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                                                                                                                                            Date : 20030924

                                                                                                                                Dossier : IMM-4722-02

                                                                                                                            Référence : 2003 CF 1068

Entre :

                                                         SALAMAT ALI CHAUDHRY

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision rendue le 3 septembre 2002 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention selon la définition donnée à l'article 96 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) ou la qualité de _ personne à protéger _ selon la définition donnée à l'article 97 de la Loi.

[2]         Le demandeur est citoyen du Pakistan. Il allègue craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques. De plus, il affirme être exposé au risque d'être soumis à la torture et à une menace à sa vie ou au risque de traitements et peines cruels et inusités au Pakistan.        

[3]         Le demandeur soutient que les conclusions que la Commission a tirées quant à sa crédibilité sont déraisonnables.

[4]         Après avoir examiné la preuve, je ne suis pas convaincu que la décision de la Commission en l'espèce est fondée sur des erreurs manifestement déraisonnables ou que cette dernière ait agi d'une façon arbitraire. La Commission a expliqué de façon claire et intelligible les raisons pour lesquelles elle avait des doutes quant à la crédibilité du demandeur.

[5]         Le demandeur soutient que la Commission a agi de façon déraisonnable lorsqu'elle a tiré une inférence défavorable du défaut de documents officiels concernant son restaurant. Habituellement, en l'absence de toute autre raison de mettre en doute la crédibilité du demandeur, la Commission ne peut pas exiger des preuves corroborantes (Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 21 Imm.L.R. (2d) 39). Toutefois, dans les cas où on conclut, comme en l'espèce, à l'invraisemblance de la version du demandeur, le défaut de preuves corroborantes peut appuyer cette conclusion (Syed c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (13 mars 1998), IMM-1613-97).


[6]         Le demandeur reproche à la Commission d'avoir laissé entendre qu'il aurait dû obtenir de faux documents attestant qu'il avait été propriétaire du restaurant et qu'il avait vendu celui-ci. Même si ses motifs ne sont pas clairs à cet égard, la Commission renvoie à des éléments de preuve qui ont été présentés au demandeur au cours de l'audience concernant la facilité avec laquelle on peut se procurer des documents « officiels » au Pakistan. Examinée à la lumière de la transcription de l'audience, cette mention porte à croire que la Commission avait des réserves quant à l'authenticité des documents fournis par le demandeur, soit du papier à lettre avec en-tête et une carte d'affaires, et non pas qu'elle reprochait au demandeur d'avoir omis d'obtenir des documents frauduleux attestant le droit de propriété et la vente :

[TRADUCTION]

Q :            Nous avons des documents, monsieur, selon lesquels on fabrique beaucoup de faux documents au Pakistan. N'importe qui, monsieur, peut aller dans n'importe quelle imprimerie [...] n'importe quel atelier d'imprimerie et faire imprimer une carte, une carte attestant qu'il est propriétaire et du papier à en-tête. Ne croyez-vous pas qu'un document officiel [...] si vous voulez prouver que vous possédez un restaurant, un commerce qui vous appartient, qu'un document officiel aurait été nécessaire?

[7]         Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de l'explication qu'il a avancée, selon laquelle le rassemblement antigouvernemental s'était tenu sous le couvert de la fête du « Grand jour » , étant donné qu'il était tout à fait logique qu'il en soit ainsi dans un pays gouverné par un régime militaire, où les manifestations ordinaires sont interdites. Toutefois, le demandeur n'a pas présenté cette explication à la Commission pendant l'audience, mais a simplement admis que [TRADUCTION] « les explications étaient quelque peu confuses » . La Commission n'a pas commis d'erreur en concluant que le témoignage du demandeur sur ce point était contradictoire.

[8]         Le demandeur soutient également que le rapport médical est compatible avec son témoignage, sauf en ce qui concerne un détail touchant les lésions cutanées. Toutefois, la Commission a constaté, avec raison, que le rapport ne faisait état ni des lésions cutanées ni des blessures internes que le demandeur a mentionnées dans son témoignage. La Commission n'a pas agi de manière déraisonnable lorsqu'elle a remis en question la validité de la description donnée par le demandeur des blessures qu'il avait subies dans la mesure où elle ne correspondait pas à la description contenue dans le rapport médical.

[9]         Le demandeur fait valoir que la façon dont la Commission a interprété les événements entourant le rassemblement du 8 juillet 2000 n'est pas incompatible avec ses déclarations. En fait, la principale réserve de la Commission en ce qui concerne cette partie du témoignage du demandeur était qu'il s'agissait d'un témoignage « sommaire, vague, contradictoire et prêtant à confusion » , ce qui ressort clairement de la lecture de la transcription de l'audience. Même si certaines parties du témoignage du demandeur n'étaient peut-être pas incompatibles avec l'interprétation que la Commission a donnée aux événements, cette dernière n'a pas commis d'erreur en concluant que l'ensemble du témoignage du demandeur concernant le rassemblement n'était pas digne de foi.

[10]       Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en déclarant que son restaurant faisait l'objet de surveillance. En fait, la Commission a dit que le restaurant « semblait [...] être surveillé par la police » . [Non souligné dans l'original] Il n'était pas déraisonnable de la part de la Commission de tirer cette conclusion provisoire compte tenu des événements décrits par le demandeur.

[11]       Le demandeur fait également valoir que sa déclaration selon laquelle personne n'avait remarqué la réunion n'était pas incompatible avec le fait que cette réunion avait été relatée par la presse le lendemain, et ce, parce qu'il a expliqué qu'il avait cru que personne ne l'avait remarquée. Même s'il m'était possible d'arriver à une conclusion différente sur ce point, il n'était pas manifestement déraisonnable de la part de la Commission de conclure que le demandeur avait modifié son témoignage et que c'est ce qui a donné lieu aux contradictions dans la preuve qu'il a présentée à ce sujet.


[12]       Le demandeur allègue enfin que la conclusion de la Commission voulant que l'article ait été collé sur la page du journal est exagérée et mal fondée, et qu'elle n'aurait pas dû être tirée en l'absence d'un avis d'expert. Cependant, comme le fait valoir le défendeur, les problèmes touchant l'article étaient manifestes. Par conséquent, il n'était pas déraisonnable de la part de la Commission de mettre en doute l'authenticité de l'article sans avoir recours à un expert (voir, par exemple, Culinescu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 136 F.T.R. 241 et Hossain c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (4 février 2000), IMM-1600-99 (C.F. 1re inst.)).

[13]       Il est important de souligner que la Commission a à plusieurs reprises mentionné l'attitude du demandeur, son manque de spontanéité, son incapacité d'expliquer les contradictions et le caractère vague, sommaire et général de son témoignage. La transcription confirme dans une certaine mesure les impressions de la Commission, et la Cour n'est pas en mesure d'examiner les aspects touchant le comportement du demandeur, que la Commission était la mieux placée pour évaluer (Anwar c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (16 octobre 2002), IMM-1857-02, 2002 CFPI 1077).

[14]       Pour tous ces motifs, je suis d'avis que la décision de la Commission n'est pas entachée d'erreur manifestement déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera par conséquent rejetée.

                                                                                                                                            « Yvon Pinard »             

                                                                                                                                                                 Juge                        

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 septembre 2003

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-4722-02

INTITULÉ :                                                        SALAMAT ALI CHAUDHRY c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 19 août 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                     le 24 septembre 2003

COMPARUTIONS:

Claudette Menghile                                               POUR LE DEMANDEUR

Caroline Cloutier                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Claudette Menghile                                               POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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