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Date : 20030730

Dossier : IMM-1220-02

Référence neutre : 2003 CF 936

OTTAWA (ONTARIO), LE 30 JUILLET 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                 MAHMUD ATAULLAH

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Gilles Le Maire (l'agent des visas), datée du 15 février 2002, dans laquelle l'agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.


[2]    Le demandeur est un citoyen du Pakistan. Lui et sa famille vivent aux États-Unis sans statut depuis 1995. Le demandeur a présenté une demande d'immigration aux États-Unis, laquelle a été rejetée. Il a alors soumis une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants et a demandé d'être apprécié à titre de consultant en voyages (CNP 6431). La demande comprenait sa femme et ses trois enfants comme personnes à charge.

[3]    La demande a été examinée dans le cadre du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, (le Règlement). Après avoir reçu le demandeur en entrevue et avoir apprécié sa demande, l'agent des visas lui a attribué les points suivants :

Âge                                           10

Facteur professionnel                 01

Études et formation                    15

Expérience                                06

Emploi réservé               00

Facteur démographique             08

Études                          15

Anglais                          09

Français                                    00

Personnalité                               01

---

Total                                         65

[4]    Comme le demandeur n'avait pas les 70 points prescrits par le Règlement, l'agent des visas a refusé de lui accorder un visa.


[5]                Le demandeur vise maintenant à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision en alléguant, premièrement, que l'agent des visas n'avait pas apprécié la personnalité du demandeur de manière adéquate, deuxièmement, que l'agent des visas a doublement pris un facteur en compte et troisièmement, que l'agent des visas a commis une erreur en omettant d'exercer son pouvoir discrétionnaire conformément au paragraphe 11(3) du Règlement.

Personnalité

[6]                L'annexe I du Règlement définit le facteur de personnalité :


9. Des points d'appréciation sont attribués au requérant au cours d'une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

9. Units of assessment shall be awarded on the basis of an interview with the person to reflect the personal suitability of the person and his dependants to become successfully established in Canada based on the person's adaptability, motivation, initiative, resourcefulness and other similar qualities.


[7]                Ainsi, un des facteurs qu'il faut examiner est l'aptitude du demandeur et des personnes à sa charge à réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation, la motivation, l'esprit d'initiative, l'ingéniosité et autres qualités semblables.


[8]                La décision d'un agent des visas en ce qui concerne la personnalité porte sur la question de savoir si le demandeur est en mesure de réussir son installation au Canada. La prise de cette décision demande l'exercice par l'agent des visas de son pouvoir discrétionnaire et la Cour devrait hésiter à intervenir à moins que la preuve démontre que l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi ou en s'appuyant sur des considérations étrangères à l'affaire ou non pertinentes, ou d'une façon qui va à l'encontre, soit de la législation, soit des principes de justice fondamentale : voir Kasarla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 964, 2001 CFPI 648; Lim c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 121 N.R. 241 (C.A.F.), à la page 243, et To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.).

[9]                En se fondant sur l'entrevue qu'il a menée, l'agent des visas a déterminé que le demandeur n'avait fait aucun effort pour accroître ses chances de réussir son installation au Canada. En dépit du fait qu'il a travaillé dans le domaine du voyage et qu'il a voyagé fréquemment, il n'avait jamais visité le Canada. Selon l'agent des visas, le demandeur n'avait pas suffisamment de connaissances au sujet du Canada, démontrait peu de motivation et d'esprit d'initiative et n'avait pas effectué de recherche détaillée au sujet de la vie au Canada ou du marché du travail pour la profession envisagée.


[10]            Le demandeur soutient que cette détermination est incorrecte, parce qu'il a démontré sa faculté d'adaptation et son esprit d'initiative. Plus précisément, le demandeur invoque le temps qu'il a passé à vivre aux États-Unis et ailleurs comme preuve de sa faculté d'adaptation ainsi que les cours d'informatique qu'il a suivis comme preuve de son esprit d'initiative. Il a aussi été en mesure d'épargner quelque 21 000 $. Le demandeur maintient que ces facteurs auraient dû être pris en compte dans l'appréciation de sa demande. Il soutient également, en se fondant sur le commentaire général formulé par Mme le juge Dawson dans la décision Du c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 15 Imm. L.R. (3d) 64 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 21, qu'en moyenne, une appréciation de la personnalité se situe entre cinq et six et que, par conséquent, la décision de l'agent des visas de n'attribuer, en l'espèce, qu'un seul point pour la personnalité est manifestement déraisonnable.


[11]            À mon avis, aucune preuve ne démontre que l'agent des visas a examiné les mauvais facteurs lorsqu'il a apprécié la personnalité du demandeur. De plus, le demandeur n'a pas réussi à me convaincre que la décision de l'agent des visas à cet égard est manifestement déraisonnable. Les notes du STIDI révèlent que l'agent des visas a questionné le demandeur au sujet de la recherche qu'il avait effectuée relativement à l'emploi et à l'installation au Canada et que les réponses du demandeur étaient insuffisantes pour apaiser les préoccupations de l'agent des visas. Si celui-ci n'a pas considéré que les réponses du demandeur étaient satisfaisantes, il n'appartient pas à la Cour d'examiner de nouveau la preuve à l'étape du contrôle judiciaire.

