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Date : 20030717

Dossier : IMM-4085-01

Référence : 2003 CF 896

Toronto (Ontario), le 17 juillet 2003

En présence de Monsieur le juge James Russell

ENTRE :

                                                           SARFRAZ AHMED KHAN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]              Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration, L.R. 1985, ch. I-2, telle qu'elle a été modifiée, et de l'article 18 et du paragraphe 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R. 1985, ch. F-7, de la décision datée du 6 août 2001 qu'a rendue Mme Edmond, l'agente des visas du Consulat général du Canada à New York (l'agente des visas) selon laquelle elle a refusé la demande de résidence permanente qu'avait déposée le demandeur pour le motif qu'elle ntait pas convaincue que le demandeur satisfaisait aux exigences de la Loi sur l'immigration et de son Règlement.


CONTEXTE

[2]                 Le demandeur est un citoyen du Pakistan. Il a terminé un Baccalauréat en commerce de deux années et une maîtrise en études commerciales de deux années (à l'université de Punjab), avec une spécialisation en gestion du marketing. Tout en poursuivant ses études, il a occupé un emploi pendant une brève période au sein de la division des produits de consommation d'une entreprise faisant affaire sous le nom de Packages Limited. Après l'obtention de son diplôme, il a travaillé pour le compte de la Rasheed International Industry (la société de personnes) qui consistait en une association entre le demandeur et deux de ses frères. Cette société de personnes a fourni une lettre de référence au demandeur, qu'il a utilisée afin d'appuyer sa demande.       

[3]                 Le 16 février 2000, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de requérant indépendant, conformément aux critères de sélection de la Loi sur l'immigration, en tant qu'expert-conseil en commercialisation au sens de la Classification nationale des professions (CNP) sous la catégorie 4163. À cette époque, le demandeur a fourni des documents à l'appui, de même que de nouvelles mises à jour. Parmi ces documents figurait une offre d'emploi de la Bengal Rug Co., un établissement canadien de vente au détail faisant affaire dans la région de Toronto et dont les activités commerciales consistaient exclusivement en la vente de petits tapis. Cette lettre mentionnait que le demandeur percevrait un salaire annuel de 32 000 $ plus commissions s'il pouvait obtenir l'autorisation de travailler au Canada.

[4]                 Le 22 novembre 2000, le demandeur s'est présenté à une entrevue d'immigration qui a eu lieu à New York et à laquelle l'agente des visas l'avait convoqué.

[5]                 L'agente des visas, dans sa décision datée du 6 août 2001 (la décision), a établi que le demandeur n'avait pas satisfait aux exigences que stipule le paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration. De l'avis de l'agente des visas, le demandeur n'avait pas présenté un témoignage crédible au sujet de ses études et de son expérience professionnelle comme expert-conseil en marketing et, conséquemment, elle a conclu qu'il ne possédait pas l'expérience nécessaire pour exercer cette fonction.

DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS

[6]                 L'agente des visas a rejeté la demande pour les motifs suivants :

[traduction]

La présente concerne votre demande de résidence permanente au Canada.

J'ai maintenant terminé l'évaluation de votre demande et j'ai décidé que vous ne satisfaisiez pas aux exigences d'immigration au Canada.

En vertu du paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, les demandeurs indépendants, catégorie dans laquelle vous avez présenté votre demande, font l'objet d'une évaluation en tenant compte des facteurs énoncés à l'annexe du Règlement sur l'immigration. Ces facteurs sont les suivants : l'âge, la profession et les études, l'expérience, l'emploi réservé ou la profession désignée, les facteurs démographiques, la connaissance du français et de l'anglais et les qualités personnelles.

Votre demande s'appuyait sur les exigences relatives à la profession d'expert-conseil en marketing (CNP 4163), profession au titre de laquelle vous avez demandé à être évalué. Vous trouverez ci-après les points d'appréciation qui vous ont été attribués pour chacun des critères de sélection en rapport avec cette profession.

Âge :                                                                            10


Profession :                                                                00

Préparation professionnelle spécifique :           17

Expérience :                                                                00

Emploi réservé :                                                        00

Facteur démographique :                                       08

Études :                                                                        15

Connaissance de l'anglais :                                  09

Connaissance du français :                                  00

Qualités personnelles :                                            04

TOTAL :                                                                     63

Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration prévoit que l'agent des visas ne peut délivrer un visa d'immigrant au demandeur qui n'a obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur de « l'expérience acquise dans la profession pour laquelle il possède les compétences voulues et qu'il est prêt à exercer au Canada » .

