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Date : 20031114

Dossier : IMM-4797-02

Référence : 2003 CF 1347

OTTAWA (ONTARIO), CE 14e JOUR DE NOVEMBRE 2003

Présent : L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                                    MOHAMED ZIAR JAOUADI

                                                                                                                         Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                           Partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. C-27 (Loi) à l'encontre d'une décision interlocutoire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue oralement le 23 septembre 2002 par les commissaires Michel Jobin et Stéphane Handfield et rejetant la demande de récusation faite par le demandeur.

TOILE DE FOND

[2]                Le demandeur, Mohamed Ziar Jaouadi, un ressortissant de la Tunisie, revendique le statut de réfugié en août 2000 pour des motifs politiques et religieux. Plus particulièrement, il allègue avoir été battu et torturé en 1999 et 2000 par les autorités policières parce qu'il serait un musulman pratiquant et qu'on le soupçonnerait également d'être en contact avec des groupes islamistes armés (dont le GIA). Les mêmes autorités le rechercheraient toujours puisqu'il a quitté le pays sans autorisation. Le demandeur craint aussi de rentrer en Tunisie en raison de ses opinions politiques et de ses activités politiques au Canada.


[3]                Une première journée d'audition devant le tribunal a lieu le 20 juillet 2001. Au cours de son témoignage, le demandeur révèle alors qu'il est un sympathisant, même s'il n'en est pas membre, du parti de la Renaissance, Ennhada, lequel est interdit en Tunisie. Là-bas, il lui est d'ailleurs arrivé de parler de ce parti à la mosquée. La police le soupçonnant d'appartenir à ce groupe, le battra et le torturera. D'autre part, depuis qu'il est au Canada, il affirme être en contact avec des membres influents de ce groupe dont son chef, M. Rachid Ghanouchi, avec qui il a des conversations téléphoniques régulièrement. Ces dernières personnes l'ont d'ailleurs aidé économiquement à s'installer au Canada et c'est grâce à M. Ghanouchi qu'il a pu obtenir un emploi de commis à la reprographie au Barreau du Québec. En 2001, il exprime son désir de devenir membre du parti Ennhada et obtient ainsi les coordonnées de certains membres. Toutefois, il ne poursuit pas ce projet. À la lumière de ces faits nouveaux, le tribunal décide d'ajourner l'audience au 17 octobre 2001 aux fins de permettre au Ministre d'intervenir, s'il y a lieu.

[4]                Le Ministre décide, entretemps, d'intervenir afin de déposer des documents concernant le parti Ennhada et de poser certaines questions au demandeur au sujet notamment de ses liens allégués avec des membres de cette organisation. Dans la volumineuse documentation déposée devant le tribunal par le Ministre, il est indiqué que ce mouvement est considéré comme une organisation à des fins limitées et brutales ayant perpétré des attentats en Tunisie qualifiés de terrorisme par plusieurs sources. D'ailleurs, dans d'autres dossiers, la participation de revendicateurs au sein de cette organisation a pu entraîner leur exclusion sur la base des sections F(b) et c) de l'Article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 R.T.N.U. 137 (Convention). Voir notamment la décision rendue le 27 janvier 2000 par Me Stéphane Handfield et M. Aimable Ndejuru dans V.C.F. (Re), [2000] C.R.D.P.D. 7 (Immigration and Refugee Board); demande de contrôle judiciaire rejetée le 24 septembre 2001, Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 CFPI 1043.

[5]                Une deuxième, troisième et quatrième journée d'audition ont lieu les 9 novembre 2001, 23 septembre 2002 et 15 janvier 2003 respectivement. Le demandeur est alors invité à compléter son témoignage et est longuement interrogé par le représentant du Ministre au sujet des liens qu'il peut entretenir avec le partie Ennhada et certains de ses dirigeants.

[6]                Ces auditions sont ponctuées par de multiples demandes d'ajournement. Ainsi, l'audition du 17 octobre 2001 est remise au 9 novembre 2001 à la demande de représentant du Ministre. L'audition du 11 février 2002 doit être annulée car le demandeur n'est pas présent (bien que son ancienne conseillère, Madame Lydia Ntap, ait été présente). L'audition est alors remise au 6 juin 2002. Entretemps, le 28 mai 2002, le demandeur révoque son ancienne conseillère. L'audition du 6 juin 2002 doit donc être annulée car le demandeur n'a pu se trouver un nouveau procureur.

