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Date : 20030228

Dossier : T-102-03

Référence neutre : 2003 CFPI 252

Ottawa (Ontario), le 28 février 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                          

ENTRE :

                                                    CLIFTON LEONARD WENZEL

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                       LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La Cour a instruit la requête du défendeur, qui sollicite une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur.


[2]                 Le demandeur demande le contrôle judiciaire d'une décision rendue par le défendeur en 1961, soit il y a plus de 40 ans. Le demandeur, qui était membre de l'Aviation royale du Canada (ARC), avait alors pris sa retraite. Puisqu'il comptait moins de 25 années de service au sein des forces armées, il n'avait droit qu'à un remboursement de ses cotisations à la caisse de retraite de l'ARC; il n'avait pas droit à une pension. Il a demandé au ministre d'exercer le pouvoir discrétionnaire que la loi lui confère de recommander au Conseil du Trésor que lui soit versée une rente réduite. Le ministre a décidé en novembre 1961 de ne pas faire une telle recommandation.

[3]                 Le Comité des officiers a établi en 1960 que la libération de l'ARC du demandeur n'était pas dans l'intérêt public, le motif principal du départ du demandeur étant l'obtention d'un emploi, qu'il espérait plus lucratif, dans le civil. Le 25 septembre 1961, le Conseil des pensions militaires a confirmé cette conclusion. Plusieurs tentatives visant au fil des ans à convaincre le ministre de reconsidérer cette décision ont échoué. En outre, les dispositions législatives autorisant le ministre à faire une recommandation au Conseil du Trésor ont été abrogées en 1969.

[4]                 Une lettre transmise par le défendeur en 2002 constitue la communication la plus récente entre celui-ci et le demandeur. Cette lettre confirmait la décision de 1961 et refusait ainsi toute mesure de redressement au demandeur. Ce dernier demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision de 1961 ou celui, subsidiairement, de la lettre du 5 décembre 2002 dans laquelle un représentant du défendeur déclarait que ce dernier ne pouvait reconsidérer une décision rendue il y a plus de quarante ans.


[5]                 Je ne suis pas d'avis que la lettre de 2002 constitue la décision. Cette lettre ne fait que confirmer la décision prise en 1961. Je suis d'accord avec la prétention du défendeur selon laquelle il ne convient pas d' « abouter » la lettre de 2002 à la décision de 1961 pour tenter de faire réviser la décision initiale par la Cour.

[6]                 Le dossier révèle, en outre, que le demandeur vise à faire réviser la décision de 1961. Or, le délai pour ce faire est manifestement prescrit. Selon le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, les demandes de contrôle judiciaire doivent être présentées dans les trente jours de la communication, par le décisionnaire, de sa décision. Aucune demande de prorogation du délai n'a été présentée en l'espèce. Même en fonction d'autres critères, plus libéraux, auxquels le défendeur a fait allusion, la présente demande serait tardive.

[7]                 Les lettres jointes à titre de pièces E et F à l'affidavit et versées au dossier de requête révèlent qu'on a fait passer une entrevue au demandeur et qu'on l'a informé des conséquences de sa libération volontaire des forces régulières de l'ARC, quand bien même il joindrait alors les rangs de la force de réserve de l'ARC. Le demandeur a choisi d'obtenir sa libération volontaire et il en a exprimé l'intention dans une lettre signée et datée du 26 octobre 1960, soit une date postérieure à celle où on l'a informé des répercussions de sa décision envisagée.


[8]                 Le demandeur était représenté par un avocat au long du processus qui a conduit à sa libération volontaire et à la décision du Conseil des pensions militaires de ne pas recommander le versement d'une pension réduite. En outre, le demandeur disposait à l'époque de recours. Il aurait pu déposer un grief en vertu des dispositions alors en vigueur de la Loi sur la défense nationale. De plus, l'information que le demandeur n'a obtenue que récemment aurait pu l'être au moyen d'une ordonnance de certiorari. Une telle ordonnance aurait été demandée aux tribunaux provinciaux, notre Cour n'ayant sa forme et ses pouvoirs actuels que depuis 1971.

[9]                 Compte tenu de ce qui précède, j'estime que la présente demande de contrôle judiciaire n'a aucune chance d'être accueillie.

[10]            Selon l'article 221 des Règles de la Cour fédérale (1998), la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation d'un acte de procédure au motif qu'il ne révèle aucune cause d'action valable. Il n'y a pas de règle spécifique traitant de la radiation des demandes ou des avis de requête. Le juge Strayer a traité comme suit de cette question dans David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.), aux pages 596 et 597 :

[...] le moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d'instance qu'elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même. [...]

[11]            Le juge Strayer a ajouté, à la page 600 :

[...] Nous n'affirmons pas que la Cour n'a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres règles en vertu de la Règle 5 [maintenant 4], pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli. [...]. Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l'avis de requête. [Citation omise et non souligné dans l'original.]

[12]            La requête du défendeur a été présentée régulièrement et les deux parties ont soumis leur argumentation à son égard. Prêtant foi aux prétentions du défendeur, je suis convaincu que la demande du demandeur n'a aucune chance d'être accueillie.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.         la requête du défendeur soit accueillie, le tout sans frais;

2.         la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

             « Michel Beaudry »             

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-102-03

INTITULÉ :              CLIFTON LEONARD WENZEL ET

LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 27 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

DATE DE L'ORDONNANCE :                     Le 28 février 2003

COMPARUTIONS :

Colonel Michel W. Drapeau                                             POUR LE DEMANDEUR

Alain Préfontaine                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barrick Poulsen LLP                                            POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Le ministre de la Défense nationale                                   POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ontario)

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