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Date : 20021223

Dossier : IMM-3790-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1307

OTTAWA (Ontario), le 23 décembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                   FERNANDO ZOLA KUANZAMBI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire est introduite en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) portant qu'il n'est pas un réfugié au sens de la Convention.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                 Le demandeur énonce les questions en litige comme suit :

a) Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit en interprétant mal la preuve qui lui était présentée lorsqu'il a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention?

b) Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit en interprétant mal, ou en appliquant mal, le droit portant sur la crédibilité lorsqu'il a conclu que le demandeur n'était pas crédible?

c) Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit en n'examinant pas l'ensemble de la preuve qui lui était présentée lorsqu'il a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention?

[3]                 Pour les motifs suivants, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

LE CONTEXTE

[4]                 Les faits relatés ici sont tirés des déclarations du demandeur dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), dans la transcription de son audience devant la SSR, ainsi qu'en partie, sur le résumé de la preuve que l'on trouve dans les motifs du tribunal.


[5]                 Le demandeur est un citoyen de l'Angola. Il a vécu au Zaïre (maintenant connu sous le nom de République démocratique du Congo) entre 1975 et 1990. Son FRP porte qu'il a fait des études religieuses au Zaïre et en Angola, mais qu'il n'a pas terminé ses études en Angola. Il est néanmoins devenu prêcheur. Selon le demandeur, l'obtention d'un certificat n'est pas nécessaire pour prêcher en Angola.

[6]                 De 1994 jusqu'à son arrestation en 1999, le demandeur était pasteur dans une église pentecôtiste à Luanda, en Angola. Il a épousé sa conjointe lors d'une cérémonie religieuse en 1996, sans toutefois contracter de mariage civil à ce moment-là. Selon le demandeur, les cérémonies religieuses et les formalités civiles de l'État sont distinctes.

[7]                 Le demandeur appartient au groupe ethnique Bakongo. En sus du bakongo, il parle aussi le lingala, qui était la langue parlée par sa famille à la maison. Il a aussi une certaine maîtrise du français et du portugais. Le demandeur prêchait en lingala, accompagné d'un interprète de portugais. Il a témoigné en portugais à l'audience de la SSR, suite à sa demande d'interprétation dans cette langue.

[8]                 Le demandeur soutient qu'alors qu'il prêchait devant 300 paroissiens dans la province de Lunda Nord, des véhicules de l'armée ont encerclé la foule. Des officiers de l'armée s'en sont alors pris au demandeur et à son interprète et ils les ont agressés. Le demandeur et son interprète ont été amenés dans un endroit inconnu et ils ne se sont plus revus depuis.


[9]                 Le demandeur a été emprisonné dans une cellule sombre, où il était seul. À l'occasion, un soldat venait à sa cellule pour l'insulter en insinuant qu'il était affilié à des groupes que le gouvernement de l'Angola considère subversifs. Lors de certaines de ces visites, il a été battu et sodomisé.

[10]            Un jour, un militaire s'est présenté qu'il ne connaît que sous le nom de « chef » . Le « chef » lui aurait dit qu'il souffrait d'une maladie connue sous le nom de Mankulo, qui se manifeste par la présence d'hémorroïdes et qui cause l'impuissance sexuelle. Il a dit être disposé à aider le demandeur s'il obtenait sa guérison par la prière.

[11]            Après quelques séances de prière en commun, il s'est passé quelque temps avant que le « chef » revienne le voir dans sa cellule. Le 12 janvier 2000, le « chef » a conduit le demandeur à l'aéroport local où ils ont pris l'avion pour Luanda, en Angola. Après avoir séjourné brièvement dans une résidence privée de Luanda, le demandeur a ensuite été amené par une autre personne à l'aéroport d'où ils se sont envolés pour Lisbonne, au Portugal.

[12]            Le demandeur a été accueilli à l'aéroport au Portugal par un certain Tito, qui l'a hébergé pendant une semaine et lui a procuré un faux passeport. On a ensuite conduit le demandeur à l'aéroport de Lisbonne pour qu'il prenne l'avion pour Toronto.


[13]            Le demandeur déclare que s'il retourne en Angola il sera tué. Il craint d'être persécuté en raison de ses croyances religieuses et de son prosélytisme. Il a aussi indiqué qu'il craignait d'être tué pour s'être échappé de prison.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[14]            L'audience s'est tenue devant un tribunal composé d'un seul membre, suite au consentement du demandeur et de son avocat. Le tribunal a conclu au manque de crédibilité du témoignage du demandeur.

