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Date : 19990304

Dossier : IMM-1792-98

Entre :

     ORLANDO DANILO MURILLO GARCIA

     Demandeur

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire à l"encontre de la décision de la Section du statut selon laquelle le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur est citoyen du Honduras qui allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison de son appartenance à un groupe politique. Le 1er avril 1997, lui et ses frères seraient revenus d"une fête lorsqu"ils auraient surpris des agents de la Direccion de Investigacion Criminal (DIC) dans la commission de deux meurtres. Les deux victimes seraient deux militants d"une coopérative agricole.

[3]      Ils sont alors poursuivis par les agents de la DIC jusqu"à leur maison, puis le 3 avril 1997 ils sont convoqués au bureau de la DIC. Ils ne se sont pas présentés.

[4]      Le lendemain, ils reçoivent une lettre anonyme les menaçant. Ils se présentent donc le 5 avril 1997 au bureau du Comité pour les droits humains, où ils ont raconté ce qui s"était passé. Le Comité leur a recommandé de quitter le pays le plus rapidement possible.

[5]      Ils ont quitté le Honduras pour le Guatemala où ils se sont séparés. Ses frères ont décidé de rester au Guatemala et le demandeur a continué son voyage jusqu"au Canada, où il est arrivé le 2 juillet 1997.

[6]      La Section du statut a rejeté sa revendication au motif qu"il n"a pu démontrer aucun lien avec l"un des cinq motifs énoncés à la Convention. Rien dans la preuve ne permet de croire que des opinions politiques pourraient être imputées du fait d"avoir été témoin d"un crime.

ANALYSE

[7]      La définition de " réfugié au sens de la Convention " au paragraphe 2(1) est claire : pour être un réfugié au sens de la Convention, il faut un lien entre la persécution dont le revendicateur aurait la crainte et l"un des cinq motifs énumérés dans la Convention, soit sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques.

[8]      Dans la présente affaire, le demandeur prétend craindre la persécution à cause des opinions politiques qu"ils lui sont imputées en raison du fait qu"il a été témoin des meurtres commis par des agents de la DIC et qu"il s"est rendu au bureau du Comité pour les droits humains pour dénoncer ce qu"il a vu.

[9]      Le critère applicable reconnu en jurisprudence en matière d"opinions politiques est celui de la perception qu"ont les autorités du fait des agissements du demandeur 1. En l"espèce, y avait-il des éléments de preuve qui aurait permis à la Section du statut de conclure que des opinions politiques pouvaient être imputées à un témoin d"un crime? Bien que je sympathise avec la situation du demandeur, une lecture attentive de la preuve documentaire ne me permet pas d"arriver à une telle conclusion.

[10]      En effet, la preuve documentaire fait état de plusieurs violations des droits de la personne et du danger auxquels peuvent faire face les militants et activistes des droits de la personne. Cependant, nulle part je n"ai pu lire que l"on pouvait imputer des opinions politiques du seul fait d"être témoin d"un crime et de le rapporter.

[11]      Dans l"arrêt Solhjou 1, qui traite de circonstances semblables à celles-ci, mon collègue le juge Rothstein a confirmé la décision du tribunal de refuser la revendication. Il a trouvé que le tribunal a conclu à bon droit que même si le demandeur avait besoin de protection advenant un retour, les auteurs des malversations ne lui en voulait pas pour ses opinions politiques, mais plutôt parce qu"il possédait des éléments de preuve quant à leurs activités criminelles.

             Le tribunal a conclu que le requérant pouvait bien avoir besoin de protection, mais qu'il ne correspondait pas à la définition de réfugié au sens de la Convention. Le tribunal a affirmé que les auteurs des malversations dont le requérant avait peur ne cherchaient pas à lui causer du tort en raison de ses opinions politiques, mais plutôt parce qu'il possède des éléments de preuve contre eux quant à leurs activités criminelles.             
             ...             
                              
             L'avocat du requérant a indiqué d'autres éléments de preuve qui donnent à penser que le requérant pourrait subir un préjudice s'il retournait en Iran. Bien que cela puisse être le cas, le requérant n'en doit pas moins démontrer qu'un tel préjudice est lié à ses opinions politiques, ou à l'un des autres motifs mentionnés dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Il n'y est pas parvenu 1. [Emphase ajoutée].             

[12]      De plus, comme le mentionne la procureure du défendeur, la preuve documentaire démontre que les agents de la DIC qui commettent des abus sont poursuivis devant les tribunaux 1. Cette action de l"État démontre que celui-ci ne sanctionne pas les agissements des agents de la DIC.

[13]      Ainsi, le fait de dénoncer une action que les autorités en place n"entérinent pas, ne peut constituer l"expression d"une opinion politique.

[14]      Force m"est de conclure que le tribunal n"a commis aucune erreur de fait ou de droit. Comme dans l"affaire Solhjou, je ne peux m"empêcher d"exprimer ma frustration puisque la preuve au dossier peut laisser des doutes quant au danger que le demandeur risque de courir lors d"un éventuel retour. Malheureusement, ce risque doit être relié à un des motifs de la Convention, ce qui n"est pas le cas. Comme mon collègue le juge Rothstein, je ne doute pas que le défendeur se penchera sur la situation particulière du demandeur dans l"éventualité d"un recours humanitaire dont celui-ci pourrait se prévaloir.

[15]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[16]      Aucun procureur n"a recommandé la certification d"une question.

     Danièle Tremblay-Lamer

                                 JUGE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

Le 4 mars 1999.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO. DU DOSSIER DE LA COUR:      IMM-1792-98

INTITULÉ DE LA CAUSE:          ORLANDO DANILO MURILLO

                         GARDIA

     Demandeur

                         ET

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L'IMMIGRATION     

     Défendeur

LIEU DE L"AUDITION:              Montréal (Québec)

DATE DE L"AUDITION:              Le 3 mars 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PAR LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATÉ:                      Le 4 mars 1999

COMPARUTIONS:

Me Stewart Istvanffy              pour le demandeur

Me Louise-Marie Courtemanche          pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Stewart Istvanffy              pour le demandeur

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

[17]     

__________________

     Ward c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 689 à la p. 732.

     Daryoosh Solhjou Mehrabani c. M.C.I. (le 3 avril 1998) IMM-1798-97 (C.F. 1ère inst.).

     Supra aux paras. 6-9.

     Country Reports on Human Rights Practices for 1996.

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