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Date : 20030606

Dossier : T-150-02

Référence : 2003 CFPI 709

ENTRE :

                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                             ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                                       EYAD KAWASH ALIAS EYAD FATHI HUSSEIN

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN

[1]                 Le demandeur dépose la présente requête fondée sur la règle 369 pour obtenir deux choses : 1) la modification de sa déclaration par le remplacement des mots [traduction] « Le 12 février 1997 » contenus au paragraphe 11 de la déclaration par les mots [traduction] « Le 22 novembre 1996 » et 2) un jugement sommaire déclarant que le défendeur a obtenu sa citoyenneté canadienne au moyen de la dissimulation intentionnelle d'un fait essentiel, savoir qu'il a été inculpé d'un acte criminel. La demande d'autorisation de modifier ne soulève aucune question et sera donc accueillie.

[2]                 Le défendeur Eyad Kawash, autrefois Eyad Hussein, est un ressortissant de la Palestine né en Arabie saoudite le 14 octobre 1973.

[3]                 Le 18 mai 1993, il a obtenu le statut de résident permanent. Le 21 septembre 1995, le défendeur a présenté une demande de citoyenneté canadienne. La demande que le défendeur a signée contenait la déclaration suivante :

Je sais que, si je suis accusé(e) d'un acte criminel en vertu d'une loi canadienne ou visé(e) par une ordonnance de probation avant de prêter le serment de citoyenneté, je dois le faire savoir à l'agent de la citoyenneté.

[4]                 Le 19 janvier 1996, deux chefs d'accusation de fraude ont été portés contre le défendeur en vertu de l'alinéa 380(1)b) du Code criminel.

[5]                 L'alinéa 380(1)b) prévoit une infraction mixte qui peut faire l'objet de poursuites par voie de mise en accusation ou de procédure sommaire, et qui est donc considérée comme un acte criminel : Ngalla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 360.

[6]                 Le 24 janvier 1996, le défendeur a prêté le serment de citoyenneté et est devenu citoyen canadien. Entre la date de son accusation et celle à laquelle il a prêté le serment de citoyenneté, le défendeur n'a informé aucun agent de la citoyenneté qu'il avait été inculpé d'un acte criminel.


[7]                 Le 22 novembre 1996, le défendeur a été déclaré coupable d'avoir intentionnellement dissimulé un fait essentiel, en particulier d'avoir omis d'informer un agent de la citoyenneté qu'il avait été inculpé d'un acte criminel avant l'obtention de sa citoyenneté canadienne, contrairement à l'alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté du Canada. Il a été condamné à une peine de 120 jours de détention.

[8]                 Le 14 février 1997, le défendeur a été déclaré coupable de deux chefs de fraude. Le 10 mai 2001, le défendeur a reçu signification d'un avis, conformément au paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, relativement à l'annulation de sa citoyenneté. Le 24 mai 2001, le défendeur a demandé le renvoi de l'affaire devant la Section de première instance de la Cour fédérale conformément à l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté.

[9]                 Le défendeur prétend qu'un jugement sommaire ne devrait être rendu que s'il n'y a pas de véritable question litigieuse. En l'espèce, soutient-il, les questions de retard et d'intention de faire une fausse déclaration sont de véritables questions litigieuses.

[10]            Le défendeur affirme que le retard de plus de 4 ans pour l'introduction de la procédure d'annulation est déraisonnable et lui a causé un préjudice. Il s'appuie à cet égard sur la décision Canada c. Sadiq (1990), 39 F.T.R. 200 [ci-après la décision Sadiq]. En outre, dit-il, une fois que la procédure a été introduite, le demandeur n'a rien fait d'autre pendant plus de deux ans. Enfin, après le dépôt de sa déclaration, le demandeur n'a rien fait pendant une autre année, soit jusqu'à ce que la Cour revoie le dossier en février 2003.

[11]            Le défendeur soutient également que sa déclaration de culpabilité par une cour provinciale ne devrait pas servir de preuve dans la présente requête, et ce, parce que les faits établissent clairement qu'il n'avait pas l'intention de dissimuler quelque accusation que ce soit. Comme le défendeur n'a produit absolument aucune preuve, cet argument n'a aucun fondement en preuve et ne sera donc pas examiné.