[15]            Parmi les carences identifiées dans le témoignage du demandeur, on trouve le fait qu'il ne pouvait se souvenir ni du mois ni du jour de son mariage. Il ne se rappelait pas non plus de tous les noms de ses frères et soeurs, ni de leur nombre. Le tribunal a indiqué que les membres de sa famille résidaient en République démocratique du Congo et non en Angola, mais que le demandeur n'avait pas modifié son FRP en conséquence.

[16]            La carte d'identité du demandeur, délivrée en 1997, porte qu'il est célibataire, alors qu'il s'est marié en 1996. Le tribunal était d'avis qu'une personne religieuse aurait accordé suffisamment de poids à son mariage pour le faire inscrire sur sa carte d'identité.


[17]            Le tribunal n'a pas non plus accepté comme crédible l'explication du demandeur voulant qu'il prêchait en lingala avec de l'interprétation en portugais, nonobstant le fait qu'il maîtrisait le portugais, par considération pour ses paroissiens. Il n'a pas non plus reçu d'explication suffisante quant à savoir pourquoi il y avait 300 personnes pour l'entendre le jour de son arrestation, alors qu'il n'y avait en moyenne que 80 personnes qui assistaient à ses prédications.

[18]            Le tribunal a considéré que le témoignage du demandeur au sujet de sa détention était vague. Il n'a pas non plus cru qu'un militaire se serait comporté comme le « chef » l'a fait, aux dires du demandeur, notant que ce témoignage est tout à fait contraire à la preuve documentaire portant sur l'attitude des militaires. Le membre du tribunal n'a pas non plus considéré comme satisfaisants les motifs avancés par le demandeur pour ne pas avoir revendiqué le statut de réfugié au Portugal et pour n'avoir pas communiqué avec son épouse avant son arrivée au Canada.

[19]            Le tribunal a conclu que le demandeur avait inventé une histoire à l'appui de sa revendication de statut de réfugié. En conséquence, il n'a pas accepté que l'état dépressif du demandeur, décrit dans un rapport délivré par un hôpital d'Ottawa, était attribuable aux faits avancés par le demandeur, puisqu'il n'ajoute pas foi à ces faits. La revendication a donc été rejetée.


LES PRÉTENTIONS

Le demandeur

La mauvaise interprétation de la preuve

[20]            Le tribunal a commis une erreur en donnant une mauvaise interprétation à la preuve qui lui était présentée. Bien que le FRP confirmait que le demandeur vivait en Angola entre 1990 et 2000, le tribunal a déclaré que le demandeur vivait « au Portugal depuis neuf ans » [dossier du demandeur, page 9]. Le demandeur a déclaré que les membres de sa famille s'étaient réfugiés dans la province angolaise de Zaïre. Le tribunal a cru que le fait que le demandeur parlait de Zaïre se rapportait au pays que l'on appelle maintenant la République démocratique du Congo.

[21]            Le fait que le tribunal ait accordé un poids important à ces conclusions a sérieusement pesé sur l'évaluation de la crédibilité du demandeur. On ne peut dire que le tribunal serait arrivé à la même conclusion s'il avait correctement compris la preuve qui lui était présentée. Le tribunal a commis une erreur de droit en interprétant mal la preuve qui lui était présentée.

La conclusion au sujet de la crédibilité

[22]            Un témoignage sous serment est présumé véridique, dans la mesure où il n'est pas contredit ou totalement incroyable. C'est donc une erreur de ne pas en tenir compte ou de le rejeter sommairement.


[23]            Des incohérences mineures dans la preuve ne suffisent pas pour qu'on la rejette en totalité. Même des incohérences plus importantes ne suffisent pas en elles-mêmes, surtout lorsqu'elles portent sur des questions qui sont peu pertinentes.

[24]            Ce n'est pas la crédibilité d'un revendicateur du statut de réfugié en tant que témoin qui fait qu'il soit ou non un réfugié. L'existence de doutes portant sur la crédibilité de son témoignage, ou d'une partie de celui-ci, n'excuse pas la Commission de sa responsabilité de déterminer, au vu de toute la preuve, si le revendicateur est un réfugié au sens de la Convention.

[25]            Le tribunal a conclu que la preuve du demandeur n'était pas crédible en se fondant sur des aspects mineurs de son témoignage. Parmi ces aspects mineurs, on trouve sa carte d'identité qui ne mentionnait pas qu'il était marié, la date de son mariage et le nom de l'une de ses soeurs.

