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                                                                                                                                           Date : 20030410

                                                                                                                                 Dossier : IMM-79-02

                                                                                                           Référence neutre : 2003 CFPI 422

Toronto (Ontario), le jeudi 10 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                             NARENDRAKUMAR KANTILAL GANDHI

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 M. Ghandi exploite une petite boulangerie-pâtisserie et un dépanneur à Navsari, une ville située dans la province du Gujarat en Inde. Les affaires semblent bonnes. Il voudrait venir au Canada et ouvrir une boulangerie-pâtisserie dans la région de Brampton. En 2001, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que « travailleur autonome » en se fondant sur son expérience de commerçant et de boulanger. Un agent des visas à Singapour a étudié sa demande et conclu que M. Gandhi ne répondait pas à la définition de « travailleur autonome » qui figure au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration. La résidence permanente lui a été refusée.

[2]                 M. Gandhi a commencé à travailler dans l'entreprise familiale en 1976. Il a pris la relève de son père en 1985 et il dirige l'entreprise familiale depuis lors. Il prétend avoir économisé 100 000 $ pour l'établissement de sa boulangerie-pâtisserie au Canada. Manifestement, ce n'était ni l'expérience de M. Gandhi ni son succès dans son entreprise actuelle qui inquiétaient l'agent des visas. Plutôt, l'agent des visas n'était pas convaincu, après l'avoir reçu en entrevue, que M. Gandhi avait [TRADUCTION] « les compétences et l'expérience voulues de gestionnaire et d'homme d'affaires » pour établir une entreprise au Canada. Le Règlement définit en particulier le « travailleur autonome » comme une personne « qui a l'intention et est en mesure d'établir [...] une entreprise au Canada de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique [...] du Canada. » L'agent n'était pas convaincu, malgré la capacité de M. Gandhi de gérer une petite boutique à Navsari, qu'il était en mesure d'établir avec succès une entreprise sur le marché très différent du Sud de l'Ontario.

I. Question en litige

[3]                 Il n'y a qu'une seule question en litige dans la présente affaire. La question est de savoir si l'agent des visas a commis une erreur grave en concluant que M. Gandhi ne remplissait pas les conditions voulues, pour être « travailleur autonome » , en vertu du Règlement.


A. Désaccord sur les faits

[4]                 M. Gandhi et l'agent des visas qui a étudié sa demande sont en désaccord sur un certain nombre de questions importantes. Leurs affidavits sont manifestement contradictoires.

(1) Le commerce de Navsari

[5]                 M. Gandhi déclare avoir montré à l'agent des photos de sa boutique, avoir décrit à l'agent comment il fabriquait ses gâteaux et où se trouvait son four. L'agent a dit que M. Gandhi lui a peut-être montré des photos, mais les notes qu'il a prises à l'entrevue révèlent que [TRADUCTION] « il n'y a ni gâteaux à vendre ni aucun espace visible où on pourrait présenter de tels articles » . Mieux, selon l'agent M. Gandhi ne pouvait, ni expliquer la fabrication des gâteaux, ni décrire l'emplacement du four.

[6]                 M. Gandhi déclare avoir informé l'agent qu'il examinait régulièrement les comptes financiers de son entreprise. L'agent dit que M. Gandhi lui a fait savoir qu'il ne tenait aucun registre comptable formel pour son entreprise. Il n'a fourni ni document fiscal, ni écritures de la banque et il ne pouvait pas expliquer comment, s'il établissait une entreprise au Canada, il suppléerait à son manque d'expérience en finance et en administration des affaires.


(2) Le projet d'entreprise canadienne

[7]                 M. Gandhi déclare avoir montré à l'agent un plan d'affaires détaillé pour sa future pâtisserie canadienne. Il déclare également que l'agent ne lui a posé aucune question relativement à l'élaboration de ce plan d'affaires. À l'opposé, l'agent dit que M. Gandhi ne maîtrisait pas du tout les données du plan d'affaires ou les réalités commerciales de l'exploitation d'une entreprise au Canada. D'après les notes de l'agent, M. Gandhi lui a fait savoir que le plan a été préparé par son beau-père et un ami canadien.

