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Date : 20031105

Dossier : IMM-318-03

Référence : 2003 CF 1288

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN             

ENTRE :

                                                                 SAQIB SIDDIQUE

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 M. Saqib Siddique (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 5 décembre 2002, selon laquelle il n'est pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]                 Le demandeur, un citoyen du Pakistan, prétend craindre avec raison d'être persécuté par un groupe de musulmans sunnites extrémistes, le Sipah-e-Sahaba (le SSP), à cause de sa religion - il est un musulman chiite - et de son appartenance à un groupe actif de musulmans chiites au Pakistan.

[3]                 Il prétendait que des membres du SSP l'avaient agressé et menacé pour qu'il mette fin à ses activités religieuses, en raison du rôle qu'il jouait au sein de son imambara local, un lieu de culte chiite. Il était membre du comité de direction de l'imambara depuis octobre 1998 environ.

[4]                 Le demandeur soutient qu'il a été battu par des membres du SSP au cours d'un rassemblement religieux chiite (majlis) qui a eu lieu chez lui en mai 2001. Il s'est rendu au poste de police avec d'autres musulmans chiites afin de signaler l'incident et, malgré le fait qu'ils étaient en mesure d'identifier certains des agresseurs, la police a refusé d'agir, ce qui l'a mis en colère. La police l'a alors placé en détention et l'a libéré le lendemain sur paiement d'un pot-de-vin.

[5]                 Le demandeur prétend que des membres du SSP lui ont téléphoné pour le menacer et lui conseiller de mettre fin à ses activités de bienfaisance chiites.


[6]                 Le demandeur a parlé d'un incident survenu en août 2001 alors qu'il distribuait de la nourriture à des familles chiites dans le besoin. Il prétend qu'une femme sunnite lui a demandé de la nourriture et qu'il lui en a donné. Des membres du SSP se seraient ensuite rendus chez lui pour le voir. Ils auraient injurié sa mère et ses frères et leur auraient dit de se préparer à assister à ses funérailles. Ils ont dit qu'ils croyaient que le demandeur essayait de convertir la femme sunnite en la soudoyant avec des provisions et qu'ils allaient le tuer.

[7]                 Le demandeur, qui était absent lors de cet incident, a appris par son frère, alors qu'il se trouvait à Lahore, qu'il ne devait pas rentrer à la maison. Il dit que son frère a signalé l'incident à la police et que celle-ci a fait savoir qu'elle ne s'en mêlerait pas.

[8]                 Le demandeur est demeuré caché chez un membre de sa famille à Lahore. Il a quitté le Pakistan le 2 octobre 2001 et est arrivé au Canada le même jour. Il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention le 13 octobre 2001.

[9]                 La Commission a tiré un certain nombre de conclusions défavorables au regard de la crédibilité du demandeur. Elle n'a pas cru entre autres l'explication qu'il a donnée concernant son retard à revendiquer le statut de réfugié au Canada. De plus, elle a jugé invraisemblable son témoignage selon lequel sa maison aurait été saccagée parce qu'il avait donné des provisions à une femme sunnite.


[10]            La Commission a fait remarquer en outre que le demandeur a deux frères aînés qui sont dans la même situation que lui : ils sont des musulmans chiites et ils vivent dans la résidence familiale. Or, ces personnes n'ont pas eu d'ennuis avec le SSP, non plus que le secrétaire général de l'imambara, une personne pourtant plus en vue dans la communauté chiite. La Commission n'a pas jugé plausibles les raisons données par le demandeur pour expliquer pourquoi cette personne n'était pas harcelée.

[11]            De plus, la Commission a considéré que le Pakistan déployait « des efforts sérieux pour offrir une protection efficace, quoique imparfaite, à des citoyens » comme le demandeur.

[12]            Après avoir analysé la preuve documentaire avec soin, la Commission a conclu que le Pakistan pouvait protéger le demandeur s'il avait des ennuis dans l'avenir. Elle s'est fondée sur l'arrêt Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.), rendu par la Cour d'appel fédérale, pour conclure que la protection « parfaite » n'est pas la norme et que la protection de l'État existe probablement lorsqu'un État a le contrôle effectif de son territoire, qu'il fait de « sérieux efforts » pour protéger ses citoyens contre les activités terroristes et qu'il y a des autorités militaires et une force policière en place.

[13]            Le demandeur conteste les conclusions de la Commission concernant la crédibilité et prétend qu'elles ont été tirées de façon arbitraire et sans qu'il soit tenu compte de la preuve. Or, le dossier n'appuie pas cette prétention. À mon avis, le demandeur conteste le poids que la Commission a donné à sa preuve, ce qui n'est pas suffisant pour justifier l'intervention de la Cour, puisque, selon la décision Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (1re inst.) (QL), la norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission est celle du caractère manifestement déraisonnable.


[14]            En l'espèce, la Commission a considéré que la crainte de persécution du demandeur n'avait pas de fondement objectif ni de fondement subjectif, vu ses conclusions d'invraisemblance concernant des personnes se trouvant dans la même situation que le demandeur au Pakistan et le saccage de la maison de ce dernier le 14 août 2001. La Cour doit faire montre d'une grande retenue à l'égard de l'appréciation de la preuve effectuée par la Commission et des conclusions que celle-ci a tirées relativement au fondement objectif de la revendication.

[15]            Les conclusions tirées par la Commission sur la question de la crédibilité satisfont au critère établi dans l'arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.). En effet, la Commission a expliqué, « en termes clairs et explicites » , pourquoi certains éléments de la preuve du demandeur n'étaient pas crédibles. À mon avis, ces conclusions n'ont pas été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Commission disposait, et on ne peut considérer qu'elles sont manifestement déraisonnables.

[16]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée. L'affaire ne soulève aucune question à des fins de certification.


                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. L'affaire ne soulève aucune question à des fins de certification.

             « E. Heneghan »             

            Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COURT FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-318-03

INTITULÉ :                                                                     SAQIB SIDDIQUE

c.         

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 13 AOÛT 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                   LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 5 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

John Savaglio                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Kareena Wilding                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Savaglio                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Avocat

1919, square Brookshire

Pickering (Ontario)

L1V 6L2

Kareena Wilding                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

130, rue King Ouest, bureau 3400, casier 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

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