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Date : 20040123

Dossier :IMM-5359-01

Référence : 2004 CF 103

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

                                                          NGOC-ANH THI TRUONG

(également connue sous le nom de TRUONG THI NGOC ANH)

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale[1]et de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration[2], de la décision d'un agent des visas, datée du 16 août 2001, dans laquelle il a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse en vertu des paragraphes 8(1) et 10(1) du Règlement sur l'immigration de 1978[3].


LE CONTEXTE

[2]                 La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente à titre de parent aidé et par l'intermédiaire du programme d'offres d'emploi dans une entreprise familiale (le POEEF). La demanderesse a demandé d'être appréciée à l'égard de la profession de couturière (CNP 7342.1)[4]. Le POEEF a été approuvé par le Centre d'Immigration Canada (CIC) de Hamilton, en Ontario, le 5 février 2001.

LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[3]                 L'agent des visas a apprécié la demanderesse, lui a attribué 38 points et a donc rejeté sa demande[5].

LES QUESTIONS EN LITIGE

[4]                 L'agent des visas a-t-il omis de tenir compte de la totalité de la preuve dont il disposait ou l'a-t-il mal appréciée?

[5]                 L'agent des visas a-t-il commis une erreur en n'exerçant pas son pouvoir discrétionnaire d'acceptation en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement?


ANALYSE

[6]                 On fait mention de la décision dans l'affaire Ngoc-Trang Thu Truong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1261, compte tenu de la ressemblance des noms et des faits. La demanderesse dans l'affaire Ngoc-Trang Thu Truong est liée à la demanderesse en l'espèce et elle s'est fait offrir le même genre d'emploi que celle-ci par la même tante. De plus, les arguments présentés par l'avocat de la demanderesse dans cette affaire étaient les mêmes que ceux formulés en l'espèce. La décision du juge Lemieux devrait être adoptée dans son ensemble quant à l'interprétation du Règlement. Le fait de se fonder sur la décision du juge Rothstein, maintenant à la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1239 (1re inst.) (QL), est important en l'espèce, particulièrement le paragraphe 6 de cette décision.

NORME DE CONTRÔLE


[7]                 La norme de contrôle d'une décision d'un agent des visas est celle du caractère manifestement déraisonnable. Le défendeur cite les décisions Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[6], Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[7],Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada[8],To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[9] et Chalaby c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[10].

L'omission de tenir compte d'éléments de preuve

[8]                 Le but des critères de sélection, tels qu'ils sont énumérés dans l'annexe I du Règlement, c'est de déterminer si un immigrant pourra ou non réussir son installation au Canada. Le législateur a décrété qu'en obtenant au moins 65 points, le demandeur à titre de parent aidé démontrera qu'il peut réussir son installation au Canada. L'agent des visas, en se fondant sur l'annexe I, a appliqué le bon critère lors de son appréciation de la demande de la demanderesse.

[9]                 Il n'appartient pas au CIC de déterminer si un demandeur réussira ou non son installation au Canada. Le rôle du CIC, dans un cas comme celui qui nous occupe, est plutôt de déterminer si l'emploi proposé au demandeur devrait être ou non accepté dans le programme d'offres d'emploi dans une entreprise familiale. C'est l'agent des visas qui, ensuite, détermine si le demandeur pourra ou non réussir son installation au Canada.


[10]            La décision Siddiqui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[11] n'est pas applicable en l'espèce. Dans l'affaire Siddiqui, le demandeur devait recevoir 65 points, mais il en avait reçus 73. Toutefois, comme on ne lui avait pas attribué de points dans la catégorie relative à l'expérience, sa demande avait été rejetée. La Cour a déterminé que l'agente des visas n'avait pas commis d'erreur en n'attribuant aucun point pour l'expérience. De plus, la décision n'appuie pas la thèse selon laquelle une demande de visa devrait être approuvée lorsqu'une personne ne parle ni le français ni l'anglais et que le travail exige un degré de confiance mais pas la connaissance de l'une ou l'autre des langues officielles.

[11]            Le défendeur soutient qu'il était approprié que l'agent des visas prenne en compte dans son appréciation le fait que la demanderesse ne parle pas l'anglais, ce avec quoi la Cour est d'accord.