Je ne suis pas convaincue que vous respectez les exigences de la Loi parce que vous avez présenté un témoignage qui n'était pas crédible en ce qui concerne vos études et votre expérience professionnelle en tant qu'expert-conseil en marketing. Par conséquent, je n'ai pas été convaincue que vous pourriez exercer cette profession sans posséder une quelconque expérience et je ne vous ai donc pas attribué de points d'appréciation en ce qui concerne les facteurs relatifs à l'expérience et à la profession.

Le paragraphe 9(4) de la Loi sur l'immigration stipule que :

[...] l'agent des visas qui est convaincu que ltablissement ou le séjour au Canada du demandeur ne contreviendrait pas à la présente loi ni à son règlement peut délivrer à ce dernier un visa attestant qu'il satisfait les exigences de la présente Loi et de son Règlement. Je ne suis pas convaincue que vous respectez les exigences de la Loi et de son Règlement.

Je ne suis pas convaincue que vous respectez les exigences de la Loi et de son Règlement, comme il est stipulé ci-dessus et, par conséquent, je dois rejeter votre demande.

Je vous remercie de l'intérêt que vous portez au Canada.

[...]

[7]                 L'agente des visas, après avoir rencontré le demandeur en entrevue, ne lui a attribué aucun point d'appréciation pour les facteurs relatifs à l' « expérience » ou à la « profession » pour le motif qu'il n'avait pas exercé « un nombre suffisant des fonctions essentielles énumérées dans la CNP pour la profession d'expert-conseil en commercialisation dont les fonctions essentielles » .


QUESTIONS EN LITIGE

[8]                 Le demandeur a fait valoir les motifs suivants justifiant sa demande de contrôle judiciaire :

A.        L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en refusant de reconnaître l'expérience professionnelle acquise par le demandeur en tant qu'expert-conseil en marketing?

B.         L'agente des visas a-t-elle omis d'évaluer comme il se doit la demande de résidence permanente qu'a présentée le demandeur en interprétant d'une manière abusive la Loi sur l'immigration et son Règlement, en omettant d'observer un principe de justice naturelle, une équité procédurale ou tout autre procédure conformément à la loi et en commettant une erreur de droit au moment de rendre sa décision?

NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

[9]                 En ce qui concerne la question de droit qui consiste à savoir si l'agente des visas a interprété d'une manière abusive l'alinéa 4(1)b) de l'annexe I du Règlement, la norme de contrôle judiciaire applicable est celle du bien-fondé.

[10]            En ce qui concerne la question qui consiste à savoir si l'agente des visas a évalué comme il se doit la demande qu'a présentée le demandeur, il s'agit à la fois d'une question de fait et d'une question de droit. La norme appropriée applicable lorsqu'il s'agit à la fois d'une question de fait et d'une question de droit est celle de la décision raisonnable simpliciter. Voir Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 et Lu c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] A.C.F. no 1907 (1re inst.).

ANALYSE

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en refusant de reconnaître l'expérience professionnelle acquise par le demandeur en tant qu'expert-conseil en marketing?


[11]            Lorsque l'agente des visas a rejeté la demande, elle a conclu qu'elle ne disposait d'aucune preuve crédible démontrant les études ou l'expérience professionnelle du demandeur comme expert-conseil en marketing. Le demandeur soutient que l'agente des visas a manifestement ignoré la preuve documentaire et la preuve orale qui lui ont été présentées et qui démontrent qu'il a exercé certaines des fonctions exposées brièvement dans la description pertinente de la CNP. Quant au défendeur, il soutient que l'agente des visas a tenu compte de ces preuves et qu'elle a plutôt conclu qu'elle ne disposait d'aucune preuve essentielle crédible (à savoir la lettre de référence du demandeur que lui a fournie la société de personnes). Il avait lui-même rédigé cette lettre après avoir examiné les fonctions énoncées dans la CNP et il a ensuite demandé à son frère de la signer.

[12]         Dans l'arrêt Patel c. Canada (ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) [2000] A.C.F. no 1983 (1re inst.), le juge Tremblay-Lamer soutient qu'un agent des visas ne peut exiger qu'un demandeur ait exercé toutes les fonctions précisées dans la CNP et qu'il doit faire preuve d'une certaine souplesse. Ainsi :

8    Bien que l'agent des visas jouisse d'une importante discrétion lorsqu'il détermine si les qualifications du demandeur correspondent aux exigences prévues par la C.C.P.D. et la C.N.P. et qu'il puisse donner plus de poids à certains éléments qu d'autres, il ne peut exiger qu'un demandeur rencontre toutes les tâches qui y sont énoncées.

