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Date : 20030415

Dossier : T-815-02

Référence neutre : 2003 CFPI 435

ENTRE :

                                                                  CHIN-NA WU

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LEMIEUX

A.        LES FAITS ET LA DÉCISION RENDUE PAR LE JUGE DE LA CITOYENNETÉ

[1]                Chin-Na Wu, née à Taïwan, interjette appel, suivant l'article 14 de la Loi sur la citoyenneté (la Loi), de la décision datée du 3 mai 2002 par laquelle le juge de la citoyenneté Paul Gallagher (le juge de la citoyenneté) a rejeté la demande de citoyenneté qu'elle avait présentée. Le motif du rejet de la demande était que la demanderesse n'avait pas résidé au Canada pendant au moins trois ans au cours des quatre ans qui avaient précédé sa demande, comme l'exige l'alinéa 5(1)c) de la Loi.


[2]                Le présent appel soulève une question bien connue dans les appels en matière de citoyenneté, soit la question de savoir dans quelles circonstances les jours d'absence du Canada pourront quand même être inclus dans le calcul des jours requis en matière de résidence selon ce que prévoit la Loi.

[3]                Les portions pertinentes de la décision du juge de la citoyenneté sont rédigées comme suit :

[TRADUCTION]

Le 18 avril 2002, vous avez comparu devant moi pour une audition de votre demande de citoyenneté canadienne.

J'ai conclu que vous remplissiez toutes les conditions de citoyenneté énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, sauf la condition en matière de résidence. Suivant l'alinéa 5(1)c) de la Loi, un requérant doit avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans au cours des quatre ans qui ont précédé sa demande.

Lors de l'audience, vous avez dit que vous espériez pouvoir expliquer à la satisfaction du tribunal votre nombre insuffisant de jours de résidence. Vous savez sans doute que dans des circonstances particulières, il a été jugé que des personnes avaient satisfait à l'esprit du critère en matière de résidence en dépit de longues absences physiques du Canada.

Afin d'établir si vous avez démontré que le Canada est le pays dans lequel vous avez centralisé votre mode d'existence, j'ai examiné les questions énoncées par Mme le juge Reed lorsqu'elle a rendu la décision Koo (Re) (1992), 19 Imm. L.R. (2d) 1, 59 F.T.R. 27, [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.).

Selon nos dossiers, et selon les renseignements que vous avez fournis dans votre demande et lors de l'audition de votre demande, vous êtes entrée au Canada à titre de résidente permanente le 30 mars 1998. Vous avez présenté une demande de citoyenneté canadienne le 18 septembre 2001. Par conséquent, la période à prendre en compte dans le calcul de vos jours de résidence est celle comprise entre le 30 mars 1998 et le 18 septembre 2001, soit une période de 1 267 jours.


Vous vivez actuellement au Canada avec vos deux enfants. Vos parents vivent au Canada à titre de visiteurs. Ils s'occupent de vos enfants et ils attendent l'obtention du statut de résident permanent. Je remarque également que vous êtes d'abord venue au Canada en 1996 et qu'en fait vous avez acheté une maison au Canada en 1997, avant d'obtenir votre statut de résidente permanente.

Vous avez fourni différents indices de résidence au Canada. Vous êtes propriétaire d'une maison au Canada, vous avez exploité une entreprise incorporée en Colombie-Britannique, vous faites des affaires bancaires au Canada, vous apportez votre soutien à des organisations bénévoles au Canada et vous payez des impôts au Canada. Il s'agit là des renseignements utiles étant donné qu'ils m'ont permis de comprendre votre forme de vie. Toutefois, il s'agit d'indices passifs de résidence qui peuvent être établis par une personne sur une période étendue sans qu'elle vive vraiment au Canada comme l'exige la Loi sur la citoyenneté.

Au cours de la période prise en compte, vous avez une possibilité d'un nombre total de 1 267 jours de résidence. Il appert que vos jours de résidence s'élèvent à 564 jours et que vos jours d'absence s'élèvent à 703 jours au cours de la période pertinente ayant précédé votre demande de citoyenneté. Il manque 531 jours au nombre de jours prévus dans la Loi sur la citoyenneté, mais vous avez passé plus de temps au Canada qu'à l'extérieur du Canada au cours des trois années qui ont précédé la demande de citoyenneté.

Ces absences étaient dues à la conduite de votre entreprise (la vente de produits canadiens manufacturés) à Taïwan.

Vos attaches avec le Canada, en dehors de vos liens familiaux, comprennent la maison que vous possédez au Canada, votre entreprise canadienne, le fait que vos parents vivent avec vous et vos enfants au Canada et qu'ils ont l'intention de devenir des résidents permanents.

Votre forme de vie depuis votre arrivée en 1998 est partagée entre Taïwan et le Canada et vous avez passé la majeure partie de votre temps à Taïwan, où vous êtes née et où vous avez grandi.

