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Date : 20031120

Dossier : IMM-8535-03

Référence : 2003 CF 1370

ENTRE :

                                                    MAHALINGHAM THILEEPAN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE VON FINCKENSTEIN

[1]                 Le demandeur est un citoyen tamoul du Sri Lanka âgé de 23 ans. Il est arrivé au Canada en 1998 et il a présenté une demande de réfugié en prétendant qu'il était exposé à de la persécution par les Tigres tamouls (TLET) et par l'armée sri-lankaise (SLA). Dans une décision datée du 28 août 1998, la Section du statut de réfugié (la SSR) a rejeté la demande en concluant que le demandeur n'avait pas fourni suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi au soutien de sa demande. La SSR a tiré une conclusion similaire après avoir examiné à nouveau la demande en octobre 2000.

[2]                 En novembre 2000, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente en tant que membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. La demande a été convertie en une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) en juin 2002. En juillet 2003, le demandeur a déposé à la Cour des observations dans lesquelles il a déclaré qu'il avait fourni de faux renseignements dans sa demande de réfugié. Le demandeur a demandé à l'agente d'ERAR de se fonder, lors de l'examen de sa demande, sur les faits contenus dans le récit qu'il a fourni.

[3]                 Dans une décision datée du 12 septembre 2003, l'agente a conclu que le demandeur n'avait pas réussi à démontrer qu'il serait, lors de son retour dans son pays d'origine, accusé d'avoir quitté le pays illégalement et que, même s'il faisait l'objet d'une telle accusation, rien ne démontrait qu'on lui imposerait une peine équivalant à de la persécution ou une peine cruelle et inusitée. De plus, l'agente a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à de la persécution à Kondavil, la ville d'où il provenait indéniablement. Compte tenu de ces conclusions, la demande présentée par le demandeur a été refusée et une mesure de renvoi, dont l'exécution était prévue pour le 4 décembre 2003, a été prise à l'endroit du demandeur.

[4]                 Le 30 octobre 2003, le demandeur a déposé une demande d'autorisation pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente d'ERAR. Il a demandé à la Cour de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce que soit tranchée sa demande d'autorisation.

[5]                 Le demandeur doit, afin d'obtenir un sursis, satisfaire au critère en trois volets énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (M.E.I.) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), c'est-à-dire qu'il doit démontrer qu'il existe une question grave à trancher, qu'il subirait un préjudice irréparable si le sursis n'était pas accordé et que la balance des inconvénients penche en faveur d'un sursis.

[6]                 Le demandeur n'a pas réussi à démontrer à la Cour qu'il existe dans la présente affaire une question grave à trancher. Les motifs démontrent clairement que l'agente a pris en compte la prétention du demandeur selon laquelle il a été détenu dans le passé de même que son profil. En se fondant sur ces éléments de preuve, l'agente a conclu que le demandeur n'avait pas réussi à établir qu'il serait exposé à une possibilité sérieuse de persécution s'il retournait dans sa ville natale. Il est indéniable que les jeunes Tamouls risquent de subir de la persécution ou de la torture dans certaines régions du Sri Lanka. Cependant, le demandeur n'a pas réussi à établir qu'il entre dans cette catégorie de jeunes Tamouls. Il ne peut pas prétendre être exposé à des conditions similaires simplement parce qu'il est un jeune Tamoul. Je ne peux pas conclure que l'agente d'ERAR a commis une erreur lorsqu'elle a refusé la demande d'ERAR compte tenu de la preuve dont elle disposait et des faits particuliers de l'affaire.

[7]                 Le demandeur a soulevé deux derniers points, soit le fait que dans les motifs l'agente a omis de renvoyer aux modifications qui ont été adoptées à l'égard de la Loi sur les immigrants et émigrants (Immigrants and Emigrants Act ) du Sri Lanka après 1993 et le fait qu'elle a omis de tenir compte de jurisprudence récente et de preuve documentaire touchant l'application générale de cette loi.

