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Date : 20030521

Dossier : IMM-3368-01

OTTAWA (Ontario), le 21 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

                                                                                   

                                                                NIRUPMA LUTHRA

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   

ET :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                                              « P. Rouleau »             

                                                                                                                                                                 Juge                      

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20030521

Dossier : IMM-3368-01

Référence : 2003 CFPI 633

ENTRE :

                                                                NIRUPMA LUTHRA

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   

ET :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 La demanderesse sollicite, en application de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-27, et modifications (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision d'une agente des visas du Haut Commissariat du Canada à New Delhi, en Inde. L'agente des visas, Maria Colucci, avait refusé à la demanderesse la résidence permanente au Canada. Le refus est fondé surtout sur l'opinion de l'agente des visas selon laquelle la demanderesse n'avait aucune expérience de la profession choisie par elle (profession de sociologue).

[2]                 La demanderesse, de nationalité indienne et âgée de 40 ans, a demandé la résidence permanente dans la catégorie des travailleurs autonomes, sous les deux catégories suivantes de la CNP : 4169 (sociologue) et 4152 (travailleuse sociale). Le mari et la fille mineure de la demanderesse figuraient également dans sa demande. La demanderesse a eu une entrevue avec l'agente des visas à New Delhi le 7 juin 2001 et elle a reçu avis du refus de sa demande par lettre datée du 12 juin 2001.

[3]                 L'agente des visas a accepté le niveau d'études de la demanderesse : MA (Sociologie) en 1982; M.Ph et Ph.D. (Sociologie) en 1992. À partir de 1983, la demanderesse a travaillé au Government College, une institution pour filles. Elle dit qu'elle y travaillait comme sociologue, ce qui comprenait l'enseignement à des étudiantes de premier cycle en sociologie. Pour l'agente des visas, l'emploi de la demanderesse était un emploi de professeur de niveau collégial (CNP 4131), pour lequel il n'y a pas de demande au Canada, ce qui la rendait non admissible à l'immigration. La lettre de la directrice du collège ne précise pas les fonctions de la demanderesse en dehors de l'enseignement. Selon la demanderesse, ses fonctions principales, outre l'enseignement, étaient les suivantes :

« s'occuper des déviances sociales, ce qui comprend l'étude des systèmes sociaux et des relations qui existent dans les sociétés humaines »

diriger les discussions sur divers problèmes sociaux (changement social, développement humain)


tenir des élections parmi les étudiantes

fonctions en matière d'admission

organiser des programmes de festival-jeunesse

fonctions liées aux examens (organisation et rédaction d'examens)

conseils aux étudiantes

[4]                 Les lignes directrices de la CNP pour la profession de sociologue sont très vastes, puisqu'elles englobent une diversité d'occupations professionnelles touchant les sciences sociales. S'agissant des sociologues, voici ce que dit la CNP :

les sociologues étudient le développement, la structure, les systèmes sociaux de la société humaine et les relations qui existent au sein de cette société.

[5]                 La demanderesse a aussi été évaluée selon la catégorie « travailleuse sociale » de la CNP. Son expérience de travailleuse sociale a été acquise en 1981 - 1982, lorsqu'elle avait travaillé dans le projet ICMR, ainsi que depuis 1999 jusqu'à aujourd'hui; elle travaille bénévolement auprès d'une société coopérative d'assistance sociale. Dans son affidavit, elle dit que ses fonctions principales de travailleuse sociale sont les suivantes :

améliorer les relations familiales

favoriser les rapprochements entre générations

résoudre les problèmes des adolescents (en particulier des filles)


faire prendre conscience de la propreté et de l'hygiène

organiser des discussions de groupe dirigées par des psychiatres et des sociologues sur des questions sociales

[6]                 Les lignes directrices de la CNP pour la profession de travailleuse sociale sont plus complètes que les lignes directrices applicables aux sociologues. La condition essentielle pour un emploi dans ce domaine concerne les exigences de scolarité, qui indiquent qu'un baccalauréat en travail social est requis dans la plupart des provinces, de même qu'un stage pratique supervisé.

