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Date : 20031212

Dossier : T-636-02

Référence : 2003 CF 1450

ENTRE :

                                  ROBERT J. RICHARDS et SANDRA L. RICHARDS

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                 Les présents motifs ont trait à un recours en révision exercé par les demandeurs en vertu de l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (la Loi). Les demandeurs allèguent qu'ils se sont vu refuser la communication de renseignements personnels qu'ils demandaient.

[2]                 Dans leur demande, les demandeurs énumèrent un certain nombre de documents qui contiendraient des renseignements personnels les concernant, dont la communication leur a été refusée par le ministre du Revenu national (le ministre), par l'entremise de ses fonctionnaires.


[3]                 Lors de l'audition de cette demande, M. et Mme Richards ont laissé tomber leur demande de production de différents documents appartenant à deux des cinq groupes visés par leur recours en révision.

[4]                 Les autres documents en cause en l'espèce sont les suivants :

(1)        les notes prises par Madelane Chiasson, chef d'équipe de la Division des appels de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'Agence), lors de l'examen de l'avis d'opposition déposé par Mme Richards;

(2)        le formulaire T20ST - Conciliation rempli par Ron Duykers, le vérificateur de l'Agence ayant effectué la vérification qui a mené à l'établissement des nouvelles cotisations à l'égard de M. et Mme Richards pour lesquelles des avis d'opposition ont été déposés;

(3)        le formulaire T2020 - Notes pour le dossier, daté du 4 février 1999, qui aurait été rempli par M. Duykers;

(4)        la note rédigée par Garney Westhaver, le chef d'équipe de Ron Duykers.


[5]                 Le défendeur nie que les demandeurs se soient vu refuser la communication de renseignements personnels les concernant. Le ministre dit que les documents que les demandeurs souhaitent obtenir n'existent pas ou ont disparu. Il ajoute que les demandeurs ont reçu tous les documents contenant des renseignements personnels les concernant qu'il possédait, ce qui représente des milliers de pages.

[6]                 Le ministre soutient que les documents demandés par les demandeurs n'existent pas dans deux cas : Madelane Chiasson n'a pas pris de notes pendant son examen de l'avis d'opposition, et il n'y a aucun document joint à la note de M. Westhaver qui a déjà été communiquée.

[7]                 D'après le ministre, les deux autres documents qui contiendraient des renseignements personnels ont disparu. Le défendeur reconnaît que la partie inférieure du formulaire T20ST - Conciliation est manquante parce qu'elle a été arrachée, mais personne ne sait de quelle manière. Selon lui, cela n'a pas été fait délibérément. Le ministre ajoute que, selon toute vraisemblance, cette partie ne contenait aucun renseignement personnel. Enfin, les renseignements personnels contenus dans le formulaire T2020 de Ron Duykers figurent apparemment sur un papillon adhésif collé sur ce document et recouvert d'un autre papillon adhésif. Il n'existe qu'une photocopie du formulaire T2020 et les deux papillons adhésifs ont disparu.

[8]                 La Cour doit effectuer un examen de novo lorsqu'elle est saisie d'un recours en révision visé à l'article 41 de la Loi. Elle doit décider si, selon la prépondérance des probabilités et sur la foi des éléments de preuve dont elle dispose, les demandeurs se sont vu refuser la communication de renseignements personnels.


[9]                 Les conclusions tirées par le Commissaire à la protection de la vie privée (le Commissaire) le 15 novembre 2001, après avoir mené une enquête sur la plainte déposée par les demandeurs contre l'Agence en juillet 2000, dans laquelle ils alléguaient que celle-ci n'avait pas fait droit à leur demande de renseignements personnels, sont importantes.

[10]            Les demandeurs alléguaient plus particulièrement dans leur plainte au Commissaire que la Division de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de l'Agence avait omis de retrouver et de traiter tous les documents qui avaient un lien avec leur demande de renseignements, que l'Agence avait refusé de communiquer les renseignements parce que ceux-ci n'étaient pas disponibles suivant le paragraphe 12(1) de la Loi, que le formulaire T20ST - Conciliation était abîmé et que d'autres documents avaient été retirés des dossiers avant d'être traités conformément à la Loi.

