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Date : 20000309


Dossier : IMM-2453-99


ENTRE :

     MANG GAO

     demanderesse


     et



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS


[1]      La demanderesse cherche à obtenir le contrôle judiciaire d"une décision de Susanna Ching, agente des visas au consulat général du Canada à Hong Kong. Cette décision, datée du 20 avril 1999, lui signifiait que sa demande de résidence permanente sous la catégorie d"immigrant indépendant était rejetée.

Les faits

[2]      La demanderesse est citoyenne de la République populaire de Chine. En 1992, elle a obtenu un baccalauréat ès arts avec une concentration en anglais du département des langues étrangères de l"Université de Chongqing, à Chongqing.

Décision de l"agente des visas

[3]      L"agente des visas a apprécié la demanderesse vis-à-vis la profession d"interprète, CNP 5125.3. Au vu de la formation et de l"expérience de la demanderesse, l"agente des visas a conclu qu"elle ne remplissait pas les conditions d"accès à la profession et que ses capacités en interprétation n"étaient pas suffisantes.

[4]      Ensuite, l"agente des visas a apprécié la demanderesse vis-à-vis la profession de commis de soutien administratif, CNP 1441.0.

[5]      L"agente des visas a souligné qu"elle ne pouvait accorder aucun point d"appréciation à la demanderesse à ce titre, puisqu"elle n"avait pas une année d"expérience à plein temps.

[6]      Le conjoint de la demanderesse a aussi été apprécié vis-à-vis la profession de représentant des ventes non techniques, vente en gros, mais il n"a pas reçu les points d"appréciation requis.

[7]      Ayant conclu que la demanderesse appartenait à une catégorie de personnes non admissibles au Canada en vertu de l"alinéa 19(2)d ) de la Loi sur l"immigration, elle a rejeté la demande.

L"argumentation de la demanderesse

[8]      La demanderesse soutient que l"agente des visas lui a dit à la fin de l"entrevue que sa demande serait rejetée puisqu"elle n"avait pas un baccalauréat en traduction ou en interprétation. Les notes versées au STIDI vont dans le même sens.

[9]      Elle soutient que l"agente des visas a refusé d"exercer sa compétence ou qu"elle a utilisé le mauvais critère en n"accordant aucune signification aux termes " discipline connexe ".

[10]      Elle soutient aussi que l"agente des visas a mal interprété les exigences de la CNP en la soumettant à un examen d"interprétation.

[11]      De plus, elle soutient que la présence d"amis ou de parents au Canada, ainsi que son niveau de connaissance des exigences de l"emploi, sont des considérations non pertinentes lorsqu"il s"agit de déterminer si elle pouvait se débrouiller dans une situation donnée ou trouver les moyens de le faire.

L"argumentation du défendeur

[12]      Le défendeur soutient qu"un diplôme en anglais n"est pas nécessairement connexe à la traduction. La preuve en l"instance indique que la demanderesse a suivi un cours de traduction et un cours d"interprétation. Le défendeur soutient que l"agente des visas était compétente pour arriver à la conclusion de fait qu"un diplôme en anglais n"était pas une discipline connexe. Sa décision ne devrait donc pas faire l"objet d"un contrôle judiciaire.

[13]      L"agente des visas a administré un examen de traduction simultanée à la demanderesse, mais celle-ci s"est mal débrouillée.

La question en litige

[14]      1 -      L"agente des visas a-t-elle commis une erreur en n"accordant pas de valeur aux termes " discipline connexe " qui se trouvent dans les conditions d"accès à la profession de la CNP pour un traducteur?
     2 -      L"agente des visas a-t-elle commis une erreur en interprétant l"exigence de la CNP visant un examen d"interprétation?

Analyse

[15]      Selon la CNP, les traducteurs, terminologues et interprètes (CNP 5125) doivent remplir les conditions d"accès à la profession suivantes pour se qualifier :

     Un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe, et une spécialisation en traduction, en terminologie ou en interprétation au niveau des études supérieures sont habituellement exigés.

