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Date : 20030528

Dossier : IMM-3433-03

Référence : 2003 CFPI 668

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2003

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKAY

ENTRE :

                                    BERNAL ROMAN BARRANTES OBANDO

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Voici de brefs motifs à l'appui du rejet de la demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi; l'affaire a été entendue par téléconférence le 21 mai 2003. La mesure de renvoi, qui a été signifiée au demandeur le 7 mai 2003, lui enjoignait de se présenter pour être renvoyé le 22 mai 2003.

[2]                 Au début de l'audience, une question préliminaire a été soulevée au sujet de la représentation proposée du demandeur, un citoyen du Costa Rica qui agissait pour son propre compte, mais qui demandait à la Cour de permettre qu'il soit représenté à l'audience par un conseiller qui n'était pas avocat. Il ressort de lettres échangées avant l'audience que l'objection fondée sur les propres règles de la Cour autorisant un plaideur à agir pour son propre compte ou à être représenté par un avocat dont les services ont été retenus en son nom a été soulevée par l'avocate du ministre. Par l'entremise de Marcos Ortiz-Rojas, un interprète qui avait traduit de l'espagnol à l'anglais les documents préparés pour l'audience et qui est maintenant proposé par le demandeur pour représenter celui-ci, j'ai posé des questions à M. Barrantes Obando, lesquelles m'ont amené à conclure ce qui suit :

1.                    le demandeur ne parle pas bien anglais et il n'aurait pas été en mesure d'agir pour son propre compte;

2.                    le demandeur n'avait pas d'arguments à soumettre en son nom, mais il voulait que des arguments soient présentés par M. Ortiz-Rojas en son nom;

3           le demandeur était prêt à adopter (ou à rejeter) les arguments présentés en son nom par M. Ortiz-Rojas une fois ces arguments soumis.

La Cour était convaincue que les réponses à ces questions étaient affirmatives et elle a donc autorisé M. Ortiz-Rojas à présenter des arguments au nom du demandeur. Une fois ces arguments soumis, on a demandé au demandeur s'il adoptait les arguments invoqués par M. Ortiz-Rojas en son nom et il a répondu par l'affirmative.

[3]                 J'examinerai maintenant le bien-fondé de la demande de sursis après avoir brièvement examiné les faits.

[4]                 Le demandeur, qui est citoyen du Costa Rica, a maintenant 21 ans; il est arrivé au Canada au mois d'avril 2000 à l'aide d'un visa de visiteur. Au mois de septembre 2000, il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention, à titre de membre d'un groupe social, à savoir le groupe des homosexuels venant du Costa Rica. La revendication a été rejetée le 6 février 2002, lorsque la section du statut de réfugié a conclu que la preuve que le demandeur avait présentée au sujet de ses antécédents et des mauvais traitement auxquels il avait été soumis au Costa Rica n'était pas crédible. Le demandeur n'a pas présenté de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision.

[5]                 Le demandeur a bien demandé, au mois de mars 2002, à être considéré comme membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Cette demande a été transformée en une demande d'examen des risques avant renvoi (l'ERAR) en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, dans sa forme modifiée (la LIPR), laquelle est entrée en vigueur le 28 juin 2002. Une demande d'examen faite dans le cadre du programme d'ERAR a été remise au demandeur au mois de janvier 2003 et celui-ci a présenté des arguments, avec une prorogation de délai, au mois de février 2003. Le 27 mars 2003, l'agent concerné chargé de l'ERAR a décidé de ne pas faire droit à la demande étant donné qu'il n'y avait pas de risque évalué de persécution au sens de l'article 96 ou de torture au sens de l'alinéa 97(1)a), de menace à la vie du demandeur ou de risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de l'alinéa 97(1)b) de la LIPR.

[6]                 Cette décision a été signifiée au demandeur le 7 mai 2003 seulement, date à laquelle le demandeur a également reçu signification d'un ordre de se présenter aux fins du renvoi le 22 mai 2003. Dans l'intervalle, le demandeur avait présenté une demande en vue d'être dispensé de l'application des exigences normales relatives aux visas en invoquant des raisons d'ordre humanitaire (la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire). Bien sûr, cette demande était en instance lorsque la présente demande de sursis a été entendue. Son existence avait été portée à l'attention de l'agent chargé du renvoi le 7 mai, date à laquelle le demandeur avait reçu signification de la décision relative à l'ERAR et d'une mesure de renvoi, mais l'agent a alors refusé la demande que le demandeur avait faite en vue de faire reporter son renvoi.