Le pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3)


[12]            Si la demanderesse désirait être examinée en application du paragraphe 11(3) du Règlement, il lui incombait alors d'en faire la demande et d'expliquer les raisons pour lesquelles elle croyait que les points d'appréciation ne reflétaient pas ses chances de réussir son installation au Canada. À cet égard, le défendeur cite les décisions Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[12], Yeung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[13], Gao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[14], Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[15] et Mamun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[16] à l'appui de son observation.

[13]            De plus, le paragraphe 11(3) est censé s'appliquer dans des cas inhabituels ou dans des cas où le nombre de points attribués à un demandeur s'approche de celui qui est prescrit. En l'espèce, la demanderesse n'a donné aucune explication quant à savoir pourquoi son cas était inhabituel, sauf pour affirmer qu'elle avait la compétence requise pour occuper l'emploi proposé. Il était donc raisonnable de la part de l'agent des visas de ne pas envisager d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'acceptation[17].

[14]            L'agent des visas a-t-il commis une erreur en n'exerçant pas son pouvoir discrétionnaire d'acceptation en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement?


[15]            Encore une fois, la Cour partage l'avis du défendeur selon lequel les affaires citées par la demanderesse doivent toutes être distinguées d'avec celle qui nous occupe. Dans les décisions Razavi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[18]et Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[19], les demandes des demandeurs étaient très solides et les agents des visas avaient mal interprété la loi ou mal apprécié la preuve dont ils disposaient[20]. Dans la décision Siddiqui, le juge Cullen a confirmé la décision de l'agente des visas de rejeter la demande de résidence permanente malgré que le demandeur ait obtenu plus de 70 points. Son commentaire, selon lequel si l'emploi avait été différent le demandeur aurait alors pu réussir, était une observation incidente et était relié directement aux faits de l'affaire. En l'espèce, l'agent des visas n'a commis aucune erreur, dans son interprétation de la loi ou dans son appréciation de la preuve, et la demanderesse n'a obtenu que 38 points. La demanderesse n'a pas démontré pourquoi l'agent des visas aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire d'acceptation en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement.

[16]            De plus, il est bien établi en droit qu'un demandeur doit expressément demander à l'agent des visas d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'acceptation en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement et qu'il doit expliquer les raisons pour lesquelles il pourrait réussir son installation au Canada, même s'il ne reçoit pas le nombre de points prescrits par l'annexe I[21]. La demanderesse ne l'a pas fait et, par conséquent, l'agent des visas n'a pas commis d'erreur du fait de ne pas avoir envisagé d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'acceptation en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement.


CONCLUSION

[17]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                    La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                    Aucune question n'est soulevée en vue de la certification.

« Michel M. J. Shore »

___________________

   Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


Annexe A


Loi sur l'Immigration, L.R.C. 1985, c. I-2

Demande de visa

      9 (1) Sous réserve du paragraphe (1.1) sauf, cas prévus par règlement, les immigrants et visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée.


Immigration Act, R.S.C. 1985, c. I-2

Applications for visas

      9 (1) Except in such cases as prescribed, and subject to subsection (1.1), every immigrant and visitor shall make an application for and obtain a visa before that person appears at a port of entry.



Règlement sur la Loi sur l'Immigration, 1978 (DORS/78-172)

Critères de sélection

      8 (1) Sous réserve de l'article 11.1 afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge, à l'exception d'un parent, d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller et d'un immigrant qui entend résider au Québec, pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint :

a) dans le cas d'un immigrant qui n'est pas visé aux alinéas b) ou c), suivant chacun des facteurs énumérés à la colonne I de l'annexe I;

(2) Un agent des visas doit donner à l'immigrant qui est apprécié suivant les facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I le nombre voulu de points d'appréciation pour chaque facteur, en s'en


Immigration Regulations, 1978 (SOR/78-172)

Selection Criteria

      8 (1) Subject to section 11.1, for the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants, other than a member of the family class, a Convention refugee seeking resettlement or an immigrant who intends to reside in the Province of Quebec, will be able to become successfully established in Canada, a visa officer shall assess that immigrant or, at the option of the immigrant, the spouse of that immigrant,

(a) in the case of an immigrant, other than an immigrant described in paragraph (b) or (c), on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I;

(2) A visa officer shall award to an immigrant who is assessed on the basis of factors listed in Column I of Schedule I the appropriate number of units of assessment for each factor in accordance with the


tenant au maximum fixé à la colonne III, conformément aux critères visés dans la colonne II de cette annexe vis-à-vis de ce

facteur.