[8]                 À l'égard de la première question, il est vrai que l'agente a utilisé la version de 1993 de la Loi sur les immigrants et émigrants au lieu de celle de 1998. Contrairement à la version de 1993, la version de 1998 prévoit une peine d'emprisonnement obligatoire pour les émigrants illégaux. Cependant, malgré la modification à la peine, la loi est toujours une loi d'application générale et son application est soumise au pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites. Ainsi, la conclusion qui suit, tirée par l'agente, s'applique de la même façon lorsqu'elle est examinée en tenant compte des modifications de 1998 :

[TRADUCTION]

Le demandeur n'est pas une personne qui intéresse la SLA, la police, les forces de sécurité de l'État ou les dirigeants des TLET. Il a quitté le pays à l'âge de 17 ans sans avoir participé au conflit. Cela fait cinq ans et huit mois qu'il a quitté le pays. Le retour du demandeur au Sri Lanka alors qu'il serait en possession d'un document de voyage délivré par les autorités sri-lankaises au Canada ne l'exposerait pas à un risque sérieux de persécution ou de mauvais traitements. Il est peu probable que le demandeur serait accusé de départ illégal. Même si le demandeur était accusé de départ illégal, la preuve n'établit pas que la peine serait disproportionnée au point de constituer de la persécution (par opposition à une poursuite) ou une peine cruelle et inusitée. (Dossier du tribunal, à la page 556.)

[9]                 À l'égard de la deuxième question, l'agente au dossier a consulté un rapport d'évaluation sur le Sri Lanka (UK IND Sri Lanka) daté d'octobre 2002.

[10]            Les sections de ce rapport qui se rapportent à l'application de la Loi sur les immigrants et émigrants sont les suivantes :

[TRADUCTION]

Loi sur les immigrants et émigrants


6.55 La Loi sur les immigrants et émigrants a d'abord été adoptée en 1949. L'article 45 énumère diverses catégories de personnes qui sont coupables d'infractions suivant la Loi, y compris quiconque contrefait, altère ou falsifie un passeport ou a en sa possession un passeport contrefait ou utilise un tel document. L'article 45 énonce la peine qui consiste en une amende ou en une période d'emprisonnement ou les deux. L'article 45A prévoit des peines pour ceux qui sont reconnus coupables d'avoir facilité des entrées illégales au Sri Lanka.

6.56 La Loi sur les immigrants et émigrants (la modification) a été adoptée en juillet 1998. Dans le cadre de l'adoption de la Loi, le ministre de l'Immigration du Sri Lanka a dit au Parlement que la modification avait pour but de combattre [TRADUCTION] « le crime de trafic de personnes du Sri Lanka » . Le ministre a déclaré que les missions diplomatiques de divers pays occidentaux ont fait des représentations aux autorités sri-lankaises à l'égard de groupes organisés qui se livrent au commerce d'entrées illégales de Sri-Lankais dans leur pays.

6.57 La loi modificatrice augmente les amendes et la période d'emprisonnement qui peuvent être imposées aux personnes qui sont reconnues coupables suivant la Loi et rend l'emprisonnement obligatoire. La Loi n'admet pas les condamnations avec sursis et certaines infractions prévues par la Loi ne peuvent pas faire l'objet de cautionnement.

6.58 Contrairement à ce qu'énonce le rapport de l'Organisation Suisse d'aide aux Réfugiés, daté du 31 mai 1999, la Loi sur les immigrants et émigrants n'est pas rétroactive.

