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Date : 20030806

Dossier : IMM-5318-02

Référence : 2003 CF 954

ENTRE :

                                                         MASIHUDDIN MOHAMMED

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Malgré l'habile argumentation de l'avocat du demandeur, je ne suis pas convaincue que la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur n'avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger.

[2]                 Le demandeur, un musulman de 48 ans, est un citoyen de l'Inde et un résidant de Hyderabad, Andhra Pardesh, en Inde. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de sa religion, et il allègue être une personne à protéger parce qu'il serait exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d'être soumis à la torture aux mains des extrémistes hindous, plus précisément le groupe extrémiste Rashtriya Swayamsevak Sang (RSS).


Le demandeur soutient avoir été victime de harcèlement dans presque tous les aspects de sa vie de musulman. En 1992, son entreprise a été réduite en cendres par le RSS. Au cours des années qui ont suivi sa nomination en tant que secrétaire d'une mosquée des environs, des gangsters du RSS l'ont menacé et agressé. La police ne l'a pas aidé. Sa famille a également été menacée. À la suite d'une agression du RSS en juin 2001, il a décidé de quitter l'Inde.

[3]                 La SPR a accepté que le demandeur était un citoyen de l'Inde et qu'il pratiquait la religion musulmane. Elle a conclu, toutefois, que M. Mohammed avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable à Delhi. Le tribunal a conclu qu'il n'y avait pas de possibilité sérieuse de persécution ou de torture si le demandeur devait déménager à Delhi et qu'il n'était pas déraisonnable, eu égard à l'ensemble des circonstances, que le demandeur trouve refuge dans cette ville.


[4]                 La seule question soulevée dans la présente demande est de savoir si la SPR a commis une erreur en concluant que le demandeur dispose d'une PRI. La norme de contrôle applicable à cet égard est la décision manifestement déraisonnable : Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 741 (1re inst.); Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. Le critère applicable pour conclure à l'existence d'une PRI comporte deux volets et est énoncé dans les arrêts Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.), et Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.). La SPR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté à l'endroit proposé comme PRI et que, compte tenu de toutes les circonstances, dont les circonstances propres au demandeur, la situation à l'endroit proposé comme PRI est telle qu'il n'est pas déraisonnable pour le demandeur d'y chercher refuge.

[5]                 En ce qui concerne le premier volet du critère, le demandeur s'appuie sur son témoignage portant que le RSS est partout en Inde et contrôle ce pays (transcription, page 7), et que, comme musulman, il serait pris pour cible par la police qui le prendrait pour un terroriste ou un partisan dans le conflit du Cachemire (transcription, pages 21 et 22). Il soutient que ce témoignage non contredit démontre que Delhi n'offre pas une PRI viable. Pour ce qui est du deuxième volet du critère, le demandeur renvoie à ses déclarations suivant lesquelles la langue constitue une entrave qui l'empêcherait de trouver un emploi à Delhi (transcription, page 21), et il soutient qu'il n'est donc pas raisonnable pour lui de trouver refuge dans cette ville.


[6]                 Le demandeur qui cherche à établir le caractère déraisonnable d'une PRI doit satisfaire à une exigence préliminaire très rigoureuse : Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.). Il est vrai que le témoignage sous serment du demandeur est présumé exact à moins qu'il n'y ait des raisons d'en douter : Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.). Cependant, cette présomption peut toujours être réfutée et, dans les circonstances qui s'y prêtent, elle peut l'être par l'absence de preuves documentaires mentionnant un fait qu'on pourrait normalement s'attendre à y retrouver : Adu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F no 114 (1re inst.).

[7]                 La SPR a examiné le témoignage du demandeur dans sa décision. Elle a fait une analyse écrite détaillée et complète quant à savoir s'il existe une possibilité sérieuse de danger pour le demandeur à Delhi. La preuve documentaire portant sur la situation actuelle des musulmans en Inde et sur les activités du RSS et d'autres groupes extrémistes hindous a été examinée. Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, la SPR a tiré les conclusions suivantes :

-           la preuve documentaire ne fait état d'aucune restriction quant à la possibilité qu'ont les citoyens de l'Inde de déménager dans d'autres États ou d'autres villes, sauf dans certaines régions frontalières où des permis sont exigés pour des raisons de sécurité;

-           rien dans la preuve documentaire n'indique que le RSS ou d'autres groupes extrémistes hindous prennent pour cibles les activistes et les leaders musulmans à Delhi;

-           les membres de la section locale du RSS sont responsables de chacun des incidents dont on se plaint;

-           le demandeur n'est pas recherché par la police ou d'autres autorités en Inde;

-           le profil du demandeur et sa situation personnelle, à savoir qu'il est un activiste musulman occupant le poste de secrétaire de son groupe religieux, lui procure une notoriété exclusivement locale et, pour ce motif, le demandeur ne serait pas connu ni pris pour cible par des groupes extrémistes à Delhi;

-           rien ne prouve que le demandeur ait déjà fait partie de groupes extrémistes musulmans ou qu'il se soit déjà rendu dans l'État du Jammu-et-Cachemire, où il y a des problèmes;


-           le témoignage du demandeur suivant lequel le président de son groupe religieux, en raison de son âge, n'était pas en danger comme lui, a donné lieu à la conclusion qu'il n'était pas vraisemblable que les militants du RSS poursuivent le demandeur s'il se réinstallait hors de l'État d'Andhra Pradesh;

-           le demandeur est bien instruit, il est titulaire d'un baccalauréat ès sciences, il a une certaine formation en informatique, il parle urdu et anglais, et, compte tenu de son expérience de travail et de ses compétences, il n'existe aucun obstacle sérieux, de nature sociale ou économique, qui rendrait un déménagement indûment pénible.

[8]                 À mon avis, par ses arguments, le demandeur cherche à obtenir une nouvelle appréciation de la preuve. Ce n'est pas le rôle de la Cour. Il était loisible à SPR de conclure à l'existence d'une PRI et cette conclusion ne peut être considérée manifestement déraisonnable. Le demandeur n'a pas satisfait à l'exigence préliminaire énoncée dans l'arrêt Ranganathan, précité.

[9]                 La demande de contrôle judiciaire sera rejetée et une ordonnance sera rendue en ce sens. La présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Calgary (Alberta)

Le 6 août 2003

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-5318-02

INTITULÉ :                                                        MASIHUDDIN MOHAMMED

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE MARDI 5 AOÛT 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                     LE 6 AOÛT 2003

COMPARUTIONS :

Satnam S. Aujla                                                    POUR LE DEMANDEUR

W. Brad Hardstaff                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Yanko Merchant Law Group                               POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)                                                 

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Date : 20030806

Dossier : IMM-5318-02

Calgary (Alberta), le mercredi 6 août 2003.

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                         MASIHUDDIN MOHAMMED

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


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