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Date : 20030220

Dossier : IMM-831-03

Ottawa (Ontario), le 20 février 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                            STEPHEN MICHAEL JAMES AMBROSE

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La requête est accueillie. La décision rendue par le tribunal en date du 3 février 2003 est suspendue dans l'attente de l'examen de la demande d'autorisation et de la demande de contrôle judiciaire si l'autorisation est accordée. Le demandeur signifiera et déposera le dossier de la demande au plus tard le 27 février 2003.

                                                                                                                « Carolyn A. Layden-Stevenson »          

                                                                                                                                                                 Juge                                   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20030220

Dossier : IMM-831-03

Référence neutre : 2003 CFPI 203

ENTRE :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                            STEPHEN MICHAEL JAMES AMBROSE

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par le demandeur pour obtenir une ordonnance suspendant la décision rendue le 3 février 2003 par la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal), laquelle a ordonné la libération du défendeur en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) en dépit du fait qu'elle a conclu qu'il constituait un danger pour la sécurité publique au Canada et risquait de prendre la fuite.


[2]                 Le défendeur est l'un des cinq sujets britanniques déclarés coupables, le 16 octobre 2001, de complot en vue de commettre un acte criminel en violation de l'alinéa 465(1)c) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. 46. Ils ont formé un complot en vue d'importer deux tonnes et demie de résine de cannabis au Canada, en violation du paragraphe 6(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19. L'infraction peut donner lieu à une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité. M. Ambrose a plaidé coupable et a été condamné à une peine d'emprisonnement de sept ans et huit mois à purger dans un établissement fédéral.

[3]                 Un rapport visant le défendeur a été produit en vertu de l'article 27 de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et envoyé au sous-ministre. Le 11 juin 2002, il a été ordonné qu'il soit détenu en vertu du paragraphe 105(1) de la Loi sur l'immigration. Une mesure de renvoi a suivi le 31 octobre 2002. L'alinéa 50b) de la LIPR empêche le demandeur d'exécuter la mesure de renvoi visant le défendeur tant que celui-ci n'a pas purgé sa peine. M. Ambrose est admissible à une semi-liberté depuis le 25 janvier 2003, mais il a été maintenu en détention par suite de l'ordonnance prononcée en vertu du paragraphe 105(1). Une audience de contrôle des motifs de détention après 48 heures a été tenue le 27 janvier 2003. Le tribunal a jugé que M. Ambrose constituait un danger pour la sécurité publique et risquait de prendre la fuite et il a ordonné son maintien en détention. Il a expliqué que le défendeur ne pouvait pas être admissible à une semi-liberté en raison des modifications apportées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 et qu'il serait inutile de procéder à d'autres audiences en révision. L'agent de présentation des cas du défendeur a demandé une révision hebdomadaire des motifs de la détention laquelle a eu lieu le 3 février 2003. Le tribunal a conclu que le défendeur constituait une menace pour la société canadienne et qu'il risquait de prendre la fuite mais il a ordonné sa libération. C'est cette décision rendue le 3 février 2003 qui fait l'objet de la demande sous-jacente d'autorisation et de contrôle judiciaire.


[4]                 Le critère en trois volets à appliquer pour accorder une suspension est décrit dans Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.). Il incombe au demandeur d'établir qu'il existe une question grave, qu'un préjudice irréparable sera causé si la suspension n'est pas accordée et que la prépondérance des inconvénients le favorise. Le critère est cumulatif et il doit être satisfait à chacun des trois volets.

Question grave

[5]                 Dans la décision qu'il a rendue le 27 janvier 2003, le tribunal a tiré des conclusions de fait particulières selon lesquelles le défendeur constitue un danger pour la sécurité publique et risque de prendre la fuite. Dans la décision du 3 février 2003, il y est mentionné ce qui suit :

[traduction]

Je ne veux pas revenir sur ce que j'ai dit il y a une semaine et réitéré les motifs expliquant pourquoi j'avais conclu que votre présence au Canada constituait un danger pour la sécurité publique et que, si vous étiez remis en liberté, vous n'obtempéreriez pas à un ordre de vous présenter. Cette décision fait partie de votre dossier et quiconque peut s'y référer pour en connaître les motifs [¼].

J'ai toutefois, comme je l'ai mentionné précédemment, reconsidérer la situation. Dans la perspective où vous ne devez pas à l'heure actuelle être libéré en raison du simple effet de la loi. Mon interprétation de ces articles à nouveau suppose que la mesure de renvoi est ce qui déclenche la mise en jeu de ces articles et leur application à votre cas. Donc, en affirmant encore une fois que la semi-liberté est devenue inopérante et compte tenu du fait que vous êtes détenu dans un pénitencier fédéral, j'estime maintenant que vous ne constituez pas, à ce moment-ci, un danger pour la sécurité publique au Canada et qu'il est improbable que vous n'obtempérerez pas à un ordre de vous présenter en raison de votre situation de détenu. Par conséquent, la détention n'est pas maintenue dans votre cas, puisque vous êtes une personne qui est détenue et qui purge une peine. L'audience d'aujourd'hui est donc terminée et il est maintenant vrai qu'il n'y aura pas d'autres audiences.