[...]

11       En l'espèce, une courte entrevue comportant quelques questions relativement à l'expérience de travail ne peut former à elle seule la base d'une décision éclairée. Il était déraisonnable pour l'agent des visas dcarter l'ensemble de la preuve soumise du simple fait que d'après les quelques réponses fournies lors de l'entrevue, le demandeur ne rencontrait pas certaines exigences prévues au C.C.D.P. et C.N.P.

[13]            Dans la décision Bhatia c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) [2000] A.C.F. no 98 (1re inst.), le juge Cullen affirme également qu'un candidat n'est pas tenu d'exercer lventail complet des fonctions énumérées dans la CNP :

¶ 12       Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur dirimante en appliquant la mauvaise norme d'appréciation au regard de la profession de bijoutier au sens de la CNP. Elle a conclu dans sa lettre portant décision qu'il n'exerçait pas « l'éventail complet des fonctions » de bijoutier, tel que le décrit la CNP. Le demandeur soutient qu'elle a appliqué la mauvaise norme en exigeant en fait qu'il justifie d'une expérience dans toutes les fonctions de cette profession.


¶ 13       Cet argument est fondé sur l'emploi de l'expression « éventail complet des fonctions » . Il se peut que ce soit là un choix malheureux de mots, qui peuvent se prêter à des interprétations différentes. Il est clair que pour être considéré comme ayant de l'expérience dans telle ou telle profession prévue dans la CNP, il n'est pas nécessaire que le demandeur justifie de l'expérience dans chacune des fonctions qui y sont énumérées. C'est d'ailleurs ce qu'a reconnu l'agente des visas pendant son contre-interrogatoire. Cependant, chaque profession implique l'exercice d'un éventail de fonctions. Le simple fait d'exercer une ou deux fonctions normalement associées à une profession ne signifie pas qu'on travaille dans cette profession. Les fonctions exercées par l'intéressé doivent être comparées à celles qui sont énumérées dans la CNP. Il est impossible de dire qu'il faut exercer exactement la moitié ou les trois-quarts des fonctions pour être admissible. Le Règlement sur l'immigration de 1978 est clair : pour obtenir des points d'appréciation au titre de la profession, le demandeur doit avoir exercé « un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la Classification nationale des professions, dont les fonctions essentielles » [Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, annexe I, facteur 4. Qu'un demandeur remplisse cette condition ou non, voilà qui relève du jugement et de l'appréciation discrétionnaire de l'agent des visas compétent.

[14]            Cependant, les agents des visas sont en droit d'établir les fonctions principales, conformément à la CNP, en s'appuyant sur leur propre jugement et le savoir discrétionnaire. Dans la présente affaire, l'agente des visas a décidé que le demandeur n'avait pas exercé un nombre substantiel des fonctions principales liées à la catégorie pertinente.


[15]         La jurisprudence permet de donner plus de poids àcertaines tâches et d'exercer un pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit dvaluer les fonctions essentielles d'une profession. Dans l'affaire en l'instance, l'agente des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a évalué la crédibilité de la lettre de référence fournie par la société de personnes au demandeur. Cette lettre a été signée par le frère de l'appelant et la formulation employée était identique à celle utilisée pour décrire la profession dans la CNP. L'agente des visas n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en concluant que cette preuve ntait pas crédible. Elle a établi la véritable nature de l'expérience de travail qu'avait acquise le demandeur en questionnant ce dernier. Comme le révèlent les notes du STIDI, elle a conclu que la véritable expérience de travail qu'avait acquise le demandeur correspondait davantage àcelle d'un directeur des ventes ou de la mise en marché et, conséquemment, elle a décidé que le demandeur n'avait pas exercé un nombre substantiel des fonctions principales d'un expert-conseil en marketing. Elle n'a donc commis aucune erreur susceptible de révision à cet égard.

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit en attribuant au demandeur 15 points d'appréciation au titre du facteur relatif aux études?

[16]         L'agente des visas a attribué au demandeur 15 points d'appréciation pour ses quatre années d'études postsecondaires à temps complet. À l'annexe 1, facteur 1, le critère d) du Règlement sur l'immigration prévoit l'attribution de 15 points d'appréciation si un demandeur a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle qui nécessite au moins trois années d'études à temps complet. Par ailleurs, toujours à l'annexe 1, facteur 1 de ce même règlement, le critère 1e) prévoit l'attribution de 16 points d'appréciation si un demandeur a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle.

