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Date : 20030710

Dossier : IMM-929-02

Référence : 2003 CF 862

OTTAWA (Ontario), le 10 juillet 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                                                    BABAK ALIZADEH SEPEHRI

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR), datée du 8 février 2002, dans laquelle celle-ci refusait au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention, tel que défini dans la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).


[2]                Le demandeur est un citoyen iranien qui prétend craindre d'être persécuté par les autorités de la sécurité en raison de ses opinions politiques monarchistes que partagent les membres de sa famille. Pendant qu'il fréquentait l'école secondaire, il a été détenu et interrogé au sujet des activités de sa famille. Plus tard, il a été expulsé de l'école et s'est enrôlé dans l'armée pour effectuer son service militaire obligatoire. Lorsque sa mère et sa soeur ont quitté l'Iran en 1994 pour revendiquer le statut de réfugié au Canada, le demandeur a été battu et interrogé au sujet des membres de sa famille par la section politique et idéologique de l'armée. Sa mère et sa soeur ont obtenu le statut de réfugié au Canada et ont parrainé la demande de résidence permanente qu'a présentée son père en 1998.


[3]                Le demandeur a été renvoyé de l'armée en 1996, a épousé Fahimed Azad, la fille d'un monarchiste, le 26 mars 2000. Le demandeur est resté en communication avec le Dr Ghadir, un ami de ses parents qui était actif dans les cercles monarchistes. Le 5 mai 2000, le demandeur s'est rendu au domicile du Dr Ghadir et s'est inquiété du fait qu'il n'y avait personne. Pendant qu'il rentrait chez lui, le demandeur a été agressé par quatre hommes qui auraient également perquisitionné son domicile et battu sa femme. Le demandeur a été détenu pendant 45 jours et interrogé au sujet des activités de sa famille et du Dr Ghadir. Il a été obligé de signer un engagement et a été relâché. La mère du Dr Ghadir, qui avait également été arrêtée, lui a dit par la suite que son fils avait avoué avoir exercé des activités politiques pour le compte des monarchistes. Elle a conseillé au demandeur de s'enfuir parce qu'il risquait d'être considéré comme un collaborateur. Il a quitté l'Iran le lendemain et demandé le statut de réfugié à son arrivée au Canada le 18 septembre 2000.

[4]                À son arrivée au Canada, le demandeur a été réuni avec sa famille et appris que les autorités iraniennes l'avaient accusé d'être un antirévolutionnaire, qu'elles avaient interrogé sa femme et étaient toujours à sa recherche. En septembre 2001, l'épouse du demandeur l'a rejoint au Canada.

[5]                La SSR a rejeté la revendication du demandeur parce qu'elle doutait de sa crédibilité. Le tribunal a jugé que le témoignage du revendicateur était « vague et confus et que ses propos manquaient de pertinence » et qu'il était « peu vraisemblable et incohérent » . Elle a conclu qu'il enjolivait son récit et « se lançait dans des généralités et des suppositions » . Le tribunal s'est fondé sur un certain nombre de conclusions pour étayer sa conclusion, notamment celles qui suivent :

1)                   le revendicateur savait peu de choses au sujet des activités du Dr Ghadir et ses relations avec le Dr Ghadir n'étaient pas de nature politique;

2)                   compte tenu de la nature superficielle de ses relations avec le Dr Ghadir, il est peu plausible qu'il ait pu intéresser les autorités;

3)                   durant son témoignage, le demandeur a déclaré avoir vu le Dr Ghadir distribuer des brochures, mais n'a pas mentionné l'incident dans son FRP;

4)                   aucune preuve crédible n'indiquait que les autorités s'étaient subitement intéressées au Dr Ghadir, alors qu'il exerçait apparemment des activités politiques depuis des années;


5)                   il est inconcevable que le Dr Ghadir ait avoué entretenir des relations politiques avec le demandeur puisqu'il a pris soin d'éviter que le demandeur exerce des activités politiques;

6)                   il était invraisemblable que la mère âgée du Dr Ghadir soit arrêtée, soit au courant de la confession de son fils, et communique avec le demandeur le jour de sa mise en liberté et ait pu également prendre des dispositions pour qu'il s'enfuit en aussi peu de temps;

7)                   le demandeur n'a pas mentionné à l'agent d'immigration au port d'entrée les liens politiques qu'il entretenait apparemment avec le Dr Ghadir, ni son arrestation.