[16]      On trouve les notes suivantes au STIDI :

     [traduction]

     Un BA avec une concentration en anglais n"est pas un diplôme en traduction. Elle ne remplit pas les conditions d"accès à la profession. Bien que l"IP a travaillé comme interprète chez Chongqing Pepsi-Tianfu Beverage Co. Ltd. pendant presque trois ans, je ne suis pas convaincue qu"elle est qualifiée pour travailler comme interprète au Canada.

[17]      Dans Xiao c. Canada (M.C.I.), (13 décembre 1999) IMM-1845-99 (1re Inst.), une affaire semblable à celle-ci, j"ai conclu que :

     Il a conclu qu"elle n"avait pas un baccalauréat en traduction, puis, au lieu de vérifier si elle avait un baccalauréat dans une discipline connexe, il a conclu ensuite qu"elle n"avait pas un diplôme d"études supérieures dans une discipline connexe. À mon avis, il a mal interprété cette condition. Elle ne signifie pas qu"un diplôme d"études supérieures dans une discipline connexe est nécessaire, mais qu"un baccalauréat dans la même discipline est suffisant.

[18]      L"agente des visas avait l"obligation de déterminer si le diplôme en anglais correspondait à un diplôme dans une discipline connexe. Bien que le dossier de la demanderesse soumis à l"agente des visas contenait la transcription de ses notes, rien n"indique que celle-ci se soit penchée sur la question de savoir si les cours que la demanderesse avait suivis tombaient sous la définition d"une discipline connexe. À mon avis, l"agente des visas a mal interprété les exigences de la CNP en adoptant une approche plus rigoureuse. Ce faisant, elle a commis une erreur.

[19]      Malgré sa conclusion portant que la demanderesse ne remplissait pas les conditions d"accès à la profession, l"agente des visas lui a administré un examen d"interprétation. Ce fait est noté de la façon suivante dans le STIDI :

     [traduction]

     J"ai administré un examen d"interprétation, mais l"IP ne pouvait pas faire une bonne interprétation simultanée. Certaines des phrases qu"elle a interprétées étaient incompréhensibles et j"ai dû lui demander de répéter son interprétation pour en clarifier le sens. Ses compétences en interprétation ne sont pas suffisantes pour qu"elle travaille dans cette profession au Canada.

[20]      Selon la CNP (5125, traducteurs, terminologues et interprètes),

     " Les interprètes exercent une partie ou l"ensemble des fonctions suivantes :
     -      exprimer oralement dans une langue ce qui a été dit dans une autre langue, simultanément (au même moment que l"orateur) ou consécutivement (après que l"orateur ait parlé)1 ".

[21]      En absence d"un examen normalisé, je ne comprends pas comment l"agente des visas pouvait évaluer les compétences professionnelles de la demanderesse dans ce domaine.

[22]      L"agente des visas déclare seulement que : [traduction ] " L"IP ne pouvait pas faire une bonne interprétation simultanée ". Elle ne dit rien de l"interprétation consécutive .

[23]      Les compétences requises pour l"interprétation " simultanée " peuvent être supérieures à celles qui sont requises pour l"interprétation " consécutive ".

[24]      Selon moi, l"agente des visas a mal interprété les exigences de la CNP en administrant l"examen d"interprétation comme elle l"a fait.

[25]      Selon moi, cette erreur ouvre la voie au contrôle judiciaire.

[26]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et la question est renvoyée pour nouvel examen par un agent des visas différent.



                              Pierre Blais

                                 Juge


Le 9 mars 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)



Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE L"IMMIGRATION

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :          IMM-2453-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Mang Gao

         c.

         MCI


LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 8 mars 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE :      M. le juge Blais

EN DATE DU :          9 mars 2000



ONT COMPARU

Dennis Tanack          pour la demanderesse
Kim Shane          pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Dennis Tanack

Barrister & Solicitor

Vancouver (C.-B.)          pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur

général du Canada          pour le défendeur
__________________

1 Dossier de demande de la demanderesse, p. 11.

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