire ") me demandent d'annuler la saisie de leur navire et de radier la partie in rem de la déclaration de la demanderesse parce que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action in rem et constitue par ailleurs un emploi abusif des procédures de la Cour.

     À l'appui de la requête, les propriétaires du navire ont déposé l'affidavit de Glen W. Lewis, associé chez Lewis & Clark Shipping Limited, courtier maritime qui, à toutes les époques pertinentes en l'espèce, représentait la défenderesse Adecon Shipping Inc. (" Adecon ").


     Essentiellement, l'affidavit de M. Lewis atteste qu'il était employé par la défenderesse Adecon pour mener les négociations qui ont abouti à un contrat d'engagement de fret, conclu à Montréal, le 17 octobre 1996, entre Adecon et la demanderesse. Prenant appui sur cette preuve, les propriétaires du navire font valoir que leur navire ne devrait pas être saisi pour violation du contrat d'engagement de fret parce qu'ils n'étaient pas et ne sont pas partie à ce contrat. Ils soulignent que la défenderesse Adecon a reconnu dans sa défense qu'elle était partie à ce contrat avec la demanderesse et que, advenant une responsabilité entraînée par ce contrat, ce serait Adecon la responsable.

     La requête des propriétaires du navire est fondée sur les Règles 341 et 419 des Règles de la Cour fédérale, dont voici le texte :

         341. Une partie peut, à tout stade d'une procédure, demander un jugement sur toute question                 
             a) après une admission faite dans les plaidoiries ou d'autres documents déposés à la Cour, ou faite au cours de l'interrogatoire d'une autre partie, ou                 
             b) au sujet de laquelle la seule preuve est constituée par des documents et les affidavits qui sont nécessaires pour prouver la signature ou l'authenticité de ces documents,                 
         sans attendre le jugement de tout autre point litigieux entre les parties.                 
         419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie avec ou sans permission d'amendement, au motif                 
             a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de défense, selon le cas,                 
             b) qu'elle n'est pas essentielle ou qu'elle est redondante,                 
             c) qu'elle est scandaleuse, futile ou vexatoire,                 
             d) qu'elle peut causer préjudice, gêner ou retarder l'instruction équitable de l'action,                 
             e) qu'elle constitue une déviation d'une plaidoirie antérieure, ou                 
             f) qu'elle constitue par ailleurs un emploi abusif des procédures de la Cour,                 
         et elle peut ordonner que l'action soit suspendue ou rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence.                 
         (2) Aucune preuve n'est admissible sur une demande aux termes de l'alinéa (1)a).                 
         (3) Dans la présente Règle, " déviation " signifie ce qui est interdit par la Règle 411.                 

     Le premier motif avancé par les propriétaires du navire est que la déclaration de la demanderesse, dans sa version modifiée, ne révèle aucune cause raisonnable d'action in rem. Dans la mesure où les propriétaires du navire invoquent la Règle 419(1)a), la requête doit échouer. Il est maintenant établi que la présente Cour ne radiera les plaidoiries que dans des cas clairs et évidents. En l'espèce, il n'est pas " clair et évident " que la demanderesse ne peut avoir gain de cause dans l'action in rem qu'elle a intentée aux défendeurs.

     Dans sa déclaration modifiée, la demanderesse prétend que les défendeurs, les propriétaires du navire y compris, se sont engagés à transporter leur cargaison de Ste-Catherine, au Québec, à Bandar Abbas, en Iran, avant la fin de décembre 1996. Plus précisément, elle fait les allégations suivantes aux paragraphes 2, 7 et 8 de sa déclaration modifiée :

         [TRADUCTION]
         2.      À toutes les époques pertinentes, les défendeurs étaient les propriétaires et/ou les affréteurs et/ou des parties ayant un droit sur le navire PINE ISLANDS qui s'étaient engagés à transporter la cargaison de Ste-Catherine à Bandar Abbas avant la fin de décembre 1996.                 
         7.      Les défendeurs ont violé la note d'embarquement du navire et le contrat de transport et sont incapables de transporter la cargaison de Ste-Catherine à Bandar Abbas.                 
         8.      Les défendeurs sont par ailleurs négligents et responsables envers la demanderesse en délit civil puisqu'ils ont fourni un navire innavigable et impropre à la navigation dans les eaux canadiennes et au transport de la cargaison.                 