[7]                Toujours sans représentant, le 17 juillet 2002, le demandeur formule une nouvelle demande de remise. L'audience est alors fixée péremptoirement au 23 septembre 2002. À ce moment, le tribunal fait clairement savoir au demandeur que l'audience procédera à la date fixée, avec ou sans avocat.

[8]                Le 21 août 2002, le nouveau procureur du demandeur, Me Johanne Doyon, avise le tribunal qu'elle est prête à représenter ce dernier mais qu'elle n'est pas disponible le 23 septembre 2002. Aussi, demande-t-elle que l'audition soit reportée à une date ultérieure. Le 27 août 2002, le tribunal refuse la demande de remise.


[9]                Le 12 septembre 2002, le demandeur informe le tribunal qu'il n'a toujours pas de procureur et qu'il renouvelle sa demande de remise. Celle-ci est à nouveau refusée le 17 septembre 2002.

[10]            La même demande de remise est réitérée à nouveau par écrit le 20 septembre 2002 par Me Doyon, et de vive voix le 23 septembre 2002 par Me Véronique Robert, du même bureau. Cette dernière reprend alors oralement les arguments présentés par Me Doyon dans sa lettre du 20 septembre 2002 au soutien de la demande de récusation qui est maintenant présentée au tribunal. Essentiellement, le demandeur reproche l'attitude hostile que les commissaires ont présumément eu à son endroit et se plaint également d'avoir été mal représenté et préparé aux audiences par son ancienne conseillère qui lui a faussement représenté être avocate.

[11]            Le 23 septembre 2002, le tribunal rejette la demande de récusation, ainsi que la demande formulée sur le champ par Me Robert au nom du demandeur afin que l'audience soit suspendue en attendant que cette Cour puisse se prononcer sur la présente demande de contrôle judiciaire, laquelle n'a pas encore été déposée à cette dernière date. Le président du tribunal indique alors que le tribunal continuera à siéger à moins qu'un sursis des procédures ne soit ordonné par la Cour.

[12]            Une vérification du présent dossier révèle qu'aucune demande de sursis n'a été présentée par le demandeur depuis l'institution de la présente demande de contrôle judiciaire, le 8 octobre 2002.

[13]            L'audition devant le tribunal s'est donc poursuivie le 23 septembre 2002 ainsi que le 15 janvier 2003. À cette dernière occasion, le demandeur, toujours représenté par Me Doyon, avec la permission du tribunal, modifie son formulaire de renseignements personnels, et coup de théâtre, annonce qu'il ne connaît aucun membre du parti Ennhada, à part M. Mohamed Zrig (voir la décision mentionnée au paragraphe 4), qu'il dit avoir connu « par hasard » . Donc, tout ce que le demandeur a dit jusqu'alors sur ses liens avec des membres de cette organisation serait faux.

[14]            S'il a inventé toute cette histoire, soutient le demandeur, c'est à cause d'un ami palestinien qui l'a mal conseillé, et, semble-t-il, à la suggestion de son ancienne conseillère. Il était également malade et perturbé. Aussi, les mensonges se sont succédés au fil des auditions. Mais laissons plutôt le demandeur s'exprimer :

Je commence d'abord en premier lieu à m'excuser, parce que ç'a commencé comme c'était pas vraiment mon intention. D'abord l'histoire je l'ai déjà mentionné avant, c'est pas moi qui l'a écrit, c'était un ami que je l'ai connu ici. C'est un palestinien et puis je lui ai raconté grosso modo qu'est-ce qui s'est passé avec moi et puis j'étais un peu mêlé dans mes affaires et tout. Et là il m'a écrit l'histoire et puis je me suis rendu compte que bon, c'est pas vraiment... ça pas de l'allure là que j'accepte de passer l'histoire comme ça et puis, mais j'étais vraiment, j'avais pas le choix, parce que ç'a commencé comme ça et puis après ç'a...

[...]


À mon arrivée ici c'est que j'étais malade, j'étais perturbé. J'ai passé par une période de détresse et puis avec des pressions et tout. Là j'avais pas saisi que ç'a pas de bon sens de déposer une histoire de même et juste que je me suis accroché que peut-être ça pourrait m'aider et puis pour que je retourne pas en Tunisie, parce que j'avais peur de retourner.

