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Date : 20011029

Dossier : IMM-6291-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1165

ENTRE :

                                    ALEXANDER KRUGLOV et ELENA GRUGLOVA

                                                                                                                                                     demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision en date du 6 novembre 2000 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Section de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]                 Les demandeurs demandent que la décision de la Commission soit annulée ou infirmée. Ils ont soutenu que leur demande d'ajournement de la date d'audition a été rejetée sur-le-champ et que le tribunal a commis un manquement à son devoir d'équité.

[3]                 Il est admis que les demandeurs ont été informés le vendredi 13 octobre 2000 que leur audience aurait lieu le mardi 17 octobre 2000, à Terre-Neuve. Les demandeurs sont arrivés d'abord à Montréal où ils ont passé quelque temps ainsi que dans la région d'Ottawa, avant de déménager à Terre-Neuve. Ils avaient retenu les services d'Immigration International pour les représenter et, quelque temps après une conférence tenue en avril 2000, alors qu'ils habitaient à Terre-Neuve, ils ont eu un différend avec M. Mochkarovsky. Ils désiraient communiquer avec M. Bell, mais M. Mochkarovsky les a apparemment empêchés de joindre son associé. Lorsqu'ils ont finalement réussi à rencontrer M. Bell, celui-ci leur a proposé de se rendre au poste de police et de signaler la conduite de son associé ou de lui laisser le soin de tenter lui-même de corriger la situation.

[4]                 Le vendredi 13 octobre 2000, deux jours avant l'audition, le demandeur a rencontré M. Bell pendant environ 35 minutes et ce serait à cette occasion qu'il a été mis au courant pour la première fois de l'existence du document RUS 34083, qui est un document important sur lequel la Commission s'est fondée dans sa décision. Le demandeur allègue qu'il n'a pas compris la teneur de ce document et qu'il n'a pu qu'en discuter brièvement avec M. Bell. Un examen de la transcription indique clairement que la Commission s'est fondée sur ce document pour en arriver à sa décision.


[5]                 Au début de l'audition, les demandeurs ont demandé un ajournement afin de retenir en bonne et due forme les services d'un nouvel avocat. Cette demande a été rejetée et l'affaire a été entendue alors que les demandeurs n'étaient pas représentés. Dans sa décision portant refus de la demande d'ajournement, le tribunal a mentionné que les demandeurs n'avaient fait aucun effort pour se trouver un nouvel avocat, qu'ils avaient rencontré M. Bell avant l'audition et qu'ils ont dû se préparer de façon satisfaisante en vue de celle-ci. La décision était fondée principalement sur la crédibilité du demandeur, M. Kruglov.

[6]                 La seule question débattue devant la Cour était de savoir si la Commission a commis une erreur de droit susceptible de révision et un manquement aux règles de justice naturelle lorsqu'elle a rejeté la demande d'ajournement des demandeurs.

[7]                 Les demandeurs reconnaissent que la décision d'accorder ou non un ajournement est discrétionnaire; toutefois, ils soutiennent que cette décision doit être fondée sur les facteurs énumérés au paragraphe 13(4) des Règles de la SSR et sur les principes de justice naturelle. Les demandeurs invoquent l'arrêt Gargano c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 292, qui semble indiquer que, lorsque le droit à une audience impartiale a été refusé, la décision doit dans tous les cas être invalidée, que le tribunal de révision soit d'avis ou non que l'audition aurait pu donner lieu à un résultat différent.


[8]                 Les demandeurs font valoir qu'ils ont reçu l'avis d'audition deux jours ouvrables seulement avant la date réelle de leur comparution devant le tribunal. Ils n'avaient jamais demandé d'ajournement auparavant. Les renseignements que la Commission a invoqués à l'audition étaient complexes et le demandeur n'a pas eu suffisamment de temps pour les passer en revue dans le cadre de leur préparation. Enfin, il est évident qu'ils ne connaissaient pas bien la procédure.

[9]                 Il se peut que la correspondance que les demandeurs ont échangée avec M. Bell renferme des explications au sujet du différend qui les a opposés à Immigration International, leurs consultants. Cependant, le tribunal a refusé d'examiner cette lettre ou d'en permettre le dépôt.

