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Date : 19990211


T-2520-93

E n t r e :

     RICHTER GEDEON VEGYÉSZETI GYAR RT,

     demanderesse,

     - et -

     APOTEX INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      La Cour est saisie de l'appel interjeté par Apotex Inc. d'une ordonnance prononcée le 9 novembre 1998 par le protonotaire adjoint Giles en vertu de l'article 382 des Règles de la Cour fédérale (1998) et d'un avis d'examen de l'état de l'instance signifié par l'administrateur de la Cour en vertu de l'article 381 des Règles. Le protonotaire adjoint Giles a ordonné que l'instance soit poursuivie à titre d'instance à gestion spéciale.

[1]      L'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 F.C. 425, appuie la proposition que le juge saisi de l'appel d'une décision du protonotaire dans lequel le débat porte sur une question cruciale pour l'issue finale de l'affaire doit exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début (à la page 463). Les parties conviennent que la décision de rejeter ou de poursuivre l'instance dont il est question à l'article 382 constitue une telle décision et que le juge qui siège en appel devrait, dans ces conditions, exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

[2]      Il s'agit d'une action en contrefaçon de brevet qui a été introduite le 26 octobre 1993. Le 25 février 1994, la défenderesse a produit une défense et demande reconventionnelle. La demanderesse a déposé une réponse et une défense à la demande reconventionnelle le 11 mars 1994. Par la suite, la demanderesse et la défenderesse n'ont fait aucune diligence avant avril 1998.

[3]      Le 29 avril 1998, l'avocat de la demanderesse a écrit à l'avocat de la défenderesse pour l'informer que la demanderesse avait l'intention de faire instruire l'affaire en 1999 et il a proposé un calendrier pour le déroulement de l'instance.

[4]      Le 11 mai 1998, l'avocat de la demanderesse a de nouveau écrit à l'avocat de la défenderesse une lettre dans laquelle il faisait état de la présentation d'un affidavit et de la fixation de dates pour la tenue de l'enquête préalable. La lettre faisait également état de l'intention de la demanderesse de présenter à la Cour une requête au sujet de la gestion de l'instance et demandait à l'avocat de la défenderesse de répondre à la lettre du 29 avril 1998 au sujet du calendrier proposé par la demanderesse. L'avocat de la demanderesse a précisé qu'il avait l'intention [TRADUCTION] " de déposer la requête d'ici la fin de la semaine ".

[5]      Le 13 mai 1998, l'avocat de la défenderesse a écrit à l'avocat de la demanderesse pour l'informer qu'il prévoyait être en mesure de lui [TRADUCTION] " proposer un calendrier la semaine prochaine ".

[6]      Le 20 mai 1998, l'avocat de la demanderesse a transmis les documents demandés par l'avocat de la défenderesse.

[7]      Le 25 mai 1998, l'avocat de la défenderesse a de nouveau écrit à l'avocat de la demanderesse. Il ressort de cette lettre que l'avocat de la demanderesse essayait de convaincre l'avocat de la défenderesse qu'il n'était pas nécessaire que l'affaire soit instruite aussi rapidement que l'avocat de la demanderesse l'avait d'abord souhaité. En raison de son importance, je reproduis intégralement le texte de cette lettre :