[11]            Le Commissaire a constaté que, dans de nombreux cas, l'Agence avait d'abord refusé la communication de renseignements personnels à laquelle les demandeurs avaient droit en vertu de la Loi. Il a ajouté :

[traduction] Comme vous avez obtenu les renseignements en question et que rien n'indique que d'autres documents existent, je n'ai pas l'intention de prendre d'autres mesures.

[12]            En ce qui concerne le formulaire T20ST - Conciliation, le Commissaire est arrivé à la conclusion suivante :


[traduction] Notre examen du formulaire T20ST - Conciliation original qui se trouve dans le dossier a confirmé que la partie inférieure du document est manquante, et l'état du document semble indiquer qu'elle a été arrachée. Pour que nous puissions conclure que le droit d'accès que vous accorde la Loi sur la protection des renseignements personnels n'a pas été respecté, il faut qu'il soit établi que la partie manquante contenait des renseignements personnels vous concernant. Des discussions ont été entreprises afin de savoir quel fonctionnaire de l'ADRC a arraché la partie inférieure de ce document, les raisons pour lesquelles il l'a fait et les renseignements personnels, le cas échéant, qui y figuraient. Or, ces recherches n'ont rien donné. Pour sa part, le vérificateur ne se rappelait pas avoir détaché la partie inférieure, et il a soutenu n'avoir enlevé du document aucun renseignement personnel vous concernant. En résumé, nos recherches ne permettent pas de produire des éléments de preuve contredisant le vérificateur ou de conclure que la partie manquante du formulaire T20ST - Conciliation contenait des renseignements personnels vous concernant au sens de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[13]            Le contexte étant bien établi, je traiterai maintenant de chacun des documents demandés par les demandeurs.

(1)         Les notes de Madelane Chiasson

[14]            Selon les demandeurs, la preuve que les notes existent se trouve dans l'extrait suivant, tiré d'une lettre datée du 18 février 2000 qui a été envoyée à Mme Richards par le gestionnaire de l'AIPRP :

[traduction] Les notes demandées concernant des discussions entre le chef des Appels et des employés du soutien technique contenaient à la fois des renseignements internes et des renseignements personnels. Par conséquent, ces renseignements vous seront communiqués lorsque nous répondrons à la demande que vous avez faite en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[15]            Dans l'affidavit qu'elle a déposé dans la présente instance, Madelane Chiasson a déclaré qu'elle n'avait pris aucune note relativement à des conversations avec d'autres fonctionnaires de l'Agence concernant le dossier Richards. Aucun élément de preuve ne contredit cet affidavit. Je conclus donc que les notes demandées n'existent pas. Je ne suis pas disposé à ordonner au ministre, comme les demandeurs le voudraient, d'entreprendre une recherche des documents de tous les fonctionnaires de la Division des appels dans l'espoir que des notes puissent être retrouvées. Je suis satisfait de la conclusion selon laquelle il n'existe aucune preuve de l'existence d'autres documents à laquelle le Commissaire est arrivé après avoir effectué une enquête approfondie.

(2)        La note incomplète de M. Westhaver

[16]            Madame Richards a enregistré la conversation téléphonique qu'elle a eue avec M. Westhaver le 4 février 1998. M. Westhaver avait l'habitude de prendre des notes rapides de ses conversations téléphoniques et de rédiger ensuite, à l'aide de ces notes, un compte rendu plus détaillé sur le formulaire T2020.

[17]            Après en avoir fait la demande, Mme Richards a obtenu copie des notes prises par M. Westhaver pendant leur conversation téléphonique du 4 février 1998, ainsi que le formulaire T2020 concernant cette conversation.

[18]            Madame Richards prétend que ces notes sont incomplètes puisqu'elles ne contiennent rien au sujet du contenu de la première page et des trois quarts de la deuxième page du formulaire T2020. Elle veut que je conclue que certaines pages des notes prises par M. Westhaver ne lui ont pas été communiquées.

