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Date : 20031126

Dossier : IMM-2351-02

Référence : 2003 CF 1388

Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 novembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                            KAUSAR FAROOQ ALVI

                                                                                                                                                  demanderesse

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                 Kausar Farooq Alvi est une citoyenne pakistanaise qui a déposé une demande de résidence permanente au Canada en invoquant ses compétences en tant qu'agente du personnel et de recrutement. Les fonctionnaires du Haut-commissariat du Canada au Sri Lanka ont interviewé Mme Alvi et ils l'ont avisée que sa demande serait traitée du moment que les vérifications médicales et de sécurité étaient satisfaisantes. Ils lui ont dit qu'apparemment, elle disposait de suffisamment de fonds pour s'établir au Canada, mais ils lui ont demandé de fournir une preuve écrite de ces fonds. En fin de compte, un agent des visas a refusé sa demande parce qu'il n'était pas convaincu, eu égard aux documents fournis par Mme Alvi, que les fonds étaient à sa disposition. Elle prétend que l'agent a commis une erreur grave et elle me demande d'ordonner que sa demande soit examinée de nouveau par un agent différent. Selon moi, l'agent n'a commis aucune erreur et je dois donc rejeter la demande de contrôle judiciaire de Mme Alvi.

[2]                 Mme Alvi a fourni des documents qui établissaient que le solde bancaire de son mari était de 651 000 roupies et qu'un lopin de terre en son nom valait 1 200 000 roupies. L'agent des visas a demandé des renseignements supplémentaires, notamment une preuve de la source des fonds. Mme Alvi a fourni d'autres documents bancaires, de même qu'une copie d'une promesse de vente du terrain pour la somme de 835 000 roupies. L'agent n'était pas satisfait. Il a avisé Mme Alvi qu'elle était non admissible au Canada au motif qu'elle n'avait pas fourni une preuve qu'elle avait la capacité de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille : Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, alinéa 19(1)b).

[3]                 L'agent des visas a refusé la demande de Mme Alvi en raison, du moins en partie, d'un doute concernant l'origine des fonds qui, selon Mme Alvi, étaient à sa disposition. Le défendeur a laissé à entendre qu'il y avait un autre problème : l'actif était au nom du conjoint de Mme Alvi plutôt qu'en son nom à elle. Cela a pu troubler quelque peu l'agent, mais il est clair que c'était la source des fonds qui le troublait bien davantage.

[4]                 Mme Alvi soutient que l'agent des visas n'avait pas compétence pour demander des renseignements concernant la source des fonds. En outre, elle fait valoir qu'il ne faut pas rejeter un demandeur pour le seul motif qu'il n'a pas fourni ces renseignements.

[5]                 Mme Alvi invoque la décision Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 604, [2003] A.C.F. no 789 (QL) (1re inst.), dans laquelle le juge O'Keefe a dit que les agents des visas n'avaient pas compétence en vertu de la Loi sur l'immigration ou du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, pour exiger que les demandeurs fournissent des renseignements concernant la source des fonds qui leur seraient disponibles. Le défendeur invoque plusieurs affaires qui donnent à penser qu'il est permis de s'enquérir de l'origine des fonds : Biao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 2 C.F. 348 (QL) (1re inst.); Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 663 (QL) (1re inst.); Anfu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 395; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 837. Mme Alvi fait valoir que la jurisprudence invoquée par le défendeur se distingue de l'espèce parce qu'elle vise les investisseurs. Étant donné que, dans la Loi, la définition du terme « investisseur » mentionne précisément la source des fonds d'un demandeur, les agents des visas ont très certainement compétence pour se renseigner dans ce type d'affaire.


[6]                 À mon avis, un agent des visas a le droit de s'enquérir de l'origine des fonds si les renseignements demandés sont pertinents pour déterminer si le demandeur possède réellement ces fonds : paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration. Il s'agit d'une question normale si la disponibilité des fonds préoccupe l'agent. Toutefois, cela ne veut pas dire pour autant qu'il suffit que le demandeur ne fournisse pas les renseignements demandés pour refuser la demande. Il s'agit de déterminer globalement si le demandeur possède réellement des fonds suffisants et si ces fonds sont disponibles pour qu'il puisse les utiliser quand il entrera au Canada. Il est tout à fait naturel qu'un agent des visas estime qu'en étant renseigné sur l'origine des fonds, il serait davantage en mesure de répondre à cette question. Le demandeur qui ne fournit pas les renseignements demandés risque ne pas dissiper les doutes de l'agent. Cependant, l'omission de fournir les documents demandés ne constitue pas, à elle seule, un motif de refuser une demande, voir : Yue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 423, [2002] A.C.F. no 598 (QL) (1re inst.), au paragraphe 10.

[7]                 En l'espèce, l'agent avait des réserves quant à la disponibilité des fonds et il a demandé des renseignements concernant la source de ces fonds. Il n'a pas reçu les renseignements demandés. En fin de compte, il a décidé que Mme Alvi ne l'avait pas convaincu qu'elle disposait de suffisamment de fonds qu'elle pourrait utiliser quand elle arriverait au Canada. L'agent n'a pas refusé la demande uniquement parce que Mme Alvi n'avait pas fourni des renseignements concernant la source des fonds, même si l'absence d'information a très certainement joué un rôle dans sa conclusion globale.


[8]                 À mon avis, l'agent avait compétence pour demander une preuve de la source des fonds et il avait le droit de conclure que les renseignements dont il disposait ne constituaient pas une preuve suffisante que les fonds étaient disponibles pour permettre à la demanderesse de s'installer au Canada. Sur cette question, la conclusion de l'agent doit faire l'objet d'une très grande retenue judiciaire; je n'ai aucune raison d'intervenir dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[9]                 Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n'a proposé une question de portée générale et aucune question n'est certifiée.

                                                                        JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Il n'y a aucune question de portée générale.

                                                                                                                                  _ James W. O'Reilly _             

                                                                                                                                                                 Juge                              

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                             Annexe


Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2

Obligations

9. (3) Toute personne doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

Personnes non admissibles

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

                                   [...]

b) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles n'ont pas la capacité ou la volonté présente ou future de subvenir tant à leurs besoins qu'à ceux des personnes à leur charge et qui ne peuvent convaincre l'agent d'immigration que les dispositions nécessaires - n'impliquant pas l'aide sociale - ont été prises en vue d'assurer leur soutien;

Immigration Act, 1985, c. I-2

Duty to answer questions

9. (3) Every person shall answer truthfully all questions put to that person by a visa officer and shall produce such documentation as may be required by the visa officer for the purpose of establishing that his admission would not be contrary to this Act or the regulations.

Inadmissible persons

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

                                     ...

(b) persons who there are reasonable grounds to believe are or will be unable or unwilling to support themselves and those persons who are dependent on them for care and support, except persons who have satisfied an immigration officer that adequate arrangements, other than those that involve social assistance, have been made for their care and support;



                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-2351-02

INTITULÉ :                                                        KAUSAR FAROOQ ALVI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 18 NOVEMBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                              LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                     LE 26 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Sabrina Tozzi                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Neeta Logsetty                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sabrina Tozzi                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Green and Spiegal

121, rue King, pièce 2200

Toronto (Ontario) M5H 3J9

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)


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