Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030331

Dossier : IMM-5547-01

Référence : 2003 CFPI 378

ENTRE :

                                                                 MOUNG SUN LIM

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                           ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLANCHARD

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire concernant la décision de l'agente d'immigration désignée Hafterson (l'agente) rendue le 29 octobre 2001, par laquelle la demande de résidence permanente de M. Moung Sun Lim a été refusée. Le refus se fondait sur la conclusion que la fille du demandeur n'était pas admissible pour des raisons médicales en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi). Le demandeur recherche une ordonnance annulant la décision de l'agente, un bref de mandamus ordonnant au défendeur de traiter sa demande de résidence permanente, ainsi qu'un jugement déclaratoire attestant qu'il a respecté les exigences de la Loi, ainsi que l'adjudication des dépens en sa faveur.


LES FAITS

[2]                 Le demandeur est Coréen. En novembre 1999, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada dan la catégorie des « entrepreneurs » . Sa demande a été refusée dans une lettre en date du 29 octobre 2001, au motif que sa fille, Ji Hyun, n'était pas admissible en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi pour des raisons d'ordre médical. L'agente a déterminé que l'admission de Ji Hyun au Canada risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

[3]                 Ji Hyun est née en 1992. Elle a une fente palatine doublée d'une fissure labiale. Elle a subi quatre opérations depuis sa naissance pour corriger ces difformités.

[4]                 Dans le cadre de la demande d'admission, Ji Hyun a subi des tests médicaux le 1er novembre 2000, en Corée. Le demandeur a en suite reçu une « lettre d'équité » en date du 15 décembre 2000 l'invitant à fournir d'autres preuves concernant l'état de santé de sa fille. En réponse, il a déposé d'autres lettres et rapports médicaux, y compris une évaluation du Dr Roger Freeman.


[5]                 Le demandeur déclare que sa fille n'a pas de retard de développement ni de handicap mental, bien qu'elle ait peur des médecins et qu'elle soit timide en société, à cause de son préjudice esthétique. Il déclare qu'elle n'aura vraisemblablement pas besoin d'autres opérations ni d'autres soins médicaux, à l'exception de certains travaux d'orthodontie et de services d'orthophonie qui ne sont pas, d'après la preuve, couverts par le régime de santé de la Colombie-Britannique.

LA DÉCISION DE L'AGENTE

[6]                 La lettre de l'agente en date du 29 octobre 2001 déclarait que la fille du demandeur, Ji Hyun, n'était pas admissible pour des raisons d'ordre médical, ce qui la classait dans la catégorie des personnes visées à l'alinéa 19(1)a), parce qu'elle souffre d'un retard de développement. L'agente poursuivait dans ces mots :

[TRADUCTION]

En raison de la nature, de la gravité ou de la durée probable de cet état, de l'avis d'un médecin agréé auquel a souscrit au moins un autre médecin agréé, son admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

[7]                 L'agente joignait à sa lettre une copie de l'avis médical et du diagnostic de Dr Saint-Germain, revus par Dr Waddell, tous deux de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC).

[8]                 Dr Saint-Germain concluait que Ji Hyun accuse un retard dans les « grandes étapes de son développement » , et qu'à l'âge de huit ans elle a la capacité mentale d'un enfant de six ans. Il dit qu'elle est passive, renfermée, angoissée, qu'elle manque d'aptitudes à communiquer et que ses réponses sont inappropriées. Les tests psychométriques révèlent un fonctionnement intellectuel limite. Dr Saint-Germain conclut en ces mots :


Si elle est admise au Canada, [Ji Hyun] et les membres de la famille qui lui viennent en aide, auront droit à toute une gamme de services sociaux dont ils auront probablement besoin, par exemple des services d'orthophonie, d'éducation spéciale, de formation permanente pour améliorer ses habiletés nécessaires à la vie quotidienne, des services de soutien pour un meilleur mode de vie afin de lui permettre de demeurer en permanence avec ses parents ou d'habiter seule, des services de relève pour ses parents et finalement des services de formation professionnelle. D'après les rapports du ministère, ces services sont onéreux et coûtent beaucoup plus que le montant annuel qui est dépensé pour un Canadien moyen. En raison des services dont elle aura vraisemblablement besoin au point de vue social et éducatif, l'admission de la requérante entraînerait ou risquerait vraisemblablement d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux. Par conséquent, elle est réputée non admissible en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration.

LA QUESTION EN LITIGE

[9]                 L'agente des visas a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait en refusant la demande du demandeur au motif que l'admission de sa fille à charge entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé au Canada?

