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                                                                                    Date : 20030121

 

                                                                              Dossier : IMM-740-02

 

 

Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2003

 

En présence de monsieur le juge Pinard

 

 

Entre :

 

                                              AI HUA YE

 

                                                                                      demanderesse

 

                                                 - et -

 

 

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                   

 

                                                                                            défendeur

 

 

 

                                           ORDONNANCE

 

 

 

La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de la Commission

 

de l’immigration et du statut de réfugié en date du 27 décembre 2001 est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Jean Maurice Djossou, LL.D.


 

 

 

                                                                                    Date : 20030121

 

                                                                              Dossier : IMM-740-02

 

                                                                 Référence neutre : 2003 CFPI 23

 

 

Entre :

 

                                              AI HUA YE

 

                                                                                      demanderesse

 

                                                 - et -

 

 

                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                      ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                            défendeur

 

 

 

                                  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

LE JUGE PINARD

 

 

[1]    La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de Kashi Mattu, de la Section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la « Section d’appel »), en date du 27 décembre 2001, qui a confirmé la validité de la mesure de renvoi prononcée contre la demanderesse par un arbitre, le 30 mars 2001. La mesure de renvoi a été prononcée au motif que l’appelante appartenait à la catégorie des personnes décrites à l’alinéa 27(1)b) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la « Loi »), n’ayant pas respecté les conditions dont était assorti son droit d’établissement.

 


[2]    La demanderesse, Ai Hua Ye, est une citoyenne de la Chine. Elle a obtenu son droit d’établissement au Canada le 25 mars 1999, après avoir été parrainée par son fiancé d’alors, Gao Kai He. Une des conditions dont était assorti son droit d’établissement était qu’elle devait épouser son fiancé dans les 90 jours de son admission au Canada. Elle ne l’a pas fait.

 

[3]    La demanderesse est âgée de 39 ans. Elle n’est pas mariée en ce moment et elle est mère de deux enfants, dont un réside en Chine. Son deuxième enfant est né au Canada et réside au Canada avec elle. Le père du deuxième enfant réside en Chine.

 

[4]    La Section d’appel a fondé sa décision sur les motifs suivants :

-       Le témoignage du fiancé de la demanderesse, M. He était dans l’ensemble crédible et digne de foi, alors que celui de la demanderesse ne l’était pas. Le témoignage de M. He a donc été préféré à celui de la demanderesse;

 

-       La demanderesse comprenait les conditions dont était assorti son droit d’établissement et, bien que M. He l’ait informée en septembre 1998 qu’il n’allait plus l’épouser et qu’il ne reviendrait pas au Canada, elle est arrivée au Canada tout en sachant qu’elle ne pourrait pas remplir les conditions qui lui avaient été imposées;

 

-       La demanderesse n’est pas établie au Canada et elle ne subirait pas beaucoup de difficultés si elle était renvoyée du Canada;

 

-       La demanderesse n’a pas de famille au Canada, autre que son enfant nouveau-né et par conséquent des membres de sa famille ne feront pas face à des difficultés, advenant son renvoi du Canada;

 

-       Considérant l’âge de l’enfant nouveau-né, le fait que son statut de citoyen canadien ne changera pas si elle est expulsée du Canada, et considérant le fait que son père et les autres membres de sa famille sont en Chine, il n’est pas dans l’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse que celle-ci demeure au Canada.

 

 

 

[5]    La demanderesse prétend que la Section d’appel n’a pas tenu compte d’une partie du témoignage de M. He dans laquelle celui-ci affirme clairement qu’il n’a pas dit à la demanderesse qu’il ne l’épouserait pas avant son arrivée au Canada en mars 1999.

 


[6]    La demanderesse relève trois éléments de preuve dans lesquels M. He se serait contredit. Premièrement, elle évoque le fait que M. He a témoigné à la fois qu’il n’a pas pris contact avec la demanderesse entre son départ pour les Philippines en 1997 et son arrivée au Canada en mars 1999, et qu’il a dit à la demanderesse en septembre 1998 qu’il ne l’épouserait pas. En fait, comme le souligne le défendeur, ceci n’équivaut pas à une contradiction, parce qu’au moment où M. He a dit à la demanderesse qu’il ne l’épouserait pas, c’était la demanderesse elle-même qui l’avait contacté.

 

[7]    Deuxièmement, la demanderesse mentionne la preuve contenue dans la pièce A-1, une déclaration solennelle que M. He a accepté de signer et qui indiquait qu’il n’a pas dit à la demanderesse qu’il ne l’épouserait pas avant son arrivée au Canada en mars 1999. La déclaration solennelle n’est ni faite sous serment ni signée par M. He; par conséquent, la Section d’appel, qui est censée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve dont elle disposait, était fondée à lui accorder peu d’importance et pouvait passer outre sans explication.