[...]

      10 (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (1.2) et de l'article 11, lorsqu'un parent aidé présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'aux personnes à charge qui l'accompagne si les conditions suivantes sont réunies:

[...]

b) dans le cas du parent aidé qui entend résider au Canada ailleurs qu'au Québec, sur la base de l'appréciation visée à l'article 8, le parent aidé obtient au moins 65 points d'appréciation;

[...]

      11 (3) L'agent des visas peut

a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou

b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d' appréciation requis par les articles 9 ou 10, s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire

criteria set out in Column II thereof opposite that factor, but he shall not award for any factor more units of assessment than the maximum number set out in Column III thereof opposite that factor.

...

      10 (1) Subject to subsections (1.1) and (1.2) and section 11, where an assisted relative makes an application for an immigrant visa, a visa officer may issue an immigrant visa to the asisted relative and accompanying dependants of the assisted relative if

...

(b) in the case of an assisted relative who intends to reside in a place other than the Province of Quebec, on the basis of an assessment made in accordance with section 8, the assisted relative is awarded at least 65 units of assessment; and

...

      11 (3) A visa officer may

(a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or

(b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10, if, in his opinion, there are good reasons why


que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons on été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.            


the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.



ANNEXE I

(Aticles 3, 7, 8 et 11)

1. Études

2. Études et formation

3. Expérience

4. Facteur professionnel

5. Emploi réservé ou profession désignée

6. Facteur démographique

7. Âge

8. Connaissance du français et de l'anglais

9. Personnalité


SCHEDULE I

(Sections 3, 7 8 and 11)

1. Education

2. Education and Training

3. Experience

4. Occupational Factor

5. Arranged Employment or Designated Occupation

6. Demographic Factor

7. Age

8. Knowledge of English and French Languages

9. Personal Suitability


FEDERAL COURT

                                                                                   

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :     IMM-5359-01

INTITULÉ :    NGOC-ANH THI TRUONG

(également connue sous le nom de TRUONG THI NGOC ANH)

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 20 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :           LE 23 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Trang Nguyen    POUR LA DEMANDERESSE

Kareena Wilding            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

TRANG NGUYEN      POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

MORRIS ROSENBERG          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1] L.R.C. 1985, ch. F-7

[2] L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi)

[3] DORS/78-172 (le Règlement)

[4] Dossier certifié du tribunal, lettre de l'agent des visas à la demanderesse, à la page 7

[5] Précitée.

[6] [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 53

[7] [2002] A.C.S. no 3 (C.S.C.) (QL), aux paragraphes 31 à 37

[8] [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8

[9] [1996] A.C.F. no 696 (C.A.) (QL)

[10] [2001] A.C.F. no 66 (1 re inst.) (QL)

[11][1997] A.C.F. no 1236 (1re inst.) (QL)

[12] [1998] A.C.F. no 1239 (1re inst.) (QL), au paragraphe 6

[13] [2000] A.C.F. no 1174 (1re inst.) (QL), aux paragraphes 16 et 19

[14] [2002] A.C.F. no 48 (1re inst.) (QL), au paragraphe 9

[15] [1999] A.C.F. no 528 (1re inst.) (QL), aux paragraphes 21 et 23

[16] [2002] A.C.F. no 141 (1re inst.) (QL), aux paragraphes 7 à 12

[17] Mémoire des faits et du droit du défendeur, aux paragraphes 19 à 21, citant Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 219 (1re inst.) (QL); Chen, précitée, aux paragraphes 21 et 23; Gao, précitée; Mamun, précitée et Yeung, précitée.

[18][1999] A.C.F. no 1388 (1re inst.) (QL)

[19][1997] A.C.F. no 286 (1 re inst.) (QL)

[20] Razavi, précitée, aux paragraphes 4 et 5; Khan, précitée, au paragraphe 24

[21] Lam, précitée, au paragraphe 6; Yeung, précitée, aux paragraphes 16 à 19; Cao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1077 (1re inst.) (QL), aux paragraphes 33 et 34

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