     Il ne fait aucun doute que la demanderesse pourrait, et aurait probablement dû, fournir plus de précisions au sujet de la question soulevée dans les paragraphes précités de sa déclaration. Cependant, c'est là une toute autre question. En tout état de cause, je ne suis pas en position de conclure qu'elle ne peut avoir gain de cause dans l'action qu'elle a intentée aux défendeurs in rem puisqu'elle prétend que les propriétaires du navire PINE ISLANDS étaient partie au contrat conclu le 17 octobre 1996.


     Bien que des affidavits aient été déposés à la fois par les propriétaires du navire et par la demanderesse, pour les fins de la Règle 419a), je n'ai pas examiné ces éléments de preuve, car la Règle 419(2) m'en empêche.

     Les propriétaires du navire invoquent également la Règle 419(1)c); celle-ci permet à la Cour de radier les plaidoiries si elle est d'avis qu'elles sont scandaleuses, futiles ou vexatoires. Contrairement à la position qu'il est permis d'adopter eu égard à la Règle 419(1)a), il est loisible aux parties de produire des éléments de preuve par voie d'affidavit si la requête repose sur la Règle 419(1)c). Il va sans dire que les parties ont alors le droit de procéder à un contre-interrogatoire se rapportant aux affidavits.

     Comme je l'ai indiqué précédemment, les propriétaires du navire s'appuient sur l'affidavit de Glen Lewis selon lequel le contrat d'engagement de fret du 17 octobre 1996 a été conclu par la défenderesse Adecon. En conséquence, Me De Man prétend, au nom des propriétaires du navire, qu'il n'existe aucune cause d'action contre ses clients et que la saisie du PINE ISLANDS et la partie in rem de la déclaration devraient être annulées.

     La demanderesse s'appuie sur l'affidavit de Denis P. Gillespie, qui est le vice-président chargé des ventes de cartons-caisses chez Domtar Inc. Les paragraphes 12 à 19 de l'affidavit de M. Gillespie sont pertinents; les voici :

         [TRADUCTION]                 
         12.      Pour faire suite au contrat d'affrètement dans lequel le M.V. ALIMONOS [sic] a été désigné, Lewis & Clark a avisé OIT le 18 octobre que le navire M.V. LOTUS ISLANDS transporterait la cargaison. Lorsqu'il est apparu que ce navire n'était pas disponible, le M.V. ALIMONOS [sic] a été désigné de nouveau. Toutefois, le 30 octobre, Lewis & Clark a avisé OIT que le M.V. ALIMONOS [sic] n'avait pas encore été libéré de son affrètement antérieur, comme l'atteste la copie de diverses télécopies envoyées par Lewis & Clark à OIT et produites en l'espèce à titre de pièce " C " du présent affidavit.                 
         13.      Le 8 novembre 1996, la requérante Poseidon Naviera a envoyé une télécopie directement à OIT indiquant que le M.V. ALAMINOS (qui, incidemment, semble être le nom exact du navire appelé précédemment " ALIMONOS " ) avait été désigné pour transporter une autre cargaison et ne serait donc pas disponible pour transporter la cargaison. La télécopie ajoutait que la défenderesse Adecon tentait de retenir les services d'un autre navire. La télécopie, dont copie est produite en tant que pièce " D " du présent affidavit, a donné l'impression qu'Adecon et les requérants avaient un lien étroit et qu'ils agissaient ensemble dans cette affaire.                 
         14.      Puisque les défendeurs ne pouvaient pas transporter la cargaison à la date prévue, elle a été jointe à un autre chargement destiné à l'Iran pour en faire une expédition totale d'environ 3 600 tonnes métriques;                 
         15.      Le 11 novembre, Lewis & Clark a avisé OIT que le navire M.V. PINE ISLANDS pourrait être disponible pour transporter la cargaison. Le navire a été accepté par OIT le 12 novembre et la confirmation de la désignation a été reçue de Lewis & Clark le 15 novembre. Lewis & Clark a ajouté que le navire arriverait à Côte Ste-Catherine à la fin de novembre, comme l'atteste la copie d'un échange de télécopies produites en l'espèce en tant que pièce " E " du présent affidavit.                 
         16.      Le navire a été apparemment retardé et Lewis & Clark a laissé entendre que le M.V. EAST ISLANDS pourrait être mis à la disposition de Domtar à la place du M.V. PINE ISLANDS. Finalement, et après d'autres retards, Lewis & Clark a désigné de nouveau le M.V. PINE ISLANDS le 15 décembre et a fait savoir que le navire était attendu à Montréal le 18 décembre 1996, comme l'atteste la copie d'un échange de télécopies produites en l'espèce en tant que pièce " F " du présent affidavit.                 
         17.      Il y a lieu de remarquer que tous les navires désignés pour transporter la cargaison étaient la propriété et/ou sous le contrôle des requérants, comme l'attestent les extraits du Lloyd's List of Shipowners et du Register of Ships produits en l'espèce en tant que pièce " G " du présent affidavit.                 
         18.      Le 20 novembre 1996, OIT a écrit à Lewis & Clark pour indiquer que la lettre de crédit souscrite par le client de Domtar en Iran allait devenir caduque et devait être prorogée. Craignant que, devant les retards occasionnés jusqu'alors, son client en Iran refuserait de proroger la lettre de crédit, Domtar a informé les requérants qu'il était essentiel que le navire arrive comme prévu, car elle ne voulait pas se trouver obligée d'informer son client qu'il n'y aurait pas de chargement encore une fois, comme l'atteste une copie de la télécopie du 20 novembre produite en tant que pièce " H " du présent affidavit.                 
         19.      Dans sa réponse par télécopieur à OIT le 5 décembre, Lewis & Clark a indiqué que les " propriétaires principaux " étaient conscients du problème que présentait pour Domtar la lettre de crédit, comme l'atteste cette télécopie, dont copie est produite en l'espèce en tant que pièce " I " du présent affidavit. Puisque la conversation citée dans cette télécopie utilise le terme " propriétaires principaux " au lieu de " propriétaires " il y a lieu de croire que les requérants étaient conscients des difficultés que posait la lettre de crédit et dont il est fait mention dans la pièce H.                 