[26]            Le tribunal aurait dû évaluer la revendication en se fondant sur tous les éléments crédibles qui lui étaient présentés, même en présence de certains éléments qu'il ne considérait pas crédibles. La preuve documentaire, s'ajoutant aux parties de la preuve du demandeur que le tribunal considérait crédibles, suffisait à fonder objectivement la crainte de persécution du demandeur.

Le tribunal n'aurait pas tenu compte de toute la preuve soumise


[27]            Le tribunal a commis une erreur en rejetant totalement le rapport psychiatrique du Dr Dion, de l'Hôpital Montfort d'Ottawa. En arrivant à sa conclusion négative au sujet de la crédibilité du demandeur, le tribunal n'a tenu aucun compte du diagnostic portant qu'il souffrait d'un état dépressif et du syndrome de stress post-traumatique. La prétention du demandeur est essentiellement qu'il avait droit à une réelle évaluation de cette preuve et, comme il n'y en a pas eu, le tribunal a commis une erreur.

[28]            Le tribunal n'a pas donné l'importance voulue à la preuve documentaire qui lui était présentée. Malgré cette preuve, le tribunal a conclu qu'il n'y avait pas une possibilité sérieuse que le demandeur soit victime de persécution advenant son retour en Angola. La preuve en provenance d'organisations fiables vient confirmer notamment que plusieurs prêtres et personnes engagées dans des activités religieuses ont été assassinés. Ces meurtres ont eu lieu dans le contexte d'une guerre civile entre le gouvernement et l'opposition.

[29]            La preuve documentaire établit clairement l'existence d'un fondement objectif à la crainte de persécution du demandeur. Le tribunal n'a pas traité cette preuve, qui vient corroborer la crainte du demandeur. Le tribunal a commis une erreur en ne mentionnant même pas cette preuve.

Le défendeur

La mauvaise interprétation de la preuve


[30]            Même si le tribunal a commis une erreur en déclarant que le demandeur avait vécu au Portugal pendant neuf ans, ou en déclarant que les membres de sa famille résidaient en République démocratique du Congo, ces erreurs n'ont pas la pertinence requise pour justifier l'intervention de la Cour.

La conclusion au sujet de la crédibilité

[31]            Le tribunal pouvait raisonnablement arriver à la conclusion qu'il a tirée au sujet de la crédibilité du demandeur. Plusieurs facteurs venaient mettre cette crédibilité en cause. Le fait qu'il ne se souvenait ni du jour ni du mois de son mariage, qu'il avait oublié le nom d'une de ses soeurs ou le nombre de frères et soeurs qu'il avait, ainsi que l'omission de faits essentiels dans son FRP, notamment les coups de feu tirés en l'air lors de son arrestation, sont parmi les neuf exemples que cite le défendeur dans ses prétentions.

[32]            La nature vague et peu plausible du témoignage du demandeur, qui manquait généralement de crédibilité, est une justification plus que suffisante pour fonder la conclusion du tribunal.

Le tribunal n'aurait pas tenu compte de toute la preuve soumise

[33]            Le tribunal n'a pas manqué à son obligation d'examiner l'ensemble de la preuve. Il était raisonnable de s'attendre à ce que le demandeur soit au courant de renseignements aussi fondamentaux au sujet de sa famille et de son mariage, et c'est à bon droit qu'on a jugé que le traumatisme qu'il avait vécu n'était pas une excuse valable face à une telle lacune.


[34]            Le tribunal pouvait raisonnablement faire état de l'absence du FRP du demandeur de faits pertinents, comme le tir d'armes à feu. Notre Cour a conclu que des omissions semblables peuvent avoir un impact négatif sur la crédibilité.

[35]            Le tribunal pouvait tout à fait minimiser le poids à donner au rapport psychologique et à la preuve documentaire, dans la mesure où le témoignage du demandeur n'était pas crédible. Dans la mesure où cette preuve avait pour but d'appuyer un témoignage qui n'était pas crédible, le tribunal n'avait pas à lui accorder plus de poids qu'il ne l'a fait. De plus, la présomption de véracité sur laquelle le demandeur s'appuie est fondée sur l'absence de motifs de mettre en doute la véracité du témoignage du demandeur. En l'instance, le tribunal a énoncé de façon claire et dans des mots non ambigus ses motifs de mettre en doute le témoignage du demandeur.