6.59 Selon le rapport du ministère des Affaires étrangères danois, publié le 30 septembre 1999, la poursuite pour émigration illégale n'est règle générale faite qu'au moment de l'émigration. Dans le cas de l'immigration, le CID en fonction ne procédera à une enquête d'émigration illégale que si la personne qui revient au pays est encore en possession du document de voyage contrefait ou s'il existe d'autres indices que la partie en cause a émigré illégalement (par exemple si la partie en cause le déclare elle-même). Un demandeur d'asile dont la demande a été refusée qui retourne au Sri Lanka n'a pas à toujours craindre d'être poursuivi suivant la Loi sur les immigrants et émigrants à moins qu'il entre au pays au moyen d'un faux document de voyage. Les autorités d'immigration peuvent à l'arrivée d'une personne la questionner à l'égard de son voyage, mais elles n'ont généralement pas suffisamment de moyens de preuve quant à l'émigration. Les demandeurs d'asile expulsés par les Pays-Bas, par exemple, sont à leur arrivée au Sri Lanka en possession d'un document de voyage valide, habituellement un laissez-passer de l'ambassade du Sri Lanka; ainsi de telles personnes qui reviennent au pays ne violent pas la Loi sur les immigrants et émigrants.

6.60 À l'égard du fardeau de preuve que la Loi sur les immigrants et émigrants prévoit, le ministère des Affaires étrangères danois déclare que, à moins de précisions à l'effet contraire, les définitions générales du Code criminel du Sri Lanka s'appliquent (c'est-à-dire le code de procédure criminelle et l'ordonnance sur la preuve). Selon ces définitions générales, le fardeau de preuve d'une violation d'une loi criminelle appartient à l'accusateur public, non au suspect.


6.61 Lors d'une mission d'enquête au Sri Lanka en juillet 2001, le CID a informé les dirigeants du United Kingdom Home Office qu'un bureau visant à contrer le passage de clandestins dirigé par le directeur de la police avait été mis sur pied en juin 2001à la suite de discussions avec les dirigeants de missions de diverses ambassades à Colombo. Ce bureau est situé à l'aéroport international Bandaranaike et est en fonction toute la journée. Les dirigeants du Home Office ont été informés que le CID avait eu un bon pourcentage de détection de migrants illégaux à l'aéroport. Cependant, le CID était d'avis qu'il était nécessaire de détecter un plus grand nombre de visas contrefaits. Les personnes qui arrivent à l'aéroport et qui sont incapables d'établir leur identité de façon satisfaisante sont conduites devant un juge dans les 24 heures et sont libérées sous cautionnement jusqu'à ce que le CID ait fait une enquête sur les circonstances entourant le retour. Le CID laisse tomber presque tous les cas après que les personnes aient été identifiées.

6.62 Les membres de la mission d'enquête conjointe danoise et canadienne ont été informés durant leur visite au Sri Lanka du 1er au 12 octobre 2001que 99 pour 100 des personnes qui reviennent au pays dont les cas sont soumis aux autorités suivant la Loi sur les immigrants et émigrants sont libérées sans que des accusations soient portées. Le juge de Negombo et directeur de la CID a expliqué que pour qu'une personne qui revient au pays soit libérée sous cautionnement, elle doit avoir quelqu'un qui signe une caution pour elle. Après la libération, le juge donne une nouvelle date pour que le CID transmette un rapport d'enquête, habituellement dans le mois qui suit. S'il y a des éléments de preuve démontrant que l'enquête devrait se poursuive après un mois, une nouvelle date de comparution à la cour est établie. La plupart des cas sont complétés au cours des 2 à 12 semaines qui suivent sans que des accusations soient portées. Le juge a ajouté qu'entre janvier 2001 et octobre 2001, seulement un individu qui revenait au pays a été jugé comme étant un terroriste.

L'agente au dossier a clairement pris en compte la façon selon laquelle la loi est appliquée et, par conséquent, cet argument n'est pas non plus retenu.

[11]            Étant donné que le critère énoncé dans l'arrêt Toth, précité, est conjonctif, je n'ai pas à examiner les deux autres volets du critère. Compte tenu de ce qui précède, la présente demande de sursis est rejetée.

« K. von Finckenstein »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 20 novembre 2003

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-8535-03

                                                         

INTITULÉ :                                                        MAHALINGHAM THILEEPAN   

                                                                                                                   

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                   

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 17 NOVEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                     LE 20 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :             

Clifford Luyt                                                          POUR LE DEMANDEUR

Jamie Todd                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)                                                 POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                     POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                                   


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