[17]         Manifestement, l'agente des visas a commis une erreur en omettant de reconnaître la maîtrise du demandeur et à l'égard de laquelle elle aurait dû lui attribuer 16 points d'appréciation, au titre de cet intitulé. Toutefois, il ne s'agit pas d'une erreur importante lorsque l'on tient compte de l'ensemble de la décision.


L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en concluant que l'offre d'emploi qu'a proposée l'entreprise Bengal Rug Co. au demandeur ntait pas une indication qui démontrait qu'il avait l'intention de continuer à travailler au Canada en tant qu'expert-conseil en marketing?

[18]            L'agente des visas a conclu que l'offre d'emploi proposée par l'entreprise Bengal Rug Co. au demandeur n'indiquait pas qu'il avait l'intention de continuer à travailler au Canada en tant qu'expert-conseil en marketing. Elle révèle plutôt que le demandeur avait l'intention de devenir un gérant de commerce au détail.   

[19]            Le demandeur soutient qu'en ce qui concerne cette question en litige, l'agente des visas est parvenue à une conclusion manifestement déraisonnable pour le motif qu'elle ne disposait d'aucun renseignement lui indiquant qu'il n'avait pas l'intention de continuer à exercer la profession qu'il avait choisie auprès de l'entreprise Bengal Rug Co. ou que ce poste n'incluait pas les fonctions principales assignées à un expert-conseil en marketing. Le demandeur fait également valoir que l'agente des visas n'a jamais mentionné qu'elle considérerait l'offre d'emploi de l'entreprise Bengal Rug Co. comme un facteur défavorable lorsqu'elle a évalué sa demande.

[20]            Les notes du STIDI révèlent que l'agente des visas a tenu compte de l'offre d'emploi et qu'elle n'a pas mal interprété ou ignoré la preuve.

[21]         Dans la décision Amin c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1221 (1re inst.), le juge Hansen indique que lquité procédurale exige qu'un agent des visas, s'il a une mauvaise impression, fournisse au demandeur la possibilité de dissiper cette impression :

11       Même si l'agent des visas n'a pas l'obligation de conseiller le demandeur ni de lui demander des précisions [Hajariwala c. Canada [1989] 2 C.F. 79, à la page 83], il a néanmoins l'obligation « d'examiner pleinement les arguments et les renseignements fournis par le requérant » [Saggu c. Canada (ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1823, au paragraphe 16]. En outre, lorsque l'agent des visas a l'impression qu'il y a des lacunes dans la preuve présentée par le demandeur, lquité exige qu'il fournisse à ce dernier la possibilité de dissiper cette impression [Muliadi c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205, à la page 215 (C.A.) ].

12       La mesure dans laquelle il faut donner au demandeur la possibilité de dissiper les doutes de l'agent des visas a été analysée par le juge Muldoon dans Asghar c. Canada (ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1091, au paragraphe 21, où il dit :

On ne sait pas encore trop dans quelles circonstances lquité procédurale exige que l'agent des visas informe le requérant de ses préoccupations. Toutefois, il est possible de conclure, compte tenu des arrêts précités, que cette obligation ne prend pas simplement naissance du fait qu'après avoir soupesé la preuve l'agent des visas n'est pas toujours convaincu du bien-fondéde la demande. La tâche de l'agent des visas consiste précisément à soupeser les éléments de preuve présentés par le requérant. Comme la Cour l'a dit, étant donné qu'il incombe au requérant de présenter une preuve, il n'est pas évident que l'agent des visas devrait être obligé de lui faire part du « résultat intermédiaire » à chaque stade de la procédure.

[22]            Dans l'affaire en l'instance, l'agente des visas a simplement soupesé la preuve que lui a soumise le demandeur et n'a pas été convaincue du bien-fondé de la demande. Elle n'a donc commis aucune erreur susceptible de révision à cet égard.


L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en n'attribuant au demandeur que quatre points d'appréciation au titre du facteur relatif aux qualités personnelles?

[23]            En évaluant le facteur relatif aux qualités personnelles du demandeur, l'agente des visas a déclaré, dans son attestation sous serment, ce qui suit :

[TRADUCTION]

J'ai attribué au demandeur quatre points d'appréciation au titre du facteur relatif à la personnalité. Pour évaluer les qualités personnelles du demandeur, j'ai tenu compte de plusieurs facteurs, notamment de sa capacité d'adaptation, de sa motivation, de son esprit d'initiative, de son ingéniosité et de sa capacité de réussir son installation au Canada. J'ai également tenu compte du fait que l'entreprise Bengal Rug Co. avait proposé au demandeur une offre d'emploi officielle à titre de gérant de commerce au détail, bien qu'il ne s'agisse pas de la profession pour laquelle il avait demandé une évaluation ou qu'il souhaitait exercer au Canada.