[6]                La SSR n'a également accordé aucune force probante à un rapport médical indiquant que le demandeur portait dans le dos des cicatrices provenant de coups de couteau reçus au cours de l'attaque du 5 mai 2000, étant donné qu'elle a jugé que le FRP sur lequel était basé ce rapport n'était pas crédible ou digne de foi.

[7]                Le demandeur demande l'autorisation de faire annuler la décision de la SSR parce que celle-ci a commis une erreur lorsqu'elle a décidé que le témoignage du demandeur n'était pas digne de foi. Le demandeur soutient que le tribunal a commis une erreur parce qu'il a écarté le rapport médical, lorsqu'il a jugé que les actions des autorités iraniennes et de la mère du Dr Ghadir n'étaient pas plausibles, en l'absence de preuves à cet effet, et en omettant de lui donner le bénéfice du doute. La plupart de ces arguments portent sur les conclusions relatives à l'invraisemblance de son témoignage, conclusions qui ne font pas partie du domaine de spécialisation de la SSR, puisqu'elles sont fondées sur des critères extrinsèques, comme le bon sens.

[8]                Les conclusions relatives à la crédibilité bénéficient d'une déférence considérable de la part de notre Cour et elles ne peuvent être modifiées que si elles sont manifestement déraisonnables : Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1194, au paragraphe 4. En outre, la SSR est la mieux placée pour évaluer la plausibilité d'un témoignage et le critère d'intervention applicable à la plausibilité est le même que celui qui s'applique à la crédibilité : Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.). Les conclusions défavorables en matière de crédibilité fondées sur des invraisemblances doivent être basées sur des « déductions raisonnables » et non pas sur des hypothèses ou de simples spéculations : Kalonda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 396; et Wei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 285.

[9]                La SSR n'a pas commis d'erreur susceptible d'être révisée et qui justifierait l'intervention de notre Cour. Les conclusions auxquelles en est arrivé le tribunal sont raisonnables et s'appuient sur toute une série d'éléments. Comme cela est démontré par la liste fournie ci-dessus, il ne s'agit pas d'un cas où le tribunal s'est contenté de tirer une conclusion, sans fournir d'éléments expliquant pourquoi il a estimé que la revendication du demandeur n'était pas crédible. La SSR avait également toute latitude pour n'accorder aucune force probante au rapport médical. Le rapport confirme l'existence d'une cicatrice sur le dos du demandeur, qui pourrait provenir d'un coup de couteau, mais ce rapport n'est pas une preuve qui permet de relier la cicatrice à un cas de persécution.

[10]            En outre, le tribunal n'a pas commis d'erreur en se basant sur des invraisemblances pour rejeter la revendication. À la différence des revendicateurs dans Kalonda, précité, et dans Kong c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. n ° 101 (1re inst.) (QL), le tribunal n'a pas demandé au demandeur d'émettre des hypothèses au sujet des actions des autorités. Les invraisemblances retenues par le tribunal étaient fondées sur des renseignements incomplets ou incohérents qu'avait fournis le demandeur dans son témoignage. Par exemple, le demandeur déclare à l'audience que ses rapports avec le Dr Ghadir étaient irréguliers et non pas de nature politique. Le demandeur connaissait mal les activités qu'exerçait le Dr Ghadir et il a déclaré qu'il n'avait jamais été mêlé aux activités politiques du Dr Ghadir. Il était raisonnable que le tribunal s'appuie sur ce témoignage pour mettre en doute la véracité de l'allégation du demandeur selon laquelle des représentants des autorités l'ont attaqué, ont fouillé sa maison et l'ont détenu pendant 45 jours à cause de ses relations avec le Dr Ghadir. Cela fait partie du processus normal d'évaluation de la version d'un revendicateur et ne constitue pas une erreur susceptible de révision.

[11]            Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n'ont pas demandé la certification de questions. Aucune question ne sera certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :


La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »          

                                                                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-929-02

INTITULÉ :                                        BABAK ALIZADEH SEPEHRI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 8 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        Monsieur le juge Kelen

DATE DES MOTIFS :                       le 10 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                                                                           pour le demandeur

Marcel Larouche                                                                       pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                                                           pour le demandeur

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

            Date : 20030710

                                              Dossier : IMM-929-02

ENTRE :

BABAK ALIZADEH SEPEHRI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                   


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