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Date : 19990811


Dossier : IMM-3165-98



OTTAWA (ONTARIO), LE 11 AOÛT 1999


EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE TEITELBAUM


ENTRE :

JENNIFER JURAWAN,


demanderesse,


et




LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.




O R D O N N A N C E

     Pour les raisons données dans mes Motifs de l'ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.



Max M. Teitelbaum

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier



Date : 19990811


Dossier : IMM-3165-98




ENTRE :

JENNIFER JURAWAN,


demanderesse,


et




LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.





MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM :

[1] Cette demande de contrôle judiciaire vise la décision de l'agent des visas Howard Spunt, du Consulat général du Canada à Détroit (Michigan), datée du 26 mai 1998 et reçue le 27 mai 1998, par laquelle il rejetait la demande de résidence permanente présentée par Jennifer Jurawan (la demanderesse).

LES FAITS

[2] La demanderesse est citoyenne des États-Unis. Elle a présenté une demande de résidence permanente au titre secrétaire - CCDP 4111-110.

[3] Elle a été reçue en entrevue le 25 septembre 1997. À cette occasion, elle a présenté ses preuves d'études et références d'emploi, ainsi que la preuve que sa belle-soeur habite au Canada.

[4] Elle a été appréciée en vertu de la CCDP, tant comme secrétaire que comme secrétaire de direction. Elle a reçu le plus grand nombre de points comme secrétaire :

         Âge                          10
         Facteur professionnel              05
         Préparation professionnelle spécifique      11
         Expérience                      06
         Emploi réservé                  00
         Facteur démographique              08
         Études                      00
         Connaissance de l'anglais              09
         Connaissance du français              00
         Personnalité                      02

    

         Total                          51

[5] Elle a aussi été appréciée en vertu de la Classification professionnelle des professions, mais elle n'a reçu que 41 points d'appréciation.

[6] En conséquence, sa demande a été rejetée en vertu du paragraphe 19(2) de la Loi sur l'immigration.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[7] L'agent des visas a-t-il négligé de tenir compte de la preuve qui lui était présentée?

[8] L'appréciation de la personnalité de la demanderesse par l'agent des visas est-elle manifestement déraisonnable au vu de la preuve?

[9] L'agent des visas a-t-il commis une erreur en refusant d'accorder 5 points " boni " à la demanderesse parce que sa belle-soeur habite au Canada?

LA POSITION DES PARTIES

La demanderesse

[10] La demanderesse soutient que l'agent des visas ne l'a pas informée de ses inquiétudes au sujet de ses études. Elle a terminé un cours complet de secrétariat, ouvrant droit à un diplôme comprenant un certificat de secrétaire. Une lettre confirmant ce fait est annexée à son affidavit.

[11] La demanderesse soutient aussi que l'appréciation de sa personnalité par l'agent des visas est manifestement déraisonnable. Elle est très à l'aise en anglais, a une longue expérience comme secrétaire, et elle prenait un cours d'informatique pour améliorer ses connaissances. De plus, elle a une offre d'emploi et de la parenté au Canada.

[12] Finalement, la demanderesse soutient que l'agent des visas a commis une erreur de droit en ne lui accordant pas 5 points " boni " en vertu de la classe de parent aidé, ce qu'il aurait dû faire puisque sa belle-soeur vit au Canada.

Le défendeur

[13] Le défendeur soutient que la lettre confirmant le diplôme de secrétariat a été produite après que l'agent des visas a pris sa décision et que, par conséquent, on ne peut en tenir compte dans ce contrôle judiciaire. Le défendeur soutient aussi que rien dans les documents présentés par la demanderesse avant que l'agent des visas ne prenne sa décision vient confirmer qu'elle détenait un diplôme ou une autre forme d'attestation d'études de secrétaire.