[7]                 Dans sa lettre de refus, l'agente des visas s'est penchée à la fois sur la catégorie des sociologues et sur celle des travailleuses sociales :

[Traduction] Eu égard aux renseignements donnés dans votre formulaire de demande, ainsi que durant votre entrevue, vous avez été évaluée d'après les exigences de la profession de travailleuse sociale (CNP, code 4152.0). Les points d'appréciation qui vous ont été donnés sous cette catégorie, c'est-à-dire la profession qui vous était la plus favorable, ont été les suivants :

...

Facteur professionnel :        0

Expérience :                           0

TOTAL DES POINTS :         55

...

J'ai évalué votre demande en fonction de la profession de sociologue (CNP, code : 4169.1), qui, selon ce que vous avez dit, est la profession que vous vouliez exercer au Canada. Après examen attentif de cette affaire, je ne suis pas convaincue qu'il s'agit là en réalité d'une profession :

dans laquelle vous avez exercé un nombre appréciable des fonctions principales, y compris des fonctions essentielles, précisées pour cette profession dans la Classification nationale des professions.


Puisque cette profession n'est pas une profession pour laquelle vous répondez aux conditions d'emploi au Canada, et n'est pas une profession pour laquelle vous avez exercé un nombre substantiel des fonctions principales, y compris des fonctions essentielles, il s'ensuit qu'il ne s'agit pas d'une profession pour laquelle vous êtes qualifiée et véritablement « préparée » à exercer, selon ce que prévoit le facteur n ° 4 de l'annexe 1 du Règlement sur l'immigration de 1978. ... Vous n'avez pas obtenu de points d'appréciation pour le facteur de l'expérience, vous n'avez pas un emploi réservé certifié par le Service national de l'emploi au Canada, et vous n'êtes pas qualifiée ni préparée pour exercer un emploi au Canada dans une « profession désignée » . Par conséquent, vous n'êtes pas une personne à laquelle je puisse délivrer un visa d'immigrant en application du paragraphe 9(4) de la Loi sur l'immigration, et votre demande a donc été refusée.

Votre demande s'accorde avec la description donnée par la CNP pour les enseignants/enseignantes au niveau collégial et dans les écoles de formation professionnelle (CNP 4131.0). Cependant, il n'y a pas actuellement de demande pour cette profession au Canada.

Sociologue

[8]                 Ni la demanderesse ni le défendeur n'affirment que les lignes directrices de la CNP doivent être complètement ou parfaitement observées avant qu'un visa d'immigrant ne soit délivré. Cependant, comme le fait observer le défendeur, la demanderesse devait prouver qu'elle exerçait les fonctions principales et essentielles (déterminées par l'agente des visas) pour que l'agente des visas constate que les conditions avaient été remplies. Le défendeur cite le jugement Farooqui c. Canada (MCI) IMM-4244-98 (C.F. 1re inst.), où le juge Dawson écrivait :

... l'agent des visas avait le droit d'accorder plus d'importance à certaines fonctions contenues dans la CNP et de conclure, suivant une interprétation équitable et large de la description de la profession, qu'une personne ayant de l'expérience dans l'entretien, l'installation et la mise en service d'équipements et dans la supervision d'employés, y compris des ingénieurs et des techniciens, n'a pas d'expérience dans la profession d'ingénieur électricien et électronicien.


[9]                 Dans le cas présent, en ce qui a trait à la catégorie « sociologue » de la CNP, l'agente des visas ne pensait pas que la demanderesse avait exercé les fonctions principales de la profession, décrites dans la CNP. Selon l'affidavit du défendeur, la demanderesse n'a pu prouver que son travail correspondait à la profession de sociologue, abstraction faite de l'enseignement. Les fonctions énumérées par la demanderesse dans son affidavit se rapportent toutes à son rôle de professeur.