[12]            Le demandeur prétend que le défendeur n'a pas clairement expliqué pourquoi une éventuelle conclusion de retard devrait avoir une incidence sur la décision que rendra la Cour sur la question de savoir s'il y a eu une fausse déclaration. Il maintient qu'il est bien établi en droit qu'on ne devrait pas mettre fin à un renvoi fondé sur l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté en raison d'un retard dans l'introduction de l'affaire devant la Cour. Il cite la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Obodzinsky, [2000] A.C.F. no 1675, confirmée par 2001 CAF 158, dans laquelle une période de 44 ans s'était écoulée entre la date de l'obtention de la citoyenneté et celle de l'introduction de la procédure d'annulation. Il cite aussi l'arrêt Canada c. Luitjens, [1992] A.C.F. no 319, où la Cour d'appel a conclu qu'un renvoi en vertu de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté ne fait pas intervenir les droits que garantit au citoyen l'article 7 de la Charte.

[13]            Le demandeur établit une distinction d'avec la décision Sadiq, puisque la question de savoir si le défendeur dans cette affaire avait fait de fausses déclarations n'avait pas encore été tranchée.

[14]            Enfin, le demandeur affirme qu'il n'a pas attendu deux ans avant d'introduire l'action; il l'a plutôt introduite moins d'un an après la signification de l'avis.

[15]            Il est bien établi que le critère applicable au prononcé d'un jugement sommaire consiste à déterminer s'il existe une véritable question litigieuse. Le défendeur prétend que les questions de retard et d'intention de faire une fausse déclaration sont des questions sérieuses. Je ne suis pas d'accord. Premièrement, le défendeur n'a pas établi qu'il y avait eu un retard important dans la poursuite de la procédure d'annulation de sa citoyenneté. Deuxièmement, le défendeur n'a fourni aucune preuve qui remet en cause sa déclaration de culpabilité en application de la Loi sur la citoyenneté. En fait, le défendeur n'a produit absolument aucune preuve, contrairement à ce qu'exige la règle 215 des Règles de la Cour fédérale (1998).

[16]            Pour ce qui est des retards, ils ne devraient pas, dans les circonstances de l'espèce, avoir d'incidence sur l'issue de la présente affaire. En fait, le défendeur n'a pas montré en quoi le retard du gouvernement pour l'introduction de la procédure d'annulation lui avait causé le moindre préjudice.


[17]            En ce qui a trait à la question de savoir si le défendeur avait l'intention de faire une fausse déclaration quant à son statut criminel lorsqu'il a prêté le serment de citoyenneté, la cour provinciale a conclu hors de tout doute raisonnable qu'il avait une telle intention. Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Copeland, [1998] 2 C.F. 493 (C.F. 1re inst.), le juge McGillis a estimé que la preuve d'une déclaration de culpabilité relativement à l'infraction d'avoir intentionnellement dissimulé des faits importants dans le but d'acquérir la citoyenneté constituait une preuve dans le cadre d'une procédure de renvoi, comme celle en l'espèce. Vu que le défendeur n'a fourni aucune preuve qui remet en cause cette décision, il n'y a aucune raison de ne pas considérer la déclaration de culpabilité comme étant déterminante. Le défendeur n'a pas démontré que cette déclaration de culpabilité soulevait une question sérieuse à juger.

[18]            Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que la présente requête en jugement sommaire devrait être accueillie.

                                                                     ORDONNANCE

La requête est accueillie. Le demandeur est autorisé à modifier sa déclaration. La Cour déclare que le défendeur a obtenu sa citoyenneté canadienne au moyen de la dissimulation intentionnelle d'un fait essentiel, savoir qu'il a été déclaré coupable d'un acte criminel.

« James K. Hugessen »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 6 juin 2003

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-150-02

INTITULÉ :                                          MCI

c.

EYAD KAWASH ALIAS EYAD FATHI HUSSEIN

REQUÊTE ÉCRITE FONDÉE SUR L'ARTICLE 369 DES RÈGLES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                       LE 6 JUIN 2003

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Catherine Vasilaros                                  POUR LE DEMANDEUR

Glenn E. Matthews                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                    POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Porter Matthews Law Firm LLP            POUR LE DÉFENDEUR

Windsor (Ontario)

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