[24]            Le demandeur soutient que les motifs de l'agente des visas la justifiant d'attribuer des points d'appréciation aussi peu élevés ne respectent pas les normes imposées par le juge Tremblay-Lamer dans l'arrêt Wen c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 633 (CFPI) :

¶ 11       Enfin, l'agente des visas a reconnu que le demandeur avait une offre d'emploi authentique, que sa femme occupait un emploi dans une profession recherchée et que le demandeur avait des parents à l'égard desquels l'agente des visas « n'avait aucune crainte particulière pour ce qui est de l'appréciation des qualités personnelles requises pour aider le demandeur au Canada » . En outre, elle a déclaré que sa connaissance de l'anglais n'était pas un problème du point de vue de la personnalité et que le demandeur avait une certaine connaissance du Canada. Si ce n'est des craintes qu'elle pouvait avoir sur l'établissement, l'agente des visas a été incapable d'expliquer pourquoi elle a attribué un nombre de points inférieur à la moyenne pour la personnalité du demandeur, et elle a été incapable de mentionner les facteurs qui justifiaient son appréciation. À mon avis, pour justifier l'attribution d'un nombre de points inférieur à la moyenne, un agent des visas devrait être en mesure au moins de préciser quelques motifs d'inquiétude qui l'ont amené à attribuer une note basse, au lieu de faire une simple énumération de facteurs pertinents.

[25]            Dans la décision Kompanets c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 726 (1re inst.), au paragraphe 11, le juge MacKay stipule que l'on doit faire preuve d'un degré élevé de déférence à l'égard de l'agent des visas lorsqu'il s'agit d'évaluer le facteur relatif aux qualités personnelles. Ainsi :

¶ 11       Le facteur des qualités personnelles et les points attribués à son égard relèvent du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. L'agent des visas disposait d'éléments de preuve relatifs aux séjours de la demanderesse et de son mari au Canada. Il disposait également d'une preuve concernant les ressources sur lesquelles ils pouvaient compter. L'agent des visas en fait mention dans ses notes CAIPS. Aucun élément du dossier ni de l'argumentation présentée relativement à la présente demande ne mène à la conclusion qu'il n'existait aucun fondement raisonnable sur lequel l'agent des visas pouvait appuyer son appréciation de la demanderesse. Des personnes raisonnables pourraient ne pas être d'accord sur le nombre de points qui lui ont été attribués, mais il faut faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions de fait tirées par l'agent des visas dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Aucune erreur de droit ou de compétence n'a été établie et il n'y a pas lieu de modifier la conclusion tirée quant aux qualités personnelles de la demanderesse.

[26]            Le demandeur allègue que si l'agente des visas lui a attribué de façon justifiée 16 points d'appréciation conformément au Règlement sur l'immigration au titre du facteur relatif aux « études » , alors l'agente des visas aurait dû lui attribuer des points additionnels au titre du facteur relatif aux qualités personnelles ou, du moins, aurait-elle dû exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur. Il ne s'agit que d'un argument purement spéculatif et, si l'on tient compte de la décision dans son ensemble, de même que des notes du STIDI, la Cour ne peut admettre cette allégation.


[27]            Les propos du juge MacKay dans l'arrêt Kompanets,précité, selon lesquels « [...] Aucun élément du dossier ni de l'argumentation présentée relativement à la présente demande ne mène à la conclusion qu'il n'existait aucun fondement raisonnable sur lequel l'agent des visas pouvait appuyer son appréciation de la demanderesse.[...] » sont également applicables à l'affaire en l'espèce. La Cour conclut qu'aucune erreur susceptible de révision n'a été commise à cet égard.

ORDONNANCE

LA PRÉSENTE COUR ORDONNE ce qui suit :

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

2.         Aucune question ne soit certifiée.

        « James Russell »           

Juge                      

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                              IMM-4085-01

INTITULÉ :                            SARFRAZ AHMED KHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

         défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    Le 18 juin 2003   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      Le juge RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                           Le 17 juillet 2003

COMPARUTIONS :                               Sabrina Tozzi

                                                                                       Pour le demandeur

Leena Jaakimainen

Pour le défendeur

                                                                                                                                                                        

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green & Spiegal

                                                                      Avocats et conseillers juridiques

121, rue King Ouest, bureau 2200

C.P. 114,

Toronto (Ontario)

M5H 3T9

Pour le demandeur                        

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                    Date : 20030717

                                                 Dossier : IMM-4085-01

ENTRE :

SARFRAZ AHMED KHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                          défendeur

                                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                             


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