[10]            La demanderesse fait observer que la description donnée par la CNP mentionne entre autres que les sociologues « peuvent enseigner la sociologie à des niveaux avancés d'instruction » , et elle dit que l'agente des visas a fait une erreur en refusant la demande sans reconnaître que les tâches de collecte des données, etc., ne représentent qu'une partie des tâches comprises dans la CNP. Il m'est impossible malheureusement de dire que l'agente des visas a rendu une décision déraisonnable en affirmant que les fonctions décrites par la demanderesse ne répondaient pas aux conditions prévues pour la profession de sociologue. La CNP reconnaît que les activités d'un sociologue peuvent comprendre l'enseignement (c'est le cas pour la demanderesse), mais elles vont manifestement au-delà du simple enseignement de la sociologie; elles comprennent en particulier des résultats pratiques ou analytiques, encore que la CNP, à juste titre, n'en dise pas davantage sur la nature précise de ces résultats.

Travailleuse sociale


[11]            La profession de sociologue était indiquée comme la profession prévue de la demanderesse au Canada, mais l'agente des visas a également fait une évaluation complète selon la catégorie « travailleuse sociale » de la CNP, en se fondant sur les antécédents de la demanderesse. La lettre de la Société coopérative d'assistance sociale n'indique pas clairement quelles étaient les fonctions de la demanderesse, de telle sorte qu'il était impossible de savoir si la demanderesse avait l'expérience requise pour obtenir des points au titre de l'expérience et de la profession d'après cette catégorie de la CNP.

[12]            Aspect plus important, la CNP mentionne clairement que dans la plupart des provinces un diplôme en travail social est exigé, et elle ajoute qu'un stage d'expérience pratique sous surveillance est habituellement exigé dans toutes les provinces. Si l'on se réfère à la notice biographique de la demanderesse, il est clair que tous ses diplômes sont des diplômes de sociologie. Pour justifier le rejet de la demande de visa en raison de l'absence d'un diplôme en travail social, le défendeur cite les propos du juge Sharlow dans l'affaire Karanthos c. Canada (M.C.I.) (IMM-5011-98, C.F. 1re inst.) :

Quand la CNP indique qu'un niveau de scolarité EST HABITUELLEMENT EXIGÉ, cela signifie que le requérant DOIT SATISFAIRE à cette exigence, à moins qu'il n'existe des facteurs importants et substantiels qui, de l'avis de l'agent des visas, font en sorte que le requérant surmontera probablement une telle exigence. [majuscules dans le texte]


[13]            Il n'était pas déraisonnable de la part de l'agente des visas d'attribuer zéro point pour ces deux facteurs essentiels, la scolarité et la formation, eu égard à son évaluation des tâches et responsabilités réelles de la demanderesse. Ayant fait cette évaluation raisonnable, l'agente des visas ne pouvait faire droit à la demande de visa, eu égard à l'article 11 du Règlement sur l'immigration de 1978, puisque la demanderesse ne remplissait pas les conditions fixées pour une exception.

[14]            L'agente des visas n'a pas agi d'une manière déraisonnable en concluant que la demanderesse n'avait pas démontré qu'elle était dans la pratique une sociologue, plutôt qu'un professeur de sociologie. Elle ne répondait donc pas aux conditions d'expérience prévues par la CNP et elle n'était donc pas admissible à un visa d'immigrant. La demanderesse n'avait pas non plus les diplômes requis pour exercer les fonctions de travailleuse sociale au Canada, diplômes qui étaient une exigence explicite de la CNP pour les travailleurs sociaux. Elle était donc encore une fois non admissible à un visa d'immigrant, compte tenu de la décision raisonnable de l'agente des visas selon laquelle elle n'avait pas l'expérience requise.    

[15]            En conséquence, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                                              « P. Rouleau »            

                                                                                                                                                                 Juge                    

OTTAWA (Ontario)

le 21 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                 IMM-3368-01

INTITULÉ :                                                NIRUPMA LUTHRA

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE MARDI 13 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :        MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                              LE 21 MAI 2003

COMPARUTIONS :

Mme Ngozi Oti                                                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Mme Mary Matthews                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ngozi Oti

Toronto (Ontario)                                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                                     POUR LE DÉFENDEUR


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