[14] Le défendeur soutient aussi que l'agent des visas a le pouvoir discrétionnaire d'apprécier la personnalité et que l'exercice de ce pouvoir ne peut être contesté en l'absence de mauvaise foi ou d'erreur manifestement déraisonnable. Le défendeur fait ressortir le fait que la demanderesse n'était pas au fait des progrès technologiques, qu'elle ne connaissait pas du tout les logiciels d'usage courant, qu'elle ne pouvait donner aucun détail quant à l'offre d'emploi qu'on lui aurait faite, et que son mari n'avait pas de compétences particulières. Dans un tel cas, l'agent des visas était justifié de ne lui accorder que 2 points d'appréciation pour la personnalité.

[15] Finalement, le défendeur soutient que la définition de parent aidé qui se trouve à l'article 2 du Règlement sur l'immigration ne recouvre pas une belle-soeur. Par conséquent, l'agent des visas a eu raison de ne pas accorder 5 points de boni à la demanderesse.

ANALYSE

[16] Bien que l'agent des visas n'ait pas produit d'affidavit, les notes CAIPS qui se trouvent dans le dossier du défendeur indiquent clairement que la demanderesse avait pris plusieurs cours pour améliorer ses compétences comme employée de bureau, mais qu'elle n'avait reçu ni diplôme ni certificat de l'institution où elle étudiait. Le dossier du tribunal vient confirmer ce fait.

[17] La demanderesse a produit, comme pièce " C ", une lettre du College of Commerce en date du 20 juin 1998. Cette lettre indique qu'elle a terminé un cours complet de secrétariat, ouvrant droit à un diplôme comprenant un certificat de " secrétaire ". La décision de l'agent des visas est datée du 26 mai 1998.

[18] C'est un principe banal de droit de dire que le contrôle judiciaire ne peut s'exercer que sur l'information qui était en possession de l'office fédéral au moment où la décision contestée a été prise. Je ne tiendrai par conséquent aucun compte de la pièce " C ", puisqu'elle n'était pas en possession de l'agent des visas au moment où il a pris sa décision.

[19] De plus, puisque rien d'autre dans la preuve n'indique que la demanderesse a reçu un diplôme ou un certificat, et compte tenu des critères que l'on trouve à l'Annexe I, je conclus que l'agent des visas a eu raison d'accorder 0 point pour le facteur Études.

[20] Dans ses allégations, la demanderesse s'appuie fortement sur Muliadi c. M.C.I., [1986] 2 C.F. 205 (C.A.), déclarant que cette décision fait qu'un agent des visas est tenu de donner à un demandeur (une demanderesse) la possibilité de réagir face aux questions qu'il ou elle se pose.

[21] On peut distinguer Muliadi de la présente affaire. Dans Muliadi, l'agent des visas a rejeté la demande suite à l'appréciation négative du projet d'entreprise du demandeur faite par le gouvernement de l'Ontario. Le demandeur n'avait pas été informé de cette appréciation négative et il n'a pas eu la possibilité d'y répondre.

[22] À mon avis, la jurisprudence qui s'applique en l'instance se trouve dans Shah c. M.E.I. (1994), 29 Imm. L.R. (2d) 82 (C.A.F.), citée par rapport à un agent des visas dans Bara c. M.E.I. (le 6 juillet 1998), IMM-3286-97 (C.F. 1re Inst.). Dans Shah, précité, la Cour d'appel fédérale déclare que :

         L'agente n'a pas l'obligation d'exposer au requérant les conclusions éventuelles qu'elle est susceptible de tirer des éléments dont elle dispose, ni même les éléments en apparence contradictoires qui sèment le doute dans son esprit. Si elle entend se fonder sur des éléments de preuve extrinsèques qui ne lui sont pas fournis par le requérant, elle doit bien sûr lui donner l'occasion d'y répondre.

[23] En l'instance, l'agent des visas a pris sa décision au vu de la preuve que lui avait présentée la demanderesse. Il n'y avait pas de preuve extrinsèque et l'agent des visas n'était pas tenu de faire connaître à la demanderesse ses conclusions éventuelles ou ses inquiétudes.