[10]            Enfin, les demandeurs font valoir qu'ils n'ont pas eu la possibilité de présenter toute leur preuve, que la Commission a accordé trop d'importance à ses propres préoccupations de nature administrative, qu'elle n'a pas exercé de façon équitable le pouvoir discrétionnaire qui lui permet d'accorder un ajournement et qu'elle a commis un manquement aux règles de justice naturelle.

[11]            À mon avis, la Commission n'a pas examiné de façon satisfaisante la demande d'ajournement des demandeurs. Elle a mal exercé son pouvoir discrétionnaire et a commis un manquement aux principes de justice naturelle en entendant l'affaire malgré l'absence d'avocats. Voici le texte du paragraphe 13(4) des Règles de la SSR :

Pour déterminer si elle fera droit à une demande de remise de l'audience ou pour déterminer, conformément au paragraphe 69(6) de la Loi, si l'ajournement de l'audience causera ou non une entrave sérieuse à la procédure, la section du statut peut prendre en considération, le cas échéant :

a) les efforts déployés par les parties pour procéder avec célérité;

b) la nature et la complexité des questions qui se rapportent à la procédure;

c) la nature des éléments de preuve devant être présentés et le risque de causer une injustice à l'une ou l'autre des parties en procédant en l'absence de ces éléments de preuve;


d) les connaissances et l'expérience du conseil en ce qui concerne les procédures du même genre;

e) le délai déjà accordé aux parties pour la préparation de l'affaire;

f) les efforts déployés par les parties pour être présentes à l'audience;

g) les efforts déployés par les parties pour demander à la première occasion la remise ou l'ajournement de l'audience;

h) le nombre de remises ou d'ajournements antérieurs accordés, ainsi que les motifs les justifiant;

i) le fait que l'audience a été ou non fixée de façon péremptoire;

j) tout autre fait pertinent.

[12]            À mon avis, la Commission n'a pas tenu compte de l'ensemble de ces aspects, et semble s'être attardée principalement à la décision des demandeurs de renvoyer leur avocat deux jours avant l'audition.

[13]            Il est évident aux yeux de la Cour que les demandeurs ont été avisés très tardivement de la date d'audition. Cette lacune a sans doute nui aux efforts qu'ils ont déployés pour régler leurs problèmes avec leur avocat et ne leur a pas donné le temps de préparer leur cause eux-mêmes. La plupart des documents présentés à l'audition étaient de longs documents rédigés en langue anglaise, de sorte qu'il était plus difficile encore pour les demandeurs d'en comprendre la teneur. Il est indéniable que ceux-ci n'avaient jamais participé à une audition similaire auparavant et qu'ils ne connaissaient même pas la procédure à suivre pour demander un ajournement. Même si la preuve indique qu'ils avaient demandé un renvoi devant une autre juridiction, puisqu'ils avaient quitté la région de Montréal-Ottawa pour s'établir à Terre-Neuve, il n'y a pas le moindre élément de preuve indiquant qu'un autre ajournement a été accordé ou demandé.


[14]            La preuve n'indique pas que les demandeurs ou l'avocat qui les représentait à l'origine ont tenté à un moment ou l'autre de retarder les procédures.

[15]            En conséquence, la décision de la SSR est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle audition.

       « PAUL U.C. ROULEAU »      

JUGE

OTTAWA (Ontario), le 29 octobre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20011029

Dossier : IMM-6291-00

OTTAWA (Ontario), le 29 octobre 2001

En présence du juge Rouleau

ENTRE :

                                    ALEXANDER KRUGLOV et ELENA GRUGLOVA

                                                                                                                                                     demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle audition.

        « PAUL U.C. ROULEAU »   

JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              IMM-6291-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          ALEXANDER KRUGLOV ET AUTRE c. M.E.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                St. John's (Terre-Neuve)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 14 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Le juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :                                     le 29 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Mme Joan Dawson                                                             POUR LES DEMANDEURS

Mme Melissa R. Cameron                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Joan Dawson

St. John's (Terre-Neuve)                                                  POUR LES DEMANDEURS

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LE DÉFENDEUR

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