[8]                 M. Gandhi déclare avoir fait d'importantes recherches pour son projet d'entreprise et l'exploitation des pâtisseries canadiennes. L'agent dit que M. Gandhi lui a fait savoir qu'il n'a effectué personnellement aucune recherche.

B. Le rôle de la Cour en cas de désaccord sur les faits


[9]                 Dans une situation comme celle de la présente affaire, on est porté à examiner les affidavits contradictoires, à analyser leur vraisemblance pour décider de la demande en conséquence. Cependant, tel n'est pas le rôle de la Cour. Je dois plutôt décider si le demandeur a prouvé que le décideur a commis une erreur d'une telle gravité qu'elle nécessite l'intervention de la Cour. Pour cet exercice, les affidavits sont bien sûr utiles, mais ils doivent être mis en contexte. Ces documents éclairent le processus qui a mené à la décision en cause ainsi que le fondement de cette décision. Mais normalement, le contrôle judiciaire est plus qu'une affaire de mesure du caractère convaincant d'affidavits contradictoires. On doit tenir compte du cadre légal et réglementaire dans lequel opérait le décideur et examiner l'ensemble des documents soumis par les parties, les affidavits en constituant une partie importante. La Cour doit alors décider de son intervention en mettant en oeuvre la norme de décision applicable.

[10]            En somme, il n'est pas nécessaire pour moi de dire si un déposant est plus crédible que l'autre. Je préfère examiner la question plus large de savoir si, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et des éléments matériels dont je dispose, le demandeur a prouvé que l'agent des visas a commis une erreur grave dans son cas.

C. Une erreur grave a-t-elle été commise?

[11]            À mon avis, il n'y a aucun motif permettant de conclure que l'agent des visas a commis une erreur grave en décidant de la demande de M. Gandhi. Il semble avoir mis en oeuvre les critères réglementaires applicables; il a tenu compte de la preuve que lui a soumise M. Gandhi, a interrogé M. Gandhi lui-même au sujet des questions pertinentes, a fait part à M. Gandhi de ses réserves sur le bien-fondé de son projet et lui a donné l'occasion de faire des commentaires sur ces réserves.


[12]            La principale préoccupation de l'agent était de savoir si M. Gandhi avait le sens aigu des affaires, nécessaire pour établir une entreprise au Canada. La principale preuve que M. Gandhi a produite sur cette question était son plan d'affaires. Les notes de l'agent des visas décrivent le plan d'affaires comme étant [TRADUCTION] « court » et « pro forma » . L'agent des visas a conclu que le plan d'affaires ne contenait pas suffisamment de précisions sur des questions comme les coûts, la main d'oeuvre, le loyer, les marchés cibles, la concurrence et un plan d'urgence. Le demandeur n'a pas dissipé les réserves de l'agent à l'entrevue. J'ai examiné le plan d'affaires et ne peux conclure que l'agent a commis une erreur d'appréciation.

[13]            Pour les motifs ci-haut mentionnés, je ne peux conclure que l'agent a commis une erreur grave en décidant que M. Gandhi ne remplissait pas les conditions réglementaires de « travailleur autonome » . En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune question de portée générale n'a été proposée pour certification et aucune n'est énoncée.

                                                                        JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question de portée générale n'est énoncée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.                                                                                                                                  


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-79-02

INTITULÉ :                                                                     NARENDRAKUMAR KANTILAL GANDHI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE LUNDI 7 AVRIL 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                          LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                                  LE JEUDI 10 AVRIL 2003

COMPARUTIONS :

Mirit Gevantschniter                                                           POUR LE DEMANDEUR

Greg G. George                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel                                                             POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                                                                 Date : 20030410

                                                                                                       Dossier : IMM-79-02

ENTRE :

NARENDRAKUMAR KANTILAL GANDHI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                        

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT

                                                                        

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