LA NORME DE PREUVE

[10]            La norme de preuve applicable à la décision d'un agent des visas a récemment fait l'objet d'observations de la part de la Cour d'appel fédérale dans Jang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 312, [2001] A.C.F. no 1575 (QL). Le juge Malone a déclaré ceci au paragraphe 12 :

Les demandes d'admission au Canada à titre d'immigrant sont assujetties à la décision discrétionnaire d'un agent des visas qui doit tenir compte de certains critères prévus par la loi pour prendre sa décision. Lorsque ce pouvoir conféré par la loi a été exercé de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle et que la décision n'a pas été fondée sur des considérations non pertinentes ou étrangères à l'objet de la législation, les tribunaux ne devraient pas intervenir (Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, pages 7 et 8; To c. Canada, [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.)).


[11]            Dans la décision Dev. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 536, [2002] A.C.F. no 686 (QL), le juge Dawson a fait observer que la jurisprudence était un peu contradictoire sur la norme de contrôle appropriée. Elle déclare ceci au paragraphe 9 :

Il semble bien que la Cour suprême du Canada ait fait disparaître les doutes concernant la pertinence de l'arrêt Maple Lodge, supra, après l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, lorsqu'elle a prononcé l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 1, dans lequel elle a écrit au paragraphe 37 :

[...] Cet arrêt (Baker) n'a pas pour effet d'autoriser les tribunaux siégeant en révision de décisions de nature discrétionnaire à utiliser un nouveau processus d'évaluation, mais il repose plutôt sur une jurisprudence établie concernant l'omission d'un délégataire du ministre de prendre en considération et d'évaluer des restrictions tacites ou des facteurs manifestement pertinents.

[12]            Je suis convaincu que la norme de contrôle applicable est celle qui a été énoncée par la Cour d'appel dans l'arrêt Jang précité. J'examinerai la décision de l'agente afin de déterminer si cette décision a été prise de bonne foi, conformément aux principes de justice naturelle et m'assurer qu'elle n'est pas fondée sur des considérations non pertinentes.

LE CADRE LÉGISLATIF

[13]            Le paragraphe 19 de la Loi stipule ce qui suit :


19. (1) Personnes non admissibles - Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

19. (1) Inadmissible persons - No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:


a) celles qui souffrent d'une maladie ou d'une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut :

...

(a) persons, who are suffering from any disease, disorder, disability or other health impairment as a result of the nature, severity or probable duration of which, in the opinion of a medical officer concurred in by at least one other medical officer,

...

(ii) soit que leur admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;

(ii) their admission would cause or might reasonably be expected to cause excessive demands on health or social services;


Le paragraphe 22(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement) est rédigé dans les termes suivants :


Afin de pouvoir déterminer si une personne constitue ou est susceptible de constituer un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou si l'admission d'une personne entraînerait ou pourrait entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé, un médecin doit tenir compte des facteurs suivants, en fonction de la nature, de la gravité ou de la durée probable de la maladie, du trouble, de l'invalidité ou de toute autre incapacité pour raison de santé dont souffre la personne en question, à savoir :

For the purpose of determining whether any person is or is likely to be a danger to public health or to public safety or whether the admission of any person would cause or might reasonably be expected to cause excessive demands on health or social services, the following factors shall be considered by a medical officer in relation to the nature, severity or probable duration of any disease, disorder, disability or other health impairment from which the person is suffering, namely,

a) tout rapport ayant trait à la personne en question rédigé par un médecin;

(a) any reports made by a medical practitioner with respect to the person;

b) la mesure dans laquelle la maladie, le trouble, l'invalidité ou toute autre incapacité pour raison de santé est contagieux;

(b) the degree to which the disease, disorder, disability or other impairment may be communicated to other persons;

c) si la surveillance médicale est exigée pour des raisons de santé publique;

(c) whether medical surveillance is required for reasons of public health;

d) si l'incapacité soudaine ou imprévisible ou un comportement inhabituel peut constituer un danger pour la sécurité publique;

(d) whether sudden incapacity or unpredictable or unusual behaviour may create a danger to public safety;

e) si la prestation de services sociaux ou de santé dont cette personne peut avoir besoin au Canada est limitée au point

(e) whether the supply of health or social services that the person may require in Canada is limited to such an extent that

(i) qu'il y a tout lieu de croire que l'utilisation de ces services par cette personne pourrait empêcher ou retarder la prestation des services en question aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents, ou

(i) the use of such services by the person might reasonably be expected to prevent or delay provision of those services to Canadian citizens or permanent residents, or

(ii) qu'il est possible qu'on ne puisse offrir ces services ou que ceux-ci ne soient pas accessibles à la personne visée;

(ii) the use of such services may not be available or accessible to the person;


f) si des soins médicaux ou l'hospitalisation s'impose;

(f) whether medical care or hospitalization is required;         g) si l'employabilité ou la productivité éventuelle de l'intéressé est compromise; et

(g) whether potential employability or productivity is affected; and

h) si un traitement médical prompt et efficace peut être fourni.