ANALYSE

La mauvaise interprétation de la preuve

[36]            Une méprise portant sur des parties de la preuve n'entraîne pas normalement l'intervention de la Cour dans une décision de la SSR. Dans Hidri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 949, [2001] A.C.F. no 1362 (C.F. 1re inst.) (QL), notre Cour a décidé que même si le tribunal chargé de l'affaire avait mal énoncé certains faits, sa décision définitive n'en dépendait pas. Les demandeurs n'ont pas convaincu la Cour que le tribunal avait manqué à son devoir d'examiner l'ensemble de la preuve et la Cour s'est donc rangée à l'avis du tribunal que les demandeurs n'avaient pas présenté une preuve crédible. En conséquence, la décision du tribunal a été confirmée.


[37]            Il est malheureux qu'en l'instance le tribunal ait cru que certains membres de la famille du demandeur vivaient en République démocratique du Congo, alors que le demandeur avait en fait déclaré qu'ils vivaient en Angola, dans la province de Zaïre. À la page 80 de la transcription de l'audience, le demandeur s'explique ainsi, suite à des questions de l'agent chargé de la revendication au sujet de la province de Zaïre :

[traduction]

Q. Où votre père est-il né?

R. Mon père est né en Angola, au Mbanza Congo.

Q. Où donc?

R. Au Mbanza Congo.

Q. Où cet endroit se trouve-t-il?

R. C'est l'une des provinces de l'Angola.

Q. Quelle province?

R. La province de Zaïre.

[38]            La mauvaise interprétation de cette explication par le tribunal est illustrée à la page 2 de ses motifs, où l'on trouve ceci :

[...] Bien qu'il eut la possibilité de revoir son FRP, le matin même de l'audience avec un interprète et d'y apporter des modifications, lors de son témoignage, il dira que les membres de sa famille ne sont plus en Angola mais en République démocratique du Congo, changement qui n'avait pas été souligné.


[39]            Comme on peut le voir dans le témoignage précité, le demandeur a déclaré que son père était né dans la province angolaise de Zaïre. Plus tard dans son témoignage, l'utilisation du mot Zaïre renvoie à cette province et non à la République démocratique du Congo. J'aborderai plus loin la question de savoir jusqu'où ce malentendu peut affecter la validité de la décision.

[40]            Pour le moment, il y a aussi lieu de souligner une autre mauvaise interprétation. Le tribunal déclare ceci, à la page 3 de ses motifs :

Le revendicateur fut invité à expliquer la nécessité d'avoir un interprète lingala/portugais lors de sa prédication, alors qu'il était revenu vivre au Portugal depuis 9 ans. Il répondra avoir dû voir à ses paroissiens, explication qui ne satisfait pas le tribunal puisque le portugais du revendicateur est bon et que l'audience s'est tenue en portugais, à sa demande.

[41]            Le demandeur a témoigné qu'il parlait le lingala, le kikongo et le portugais [dossier du tribunal, page 419]. Le lingala et le kikongo sont les deux langues maternelles des gens de sa région. À la même page de la transcription, le tribunal, en discutant les langues parlées par le demandeur, note qu'il a passé 10 ans au Zaïre. On ne trouve ni dans le FRP du demandeur, ni dans son témoignage, rien qui viendrait indiquer qu'il a passé une période de temps significative au Portugal, et certainement pas neuf ans.

[42]            Malgré ces malentendus, la décision du tribunal peut quand même être confirmée. Comme on l'a déclaré dans Hidri, précité, si un examen de l'ensemble de la preuve mène à la conclusion que le demandeur n'a pas présenté une revendication crédible de statut de réfugié, cette revendication sera rejetée. Une mauvaise interprétation d'une partie de la preuve qui a peu d'incidence sur le fond de l'affaire ne justifiera pas qu'on infirme la décision.


[43]            De plus, dans l'arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et l'Immigration) (1991), 15 Imm L.R. (2d) 199 (C.A.F.), la Cour a déclaré qu'on ne pouvait approuver des motifs couchés en termes vagues et généraux. En l'instance, les motifs sont clairs et spécifiques et ils contiennent plusieurs exemples. Ces exemples comprennent la reconnaissance civile par le demandeur de son mariage et le caractère plausible de sa preuve au sujet de l'aide du « chef » , dont il a été question plus tôt. On doit donc conclure que malgré ces deux erreurs regrettables le tribunal n'a pas commis dans son évaluation de la preuve une erreur telle qu'elle justifierait qu'on annule sa décision.