     Bref, la position de la demanderesse à l'encontre des propriétaires du navire est que la défenderesse Adecon et les propriétaires du navire [TRADUCTION] " avaient un lien étroit et qu'ils agissaient ensemble dans cette affaire ". De plus, au paragraphe 17 de son affidavit, M. Gillespie fait remarquer que tous les navires désignés par Adecon pour transporter leur cargaison étaient la propriété ou sous le contrôle des mêmes propriétaires. Le Lloyd's Register of Shipping révèle que les navires désignés par Adecon, à l'exception du MANLEY APPELDORE, étaient gérés par la défenderesse Poseidon Naviera pour le compte des compagnies propriétaires de chacun des navires.

     Pour récapituler l'historique de ce dossier, le contrat d'engagement de fret en date du 17 octobre 1996 indique à la case 5 que le navire ALAMINOS ou un navire semblable transporterait la cargaison de la demanderesse. Le 18 octobre 1996, Lewis & Clark a informé Ocean International, la courtière de la demanderesse, que le navire désigné était maintenant le LOTUS ISLANDS, construit en 1983 comme navire-jumeau du SOUTH ISLANDS dont les caractéristiques étaient annexées à la télécopie. Le 22 octobre 1996, Lewis & Clark a avisé Ocean International que l'ALAMINOS avait été désigné de nouveau pour transporter la cargaison de Domtar. Le 8 novembre 1996, la défenderesse Poseidon Naviera a informé l'acheteur de la cargaison de Domtar, Lanhope Limited, de Londres, en Angleterre, que l'ALAMINOS ne pourrait pas transporter la cargaison parce qu'il avait été désigné pour transporter " une cargaison d'État ". Le 11 novembre 1996, Lewis & Clark a avisé Ocean International qu'Adecon avait maintenant désigné le PINE ISLANDS. Le 20 novembre 1996, elle l'a informée qu'elle avait été avisée par les " propriétaires principaux " que le PINE ISLANDS [TRADUCTION] " devrait mouiller à la fin de la semaine ou au cours du week-end, le navire devant être réparé avant le voyage ". Le 26 novembre 1996, elle l'a avisée que le navire EAST ISLANDS [TRADUCTION] " avait reçu instruction de partir et nous prévoyons que le navire quittera Cuba demain dans l'après-midi ". Le 30 novembre 1996, Poseidon Naviera a avisé la défenderesse Adecon que le EAST ISLANDS avait subi des retards en raison de la pluie au port de déchargement et qu'il n'arriverait donc pas à Montréal avant le 10 au 12 décembre 1996. Le 5 décembre 1996, Lewis et Clark a avisé Ocean International qu'elle avait été informée par les " propriétaires principaux " que le EAST ISLANDS ne pourrait pas arriver à Montréal avant la fermeture de la voie maritime. Enfin, le 15 décembre 1996, elle l'a avisée que le PINE ISLANDS avait été désigné de nouveau pour transporter la cargaison de Domtar en Iran.