(h) whether prompt and effective medical treatment can be provided.


Le paragraphe 114(1) de la Loi stipule ce qui suit :


114. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

...

114. (1) The Governor in Council may make regulations

...

m) établir des critères permettant de déterminer si une personne constitue ou constituera vraisemblablement, pour des raisons d'ordre médical, un danger pour la santé ou la sécurité publiques;

(m) prescribing the factors to be considered in determining whether, for medical reasons, any person is or is likely to be a danger to public health or to public safety;


ANALYSE

[14]            La Cour d'appel fédérale a examiné le sens de l'expression « fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé » dans l'arrêt Deol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 271, [2002] A.C.F. no 949 (QL). Au paragraphe 20, le juge Evans a noté que la jurisprudence de cette Cour laisse entendre que le coût et la disponibilité des services sont des facteurs déterminants pour déterminer s'il existe un fardeau excessif, et que le dossier doit démontrer que le médecin a examiné des éléments de preuve se rapportant à ces deux facteurs. Toutefois, il a déclaré que le coût seul peut constituer un « fardeau excessif » , au sens du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi. En outre, il déclare ceci au paragraphe 24 :

[...] il serait irréaliste de dissocier les coûts de la disponibilité. Si un nombre suffisant de personnes nécessitent des services de santé qui coûtent cher mais qui font l'objet d'une faible demande, il se peut qu'on doive réaffecter des ressources déjà consacrées à d'autres services pour lesquels la demande est plus élevée, créant ou allongeant ainsi la liste d'attente pour ces services. Il est également possible qu'une demande accrue pour un service déterminé empêche la redistribution de ressources en faveur de services pour lesquels il existe une pénurie.


[15]            Au paragraphe 30 de ses motifs dans l'arrêt Deol, précité, le juge Evans a souscrit à une décision antérieure de la Section de première instance dans laquelle il avait été jugé que l'expression « fardeau excessif » pour les services sociaux ou de santé désignait « un fardeau supérieur à la normale, pourvu que l'écart avec la normale soit significatif. Pour déterminer ce qui constitue un écart « significatif » dans ce contexte, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce » .

[16]            Dans la décision Poon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2000) 198 F.T.R. 56, [2000] A.C.F. no 1993, le juge Pelletier a cité un extrait de la décision Ma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1998), 140 F.T.R. 311, [1998] A.C.F. no 27, en notant qu'il n'est pas loisible à la Cour fédérale de revoir les avis donnés par des experts médicaux, mais qu'elle peut modifier leurs avis sur la question du fardeau excessif lorsqu'il y a des incohérences ou des contradictions, ou que ces avis ne sont pas appuyés par la preuve.

[17]            Dans la décision Poon, précitée, le juge Pelletier a infirmé la décision d'une agente des visas, en concluant qu'elle avait fondé sa décision sur un avis médical erroné. Le médecin avait décidé que le coût des services sociaux requis serait « très élevé » pour l'enfant d'un demandeur qui souffrait d'un léger retard mental. Le juge Pelletier a statué que cette conclusion se fondait sur des éléments de preuve incomplets.


[18]            Dans la décision Tong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1998) 153 F.T.R. 115, [1998] A.C.F. no 1397 (QL), le juge Gibson a statué, au paragraphe 10, que les décisions des médecins peuvent être contrôlées lorsque « l'avis [est] fondé sur une erreur de fait manifestement déraisonnable ou [qu'il est] inconsistant, incohérent ou formé en contravention des principes de justice naturelle » . Il a conclu que l'avis médical n'a pas été valablement formé car « il n'était pas fondé sur l'examen de l'ensemble de la preuve relative aux circonstances personnelles du demandeur et de sa famille » .

[19]            En l'espèce, les médecins agréés avaient en main des documents concernant la disponibilité des services sociaux dont aurait besoin l'enfant, en plus du « Rapport sur l'état des retards de développement » préparé par le ministère. Ils ont conclu qu'il y avait suffisamment d'information pour appuyer leur opinion concernant le fardeau excessif.