[...]

Parce que moi lorsque j'ai présenté mon histoire à ma... à madame Ntap là, ma conseillère, mon ex-conseillère avant, et puis il a lu l'histoire, puis il a dit que c'est une histoire religieuse et puis c'est pour ici au Canada, toutes les personnes qui sont de, avec des réfugiés qui sont avec des histoires religieuses, ils sont automatiquement considérés comme des islamistes et puis elle dit, elle m'a dit que d'après son expérience dans le domaine, que toutes les personnes sont considérées comme des sympathisants d'Ennhada et puis de toute façon je dis n'importe quoi, je serai sympathisant d'Ennhada. Alors elle m'a dit si ils me demandent si je connais quelqu'un, c'est de dire oui. J'ai pris cette idée-là et puis là j'ai chercher sur Internet, j'ai rentré dans le chat, à un room de chat sur Internet, un forum tunisien politique et puis j'ai connu quelqu'un et puis qui m'a donné le numéro du bureau supposé de Rachid Ghanouchi et puis là j'ai pris ça pour inventer l'histoire en disant que je connais un tel membre d'Ennhada. Pas plus. c'est toute la vérité toute nue.

(Transcription de l'audience du 15 janvier 2003, dossier du tribunal, pages 1733, 1735, 1738-39)

[15]            Quatre journées d'audition ont déjà eu lieu (hormis les journées annulées). Il est anticipé qu'une autre journée d'audition sera nécessaire avant qu'une décision finale puisse être rendue par le tribunal.

ANALYSE

[16]            La Cour est aujourd'hui invitée par le demandeur à arrêter et à annuler le processus d'examen de la revendication du demandeur, entamé depuis l'été 2001, parce qu'il existerait une crainte raisonnable de partialité de la part des membres du tribunal et parce que le demandeur aurait été mal représenté et consulté par son ancienne conseillère.

[17]            Lorsqu'un demandeur s'adresse devant cette Cour pour obtenir l'émission d'une ordonnance discrétionnaire, comme c'est le cas en l'espèce, sa conduite doit être irréprochable (Kouchek v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) [1995] F.C.J. No. 323 (T.D.) (QL)). Les faits pertinents au soutien de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire doivent être présentés à la Cour de façon complète et objective. Dans le cas où le demandeur a révoqué son ancien procureur, le nouveau procureur doit être particulièrement vigilant. Cela est d'autant plus important lorsqu'un demandeur formule de graves accusations qui mettent non seulement en cause l'impartialité des membres du tribunal mais également les compétences professionnelles, voir l'intégrité et l'honnêteté de son ancien représentant.

[18]            À cet égard, dans l'arrêt Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, au paragraphe 8, la Cour d'appel fédérale indique que de simples soupçons et des impressions d'un demandeur ou de son procureur quant à la partialité actuelle ou appréhendée d'un tribunal ne sont pas suffisants :

Une allégation de partialité, surtout la partialité actuelle et non simplement appréhendée, portée à l'encontre d'un tribunal, est une allégation sérieuse. Elle met en doute l'intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. Elle ne peut être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d'un demandeur ou de son procureur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme.


[19]            Manifestement, le demandeur ne s'adresse pas à la Cour avec les mains propres, et, pour ce seul motif, la Cour est fondée de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. En effet, la Cour n'est pas prête à accepter qu'un revendicateur du statut de réfugié ayant inventé une histoire sur les conseils d'un ancien représentant puisse demander une nouvelle audition devant une formation différente du tribunal simplement sur la base qu'il aurait été mal conseillé par ce dernier. Le demandeur ne peut ici se prévaloir de sa propre turpitude. Faut-il le rappeler, le demandeur a prêté serment de dire toute la vérité. C'est donc lui qui doit assumer l'entière responsabilité de tout parjure qu'il a pu commettre devant le tribunal.

