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     Date : 19971124

     Dossier : T-2774-86

Entre :

     WALTER ONDREY,

     demandeur,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

     (prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),

     le vendredi 14 novembre 1997 et révisés)

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      La seule question soulevée dans cet appel fondé sur la Loi de l'impôt sur le revenu consiste à déterminer la valeur de certains biens immobiliers au jour de l'évaluation, soit le 31 décembre 1971. Cette valeur est nécessaire pour établir le montant du gain en capital réalisé par le demandeur à la vente ultérieure desdits biens aux fins du paiement de l'impôt sur les gains en capital.

[2]      La propriété est située à Oakville (Ontario). Elle se compose de 90.155 acres donnant sur l'autoroute 25 (le chemin Bronte) et d'une voie de service parallèle située à proximité du Queen Elizabeth Highway (Q.E.W.). Apparemment, la propriété a un accès direct au chemin Bronte et au Q.E.W. par l'échangeur entre le chemin Bronte et le Q.E.W.

[3]      Dans sa déclaration d'impôt sur le revenu, le demandeur a fixé la valeur de la propriété au jour de l'évaluation à 1 950 000 $, soit 21 629,42 $ l'acre. Toutefois, dans son témoignage, l'expert du demandeur a estimé la valeur de la propriété au jour de l'évaluation à 1 623 000 $, soit approximativement 18 000 $ l'acre. Quant à l'expert de la défenderesse, il a estimé cette valeur à 1 226 000 $, soit approximativement 13 600 $ l'acre. La différence entre les experts est donc de 397 700 $, soit approximativement 4 400 $ l'acre.

[4]      Les deux parties conviennent que la propriété a été vendue à sa juste valeur marchande par voie de contrat conclu entre parties non liées le 5 avril 1973, pour la somme de 1 617 156,90 $, soit environ 18 000 $ l'acre, sans la participation d'aucun agent. Un dépôt de 50 000 $ a été payé. La vente a été conclue le 31 octobre 1973, par le paiement d'un autre versement comptant de 550 000 $ et l'établissement d'un prêt hypothécaire consenti par le vendeur d'une valeur d'un peu plus de 1 million de dollars, portant intérêt à 9 % l'an pour une durée de cinq ans.

[5]      En attribuant une valeur de 18 000 $ l'acre à la propriété en question le 31 décembre 1971, l'expert du demandeur reconnaît qu'il n'a fait aucun rajustement pour tenir compte de l'augmentation de la valeur de la propriété entre cette date et le 5 avril 1973. Toutefois, il dit avoir estimé cette augmentation à environ 10 % l'an. La raison pour laquelle il n'a pas soustrait ce pourcentage de la valeur de 18 000 $ l'acre établie le 5 avril 1973 pour obtenir la valeur au 31 décembre 1971, c'est qu'à son avis l'emplacement de la propriété et l'accès à celle-ci étaient supérieurs à ceux d'autres propriétés comparables. Autrement dit, la réduction qui aurait dû être calculée sur la période écoulée était compensée par les avantages que représentaient l'emplacement et l'accès. Cette explication n'est pas logique. C'est la propriété elle-même, avec ses avantages au niveau de l'emplacement et de l'accès, qui avaient au 5 avril 1973 une valeur de 18 000 $ l'acre. Cette valeur de 18 000 $ tient déjà compte de l'emplacement et de l'accès. Il n'y a pas de preuve que des changements ont été apportés à la propriété entre le 31 décembre 1971 et le 5 avril 1973. Par conséquent, même en tenant compte du témoignage de l'expert du demandeur, la valeur de 18 000 $ l'acre aurait dû être rétroactivement diminuée de 10 % l'an à compter du 5 avril 1973 jusqu'au 31 décembre 1971.

[6]      Le rajustement en fonction du temps effectué par l'expert du demandeur, établi à 10 % l'an, ne se fonde sur aucune donnée ni analyse. En contre-interrogatoire, il a reconnu que, toutes choses étant égales par ailleurs, le rajustement en fonction du temps établi par l'expert de la défenderesse à 16,24 % l'an serait approprié.

