Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030408

Dossier : IMM-2243-02

Référence : 2003 CFPI 410

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL                                 

ENTRE :

                                                                 MICHAEL DUKEFE

MABEL MILCAH TONWE

MELISSA DUKEFE

                                                                                                                                                     demandeurs

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ( la Commission), portant la date du 19 avril 2002, qui a refusé aux demandeurs le statut de réfugiés au sens de la Convention.


[2]                 Les demandeurs, deux époux et leur fille mineure, sont tous des citoyens du Nigéria. Ils allèguent une crainte fondée de persécution basée sur leur appartenance à un groupe social particulier, à savoir les femmes forcées de subir la mutilation génitale (MGF). Les demandeurs adultes craignent pour leur vie parce qu'ils refusent de faire subir la MGF à leur fille, et parce que Mme Tonwe a refusé de se soumettre à l'excision, une pratique traditionnelle dans la tribu de son époux M. Dukefe, mais pas dans sa propre tribu.

[3]                 Les demandeurs ont allégué avoir déjà perdu une fille en 1994 lorsque celle-ci est morte au bout de son sang par suite de la MGF.

[4]                 En 1995, le père de M. Dukefe, le chef de la tribu Iuhrobo, est décédé. Par conséquent, le demandeur devait prendre la relève en tant que chef de la tribu. Il a toujours refusé de prendre le poste.

[5]                 En février 2000, la famille de M. Dukefe et les anciens du village se sont présentés à la maison des demandeurs et ont demandé que leur fille cadette, Melissa, soit amenée pour subir la mutilation génitale des femmes. Les demandeurs ont refusé et la mère et la fille ont quitté la maison et se sont cachées.

[6]                 À trois reprises, on a trouvé la cachette de la mère et de la fille et elles ont été obligées de déménager. La dernière fois, alors que les demanderesses habitaient à Lagos, cinq hommes se seraient présentés chez elles et auraient tenté d'amener Melissa; comme ils n'ont pas réussi, ils ont battu et violé Mme Tonwe.


[7]                 À la suite de cette agression, les femmes ont quitté le Nigéria alors que M. Dukefe se cachait de sa famille et des anciens chez un ami. Toutefois, on a découvert sa cachette et il a donc décidé de se sauver. Il s'est d'abord rendu au nord du Nigéria, puis, le 25 avril 2001, il est allé en Espagne et enfin, le 15 septembre, il est venu au Canada.

[8]                 La Commission a rejeté le récit du demandeur comme étant fabriqué. Elle a fondé cette conclusion sur plusieurs invraisemblances, omissions, et contradictions importantes dans les témoignages des deux demandeurs adultes. La Commission a mentionné que ces derniers ont plusieurs fois improvisé au cours de leur témoignage.

[9]                 La Commission a également mentionné que dans l'étude de la demande, elle avait tenu compte des Directives du président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié concernant la persécution fondée sur le sexe, ainsi que des conventions internationales concernant le bien-être des enfants.

[10]            Les demandeurs ont soutenu que la Commission a mal évalué leur crédibilité et qu'elle a tiré des conclusions abusives et arbitraires, sans tenir compte des éléments dont elle disposait. L'avocat a prétendu que les demandeurs étaient victimes de partialité inter-culturelle et s'est plaint que certains membres de la Commission ne veulent pas comprendre la réalité africaine.

[11]            Comme le prétend le défendeur, aucune preuve ne soutient ces arguments. Les demandeurs ont prétendu qu'on a surtout utilisé des omissions mineures de leurs Formulaires de renseignements personnels (FRP) pour attaquer leur crédibilité. Toutefois, l'élément central de leur demande, à savoir la peur que leur fille soit excisée, n'est pas mentionné dans le FRP. À mon avis, il n'était pas du tout déraisonnable pour la Commission de conclure qu'il s'agissait là d'une omission très nuisible pour la crédibilité des demandeurs. La Commission a tenu compte de l'explication des demandeurs, mais a eu raison de la trouver insuffisante et insatisfaisante. À cet égard, la Commission n'a pas commis d'erreur.