[20]            S'il faut croire aujourd'hui le demandeur, le tribunal n'aurait sans doute aucun motif pour l'exclure de la définition du statut de réfugié. Dans l'avis d'intervention du Ministre, daté du 20 mars 2003, les sections Fa) et f) de l'Article premier de la Convention sont maintenant soulevés formellement devant le tribunal. Néanmoins, rien dans la preuve ne laisse entendre que c'est ce que le tribunal a l'intention de faire. En effet, la crédibilité du demandeur et de son récit de persécution sont directement en cause. Aussi, appartiendra-t-il maintenant au tribunal de décider du bien-fondé de la revendication du demandeur, et le cas échéant, de son exclusion de la définition de statut de réfugié, en fonction de la crédibilité du demandeur et de l'ensemble des preuves au dossier.


[21]            Sauf circonstances spéciales, il n'est pas approprié pour cette Cour d'intervenir avant qu'une décision finale du tribunal ne soit rendue. Pour une administration efficace de la justice, il faut éviter la fragmentation des procédures, les retards et des frais inutiles qui en résulteront autrement : Szczecka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 934 (C.A.F.) (QL). Ici, il n'existe aucune circonstance spéciale ou exceptionnelle justifiant l'intervention de cette Cour (Air Canada v. Lorenz, [2000] 1 F.C. No. 494 au para. 50 (T.D.) (QL)).

[22]            Ceci étant dit, les allégations du demandeur ne sauraient, par ailleurs, être retenues.

[23]            En ce qui a trait aux allégations de partialité formulées par le demandeur, dans l'affaire Caza c. Télé-Métropole Inc. 2003 CF 811, le juge Pinard rappelle que l'arrêt de principe faisant autorité au Canada est toujours celui rendu en 1978 par la Cour suprême dans Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 S.C.R. 369. Tel que le juge Grandpré l'a indiqué aux pages 394-95, la Cour doit se demander à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Les motifs de crainte de partialité doivent être sérieux et le principe fondamental est le même : la justice naturelle doit être respectée. En pratique cependant, il faut prendre en considération le caractère particulier du tribunal.


[24]            En l'espèce, je ne vois pas en quoi le fait pour le président d'être intervenu en cours d'audition le 9 novembre 2001 pour faire valoir les diplômes et les compétences de l'interprète arabe puisse soulever une quelconque crainte de partialité. Il n'y avait non plus rien de mal à signifier au demandeur que s'il voyait un problème avec la traduction, il lui appartenait d'en faire part au tribunal. Quant aux autres reproches du demandeur, ceux-ci portent principalement sur les propos des commissaires lors de l'audience du 17 juillet 2002. Manifestement, ces derniers ont été irrités par le fait de remettre l'audience une troisième fois. Leur irritation m'apparaît compréhensible lorsqu'on considère la décision tardive du demandeur de révoquer le mandat de son ancienne conseillère, alors que celle-ci avait mentionné publiquement un an auparavant qu'elle n'était « plus_ » avocate.

[25]            Dans l'affaire Ithibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 499 au para. 68 (C.F. 1ière inst.) le juge Blais a endossé les propos suivants des auteurs Brown et Evans dans Judicial Review of Administrative Action in Canada, (Toronto, Canvasback Publishing, 1998), aux pages 11-31 et 11-32 :

[TRADUCTION] Par ailleurs, une expression d'impatience ou une perte de à sang-froid momentanée de la part d'un membre d'une formation ne le rendra pas incapable d'entendre l'affaire dans les cas où il s'agit d'une simple tentative visant à contrôler la façon dont l'instance se déroule. De la même façon, une remarque sarcastique qui suit le refus d'une partie de témoigner, ou une phrase mal choisie ou dénotant un manque de sensibilité, n'entraînera pas, à elle seule, l'incapacité. [Notes en bas de page omises.]

[26]            Même si les mots et le ton employés par les commissaires à l'audience du 17 juillet 2002 laissent peut-être quelque peu à désirer, je ne crois pas qu'on puisse sérieusement soutenir que les commissaires ont de ce fait perdu leur sérénité. On ne peut raisonnablement reprocher au président, une fois qu'il ait annoncé la levée de l'audition après un long débat, d'avoir traité le demandeur d' « insolent » . Il est clair que le demandeur tentait alors de ré-argumenter le bien fondé de la décision du tribunal de fixer péremptoirement l'audition au 23 septembre 2002.

[27]            Dans l'ensemble, les griefs reprochés par le demandeur sont injustifiés. Bref, ayant lu attentivement les transcriptions, je n'ai aucune hésitation à conclure que les faits soulevés par le demandeur ne sont pas de nature à soulever une crainte raisonnable de partialité chez une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique.