Les principales questions à traiter sont les questions de savoir à quel point la façon selon laquelle vous avez centralisé votre vie au Canada et à quel point le temps que vous avez passé au Canada vous auront permis de devenir une Canadienne en vivant et en travaillant avec des Canadiens et de devenir membre de la société canadienne.

Le temps pendant lequel vous étiez au Canada ne démontre pas que vous ayez effectivement passé assez de temps au pays pour satisfaire à l'esprit de la Loi sur la citoyenneté. Dans l'hypothèse la plus optimiste, votre vie est partagée entre le Canada et Taïwan. Vos absences semblent être planifiées, c'est-à-dire qu'elles semblent être une forme de vie plutôt qu'un événement temporaire. Vos absences n'ont pas de liens avec une urgence humanitaire, une affectation temporaire à l'étranger d'un employé d'une société canadienne, un programme de formation particulier ou une affectation à l'étranger par le gouvernement canadien.

                                                                     [...]


L'esprit de la Loi sur la citoyenneté est clair. Vous n'avez pas suffisamment centralisé votre vie au Canada, en vivant parmi des Canadiens et en devenant membre de la société canadienne. Par conséquent, votre demande de citoyenneté n'est pas approuvée.

J'espère que vous serez bientôt capable de remplir les conditions raisonnables de citoyenneté selon ce que prévoit la Loi sur la citoyenneté. À ce moment, votre demande sera reçue favorablement.

Le Parlement du Canada a prévu une période de quatre ans pendant laquelle un requérant peut établir trois ans de résidence. Cette période de quatre ans a été prévue afin de permettre certains jours d'absence au cours de la période. Dans la décision Koo (Re) (numéro de dossier no T-20-92), le juge B. Reed commente comme suit l'intention qu'avait le Parlement lorsqu'il a établi cette période de quatre ans :

La condition de trois ans de résidence dans une période de quatre ans semble avoir été conçue pour permettre une absence physique d'une durée d'un an pendant les quatre ans prescrits. Certes, les débats tenus à l'époque donnent à penser que l'on envisageait comme durée minimale une présence physique au Canada de 1 095 jours. [Non souligné dans l'original.]

[4]                Les faits importants du présent appel, qui n'est pas entendu comme un nouveau procès mais comme une demande présentée suivant la partie 5 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), ne sont pas contestés.

(1)         La demanderesse est venue au Canada pour la première fois en 1996 en tant que visiteur. Elle a décidé qu'elle voulait vivre au Canada et elle a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des demandeurs indépendants.

(2)         Avant de s'établir le 30 mars 1998, elle a acheté une maison à Vancouver et elle est venue au Canada à plusieurs reprises. À son arrivée, la demanderesse, mère célibataire, était accompagnée de ses jeunes filles, des jumelles.

(3)         À son arrivée, la demanderesse a agi de la façon habituelle : elle a obtenu un numéro d'assurance sociale et des cartes de crédit, elle a ouvert un compte bancaire, etc.


(4)         Elle est devenue membre de la Taiwanese Entrepreneurs and Investors Association. Elle a en outre incorporé une société en Colombie-Britannique en mai 1998.

(5)        Après son établissement, elle s'est absentée du Canada pour la première fois le 26 mai 1998, environ deux mois après son établissement, avec ses enfants. Lors de cette première absence, elle a obtenu des contrats de trois sociétés taïwanaises en tant que consultante.

(6)        Toutes ses absences ont été faites à des fins d'affaires, soit la vente de produits canadiens à Taïwan.

[5]                Ses absences du Canada ont été les suivantes :