             [TRADUCTION]             
             J'accuse réception de votre lettre du 20 mai 1998 et des copies de lettres qui y étaient jointes.             
             Vous comprendrez que l'optimisme que j'affichais au cours de notre conversation téléphonique, en ce qui concerne la tenue au cours de l'été de l'enquête préalable dans le présent dossier, reposait sur ma conviction qu'on en était rendu à l'étape de l'enquête préalable. Hormis le fait que le dossier de Me Johnston a été perdu lorsque celui-ci s'est retiré du dossier, force m'a été de constater, après examen du dossier, que l'instance n'était pas prête pour la tenue de l'enquête préalable. Aucune des deux parties n'a encore déposé d'affidavit, malgré le fait que l'instance a été introduite il y a plus de quatre ans.             
             Je n'essaie pas d'empêcher votre cliente de poursuivre cette instance. J'essaie simplement de m'assurer que l'action se déroule d'une manière raisonnable, compte tenu du fait que le dossier est demeuré inactif alors que votre cliente a choisi d'aller en justice avec Merck et compte tenu du fait qu'à la suite du retrait de Me Johnston et de mon intervention au présent dossier, c'est comme si votre cliente venait d'introduire son action contre Apotex.             
             Je continue à travailler assidûment avec ma cliente et mes collègues pour me familiariser avec le dossier et pour être en mesure de faire instruire l'action dans les meilleurs délais, eu égard à l'ensemble des circonstances.             
             J'espère que, compte tenu de ce qui précède, vous et votre cliente aborderez le dossier de manière raisonnable et nous accorderez le temps nécessaire que les circonstances justifient.             
             Je tiens finalement à vous faire remarquer que vous et votre cliente avez eu environ quatre ans pour vous familiariser avec le dossier dans le cadre du procès de Merck. J'estime qu'il serait tout à faut abusif et injuste d'utiliser, comme critère de mesure du déroulement de la présente instance, le rythme que vous et votre cliente estimez raisonnable, compte tenu de votre expérience, par opposition au rythme qui est raisonnable, eu égard à notre manque d'expérience.             
             Je communiquerai avec vous dès que je serai en mesure de vous proposer un calendrier.             
             [Non souligné dans l'original]             

[8]      Il est évident que l'opinion de l'avocat de la défenderesse était que, compte tenu de la longue période écoulée depuis que le dossier était inactif et de l'inexpérience relative de l'avocat de la défenderesse avec le dossier par rapport à celle de l'avocat de la demanderesse, rien ne justifiait de procéder aussi rapidement que l'avocat de la demanderesse le proposait. Il ressort également de cette lettre que l'avocat de la défenderesse proposerait un calendrier à l'avocat de la demanderesse lorsqu'il serait prêt.

[9]      Aucune autre mesure n'a été prise par l'une ou l'autre partie. Le 13 août 1998, l'administrateur a signifié un avis d'examen d'état de l'instance. La demanderesse et la défenderesse ont soumis des observations qui ont donné lieu à l'ordonnance en date du 9 novembre 1998 par laquelle le protonotaire adjoint Giles a ordonné que l'instance soit poursuivie à titre d'instance à gestion spéciale.

[10]      Voici les moyens que la défenderesse invoque dans le cadre du présent appel :

     1.      La demanderesse n'a pas fourni d'explication raisonnable pour justifier son retard ;
     2.      La défenderesse subira un préjudice si l'instance est poursuivie.

[11]      Je suis d'accord avec la défenderesse pour dire que la demanderesse n'a pas fourni d'explication raisonnable pour justifier le temps écoulé entre mars 1994 et avril 1998. Toutefois, en avril 1998, l'avocat de la demanderesse, peut-être incité à agir par l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), a commencé à prendre des mesures pour faire avancer l'affaire. Par la suite, c'est l'avocat de la défenderesse qui a retardé le déroulement de l'instance. Bien que la partie défenderesse ne soit peut-être pas tenue de faire avancer l'affaire, dans le cas qui nous occupe, l'avocat de la défenderesse a demandé " et vraisemblablement obtenu " le consentement de l'avocat de la demanderesse en vue de procéder à un rythme qui convenait à l'avocat de la défenderesse. Il semble que, si l'avocat de la défenderesse n'avait pas communiqué comme il l'a fait avec l'avocat de la demanderesse, celui-ci aurait demandé par requête à la Cour d'établir le calendrier et d'ordonner que l'instance soit poursuivie à titre d'instance à gestion spéciale. Si cette requête avait été présentée, l'avis d'examen de l'état de l'instance serait probablement devenu inutile, aucune question de retard ne se serait posée et l'instance se serait poursuivie conformément au calendrier proposé par la demanderesse ou imposé par la Cour.

[12]      Dans ces conditions, j'estime qu'après avoir demandé et obtenu le consentement tacite de l'avocat de la demanderesse pour procéder à un rythme qui convenait à l'avocat de la défenderesse, il est illogique et abusif de la part de l'avocat de la défenderesse d'essayer de tirer profit de l'examen de l'état de l'instance pour obtenir le rejet de l'action.