La conclusion au sujet de la crédibilité

[44]            Hidri n'est pas la seule décision de notre Cour où des conclusions de crédibilité étaient en cause. Dans l'arrêt Sheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.F.), la Cour a conclu que lorsque la seule preuve soumise au tribunal est celle fournie par le demandeur, la perception par le tribunal que le demandeur n'est pas un témoin crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible sur lequel on pourrait se fonder pour faire droit à la demande.


[45]            En l'instance, la preuve présentée au tribunal n'était pas exclusivement celle du demandeur, mais celle-ci en constituait la plus grande partie. C'est avec raison que le tribunal a conclu qu'il y avait des contradictions entre le témoignage du demandeur à l'audience et l'information fournie dans son FRP. À l'audience, il n'a pas parlé d'une des soeurs mentionnées dans son FRP. Il avait aussi omis de mentionner dans son FRP le fait que des coups de feu auraient été tirés lors de son arrestation, comme il l'a déclaré dans son témoignage.

[46]            Pris isolément, aucun de ces facteurs ne suffit pour justifier l'intervention de la Cour. Toutefois, l'importance d'une communication complète et véridique dans un FRP a été soulignée dans Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 536 (C.F. 1re inst.) (QL). Dans cette affaire, le juge Nadon (alors à la Section de première instance) déclare ce qui suit, aux paragraphes 8 et 9 :

Il ne peut faire de doute que les demandeurs du statut de réfugié doivent relater tous les faits importants à l'appui de leur revendication. La question 37(a) du FRP stipule ce qui suit :

Relatez dans l'ordre chronologique tous les incidents importants qui vous ont amené(e) à chercher protection à l'extérieur de votre pays de nationalité ou de résidence habituelle antérieure. Veuillez aussi faire mention des mesures prises contre vous, des membres de votre famille ou d'autres personnes se trouvant dans une situation analogue.

Ainsi, il me paraît tout à fait raisonnable que la Section du Statut ait regardé d'un mauvais oeil le fait que le demandeur ait omis plusieurs faits importants. [...]

[47]            Le juge Nadon (alors à la Section de première instance) a suivi la décision du juge Teitelbaum dans Basseghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1867 (C.F. 1re inst.) (QL). Le juge Teitelbaum avait insisté sur l'importance de mentionner tous les faits pertinents dans un FRP, le témoignage oral étant l'occasion d'expliquer le contenu du FRP.


[48]            Les motifs du tribunal indiquent qu'il a examiné avec soin chacun des éléments clés de l'histoire du demandeur, telle qu'on la trouve dans son FRP et dans son témoignage. La conclusion qu'a tirée le tribunal au sujet de la crédibilité était très raisonnable et peut s'appuyer sur l'ensemble du dossier. Notre Cour n'interviendra donc pas dans les conclusions de crédibilité du tribunal.

L'allégation que le tribunal n'aurait pas tenu compte de toute la preuve soumise

[49]            Les motifs du tribunal démontrent qu'il a examiné de façon adéquate la preuve qui lui était présentée. Dans la mesure où certains des éléments de la preuve ont reçu peu de poids, la décision du tribunal peut s'expliquer par sa conclusion que la preuve du demandeur lui-même n'était pas crédible. Comme je l'ai indiqué plus tôt, cette conclusion était raisonnable.

[50]            Dans la mesure où le tribunal a conclu au fait que le demandeur n'était pas crédible, il n'était pas tenu d'examiner une autre preuve à l'appui d'une revendication qu'il avait déjà jugé ne pas être fondée. Par exemple, le tribunal a déclaré dans ses motifs qu'il ne tenait pas compte du rapport psychologique au sujet de l'état dépressif du demandeur, parce qu'il ne croyait pas que les faits allégués s'étaient produits. C'est là une analyse raisonnable. Même si le tribunal croyait que le demandeur souffrait d'un état dépressif, il a décidé qu'il n'y avait pas de lien suffisant entre cet état et les événements pour fonder une revendication valable de statut de réfugié. Ce principe a été souligné par le juge Blais dans Syed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. 597 (C.F. 1re inst.) (QL).

[51]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[52]            Les parties ont eu l'occasion de soulever une question sérieuse de portée générale et ils ne l'ont pas fait. En conséquence, il n'y aura pas de question certifiée.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                    Il n'y aura pas de question certifiée.

         « Michel Beaudry »            

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 IMM-3790-01

INTITULÉ :              FERNANDO ZOLA KUANZAMBI et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 12 décembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                     Le 23 décembre 2002

COMPARUTIONS :

M. Peter J. Reiner                                                POUR LE DEMANDEUR

Mme Angela Marinos                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Peter J. Reiner                                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                    

Toronto (Ontario)

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