               Du

               Au

              Lieu

             Motif

   Jours d'absence

        26 mai 1998

         9 juin 1998

            Taïwan

           Affaires

                14

      19 juillet 1998

       13 août 1998

            Taïwan

           Affaires

                24

10 septembre 1998

    14 octobre 1998

            Taïwan

           Affaires

                33

16 novembre 1998

   10 décembre 1998

            Taïwan

           Affaires

                24

     25 janvier 1999

        3 mars 1999

            Taïwan

           Affaires

                36

       25 mars 1999

        17 mai 1999

            Taïwan

           Affaires

                49

         3 juin 1999

      19 juillet 1999

            Taïwan

           Affaires

                47

       13 août 1999

     8 octobre 1999

            Taïwan

           Affaires

                56

    30 octobre 1999

14 novembre 1999

            Taïwan

           Affaires

                14

    6 décembre 1999

     19 février 2000

            Taïwan

           Affaires

                75

        7 mars 2000

       15 avril 2000

            Taïwan

           Affaires

                38

       25 avril 2000

        29 mai 2000

            Taïwan

           Affaires

                31

        15 juin 2000

      14 juillet 2000

            Taïwan

           Affaires

                28

       1er août 2000

       28 août 2000

            Taïwan

           Affaires

                27

23 septembre 2000

    24 octobre 2000

            Taïwan

           Affaires

                30

22 novembre 2000

      2 février 2001

            Taïwan

           Affaires

                71

        2 mars 2001

       29 mars 2001

            Taïwan

           Affaires

                27

       25 avril 2001

        28 mai 2001

            Taïwan

           Affaires

                33

        27 juin 2001

      18 juillet 2001

            Taïwan

           Affaires

                20

       11 août 2001

11 septembre 2001

            Taïwan

           Affaires

                30

             Total

               703

[6]                Le défendeur a souligné de légères corrections au calcul des jours d'absence et de présence effectué par le juge de la citoyenneté. Les chiffres exacts sont comme suit : 707 jours d'absence, 558 jours de présence et 537 jours qui manquent.

B.        ANALYSE

(i)         La norme de contrôle

[7]                La norme de contrôle utilisée par la Cour à l'égard des décisions rendues par les juges de la citoyenneté a été énoncée par M. le juge Lutfy (maintenant juge en chef adjoint) dans la décision Lam c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] A.C.F. no 410, dans laquelle il a déclaré ce qui suit au paragraphe 33 :

La norme appropriée, dans les circonstances, est une norme qui est proche de la décision correcte.

[8]                Puis, il a ajouté ce qui suit :

Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C'est dans cette mesure qu'il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l'expérience particulières du juge de la citoyenneté [...].

[9]                Dans l'affaire Lam, précitée, le juge Lutfy a conclu qu'il y avait deux erreurs dans la décision rendue par le juge de la citoyenneté. Premièrement, il a conclu que le juge de la citoyenneté ne semblait pas s'être concentré sur la situation de la demanderesse pendant qu'elle était présente au Canada avant qu'elle n'accompagne son époux en Chine en février 1996. En d'autres termes, le juge de la citoyenneté n'a pas tiré de conclusion à l'égard de la question de savoir si la demanderesse s'était établie au Canada.

[10]            Deuxièmement, le juge Lutfy a conclu que le juge de la citoyenneté n'a pas appliqué le critère énoncé dans la décision Koo (Re), précitée, lorsqu'il a évalué les faits. Il a tiré cette conclusion en se fondant sur le fait que le juge de la citoyenneté disposait de renseignements qui établissaient clairement la nature temporaire de l'affectation de l'époux de la demanderesse à l'extérieur du Canada.

(ii)        Le critère de la décision Koo (Re), précitée

[11]            Le juge de la citoyenneté a prétendument appliqué le critère énoncé par le juge Reed dans la décision Koo (Re), précitée, [1993] 1 C.F. 286. La décision du juge Reed est résumée comme suit au paragraphe 10 de ses motifs :

10 La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant « vit régulièrement, normalement ou habituellement » . Le critère peut être tourné autrement : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence? Il y a plusieurs questions que l'on peut poser pour rendre une telle décision :

(1) la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?


(2) où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

(3) la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

(4) quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

(5) l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

(6) quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays? [Non souligné dans l'original.]

(iii)       Conclusions

[12]            À mon avis, plusieurs motifs justifient l'annulation de la décision rendue par le juge de la citoyenneté.

[13]            Premièrement, le juge de la citoyenneté a omis de prendre en compte une étape essentielle lorsqu'il a analysé la question de la résidence. Comme Mme le juge Layden-Stevenson a fait remarquer dans la décision Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1415, « [d]ans un courant de jurisprudence bien établi, la Cour a décidé que pour remplir les conditions requises par la Loi sur la citoyenneté, la résidence doit, dans une première étape, être établie et, dans une deuxième étape, être maintenue » . J'ai conclu d'une façon semblable dans la décision Kong (Re), [1999] A.C.F. no 665, dans laquelle j'ai déclaré ce qui suit au paragraphe 39 :


39 Pour obtenir gain de cause en instance, M. Ng doit me convaincre que :

a) premièrement, il a établi et centralisé son mode habituel de vie au Canada avant de retourner à Hong Kong pour faire des études et travailler dans l'entreprise de son père;

b) deuxièmement, il a conservé et centralisé son mode habituel de vie au Canada durant ces absences.

[14]            À mon avis, le juge de la citoyenneté devait examiner la question de savoir si la demanderesse avait, lorsqu'elle s'est rendue à Taïwan à des fins d'affaires le 26 mai 1998 pour une période de quatorze jours, centralisé son mode de vie au Canada avant de s'absenter pour la première fois après son arrivée au Canada. À cet égard, le juge de la citoyenneté devait prendre en compte le fait que la demanderesse avait acheté une maison en 1997, avant son admission, et le fait qu'elle était venue au Canada à plusieurs reprises depuis sa première visite en 1995. Immédiatement après son admission, la demanderesse a emménagé dans sa maison et elle a inscrit ses deux jeunes enfants dans une garderie. Le juge de la citoyenneté devait en outre prendre en compte le fait qu'elle avait été admise en tant qu'immigrante indépendante et que dès son arrivée elle avait incorporé une société et avait commencé à faire les démarches pour ainsi dire faire croître son entreprise. Le juge de la citoyenneté devait prendre en compte les motifs de ses absences.