[19]            Dans l'affidavit qu'il a déposé en l'espèce, M. Westhaver a confirmé que son formulaire T2020 du 4 février 1998 a été préparé à l'aide de ses notes et de sa mémoire. Il a indiqué qu'il ne possédait pas d'autres notes de sa conversation avec Mme Richards. Il a été interrogé par écrit au sujet de son affidavit. Ses réponses ont été attestées. Il a répété n'avoir pris aucune autre note de cette conversation.

[20]            Je conclus que les notes remises à Mme Richards étaient complètes et que M. Westhaver n'a pris aucune autre note de leur conversation. Je fonde ma conclusion sur la preuve non contredite présentée en l'espèce par M. Westhaver selon laquelle il a rempli son formulaire T2020 en se fiant en partie à sa mémoire, sur le fait qu'il l'a indiqué dans ce document et sur la conclusion du Commissaire que rien n'indiquait que d'autres documents existaient. Je signale que M. Westhaver a été interrogé précisément sur ce point par le personnel du Commissaire.


(3)        Le formulaire T20ST - Conciliation abîmé

[21]            Il fait peu de doute que la partie inférieure du formulaire T20ST - Conciliation préparé par l'Agence lors de l'examen des impôts de M. Richards a disparu. Ce fait a été confirmé par le Commissaire, après examen du formulaire T20ST original, et par M. Michael Moir, du Bureau des services fiscaux de Halifax. M. Moir a également déclaré dans un affidavit déposé dans la présente instance : [traduction] « Je n'ai pas trouvé dans les dossiers un morceau de papier qui semblait être une partie de la page C-12 qui aurait été détachée » .

[22]            La preuve que j'ai examinée ne permet pas de savoir ce qui s'est passé pour que cette partie du formulaire de conciliation disparaisse. Le Commissaire est aussi de cet avis. Je suis en mesure de conclure cependant que, selon la prépondérance des probabilités, la partie manquante du formulaire ne contenait aucun renseignement personnel concernant M. Richards.

[23]            J'ai examiné un formulaire T20ST vierge ainsi que le formulaire T20ST que l'Agence a rempli lors de son examen des impôts de Mme Richards.


[24]            Ce qui manque dans la partie inférieure, ce sont les mots tapés à la machine [traduction] « autres codes applicables » et, au-dessous, [traduction] « se référer au M.O.I., pièce 10(15) O-G1 » . Le vérificateur a écrit, sur le formulaire de conciliation de Mme Richards : [traduction] « taux d'inclusion des gains en capital » . Il a écrit la même chose sur le formulaire de conciliation de M. Richards.

[25]            Me fondant sur ces éléments, je conclus que, suivant la prépondérance des probabilités, la partie manquante du formulaire T20ST - Conciliation de M. Richards ne contenait pas de renseignements personnels le concernant.

(4)        Les deux papillons adhésifs manquants

[26]            Il ressort clairement de la preuve également que les papillons adhésifs collés sur le formulaire T2020 de M. Duykers du 4 février ont disparu. M. Moir a fouillé le dossier pertinent et a indiqué dans son affidavit que les papillons adhésifs ne s'y trouvaient pas.

[27]            Madame Richards a prétendu que, selon la prépondérance des probabilités, les papillons manquants contenaient des renseignements personnels la concernant puisque le formulaire T2020 traitait de sa situation et avait rapport à une rencontre entre des fonctionnaires du Bureau des services fiscaux de Halifax qui étudiaient son dossier fiscal.


[28]            La preuve dont je dispose ne me permet pas raisonnablement de conclure que les papillons adhésifs manquants contenaient des renseignements personnels concernant Mme Richards. Dans les circonstances, je ne pourrais en arriver à la conclusion souhaitée par cette dernière qu'en me fondant sur de pures suppositions.

[29]            Pour tous ces motifs, je ne peux conclure que les demandeurs se sont vu refuser la communication de renseignements personnels. Par conséquent, la demande fondée sur l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels est rejetée.

      « François Lemieux »       

                                                                                                             Juge                    

Ottawa (Ontario)

Le 12 décembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      T-636-02

INTITULÉ :                                                                     ROBERT J. RICHARDS ET AL.

c.

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             HALIFAX

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 20 NOVEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 12 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Robert J. et Sandra L. Richards                                       POUR LEUR PROPRE COMPTE

John J. Ashley                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Morris R. Rosenberg                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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