[24] La deuxième allégation de la demanderesse est que l'appréciation faite par l'agent des visas de sa personnalité est manifestement déraisonnable.

[25] Dans Gill c. Canada (MCI)1, le juge en chef adjoint Jerome (tel était alors son titre) a décrit le large pouvoir discrétionnaire conféré aux agents des visas lorsqu'il s'agit d'apprécier la personnalité d'un demandeur.

         Les dispositions législatives confèrent un large pouvoir aux agents des visas pour ce qui est des décisions de cette nature, et il leur incombe tout à fait de se former une opinion concernant les qualités personnelles d'un requérant en fonction de facteurs tels que la capacité d'adaptation, la motivation, l'esprit d'initiative, l'ingéniosité et d'autres qualités. Pourvu que cette opinion soit raisonnable et qu'elle ne soit ni partiale ni arbitraire, l'intervention judiciaire ne se justifie pas.

[26] En l'instance, la notes CAIPS indiquent qu'elle avait [traduction] " une large expérience comme secrétaire ", mais qu'elle ne s'était pas tenue à jour. Elle ne connaissait pas du tout les logiciels d'usage courant. Bien qu'elle ait été en possession d'une offre d'emploi, la lettre d'emploi ne portait pas de signature et l'agent des visas était d'avis qu'il s'agissait d'une lettre de convenance.

[27] La demanderesse soutient qu'elle parle l'anglais et qu'elle a une large expérience comme secrétaire. Néanmoins, je ne suis pas disposé à conclure que l'agent des visas a fait une appréciation partiale ou arbitraire au vu du dossier qui lui était présenté. Bien qu'il eut été préférable d'obtenir un affidavit de l'agent des visas, je conclus que sa décision d'accorder 2 points pour la personnalité était raisonnable.

[28] Finalement, la demanderesse soutient que l'agent des visas a commis une erreur de droit en ne lui accordant pas le " boni " de 5 points lié au fait que sa belle-soeur vit au Canada.

[29] Comme le défendeur l'a souligné, les termes " parent aidé " ne recouvrent pas une " belle-soeur ". L'article 2 du Règlement sur l'immigration de 1978 (DORS/78-172, tel que modifié) est rédigé comme suit :

"assisted relative" means a relative, other than a member of the family class, who is an immigrant and is an uncle or aunt, a brother or sister, a son or daughter, a nephew or niece or a grandson or granddaughter of a Canadian citizen or permanent resident who is at least 19 years of age and who resides in Canada;


"parent aidé" Immigrant, autre qu'un parent, qui est soit l'oncle ou la tante, le frère ou la soeur, le fils ou la fille, le neveu ou la nièce ou le petit-fils ou la petite-fille d'un citoyen canadien ou d'un résident permanent âgé d'au moins 19 ans qui réside au Canada.

[30] Dans le même article, on définit une " soeur " de la façon suivante :

"sister", with respect to any person, means a daughter of the

mother or father of that person;     

"soeur", par rapport à une personne, désigne une fille de la mère ou du père de cette personne     

[31] À mon avis, cette définition ne recouvre pas une " belle-soeur ". Par conséquent, comme la belle-soeur de la demanderesse est son seul parent au Canada, l'agent des visas a eu raison de ne pas lui accorder le boni de parent aidé.

CONCLUSION

[32] Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[33] Aucune question à certifier ne m'a été soumise.



                             Max M. Teitelbaum

                         ________________________________

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 11 août 1999


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              IMM-3165-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jennifer Jurawan c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 9 juin 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :              11 août 1999



ONT COMPARU :

Mme Robin L. Seligman                  POUR LA DEMANDERESSE

Mme Geraldine MacDonald                  POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Robin L. Seligman                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1 (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 127, au par. 4 (C.F. 1re inst.).

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