[28]            Le demandeur allègue également que le tribunal a omis de statuer sur la demande de récusation et d'audience de novo basé sur le fait que le demandeur avait été victime d'une conseillère qui s'est faussement présenté à lui comme étant avocate. Or dès l'audience du 20 juillet 2001, Madame Ntap a admis publiquement ne plus être avocate parce qu'elle avait cessé de payer ses cotisations professionnelles (transcription, dossier du tribunal, page 1238). C'est donc à ce moment, s'il était insatisfait de la représentation de cette dernière, que le demandeur aurait dû prendre des mesures afin de remédier à ce problème.

[29]            Il est relativement facile pour un demandeur d'avancer dans une demande de contrôle judiciaire des allégations relativement au statut ou l'incompétence d'un ancien représentant. Cependant, de telles allégations ont inévitablement des conséquences sérieuses sur la personne visée et sa réputation. Aussi, je ne suis pas prêt à donner effet aux allégations avancées ici par le demandeur sans aucune forme de procès. S'ajoute le fait que le demandeur n'a pris ici aucune mesure pour remédier au problème, et que selon la preuve au dossier, le demandeur (qui pourtant a déjà été à l'emploi du Barreau du Québec) n'a pris aucune démarche concrète auprès du Barreau.


[30]            Règle générale, il revient aux corporations professionnelles et non aux tribunaux d'intervenir dans les cas d'allégations d'incompétence (Nunez v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) (2000), 189 F.T.R. 147 (T.D.) au para. 19). À cet égard, le client est réputé avoir autorisé les actes posés par son avocat ou son représentant en son nom, lesquelles conclusions l'engagent de ce fait (Williams c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),[1994] A.C.F. no 258 au para. 20 (C.F. 1re inst.) (QL); et Huynh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 642 (C.F. 1re inst.) (QL)). Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que l'incompétence d'un avocat peut être prise en compte par la Cour (voir Sheikh v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1990), 71 D.L.R. (4th) 604 (F.C.A.); Huynh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), supra; Shirwa c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1993] A.C.F. no 1345 (C.F. 1re inst.) (QL); Drummond v. Canada (Minister of Citzenship and Immigration) (1996), 112 F.T.R. 33 aux paras. 4-6 (T.D.)). Pareilles circonstances exceptionnelles ne sont pas présentes ici.


[31]            D'autre part, le droit aux services d'un avocat qu'invoque ici le demandeur, n'est qu'un complément aux principes de la justice naturelle et de l'équité. Or, il est reconnu que devant le tribunal le conseiller d'un revendicateur n'a pas besoin d'être avocat. À cet égard, nonobstant le statut et les compétences professionnelles de l'ancienne représentante du demandeur, il est clair ici qu'il n'y a eu aucune atteinte aux principes de justice naturelle. À tous les égards, le demandeur a eu l'occasion de présenter des preuves et d'intervenir dans les débats pour faire valoir son point de vue et pour corriger toute inexactitude dans son récit. Je suis donc d'avis que le demandeur n'a subi aucun préjudice irréparable.

[32]            Par conséquent, les commissaires n'ont commis aucune erreur révisable en refusant la demande de récusation présentée par le demandeur, et j'arrive à la conclusion qu'il n'existe aucune circonstance spéciale justifiant l'intervention de cette Cour.

[33]            Il n'est pas approprié de certifier quelque question que ce soit. En effet, une question certifiée doit transcender les intérêts des parties en cause et porter sur des sujets de grande importance tout en étant déterminante pour l'appel sous examen (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. no 1637). Ce n'est manifestement pas le cas en l'espèce vu le caractère interlocutoire des présentes procédures.

[34]            Au surplus, à cause du comportement du demandeur, j'ai décidé de rejeter la présente demande avec dépens.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire faite par le demandeur de la décision du tribunal en date du 23 septembre 2002, soit rejetée avec dépens. Aucune question de portée générale ne sera certifiée.

                                        __________________________________

                                                                                                     Juge                              


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-4797-02

INTITULÉ :               MOHAMED ZIAR JAOUADI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                        MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                      15 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                             14 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS:

ME JOHANNE DOYON                                 POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

ME MICHEL PÉPIN                                  POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

DOYON MORIN                                       POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

MORRIS ROSENBERG                                 POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


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