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Date : 20030501

Dossier : IMM-3089-03

                                                                                                           Référence : 2003 CFPI 554

Ottawa (Ontario), le 1er mai 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :                                                                                                                

                                                          SAMSON WILLIAMS

                                (alias OLANREWAJU BABATUNDE PETER ILORI)

                                                                                                                                         demandeur

                                                                            et

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi prise contre le demandeur et reçue par celui-ci le 14 avril 2003.

[2]                 Le demandeur demande un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi parce qu'il a fait une demande de réexamen d'une décision d'irrecevabilité relative à une demande d'asile, décision prise par l'agent Censoni le 15 août 2002.


[3]                 L'agent chargé du renvoi a refusé la demande de sursis, et l'agent Censoni a également refusé de réexaminer sa décision du 15 août 2002 à la lumière des faits nouveaux soulevés par le demandeur.

[4]                 La demande de contrôle judiciaire sous-jacente indique que le demandeur cherche à obtenir une autorisation de contrôle judiciaire de la décision de l'agent chargé du renvoi et/ou de la décision de l'agent Censoni de ne pas réexaminer la décision d'irrecevabilité rendue le 15 août 2002, ou de la mesure d'exclusion prise la même date.

[5]                 Les parties s'entendent sur la nécessité de satisfaire au critère à trois volets qui permet de déterminer s'il convient d'accorder une injonction interlocutoire jusqu'à ce que l'affaire soit jugée au fond, comme l'a énoncé la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

[6]                 La question principale dans la présente demande est de savoir si le demandeur a soulevé une question sérieuse lorsqu'il a affirmé qu'indépendamment du paragraphe 99(3) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), l'agent Censoni a le pouvoir de réexaminer sa décision du 15 août 2002 à la lumière des faits nouveaux soulevés.


[7]                 Le paragraphe 99(3) est rédigé comme suit :


Celle de la personne se trouvant au Canada se fait à l'agent et est régie par la présente partie; toutefois la personne visée par une mesure de renvoi n'est pas admise à la faire.

A claim for refugee protection made by a person inside Canada must be made to an officer, may not be made by a person who is subject to a removal order, and is governed by this Part.


[8]                 Le défendeur soutient que l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans Raman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 4 C.F. 140 (qui porte sur le paragraphe 44(1), la disposition qui a précédé le paragraphe 99(3) et qui se trouve dans l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2), régit clairement la situation en l'espèce et empêche le demandeur de faire réexaminer sa demande d'asile parce qu'une mesure de renvoi a été prise contre lui.

[9]                 Le demandeur prétend que la question de savoir si le paragraphe 99(3) empêche un réexamen de son dossier est à tout le moins une question sérieuse, et il soulève également diverses questions en ce qui a trait au refus de l'agent Censoni de réexaminer sa décision du 15 août 2002.

[10]            Le demandeur cherche à établir une distinction entre sa situation et celle de l'affaire Raman, précité, et des autres affaires qui s'en sont inspirées, soulignant qu'en l'espèce, il est question de réexamen d'une décision déjà rendue alors que dans l'arrêt Raman, précité, l'interdiction en cause se rapportait aux revendications présentées après que la mesure de renvoi eut été prise.


[11]            À l'appui de sa position, le demandeur s'appuie largement sur les décisions du juge Campbell dans Tchassovnikov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. 1111, et du juge Reed dans Nouranidoust c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1100 (1re inst.).

[12]            Bien sûr, on ne me demande pas de trancher cette question aujourd'hui. Je suis uniquement appelé à déterminer s'il y a une question sérieuse à trancher.

[13]            Indépendamment du libellé du paragraphe 99(3) de la LIPR et des déclarations faites dans Raman, précité, la jurisprudence contradictoire et l'importance de la présente affaire exigent à tout le moins que cette question soit tranchée dans le cadre d'une audience portant examen complet. Le défendeur soutient que la décision du juge Campbell dans Tchassovnikov, précité, a été rendue dans un contexte où le paragraphe 99(3) (ou le paragraphe 44(1)) et l'arrêt Raman de la Cour d'appel fédérale, précité, n'ont pas été pris en considération.

[14]            Je suis appelé à déterminer si la question de savoir si les distinctions faites par le demandeur sont suffisantes pour l'emporter sur le libellé du paragraphe 99(3) et les interdictions énoncées dans l'arrêt Raman, précité, constitue une question sérieuse.


[15]            Je suis convaincu qu'il y a suffisamment d'éléments en l'espèce pour satisfaire à l'exigence de la question sérieuse formulée dans l'arrêt Toth, précité.

[16]            En ce qui concerne le préjudice irréparable, malgré certaines réserves quant au moment où le demandeur a fait part des difficultés qu'il rencontrerait s'il retournait au Nigéria et à la manière dont il l'a fait (il prétend qu'il est homosexuel, qu'il est recherché par la police à Borno et qu'une détention à son retour au Nigéria aurait de graves conséquences sur sa vie et sur sa santé), le peu d'éléments de preuve dont je dispose en l'espèce m'indique que le demandeur pourrait effectivement subir un préjudice extrêmement grave et irréparable.

[17]            Pour ce qui est de la question de la prépondérance des inconvénients, je me prononce en faveur du demandeur.

[18]            En conséquence, j'estime que le présent sursis doit être accordé jusqu'à ce que la demande d'autorisation de contrôle judiciaire sous-jacente soit rejetée et, si la demande est accueillie, jusqu'à ce qu'elle soit tranchée.


                                                              ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : Le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi est accordé jusqu'à ce que la demande d'autorisation de contrôle judiciaire sous-jacente soit rejetée et, si la demande est accueillie, jusqu'à ce qu'elle soit tranchée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-3089-03

INTITULÉ :                                           SAMSON WILLIAMS c. MCI

REQUÊTE DU DEMANDEUR ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA ET TORONTO

                                                                            

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 1ER MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE JAMES RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                        LE 1ER MAI 2003

COMPARUTIONS :

Daniel Kingwell                                       POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann & Associates                           POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada       

Ottawa (Ontario)

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