     En raison de tous ces retards, la demanderesse a intenté des poursuites judiciaires aux défendeurs le 30 décembre 1996. Ce jour-là, un mandat de saisie a été décerné contre le PINE ISLANDS à Halifax, à la demande de Domtar Inc. Le 3 janvier 1997, la demanderesse a déposé une déclaration in rem et in personam modifiée. Le 8 janvier 1997, le PINE ISLANDS a été saisi.

     Dans ces circonstances, les propriétaires du navire prétendent que la saisie de leur navire devrait être annulée puisqu'aucune cause d'action n'existe contre eux. Ils prétendent, en outre, que le contrat d'engagement de fret intervenu le 17 octobre 1996 a été conclu entre la demanderesse et la défenderesse Adecon seulement. En conséquence, si une responsabilité est créée par ce contrat, c'est celle d'Adecon. À l'appui de cette proposition, Me De Man m'a renvoyé à la décision que j'ai rendue dans l'affaire Alcan Aluminium Limited et al. c. Unican International S.A. et al. (1996), 113 F.T.R. 81. Dans cette affaire, j'ai rejeté l'action que la partie demanderesse-expéditrice avait formée contre les propriétaires d'un navire pour le motif qu'ils n'étaient pas partie au contrat d'engagement de fret conclu par la demanderesse et l'affréteur à temps du navire.

     Je signale immédiatement que la décision que j'ai rendue dans l'affaire Alcan a suivi un procès qui a duré deux semaines environ. J'ai conclu, au vu des faits dans cette affaire, que le contrat d'engagement de fret avait été conclu par les affréteurs à temps uniquement pour leur compte. En l'espèce, je n'ai évidemment pas eu le bénéfice d'entendre les témoins, si on exclut les affidavits de MM. Gillespie et Lewis.

     Me De Man soutient qu'il n'existe aucune distinction importante entre la présente affaire et les faits de l'affaire Alcan. Je ne suis pas d'accord. À la lecture de l'affidavit de M. Gillespie et de la transcription de son interrogatoire, je ne peux conclure que l'argument de la demanderesse selon lequel Adecon agissait pour le compte des propriétaires du navire ou participait à une entreprise conjointe avec eux est tel qu'il n'y a pas matière à procès. D'abord, il est un peu surprenant de constater que la plupart des navires désignés par Adecon étaient des navires gérés par Poseidon Naviera. Ensuite, au paragraphe 8 de son affidavit, M. Lewis mentionne les arrangements relatifs à l'affrètement qu'ont pris Adecon et Poseidon Naviera. Selon la pièce " C " jointe à l'affidavit de M. Lewis, la télécopie datée du 19 décembre 1996 envoyée par Adecon à Poseidon Naviera, Adecon aurait affrété le PINE ISLANDS sur la base d'une charte-partie Gencon [TRADUCTION] " convenablement modifiée ". Le 7 février 1997, les avocats de la demanderesse ont écrit aux avocats des propriétaires du navire pour obtenir copie de la charte-partie pertinente. Par la suite, ils ont été informés par les avocats des propriétaires du navire que la charte-partie en question n'existait pas puisqu'elle n'avait jamais été rédigée ni signée.

     L'ensemble de la preuve m'amène à conclure qu'il existe des questions légitimes justifiant la tenue d'un procès. Ce n'est pas évident, contrairement à ce que prétend Me De Man, que les propriétaires du navire ne sont pas contractuellement responsables envers la demanderesse. Ces circonstances pourraient également donner lieu à une responsabilité délictuelle. Évidemment, je ne tire aucune conclusion de fait ni de droit; à tout le moins, je dis que l'instance introduite par la demanderesse n'est pas scandaleuse, futile ou vexatoire.