[13]      Dans les décisions citées par l'avocat de la défenderesse au sujet des retards, de longs retards inexpliqués s'étaient produits avant la signification de l'avis d'examen de l'état de l'instance. En l'espèce, le temps écoulé est long, mais la demanderesse a commencé à agir avant que l'avis d'examen de l'état de l'instance ne soit signifié et ne soit suspendu par suite de la requête visant à obtenir l'établissement d'un calendrier et à faire ordonner que l'instance soit poursuivie à titre d'instance à gestion spéciale par suite des observations de l'avocat de la défenderesse. Nous ne sommes pas en présence du cas d'une partie qui demande la prorogation d'un délai expiré et qui doit expliquer le retard en entier. Il y a une explication raisonnable pour justifier le temps écoulé entre avril 1998 et la date de l'avis d'examen de l'état de l'instance et cette explication est suffisante, eu égard aux circonstances de la présente espèce.

[14]      En ce qui concerne la question du préjudice, la défenderesse est mal placée pour prétendre que le retard lui cause un préjudice alors que, dans la dernière lettre qu'il a adressée à l'avocat de la demanderesse, son avocat déclare : " Je communiquerai avec vous dès que je serai en mesure de vous proposer un calendrier ". L'avocat de la défenderesse affirme que celle-ci s'est vue frustrée du droit à l'avocat de son choix parce que l'avocat dont elle a d'abord retenu les services s'est retiré du dossier. La défenderesse ne m'a soumis aucun élément de preuve au sujet des raisons pour lesquelles elle devrait être insatisfaite des services de son avocat actuel, qui, comme la Cour le sait, l'a souvent représentée par le passé. De vagues allégations en ce qui concerne sa mauvaise mémoire au sujet des témoins ne suffisent pas. Il faut des éléments de preuve plus précis, tels que, par exemple, la question de savoir si la preuve reposera exclusivement sur la mémoire de l'avocat ou s'il faudra également présenter des éléments de preuve au sujet de faits passés. Or, ce genre d'élément de preuve n'a pas été présenté en l'espèce (voir l'arrêt Birkett v. James (C.A.), 1978 Appeal Cases 297, 304 (C.A.) avec lequel la Chambre des lords a souscrit en appel). Si la défenderesse a subi un préjudice en ce qui concerne sa capacité de fixer le plafond de ses dommages-intérêts, d'élaborer une façon de procéder différente dans de meilleurs délais ou de calculer les bénéfices imputables aux ventes du produit contrefait, ce sont là des questions qui ne peuvent être examinées que si les dommages-intérêts sont liquidés, et à ce moment-là seulement.

[15]      L'appel est rejeté. L'ordonnance prononcée le 9 novembre 1998 par le protonotaire adjoint Giles est confirmée, à cette exception près que les délais précisés dans son ordonnance commenceront à courir à compter de la date de la présente ordonnance. Les parties devront communiquer sans délai avec le greffe pour fixer la date d'une conférence téléphonique pour débattre de la question des dépens.

" Marshall Rothstein "

Juge

Toronto (Ontario)

Le 11 février 1999

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      T-2520-93
INTITULÉ DE LA CAUSE :              RICHTER GEDEON VEGYÉSZETI GYAR RT
                             et
                             APOTEX INC.
                            

DATE DE L'AUDIENCE :              Le lundi 1er février 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Rothstein

                             en date du 11 février 1999

ONT COMPARU :                      M e Ronald Dimock

                                 pour la demanderesse

                             M e Andrew Brodkin

                                 pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                             Dimock Stratton Clarizio
                             Avocats et procureurs

                             C.P. 102,

                             20, rue Queen Ouest, bureau 3202

                             Toronto (Ontario)
                             M5H 3R3

                            

                                 pour la demanderesse

                             Goodman Phillips & Vineberg

                             Avocats et procureurs

                             250, rue Yonge, bureau 2400

                             Toronto (Ontario)
                             M5B 2M6

                                 pour la défenderesse

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19990211

                        

         T-2520-93

                             E n t r e :

                             RICHTER GEDEON VEGYESZETI GYAR RT

     demanderesse,

                             - et -

                             APOTEX INC.,

                    

     défenderesse.

                    

                            

            

                                                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                            

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