[6]                 Le demandeur prétend que la seule interprétation raisonnable qui peut être faite de ces conclusions est que le tribunal n'aurait pas libéré le défendeur s'il avait établi que celui-ci était admissible à une semi-liberté. La remise en liberté était fondée sur l'interprétation de l'article 24 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition où le tribunal a estimé qu'une semi-liberté ne pouvait être accordée au défendeur. Il est admis que la mise en semi-liberté du défendeur est imminente. Le demandeur invoque l'article 58 de la LIPR qui est rédigé comme suit :



58. (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l'étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :a) le résident permanent ou l'étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

b) le résident permanent ou l'étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l'étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux;

d) dans le cas où le ministre estime que l'identité de l'étranger n'a pas été prouvée mais peut l'être, soit l'étranger n'a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l'identité de l'étranger.

58. (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

(a) they are a danger to the public;

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

(c) the Minister is taking necessary steps to inquire into a reasonable suspicion that they are inadmissible on grounds of security or for violating human or international rights; or

(d) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national has not been, but may be, established and they have not reasonably cooperated with the Minister by providing relevant information for the purpose of establishing their identity or the Minister is making reasonable efforts to establish their identity.

(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l'étranger sur preuve qu'il fait l'objet d'un contrôle, d'une enquête ou d'une mesure de renvoi et soit qu'il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu'il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi.

(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.

(3) Lorsqu'elle ordonne la mise en liberté d'un résident permanent ou d'un étranger, la section peut imposer les conditions qu'elle estime nécessaires, notamment la remise d'une garantie d'exécution.

(3) If the Immigration Division orders the release of a permanent resident or a foreign national, it may impose any conditions that it considers necessary, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions.


[7]                 Il est allégué que le tribunal a commis une erreur de fait en ce sens que, compte tenu des documents dont il disposait, il ne pouvait pas tirer la conclusion à laquelle il en est arrivé. Il a commis une erreur de droit en libérant le défendeur alors qu'il a estimé que celui-ci risquait de prendre la fuite et constituait un danger pour la sécurité publique, en violation de l'article 58 de la LIPR. Finalement, le demandeur soutient que le tribunal a fait erreur en concluant qu'aucune autre audience d'évaluation de la pertinence de la détention ne serait tenue. Le paragraphe 57(2) de la LIPR prescrit un nouveau contrôle au moins tous les trente jours suivant le contrôle précédent.


[8]                 Le défendeur soutient que l'affaire est compliquée et emmêlée et concerne l'interprétation de la LIPR et de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ainsi que la décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le défendeur reconnaît l'existence d'une question grave qui mérite d'être tranchée.

[9]                 Je suis d'avis qu'il existe une question grave.

Préjudice irréparable

[10]            Le demandeur allègue que si la suspension n'est pas accordée, le défendeur sera libéré en dépit du fait que le tribunal a jugé qu'il risquait de prendre la fuite et constituait un danger pour la sécurité publique, ce qui empêcherait le ministre de remplir les obligations qui lui sont imposées par la LIPR. De plus, le défendeur se soustraira au renvoi et la demande d'autorisation et le contrôle judiciaire deviendront théoriques.

[11]            Le défendeur affirme que les renseignements indiquant qu'il ne constitue pas un danger et qu'il ne risque pas de s'enfuir sont abondants. Il mentionne plus particulièrement les rapports sur le suivi du plan correctionnel, son comportement exemplaire tout au long de l'incarcération ainsi que la structure et le profil de fait relatif à l'établissement Westmorland.

[12]            Le demandeur appuie sa position sur la jurisprudence de la Cour : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chen, [1999] A.C.F. no 1815; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chen (1999), 182 F.T.R. 142; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Lin, [1999] A.C.F. no 1997 (1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Patwal, 2001 CFPI 152, [2001] A.C.F. no 442 (1re inst.).


[13]            Le défendeur a présenté des arguments articulés mais il n'a pas reconnu que les critères de détention de la LIPR ne sont pas les mêmes que ceux de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Qui plus est, la Cour n'a été saisie d'aucun élément de preuve (affidavit) à l'appui de l'argumentation du défendeur.

[14]            Conformément au raisonnement énoncé dans la jurisprudence précitée, je conclus que le demandeur s'est déchargé du fardeau de prouver un préjudice irréparable.

Prépondérance des inconvénients

[15]            À la lumière des conclusions que j'ai tirées quant à l'existence d'une question grave et au préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur. Le ministre est chargé dans l'intérêt public d'appliquer les lois en matière d'immigration et, en l'espèce, cet intérêt public l'emporte sur l'intérêt du défendeur. De plus, le demandeur s'est montré enclin à accélérer le règlement de l'affaire et s'est engagé à déposer le dossier de la demande au plus tard le 27 février 2003.

[16]            Par conséquent, la requête est accueillie. La décision rendue par le tribunal en date du 3 février 2003 est suspendue dans l'attente de l'examen de la demande d'autorisation et de la demande de contrôle judiciaire si l'autorisation est accordée. Le demandeur signifiera et déposera le dossier de la demande au plus tard le 27 février 2003.

                                                                                      « Carolyn A. Layden-Stevenson »          

                                                                                                                                        Juge                                    

Ottawa (Ontario)

Le 20 février 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              IMM-831-03

INTITULÉ :                                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION c.

STEPHEN MICHAEL JAMES AMBROSE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    OTTAWA (ONTARIO)        HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DORCHESTER (NOUVEAU-BRUNSWICK)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 20 FÉVRIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                         LE 20 FÉVRIER 2003

COMPARUTIONS :

MME LORI RASMUSSEN                                                                  POUR LE DEMANDEUR

M. STEPHEN M.J. AMBROSE                                                         POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. MORRIS ROSENBERG                                                               POUR LE DEMANDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL   

DU CANADA

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