[20]            Dans le formulaire d'avis médical, le médecin a indiqué que Ji Hyun aurait probablement besoin des services suivants :

[TRADUCTION]

Toute une gamme de services sociaux [...] dont ils auront probablement besoin, par exemple des services d'orthophonie, d'éducation spéciale, de formation permanente pour améliorer ses habiletés nécessaires à la vie quotidienne, des services de soutien pour un meilleur mode de vie afin de lui permettre de demeurer en permanence avec ses parents ou d'habiter seule, des services de relève pour ses parents et finalement des services de formation professionnelle. D'après les rapports du ministère, ces services sont onéreux et coûtent beaucoup plus que le montant annuel qui est dépensé pour un Canadien moyen. En raison des services dont elle aura vraisemblablement besoin au point de vue social et éducatif, l'admission de la requérante entraînerait ou risquerait vraisemblablement d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux. [Non souligné dans l'original.]

[21]            Dans l'affidavit de Dr Waddell, celui-ci déclare ce qui suit à la page 6 :

[TRADUCTION]


C'est la combinaison de services d'éducation spéciale pour les enfants ayant une intelligence normale lente et de services d'orthophonie pour une incapacité physique grave qui nous a menés à la conclusion que cette jeune fille n'était pas admissible pour des raisons d'ordre médical parce qu'elle risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux et d'éducation.

[22]            Les médecins se sont appuyés entre autres choses sur le rapport d'expert du psychiatre Pyo Han Kim, daté d'octobre 2000. Un rapport ultérieur, également préparé par Dr Kim, en date du 23 novembre 2000, a fourni au défendeur une évaluation neuropsychiatrique complète de Ji Hyun. Il est utile de reproduire les extraits suivants tels qu'ils sont présentés dans son deuxième rapport :

[TRADUCTION]

·      Degré d'autonomie dont elle est capable, habilités nécessaires à la vie quotidienne et habiletés pratiques (rapports avec les adultes) : elle a certaines difficultés à faire face à des situations complexes et difficiles parce que son QI est inférieur à la moyenne, mais actuellement, elle performe bien à l'école et dans ses activités générales sans l'aide de ses parents ou des adultes..

·      Problèmes neuro-comportementaux (tempérament, emportements, comportements autistes, attaques, etc.) : aucun.

·      Adaptation sociale à la vie au Canada (applicable uniquement si elle vit au Canada) : s/o.


·      Besoins actuels sur le plan de la surveillance continue et de la formation professionnelle spécialisée. A-t-on facilement accès à ces services ou y a-t-il des listes d'attente pour les Canadiens. Quelle est la période d'attente? Quel est le coût des services demandés? (Applicables uniquement si le sujet vit au Canada) : aucun besoin de surveillance continue ou de formation professionnelle spécialisée. Nous croyons qu'elle peut fréquenter l'école primaire normale au Canada.

·      Aptitudes à compter, à gérer de l'argent, à lire ou à écrire : elle peut lire, écrire et faire des calculs simples, mais elle a des difficultés pour les choses compliquées et elle n'a aucune expérience du calcul de l'argent.

·      Orientation dans le temps et l'espace : intacte.

·      Nécessité d'une institutionnalisation, à l'heure actuelle ou dans l'avenir : aucun besoin.

·      Probabilité que la demanderesse sera en mesure de subvenir à ses besoins sans l'aide de sa famille : bien qu'elle ait un QI limite, elle fréquente à l'heure actuelle l'école primaire générale et je pense qu'elle pourra subvenir à ses besoins sans l'aide d'autres personnes si nous continuons de l'aider.

·      Vérification des services spéciaux requis : aucun besoin de service spécifique, mais elle a constamment besoin d'amour et d'encouragement.


·      Physiothérapie (nombre d'heures par semaine) : aucun besoin.

·      Praxithérapie (nombre d'heures par semaine) : aucun besoin.

·      Orthophonie (nombre d'heures par semaine) : aucun besoin.

·      Autres services de thérapie (nombre d'heures par semaine) : elle a besoin d'éducation pour acquérir de la confiance en soi dans sa vie sociale, parce qu'elle a un QI limite, qu'elle est timide et introvertie.

