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Date : 20031007

Dossier : IMM-4869-02

Référence : 2003 CF 1167

Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN                          

ENTRE :

                               NAJADA CEKANI, REINALD CEKANI, LUAN TELKIU,

LUDMILLA TELKIU, ALBJONA TELKIU et DEVIS CEKANI

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Najada Cekani, Devis Cekani, Reinald Cekani, Luan Telkiu, Ludmilla Telkiu et Albjona Telkiu (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 30 août 2002 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans la décision en question, la Commission a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]                 Les demandeurs sont des citoyens de l'Albanie. M. Luan Telkiu et Mme Ludmilla Telkiu sont mariés, et ils sont les parents de Najada Cekani et d'Albjona Telkiu. Mme Najada Cekani est mariée à M. Devis Cekani, et ils sont les parents de Reinald Cekani.

[3]                 Les demandeurs ont allégué qu'ils craignaient avec raison d'être persécutés du fait de leurs opinions politiques et de leur appartenance à un groupe social particulier, à savoir en tant que membres de la famille d'activistes politiques. M. Luan Telkiu, Mme Najada Cekani et M. Devis Cekani sont membres du Parti de la légalité (le PL), un parti opposé au gouvernement de l'Albanie. Les demandeurs adultes ont allégué avoir été victimes de plusieurs incidents de persécution, et avoir notamment été détenus par la police après avoir participé à des manifestations antigouvernementales. En ce qui concerne leur fille cadette Albjona, ils ont allégué qu'elle avait fait l'objet d'une tentative d'enlèvement par des hommes qu'elle croyait être des agents de police. Les différents incidents de persécution se sont produits au cours d'une période de plusieurs années qui a commencé en 1990 et qui s'est terminée en avril 2000, au moment de la tentative d'enlèvement d'Albjona.


[4]                 Les demandeurs, à l'exception de Devis Cekani, sont arrivés au Canada le 12 mai 2000. Ils ont revendiqué le statut de réfugiés au sens de la Convention le lendemain. M. Devis Cekani est arrivé au Canada le 30 janvier 2001, et il a revendiqué le statut de réfugié le même jour. L'audience devant la Commission a débuté le 28 juin 2001 et elle s'est poursuivie le 3 octobre 2001.

[5]                 La Commission a reconnu que M. Luan Telkiu, sa fille Najada Cekani et son mari Devis Cekani étaient des membres du PL. Elle a admis que M. Telkiu et Mme Cekani avaient été détenus et battus par la police en 1997 et en 1998. Toutefois, elle n'était pas convaincue qu'ils fussent demeurés des activistes du PL après 1999. De plus, elle ne croyait pas que les demandeurs avaient subi de mauvais traitements ou avaient fait l'objet de menaces en 2000.

[6]                 La Commission a fondé sa conclusion défavorable sur la preuve documentaire. Cette dernière démontrait que le PL pouvait essentiellement agir en toute liberté, que quelques partisans du PL avaient été victimes de mauvais traitements dans une autre région du pays mais que, depuis le début de l'année 1999, de tels abus n'étaient pas fréquents et que « l'ampleur de ces mauvais traitements est limitée et les partisans du Parti de la légalité à Tirana ne sont pas souvent victimes de violence » . La Commission a également conclu que la preuve documentaire démontrait que les mauvais traitements qu'avaient subis certains membres du PL au franc parler équivalaient en règle générale à du harcèlement et non pas à de la persécution. Dans quelques cas, les membres en question avaient été victimes d'agression physique, mais la Commission a mentionné que les demandeurs habitaient à Tirana et non pas dans le Nord de l'Albanie, où les membres du PL étaient traités plus durement selon un document.

[7]                 La Commission a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité de M. Telkiu, de Mme Cekani et de M. Cekani. Elle a également conclu à l'invraisemblance de certains éléments de preuve touchant les connaissances que, selon elle, les demandeurs auraient dû avoir en tant qu'activistes du PL. Il s'agissait de renseignements concernant le chef emprisonné du PL et les élections de 1997.

[8]                 Le sort de la présente demande dépend de la norme de contrôle applicable. Dans la décision Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (QL) (C.F. 1re inst.), monsieur le juge Pelletier (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) a dit que la norme de contrôle qu'il convenait d'appliquer aux décisions de la Commission était la norme de la décision manifestement déraisonnable. Il a déclaré ce qui suit au paragraphe 5 de la décision en question :

La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer aux décisions de la SSR est, de façon générale, celle de la décision manifestement déraisonnable, sauf pour ce qui est des questions portant sur l'interprétation d'une loi, auquel cas la norme qu'il convient d'appliquer est celle de la décision correcte. Sivasamboo c. Canada [1995] 1 C.F. 741 (1re inst.), (1994) 87 F.T.R. 46,Pushpanathan c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 982, (1998) 160 D.L.R. (4th) 193. La question litigieuse en l'espèce porte sur l'appréciation que la SSR a faite de la preuve, un aspect de l'affaire qui relevait clairement de son mandat et son champ d'expertise. Le point de vue que la SSR a adopté à l'égard de la preuve était raisonnable, tout comme l'aurait été le point de vue opposé. La preuve, comme c'est si souvent le cas, est ambiguë et équivoque. Certains éléments de preuve étayent le point de vue des demandeurs, alors que d'autres le minent. Il incombe à la SSR de tenir compte de tous les éléments de preuve (ce qui ne l'oblige toutefois pas à mentionner expressément chaque élément de preuve qu'elle examine), de les soupeser, et de parvenir à une conclusion. Toute conclusion qu'elle tire qui n'est pas erronée à première vue n'est pas manifestement déraisonnable. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, (1996) 144 D.L.R. (4th) 1.

[9]                 En l'espèce, la Commission a préféré s'appuyer sur la preuve documentaire et lui accorder plus de poids qu'aux témoignages des demandeurs et aux autres éléments de preuve présentés par ces derniers. Cette faculté relève du mandat de la Commission, comme l'a énoncé la Cour dans la décision Zvonov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 28 Imm.L.R. (2d) 23 (C.F. 1re inst).

[10]            Bien qu'une autre personne eût pu arriver à une conclusion différente vu la preuve présentée, je ne suis pas convaincue que la décision à laquelle la Commission est arrivée en l'espèce ne soit pas étayée par la preuve ou qu'elle soit manifestement déraisonnable. Il n'y a rien qui permette à la Cour d'intervenir dans la décision de la Commission, et la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas de question à certifier.

                                           ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas de question à certifier.

                                                         

                                                                                         « E. Heneghan »                    

ligne

                                                                                                             Juge                             

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 IMM-4869-02

INTITULÉ :              NAJADA CEKANI ET AUTRES c. LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 7 AOÛT 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                     LE 7 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :                                                    

MARIO BELLISSIMO

POUR LES DEMANDEURS

MATINA KARVELLAS

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS

AU DOSSIER :

Ormston, Bellissimo and Younan

Avocats                          

1000, avenue Finch Ouest, bureau 900    Toronto (Ontario) M3J 2V5

Téléphone : (416) 787-6505

Télécopieur : (416) 787-0455

POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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