[12]            Quoi qu'il en soit, l'agent des visas a raisonnablement conclu que le cas du demandeur ne justifiait pas qu'on lui attribue un grand nombre de points pour la personnalité, puisqu'il n'avait pas démontré de motivation pour se rendre au Canada, ni démontré de l'ingéniosité ou un esprit d'initiative. En plus, l'agent des visas a également pris en compte la capacité des personnes à charge du demandeur de s'établir, notamment le fait que sa femme n'ait aucune expérience de travail. Cette approche était appropriée et je ne vois aucun motif d'intervenir à cet égard en ce moment.

[13]            Un commentaire additionnel s'impose au sujet de la phrase suivante qui se trouve dans les notes du STIDI de l'agent des visas :

[traduction]

Son manque total de connaissances au sujet du Canada, son manque d'esprit d'initiative et de motivation (sauf pour sa venue aux É.-U. en 1995, son séjour illégal et maintenant la constatation qu'il est coincé ici), l'absence d'aide de proches parents, une famille de 5, une femme sans aucune expérience de travail, m'amènent à ne pas attribuer beaucoup de points pour la personnalité.

[Non souligné dans l'original]


[14]            Le guide Traitement des demandes à l'étranger confirme qu'un bureau à l'étranger « ne peut refuser de traiter une demande d'un requérant qui n'est pas légalement autorisé à se trouver dans le pays où il réside, ce qui inclut le Canada » (voir le paragraphe 3.2.1 du Guide de l'immigration - Traitement des demandes à l'étranger - (OP1) Règles générales sur le traitement, 2000). Toutefois, dans la présente demande, rien dans la preuve ne donne à penser que la demande du demandeur n'a pas été traitée ou qu'il n'a pas été traité équitablement en raison de son statut illégal aux États-Unis. Ainsi, je conclus que l'allégation du demandeur à cet égard n'est pas fondée. De plus, le demandeur n'a pas non plus réussi à me convaincre que l'erreur qu'aurait commise l'agent des visas au sujet du facteur de personnalité aurait pu avoir un effet important sur le résultat puisque, en l'espèce, le demandeur avait besoin de cinq points de plus.

Double comptage

[15]            Le demandeur soumet que l'agent des visas a doublement pris un facteur en compte lorsqu'il a considéré que le demandeur n'avait pas de proches parents au Canada lors de son appréciation du facteur de personnalité du demandeur.


[16]            Selon un principe de droit bien établi, l'agent des visas ne prend pas doublement un facteur en compte en mentionnant le même attribut à deux reprises relativement à différentes catégories, dans la mesure où l'attribut est vu sous des angles différents et, le cas échéant, sous l'angle permettant de voir dans quelle mesure il prouve la capacité, ou le manque de capacité, du demandeur de réussir son installation au Canada (voir Bing c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 210 F.T.R. 130, au paragraphe 15, et la jurisprudence qui y est citée). En l'espèce, je suis convaincu que l'agent des visas n'a pas doublement pris en compte les facteurs de l'annexe I qui avaient été antérieurement appréciés. L'agent des visas a examiné l'absence de parents du demandeur au Canada sous les angles de sa motivation, de son esprit d'initiative et de sa capacité de réussir son installation au Canada. L'agent des visas pouvait raisonnablement apprécier le demandeur avec un nombre de points moins élevé pour la personnalité lorsque la preuve révélait qu'il n'était pas très motivé et qu'il n'avait pris aucune initiative.

Aucune demande relative au pouvoir discrétionnaire du paragraphe 11(3)

[17]            Le paragraphe 11(3) du Règlement prévoit qu'un agent des visas peut délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'a pas obtenu le nombre de points d'appréciation requis s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada.


[18]            Il incombe au demandeur de demander qu'une décision soit rendue dans le cadre du paragraphe 11(3). En ce faisant, le demandeur devrait exposer les raisons de croire que les points d'appréciation ne reflétaient pas ses chances de réussir son installation au Canada : Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 152 F.T.R. 316, au paragraphe 6. En l'espèce, il n'y a pas de preuve que le demandeur a demandé l'exercice du pouvoir discrétionnaire du paragraphe 11(3) et, de toute façon, il n'y a pas non plus de preuve qu'il existait un fondement permettant l'exercice de manière favorable du pouvoir discrétionnaire. À cet égard, les notes du STIDI confirment qu'il n'y a en l'espèce aucune circonstance exceptionnelle.

Conclusion

[19]            Le demandeur n'a pas démontré qu'il y avait des erreurs susceptibles de révision qui justifieraient un réexamen. Les avocats conviennent qu'il n'y a pas de question de portée générale devant être certifiée par la Cour.

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas, datée du 15 février 2002, dans laquelle l'agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada du demandeur, est rejetée. Aucune question de portée générale ne sera certifiée par la Cour.

                                                                                 « Luc Martineau »              

                                                                                                Juge      

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-1220-02          

INTITULÉ :                                           MAHMUD ATAULLAH c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 25 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                          LE 30 JUILLET 2003

COMPARUTIONS :

SABRINA TOZZI                                                                    POUR LE DEMANDEUR

STEPHEN GOLD                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GREEN AND SPIEGEL                                                           POUR LE DEMANDEUR

TORONTO (ONTARIO)

MORRIS ROSENBERG                                                          POUR LE DÉFENDEUR

TORONTO (ONTARIO)


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