[Non souligné dans l'original]

[23]            Si les médecins se sont appuyés sur l'évaluation de Dr Kim, il est difficile de comprendre comment ils sont arrivés à la conclusion que la fille du demandeur, Ji Hyun, aurait besoin du grand nombre de services sociaux mentionnés dans le diagnostic contenu dans l'avis médical du 5 décembre 2000. Plus précisément, le rapport de Dr Kim déclare qu'elle n'a besoin d'aucun de ces services et qu'elle peut fréquenter [TRADUCTION] « [...] l'école primaire normale au Canada » . Pour ce qui est des autres services thérapeutiques dont elle a besoin, Dr Kim déclare qu'elle a besoin [TRADUCTION] « d'éducation » pour améliorer sa confiance en elle parce qu'elle est timide, introvertie et qu'elle a un QI limite.


[24]            Après avoir examiné cette preuve, j'estime que les médecins ont soit mal interprété le rapport de Dr Kim, soit complètement laissé de côté ce rapport. Je ne peux que conclure que le diagnostic n'est pas appuyé par la preuve et qu'il est donc suspect. L'avis médical n'est pas compatible avec la preuve, reproduite ci-dessus, sur laquelle il est censé se fonder.

[25]            Le demandeur fait également valoir que les profils de coûts sur lesquels se sont appuyés les médecins dans le « Rapport sur l'état des retards de développement » se fondent exclusivement sur les besoins de personnes qui ont un « léger retard mental » . Le demandeur prétend que sa fille n'a pas de retard mental, ce qu'a même concédé Dr Waddell quand il a dit, en contre-interrogatoire, [TRADUCTION] « [...] la jeune fille n'a pas de déficience mentale. Elle a une intelligence inférieure à la moyenne ou limite » . Par conséquent, le demandeur prétend que la preuve sur laquelle Dr Waddell s'est appuyé ne s'applique guère à l'évaluation de Ji Hyun et donc que son avis se fonde sur une preuve non pertinente.

[26]            Il y a une preuve contradictoire concernant le QI de Ji Hyun. Que son QI soit de 70 ou de 79 n'a pas une grande importance. La preuve établit clairement qu'elle a une intelligence limite, mais pas de retard mental. Ce fait n'est pas contesté.


[27]            Le rapport concernant les retards de développement sur lequel s'est appuyé le défendeur et les profils de coûts contenus dans ce rapport indiquent qu'une personne souffrant d'un léger retard mental aura besoin d'une aide spéciale en matière d'éducation et de formation professionnelle. Étant donné que Dr Waddell est d'avis que Ji Hyun n'a pas de déficience mentale, je conclus que le rapport sur les retards de développement n'est pas pertinent à une évaluation du fardeau excessif en l'espèce.

[28]            Le jugement dans Deol, précité, laisse entendre que le dossier doit indiquer que le médecin a examiné une preuve portant sur les coûts et la disponibilité. La jurisprudence exige également que les médecins soient saisis de certains éléments de preuve pertinents au moment de se prononcer sur le fardeau excessif. En l'espèce, le médecin qui a revu la décision s'est appuyé sur des profils de coûts tirés du « Rapport sur l'état des retards de développement » qui analysent essentiellement un état différent de celui de la fille du demandeur et qui est plus grave que le sien. Par conséquent, j'estime que la preuve examinée n'était pas pertinente pour prendre une décision quant à savoir si la fille du demandeur entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

[29]            L'agente des visas a déclaré dans son affidavit qu'elle était convaincue que l'avis médical donné par Dr Saint-Germain, et auquel a souscrit Dr Waddell, était raisonnable. Je conclus que l'avis médical n'a pas tenu compte du rapport de Dr Kim concernant le pronostic au sujet de Ji Hyun et qu'il n'est pas compatible avec la preuve. Je conclus en outre que l'avis médical se fondait sur l'examen d'éléments de preuve non pertinents. L'agente a donc commis une erreur en fondant sa décision sur un rapport médical aussi incomplet.

[30]            Pour les motifs précités, la présente demande de contrôle judiciaire est accordée.


[31]            J'ai demandé aux avocats de signifier et de déposer toutes les observations ayant trait à la certification d'une question grave de portée générale dans un délai de sept (7) jours suivant la réception des présents motifs. Chaque partie aura ensuite une autre période de trois (3) jours pour signifier et déposer toute réponse à la proposition faite par la partie adverse. Après quoi, je rendrai une ordonnance.

                                                                                                                             « Edmond P. Blanchard »             

                                                                                                                                                                 Juge                               

Ottawa (Ontario)

le 31 mars 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-5547-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Moung Sun Lim c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.).

DATE DE L'AUDIENCE :              le 4 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     le juge Blanchard

DATE :                                                  le 31 mars 2003             

COMPARUTIONS :

Peter D. Larlee                                                                               POUR LE DEMANDEUR

Brenda Carbonell                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larlee & Associates                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (C.-B.)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.