 

[8]    Troisièmement, dans sa réponse au mémoire du défendeur, la demanderesse mentionne une contradiction dans le témoignage de M. He, où M. He disait qu’il était marié en septembre 1998. Il avait auparavant témoigné que son mariage avait eu lieu le 22 décembre 1999. Cependant, juste après que M. He a fait la remarque attaquée, il s’était repris et avait déclaré qu’il n’était pas marié en septembre 1998.

 

[9]    La demanderesse n’a par conséquent pas réussi à établir l’existence d’une preuve contradictoire que la Section d’appel aurait négligé de prendre en considération.

 


[10]   La demanderesse prétend par ailleurs que la Section d’appel n’a pas appliqué ou a mal appliqué le critère de « l’intérêt supérieur de l’enfant » énoncé dans Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, en ce qui concerne l’enfant de la demanderesse qui est canadien. L’appel dans Baker portait sur une demande écrite fondée sur des raisons d’ordre humanitaire sollicitant une dispense de l’exigence de présenter à l’extérieur du Canada une demande de résidence permanente. Comme l’a dit le juge Campbell dans Saab et al. c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (13 juin 2002), IMM-5384-01, 2002 CFPI 671, il ne s’agit pas de circonstances semblables à celles de la présente affaire :

[6] La SAI pouvait conclure, « eu égard aux circonstances particulières de l’affaire », dans le cadre de l’appel sous étude interjeté en vertu de l’alinéa 70(1)b) de la Loi sur l’immigration, que les demandeurs devaient être renvoyés du Canada. Le critère applicable n’est donc pas le même que dans le cas d’une décision relative à une dispense d’application du Règlement sur l’immigration de 1978 rendue en vertu de l’article 114(2) pour « des raisons d’ordre humanitaire ».[...]   

 

 

[11]   Cependant, présumant que le critère contenu dans Baker devait être appliqué, je crois que la Section d’appel a adéquatement tenu compte, en rendant sa décision, de l’intérêt supérieur du deuxième enfant de la demanderesse. La Cour d’appel fédérale a indiqué que la simple mention  des enfants ne suffit pas; l’intérêt supérieur des enfants est un facteur qui doit être examiné avec soin et soupesé avec d’autres facteurs (Legault c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL)). Cependant, l’intérêt supérieur des enfants ne prévaut pas nécessairement :

 

[12]         Bref, l’agent d’immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, para. 75), mais une fois qu’il l’a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu’à son avis il mérite dans les circonstances de l’espèce.  La présence d’enfants, contrairement à ce qu’a conclu le juge Nadon, n’appelle pas un certain résultat.  Ce n’est pas parce que l’intérêt des enfants voudra qu’un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent.  Le Parlement n’a pas voulu, à ce jour, que la présence d’enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d’un parent se trouvant illégalement au pays (voir Langner c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1995), 184 N.R. 230 (C.A.F.), permission d’appeler refusée, CSC 24740, 17 août 1995).

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 


[12]   En l’espèce, la Section d’appel a clairement tenu compte de la situation de l’enfant de la demanderesse au Canada et des conséquences que le renvoi de la demanderesse du pays aurait sur cet enfant, même si la demanderesse n’a soumis aucune preuve particulière à cet égard. La Section d’appel n’a pas, comme l’affirme la demanderesse, mis en balance l’intérêt supérieur de l’enfant en Chine et l’intérêt supérieur de l’enfant au Canada. Elle ne s’est pas non plus limitée à l’examen du fait que l’enfant conserverait sa citoyenneté canadienne si la demanderesse était expulsée du Canada. La Section d’appel a également tenu compte de l’âge de l’enfant, de l’absence de proches parents au Canada, et du fait que le père de l’enfant vit en Chine. À mon avis, la décision de la Section d’appel était « réceptive, attentive et sensible » aux intérêts des deux enfants.

 

[13]   Pour ces motifs, je suis d’avis que la Section d’appel n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire en rendant sa décision. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[14]   Considérant le fardeau administratif qui incombe aux agents chargés d’examiner les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire comme l’a récemment énoncé la Cour d’appel dans Hawthorne c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (28 novembre 2002), A-595-01, 2002 CAF 475, au paragraphe 7, je suis d’accord avec l’avocate du défendeur que la certification n’est pas appropriée dans la présente affaire.

 

 

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 21 janvier 2003

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Jean Maurice Djossou, LL.D.


 

 

 

                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

 

                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                   IMM-740-02

 

INTITULÉ :                                   AI HUA YE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   le 11 décembre 2002

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE DE M. LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                       le 21 janvier 2003          

 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Darryl W. Larson                             POUR LA DEMANDERESSE

 

Sandra E. Weafer                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Larson, Bolton, Sohn, Stockholder           POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Morris Rosenberg                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

 

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