     À l'appui de leur requête, les propriétaires du navire invoquent aussi la Règle 341. À mon avis, ils ne peuvent réussir à ce titre. Dans la décision Thomas Fuller Construction Co., (1958) Ltd. c. Canada, [1992] 3 C.F. 797, à la page 798, le juge Marceau, de la Cour d'appel fédérale, s'est exprimé comme suit concernant l'application de cette Règle :

         [...] Et la Règle 341b) qui permet un jugement sur toute question au sujet de laquelle la preuve est constituée par des documents ne s'appliquait plus, puisque la Cour a statué à maintes reprises qu'il importe, en vue d'un jugement sous le régime de cette Règle, qu'aucun fait pertinent ne soit contesté et que la loi soit si claire qu'il n'y ait pas lieu à procès [...]                 

     Dans l'affaire R. c. Gary Bowl Ltd., [1974] 2 C.F. 146, le juge en chef Thurlow, rédigeant le jugement de la Cour d'appel, a expliqué le sens de la Règle 341, aux pages 148 et 149 :

         Comme l'indiquent, me semble-t-il, les passages que j'ai cités, la Règle se limite aux situations où, par suite des admissions etc., il n'y a aucune controverse quant à l'action prise globalement ou quant à l'une de ses parties. Même lorsque tous les faits nécessaires ont été admis, mais que leurs conséquences juridiques sont toujours controversées, la Règle n'est pas applicable si la question de droit est importante ou assez défendable. On ne peut valablement invoquer la Règle, telle que je la conçois, au lieu de soumettre à la Cour un point de droit soulevé par les plaidoiries, qu'il soit tranché avant le procès en vertu de la Règle 474. Aux termes de cette Règle, il appartient à la Cour de décider si l'on doit statuer avant le procès sur un point de droit sujet à controverse et les parties n'ont pas le droit de tourner l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire en présentant une requête visant l'obtention d'un jugement fondé sur les admissions pour que le point de droit soit débattu et tranché à l'audition de cette requête. D'autre part, lorsque les faits pertinents sont clairement admis et que les conséquences de l'application de la loi aux faits ne font pas de doute, de sorte qu'un demandeur a manifestement droit ex debito justitiae au redressement qu'il réclame dans l'action ou qu'un défendeur a droit à un jugement rejetant l'action intentée contre lui, selon le cas, une requête en vertu de la Règle 341 est la façon appropriée d'obtenir un tel redressement immédiatement plutôt qu'un procès qui ne changerait rien au résultat.                 

     Compte tenu de ce que j'ai dit précédemment concernant la Règle 419, il est évident que les propriétaires du navire, sur la foi d'une interprétation exacte de la Règle 341, ne peuvent avoir gain de cause. Pour ces motifs, leur requête est rejetée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

                             MARC NADON

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 11 avril 1997

Traduction certifiée conforme :     
                         Laurier Parenteau

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     T-2873-96

Entre :

DOMTAR INC.,

     demanderesse,

- et -

LINEAS DE NAVIGATION GEMA S.A.,

- et -

POSEIDON NAVIERA,

- et -

ADECON SHIPPING INC.,

- et -

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE PINE ISLANDS

- et -

LE NAVIRE PINE ISLANDS,

     défendeurs.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              T-2873-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          DOMTAR INC.,
                             - et -
                         LINEAS DE NAVIGATION GEMA S.A. ET AUTRES
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 17 MARS 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :              MONTRÉAL (QUÉBEC)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE NADON

EN DATE DU 11 AVRIL 1997

ONT COMPARU :

JEAN-FRANÇOIS BILODEAU              POUR LA DEMANDERESSE
MARC DE MAN                      POUR LES DÉFENDEURS
                             LE NAVIRE PINE ISLANDS, LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE PINE ISLANDS, NAVIERA POSEIDON ET LINEAS DE NAVIGATION GEMA S.A.
PETER JONES                      POUR LA DÉFENDERESSE
                             ADECON SHIPPING INC.

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

SPROULE, CASTONGUAY, POLLACK

MONTRÉAL (QUÉBEC)                  POUR LA DEMANDERESSE
GOTTLIEB & PEARSON                  POUR LES DÉFENDEURS
MONTRÉAL (QUÉBEC)                  LE NAVIRE PINE ISLANDS, LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE PINE ISLANDS, NAVIERA POSEIDON ET LINEAS DE NAVIGATION GEMA S.A.
PATERSON, MACDOUGALL              POUR LA DÉFENDERESSE
TORONTO (ONTARIO)                  ADECON SHIPPING INC.
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