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Date : 20031003

Dossier : IMM-7280-03

Référence : 2003 CF 1153

Ottawa (Ontario), le 3 octobre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE           

ENTRE :

                                                           AINSLEY WAYNE SMITH

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée en vue d'obtenir une ordonnance de sursis d'exécution d'une mesure d'expulsion visant le demandeur qui a été prise le 2 septembre 2003. Le demandeur doit être renvoyé du Canada le 6 octobre 2003.


[2]                 Le demandeur est un résident permanent du Canada. Il est arrivé au Canada en 1987. Étant donné qu'il a été déclaré coupable de plusieurs infractions criminelles entre 1996 et 1999, la Section d'arbitrage (qui est devenue la Section de l'immigration) a mené une enquête en matière d'immigration, et elle a pris une mesure d'expulsion à l'égard du demandeur le 4 août 2000.

[3]                 Le défendeur dit ce qui suit au paragraphe 4 de son mémoire des arguments :

[TRADUCTION] Il semble qu'il y ait deux demandes sous-jacentes d'autorisation et de contrôle judiciaire en l'espèce. La première vise la décision en date du 19 juillet 2001, dans laquelle la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu au désistement de l'appel déposé par le demandeur à l'encontre de la mesure d'expulsion prise contre lui le 4 août 2000. La deuxième décision faisant l'objet du contrôle est la convocation que l'agente d'exécution Gina Farrauto (l'agente d'exécution) a remise au demandeur le 2 septembre 2003, lors d'une entrevue préalable au renvoi.

[4]                 L'examen des risques avant renvoi a débouché sur la conclusion que le demandeur ne serait pas menacé s'il était renvoyé en Jamaïque.

[5]                 En raison de changements d'adresse, le demandeur n'a jamais reçu la lettre de la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans laquelle on l'informait de la date de son audience, et il n'a reçu que le 28 août 2003 la décision dans laquelle on concluait au désistement de son appel.

[6]                 Les paragraphes 7 et 8 du mémoire du défendeur sont rédigés comme suit :

[TRADUCTION] Lors de l'entrevue préalable au renvoi, l'agente d'exécution a avisé l'avocate du demandeur qu'elle devait demander à la SAI de réexaminer la décision dans laquelle elle avait conclu au désistement de l'appel du demandeur, et ce, en invoquant les principes d'équité procédurale ou de justice naturelle. L'agente d'exécution a déclaré qu'elle allait différer le renvoi du demandeur si la SAI acceptait de rouvrir l'audience. Si cela s'avérait impossible, le renvoi aurait lieu comme prévu.


Aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), seuls les étrangers peuvent demander la réouverture d'un appel pour des motifs ayant trait à la justice naturelle. Il s'ensuit que le demandeur ne peut pas demander la réouverture d'une demande dont il s'est désisté. Après avoir été informée de ce fait, l'agente d'exécution a conclu que le renvoi devait se dérouler comme prévu étant donné que le dépôt d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision dans laquelle on avait conclu au désistement ne donnait pas lieu à un sursis d'exécution d'origine législative de la mesure de renvoi prise à l'égard du demandeur. L'agente d'exécution en a avisé l'avocate du demandeur.

[7]                 On m'a avisé lors de l'audition de la requête que le demandeur a lui-même déposé une demande de résidence permanente au Canada en invoquant des motifs d'ordre humanitaire.

[8]                 Le demandeur est le père d'une fillette de trois ans, née au Canada. Son ex-femme, la mère de l'enfant, a la garde de leur fille.

[9]                 Le demandeur a été abandonné par ses parents à l'âge de seize ans. Il occupe actuellement deux emplois à temps plein dans deux restaurants différents. Il a l'intention de retourner aux études pour obtenir un diplôme de chef cuisinier et de continuer à travailler dans l'industrie de la restauration par la suite.

[10]            Le demandeur verse régulièrement la pension alimentaire pour sa fille qui, affirme-t-on, lui est attachée sur le plan émotif et dépend de lui sur le plan financier.                   

[11]            Depuis 1999, aucune accusation criminelle n'a été portée contre le demandeur.

[12]            Le demandeur est marié à une citoyenne canadienne qui en est à sa dernière année d'études en administration à l'Université de Windsor. Sa femme à l'intention de devenir comptable.

[13]            La femme du demandeur est d'un grand soutien à sa fille.

[14]            Question en litige

Doit-on surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi?

Analyse et décision

[15]            Il est maintenant admis que l'agent chargé du renvoi jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire et peut, dans certaines circonstances, surseoir au renvoi du demandeur (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 148).

[16]            Pour obtenir un sursis, le demandeur doit remplir les conditions énoncées à la page 305 de l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 587 (QL) (C.A.) :

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co.v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :


[TRADUCTION] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

Le demandeur doit satisfaire aux trois volets du critère tripartite énoncé dans l'arrêt Toth, précité, pour que le sursis puisse être accordé.

[17]            Question sérieuse

Je suis convaincu qu'une question sérieuse a été soulevée, soit la question de savoir si une mesure de renvoi devait être prise eu égard aux faits en l'espèce.

[18]            Préjudice irréparable

Je suis également d'avis que le demandeur subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé en Jamaïque dans les circonstances en l'espèce. Il n'a commis aucune infraction depuis 1999, il perdrait ses deux emplois à temps plein et le soutien de sa femme. De plus, il perdrait la capacité de subvenir aux besoins de sa fille de trois ans.

[19]            Prépondérance des inconvénients

La prépondérance des inconvénients est favorable au demandeur. Aucun élément de preuve ne démontre qu'il constitue une menace pour le public, et le ministre pourra toujours le renvoyer du Canada si sa demande d'autorisation ou de contrôle judiciaire est rejetée.

[20]            J'ordonne le sursis d'exécution de la mesure de renvoi visant le demandeur jusqu'à ce que sa demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Si la demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire est accueillie, j'ordonne le sursis d'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce que la Cour statue de façon définitive sur la demande de contrôle judiciaire.

                 ORDONNANCE

[21]            LA COUR ORDONNE le sursis d'exécution de la mesure de renvoi visant le demandeur jusqu'à ce que la demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire déposée par celui-ci soit rejetée. Si la demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire est accueillie, la Cour ordonne le sursis d'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce que la Cour statue de façon définitive sur la demande de contrôle judiciaire.

                                                    « John A. O'Keefe »             

                                                                                   Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 3 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :    IMM-7280-03

INTITULÉ : AINSLEY WAYNE SMITH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le jeudi 2 octobre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                        le vendredi 3 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Sandra Saccucci Zaher                           POUR LE DEMANDEUR

Marina Karvellas                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sandra Saccucci Zaher                           POUR LE DEMANDEUR

Windsor (Ontario)

Morris Rosenberg                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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