[15]            Deuxièmement, comme M. le juge Dubé l'a énoncé dans la décision Banerjee (Re), [1994] A.C.F. no 1360, au paragraphe 10 :

10 Toutefois, chaque cas est un cas d'espèce. C'est la qualité de l'attachement au Canada qui doit être examinée. Aucun élément particulier, ni aucun nombre d'éléments, ne saurait être déterminant dans quelque cas que ce soit [...]. [Non souligné dans l'original.]


J'estime que c'est une erreur de la part du juge de la citoyenneté de ne pas avoir évalué la qualité des attaches de la demanderesse avec le Canada et, en fait, de ne pas s'être concentré sur le sixième facteur du critère énoncé dans la décision Koo (Re), soit la question de savoir si les attaches de la demanderesse avec le Canada sont plus importantes que celles qui existent avec un autre pays.

[16]            Troisièmement, le juge de la citoyenneté a omis de prendre en compte des éléments de preuve démontrant que la demanderesse avait maintenu la centralisation de son mode de vie au Canada après le démarrage de son entreprise et après ses absences. La demanderesse a présenté à l'égard de sa vie sociale au Canada des éléments de preuve qui consistaient en des photographies et des lettres d'amis, de relations d'affaires et de voisins. Elle a de plus fourni des éléments de preuve démontrant qu'elle suivait des cours et qu'elle participait activement aux activités de son club de santé et de la Taiwanese Entrepreneurs and Investors Association dont elle était membre.

[17]            La preuve que le juge de la citoyenneté a omis de prendre en compte les faits précédemment mentionnés ressort à la page 23 du dossier certifié. Le juge de la citoyenneté, sur la lettre type qui est apparemment utilisée par les juges de la citoyenneté pour rédiger leurs motifs, a rayé la section prévue pour décrire les relations et les activités de la demanderesse au Canada.

[18]            Finalement, le critère de la décision Koo (Re) ne se limite pas à simplement répondre à cinq questions énoncées par le juge Reed. Le critère de la décision Koo (Re), à mon avis, exige qu'il y ait une seule conclusion qui tient compte de tous les faits pertinents. Cette conclusion porte sur la question de savoir si le Canada est l'endroit où la demanderesse vit régulièrement, normalement ou habituellement ou, comme le juge Reed l'a dit, sur la question de savoir si le Canada est le pays où la demanderesse a centralisé son mode d'existence.

[19]            Le juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu'il a omis d'apprécier la preuve dont il disposait pour répondre à la question précédemment énoncée.

[20]            Il est exact que le juge de la citoyenneté a effectivement énoncé certains faits, mais une énumération de faits ne suffit pas. Il devait apprécier ces faits et tirer une conclusion. Ceci étant dit, je partage l'opinion du défendeur selon laquelle le juge de la citoyenneté pouvait accorder plus d'importance aux absences physiques de la demanderesse qu'à tout autre facteur, mais il ne pouvait pas conclure que la présence physique au Canada est le seul critère pertinent.

[21]            À titre de mesure de redressement, la demanderesse demande que je rende la décision que le juge de la citoyenneté aurait dû rendre, à savoir l'approbation de sa demande. Je refuse d'approuver sa demande et je m'appuie sur le raisonnement du juge Reed dans la décision Ma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 288, dans laquelle elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 10 :


10 Je ne suis pas convaincue qu'il s'agit là de la seule solution qui s'offre à moi, ni que je n'ai pas le pouvoir en pareil cas d'infirmer la décision du tribunal inférieur et de renvoyer la demande pour nouvel examen. Une procédure d'appel renferme le pouvoir inhérent de renvoyer la question pour nouvelle audition. En fait, même en vertu de l'ancienne procédure d'audition de novo, le renvoi pour nouvelle audition était ordonné lorsqu'un juge de la citoyenneté avait omis d'examiner des questions qui auraient dû être prises en compte : voir Affaire intéressant Moa-Song Chang, (T-1183-97, le 5 février 1998).

[22]            Pour les motifs précédemment énoncés, le présent appel est accueilli et l'affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté afin qu'il entende à nouveau l'affaire.

« François Lemieux »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 15 AVRIL 2003

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-815-02

INTITULÉ :                                       Chin-Na Wu c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 19 février 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :           Le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                     Le 15 avril 2003

COMPARUTIONS :

Andrew Wlodyka                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Peter Bell                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lowe & Company                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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