[12]            Les demandeurs ont également prétendu que leur récit était tout à fait compatible avec la preuve documentaire objective soumise concernant la situation au Nigéria et la MGF, et que cette documentation objective n'avait pas été prise en compte par la Commission.


[13]            En ce qui concerne cette prétention, la Cour a déjà conclu par le passé non seulement que les éléments de preuve reliés à un pays ne suffisent pas à démontrer une crainte fondée, mais également que les composantes objectives et subjectives de la crainte sont toutes deux absolument nécessaires. Si l'on pouvait statuer sur une demande de réfugié en se basant uniquement sur de la preuve documentaire se rapportant à la situation dans un pays, alors n'importe qui pourrait y lire une histoire et se l'approprier. Dans la présente affaire, la Commission n'a pas trouvé les demandeurs crédibles et par conséquent, si elle n'a pas cru leur récit, elle n'a pas pu conclure à l'existence d'une véritable crainte subjective. De plus, puisqu'il faut à la fois une crainte subjective et une crainte objective afin de démontrer une crainte fondée, il n'était pas nécessaire de conclure à l'existence d'une crainte objective au Nigéria.

[14]            De plus, les demandeurs ont allégué qu'il y avait eu une violation de l'équité procédurale, puisqu'ils ont prétendu qu'on avait violé leur droit à une audition impartiale de leur cause. En effet, l'avocat des demandeurs a prétendu que le commissaire interrompait constamment la présentation de la cause, et qu'il faisait constamment preuve d'une attitude très négative et intimidante.

[15]            Les demandeurs ne m'ont pas renvoyé à des éléments de preuve ni à des exemples précis dans les transcriptions démontrant que le déroulement de l'audience avait porté atteinte à leur droit à une audition impartiale de leur cause. De toute façon, j'ai lu les transcriptions de l'audience et je n'ai décelé aucune attitude négative et je n'ai pas constaté un niveau d'interventions qui soit hors de l'ordinaire.

[16]            J'ai constaté que la Commission avait commis une erreur de fait en mentionnant que les demandeurs n'avaient pas déménagé malgré l'existence de menaces et malgré qu'ils étaient en danger. Le dossier révèle qu'ils ont en fait déménagé à différents endroits. Toutefois, cette erreur n'est pas suffisante, en soi, pour justifier l'intervention de la Cour. J'ai étudié attentivement les autres conclusions et les éléments de preuve à leur appui et je conclus qu'elles sont bien fondées.                                                                         


[17]            Enfin, les demandeurs ont affirmé que leur renvoi violerait la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) (la Charte), et d'autre actes internationaux. En ce qui concerne le troisième argument du demandeur selon lequel son expulsion violerait la Charte, la Cour a examiné cette question dans le passé. Elle a maintes fois confirmé que la Commission n'était pas compétente pour appliquer les actes internationaux dont le demandeur fait état en ce qui concerne son renvoi. En fait, la Cour a dit qu'il était simplement prématuré de les invoquer à une étape où la Commission avait uniquement compétence pour décider si un demandeur était ou non un réfugié au sens de la Convention (Sandhu c. Canada (M.C.I.) (2000), 258 N.R. 100 (C.A.), Barrera c. Canada (M.E.I.), [1993] 2 C.F. 3, Arica c. Canada (M.E.I.), [1995] A.C.F. no 670, Kofitse c. Canada (M.C.I), [2002] A.C.F. no 1168).

[18]            Pour tous ces motifs, je conclus que la Commission n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable, et par conséquent, la Cour n'interviendra pas dans la décision de la Commission.

[19]            Aucune question n'a été proposée pour certification.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-2243-02

INTITULÉ :                                                        MICHAEL DUKEFE ET AL

c.

MCI

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 18 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              le juge Noël

DATE DES MOTIFS :                                     le 8 avril 2003

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy                                                   POUR LE DEMANDEUR

Guy Lamb                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy                                        POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                    

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.