[7]      Le rajustement en fonction du temps établi par l'expert de la défenderesse est fondé sur deux ventes du même type de propriétés situées à proximité, la première ayant eu lieu le ou vers le 11 août 1969, pour une somme de 293 000 $, et la deuxième vers le 15 octobre 1973 pour un montant de 458 960 $. Pour estimer la valeur de la propriété en question au jour de l'évaluation, l'expert de la défenderesse a réduit le prix de vente de 18 000 $ l'acre, en appliquant le taux de 16,24 % l'an dont il est question au paragraphe ci-dessus, jusqu'au 31 décembre 1971. L'expert de la défenderesse indique que ce taux annuel de 16,24 % a été attribué à chacune des années entre juin 1969 et octobre 1973, sur une base constante, même si, à son avis, le taux d'augmentation était moindre avant le jour de l'évaluation et supérieur par la suite. En particulier, il se dit d'avis que le marché a commencé à s'apprécier en septembre ou octobre 1972. Cette opinion a été corroborée en partie par les ventes successives de chacune des quatre autres propriétés entre août 1971 et décembre 1973, dont les augmentations annualisées se chiffrent entre 23 et 47 %. Toutefois, de l'aveu même de l'expert de la défenderesse, ces quatre autres propriétés n'étaient pas comparables à la propriété en question, étant notamment beaucoup plus petites et, par conséquent, il ne faut pas trop s'y fier. En outre, le taux de 16,24 % se fonde sur des ventes successives d'une seule propriété, apparemment parce qu'aucune autre propriété comparable n'a été vendue successivement entre 1969 et 1973. Néanmoins, je suis convaincu d'après l'ensemble de la preuve que le taux de 16,24 % l'an utilisé après le jour de l'évaluation est une estimation relativement prudente de l'augmentation qui a eu lieu et qu'il peut être accepté aux fins du rajustement.

[8]      L'expert de la défenderesse a rajusté le prix de vente de 18 000 $ l'acre sur la période comprise entre le 31 octobre 1973, date présumée du transfert de propriété, et le 31 décembre 1971, ce qui donne au jour de l'évaluation une valeur d'environ 13 600 $ l'acre. Pendant son témoignage, l'expert de la défenderesse a reconnu qu'il serait plus approprié d'utiliser la date de signature du contrat de vente, soit le 5 avril 1973, pour le calcul du rajustement du prix de vente de 18 000 $ l'acre parce que c'est à cette date que l'acheteur et le vendeur ont convenu que la propriété avait une valeur de 18 000 $ l'acre. En fait, la valeur de la propriété peut fort bien avoir changé (augmenté) entre la date de signature du contrat et la date du transfert de propriété. Il est vrai, comme le signale l'avocat de la défenderesse, que seul un versement initial de 50 000 $ a été fait le 5 avril 1973, et qu'un autre versement comptant devait être fait et un prêt hypothécaire consenti par le vendeur à la date du transfert de propriété, et que le paiement "différé" de cet autre versement comptant peut avoir eu un effet sur le prix d'achat. Toutefois, cela ne justifie pas d'utiliser la date du transfert de propriété aux fins du rajustement. Selon cette formule, un contrat de vente en date du 31 décembre 1971, soit au jour de l'évaluation, prévoyant le transfert de la propriété six mois plus tard, devrait être rajusté sur une période de six mois, ce qui ramènerait la valeur au jour de l'évaluation, aux fins de l'impôt sur les gains en capital, en deça du montant fixé au contrat de vente. Ce résultat est absurde. Selon le témoignage de l'expert de la défenderesse, l'écoulement d'une période de six mois entre la date du contrat de vente et la date du transfert de propriété n'est pas inhabituelle dans les ventes de propriétés commerciales de ce type. On peut donc présumer que le prix de 18 000 $ l'acre fixé par contrat le 5 avril 1973, tient compte du report du versement comptant jusqu'au transfert de propriété.