[7]                 Le principal argument à l'appui de la demande de sursis était que le demandeur s'était marié après être arrivé au Canada et que sa conjointe, qui faisait des études secondaires, avait donné naissance à leur fils, qui a maintenant moins de trois mois. Il a été soutenu qu'il serait porté atteinte d'une façon irrémédiable à l'intérêt supérieur de l'enfant et de sa mère si le demandeur était maintenant expulsé du Canada. L'argument était fondé sur l'arrêt Baker c. Canada [1999] A.C.S. no 39, [1999] 2 R.C.S. 817, où la Cour suprême a insisté sur le fait qu'il était important de tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants qui pourraient être touchés si leur mère était renvoyée du Canada dans le cadre de l'appréciation de la demande que la mère avait présentée en invoquant des raisons d'ordre humanitaire.

[8]                 Le 9 mai 2003, le demandeur a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire au sujet de la décision relative à l'ERAR et, puisque cette demande ainsi que la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire étaient en instance, il a été soutenu que le sursis au renvoi devrait maintenant être accordé, en attendant qu'il soit statué sur ces questions.

[9]                 Je suppose que la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire qui est maintenant présentée devant la Cour soulève des questions sérieuses.

[10]            Toutefois, je ne suis pas convaincu qu'un préjudice irréparable sera causé au demandeur ou qu'il sera porté atteinte à l'intérêt supérieur de sa conjointe et de son enfant, en attendant qu'il soit statué sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, ou sur la demande d'examen fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Ces demandes seront examinées respectivement par la Cour et par le ministre, ce qui pourrait prendre plusieurs mois. Si l'une ou l'autre de ces demandes donnait lieu à une décision favorable à l'égard de la demande en cause, le ministre devrait faciliter le retour du demandeur au Canada conformément à cette décision favorable.


[11]            Je me rends bien compte des difficultés que la séparation de la famille présentera pour le demandeur et pour sa famille, mais je ne suis pas convaincu que l'agent chargé de l'ERAR soit responsable de l'appréciation des raisons d'ordre humanitaire. En outre, je ne suis pas convaincu que l'agent chargé du renvoi ait commis une erreur en refusant de reporter le renvoi lorsqu'on lui a demandé de le faire le 7 mai. À ce moment-là, rien n'indiquait, dans le système d'information du ministère, qu'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire avait été présentée; l'agent a néanmoins tenu compte des renseignements inclus dans une copie de cette demande qui lui avait été fournie et il savait que le demandeur avait un fils en bas âge, mais il croyait apparemment que le fils avait un an.

[12]            Quoi qu'il en soit, la Cour ne dispose d'aucun élément de preuve et les déclarations qui ont été faites au nom du demandeur ne me convainquent pas qu'il existe un fondement permettant de conclure qu'un préjudice irréparable serait causé au demandeur s'il était maintenant expulsé et si, d'ici quelques mois, l'une ou l'autre des demandes qu'il a présentées devait être tranchée en sa faveur. Au pire, le demandeur aura alors été séparé de sa famille pendant quelques mois. Les fonctionnaires responsables de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire effectueront un examen exhaustif et équitable. Si cette demande est tranchée en faveur du demandeur et si le demandeur revient ensuite au Canada pour demander l'établissement depuis ce pays, tout mal causé aux relations familiales sera alors réparé. Si les demandes n'aboutissent pas à une décision favorable, le demandeur n'aura pas subi de préjudice irréparable d'ici le temps où il sera statué sur ces demandes; il est en fin de compte conclu que rien ne permet au demandeur de continuer à résider au Canada sans obtenir la qualité appropriée en vertu de la LIPR.

[13]            Pour ces motifs, la demande de sursis est rejetée.


                                                                                                                  « W. Andrew MacKay »                    

                                                                                                                                                   Juge                                      

Ottawa (Ontario)

Le 28 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  IMM-3433-03

INTITULÉ :                                                 BERNAL ROMAN BARRANTES OBANDO

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                         Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le mercredi 21 mai 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :         Monsieur le juge MacKAY

DATE DES MOTIFS :                               Le mercredi 28 mai 2003

COMPARUTIONS :

Marcos Ortiz-Rojas                                       POUR LE DEMANDEUR

(Conseiller en immigration)

Kareena Wilding                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg, c.r.                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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