[9]      L'expert de la défenderesse a comparé le résultat qu'il a obtenu en rajustant la valeur de la propriété en question au jour de l'évaluation avec celle d'autres propriétés comparables situées à proximité. Son estimation de 13 600 $ l'acre pour la propriété en question excède la valeur rajustée au jour de l'évaluation de propriétés comparables ce qui, à son avis, s'explique par les avantages au niveau de l'accès et, selon lui, les inconvénients au niveau de l'emplacement de la propriété en question.

[10]      L'avocat du demandeur a critiqué le choix des propriétés comparables utilisées parce qu'il s'agit de petites propriétés, ce qui, de l'aveu même de l'expert de la défenderesse, peut avoir eu un effet à la hausse sur le prix de l'acre étant donné que les fonds décaissés à l'achat d'une petite propriété seraient moindres qu'à l'achat d'une grande propriété. L'expert de la défenderesse n'a pas fait de rajustement en fonction des dimensions. Toutefois, il faut se rappeler qu'en l'espèce on a utilisé comme méthode de base le prix d'une vente ultérieure de la propriété en question entre parties non liées que l'on a rajusté jusqu'au jour de l'évaluation en utilisant une méthode et des données acceptables. La référence à ces propriétés comparables indique seulement que la valeur rajustée au jour de l'évaluation obtenue par cette méthode semble raisonnable comparativement aux valeurs estimées au jour de l'évaluation pour des propriétés semblables. Je ne suis saisi d'aucun élément de preuve qui me permette de croire qu'un rajustement tenant compte des dimensions de la propriété serait significatif ou entraînerait une disproportion entre la valeur au jour de l'évaluation de la propriété en question et celle des propriétés semblables utilisées.

[11]      L'avocat du demandeur fait valoir que l'absence d'un agent au moment de la vente du 5 avril 1973 signifie que le vendeur a accepté un prix moindre parce qu'il n'a pas eu à payer de commission. Cet argument implique qu'il est d'usage d'avoir recours à un agent et que le prix en pareil cas inclut une provision pour la commission de celui-ci. Toutefois, je n'ai pas d'éléments de preuve qui justifie d'augmenter la juste valeur marchande au 5 avril 1973 au-delà de 18 000 $ pour tenir compte de la commission de l'agent. Je ne sais tout simplement pas quel effet, si tant est qu'il y en a un, a entraîné l'absence d'un agent. Dans le même ordre d'idées, le contrat prévoyait que le vendeur consentirait un prêt hypothécaire de plus d'un million de dollars sur la propriété immobilière plutôt que d'être payé comptant. Je n'ai pas d'éléments de preuve qui me permettent d'évaluer le prix inférieur que le vendeur aurait pu accepter si le prix de vente avait été payé comptant en totalité si, en fait, les opérations au comptant étaient la norme. Par conséquent, je ne peux prendre aucun des rajustements proposés en considération.

[12]      À partir d'un taux de rajustement de 16,24 % l'an appliqué, pour la période du 31 décembre 1971 au 5 avril 1973, au prix de vente du 5 avril 1973, soit 18 000 $ l'acre pour la propriété en question, la valeur au jour de l'évaluation serait de 14 861,24 $ l'acre. J'arrondirais ce chiffre à 15 000 $ l'acre, ce qui donne une somme globale de 1 352 325 $ pour les 90.155 acres en question.



[13]      Étant donné que les deux parties ont eu partiellement gain de cause, il n'y a pas d'adjudication de dépens.

                         (signature) "Marshall E. Rothstein"

                                 Juge

Vancouver (C.-B.)

le 24 novembre 1997

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-2774-86
INTITULÉ DE LA CAUSE :      WALTER ONDREY c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO
DATES DE L'AUDIENCE :      LES 13 ET 14 NOVEMBRE 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROTHSTEIN

DATE :                  LE 24 NOVEMBRE 1997

ONT COMPARU :

T.A. SWEENEY

SALVATORE MIRANDOLA                  POUR LE DEMANDEUR

JOHN R. SHIPLEY

SANJANA BHATIA                      POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

BORDEN & ELLIOT, TORONTO                  POUR LE DEMANDEUR

GEORGE THOMSON

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA          POUR LA DÉFENDERESSE

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