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Date : 20050210

Dossier : IMM-1716-04

Référence : 2005 CF 217

Toronto (Ontario), le 10 février 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                      GERIES ZAKI EL MOUSSA, WAKIM NIHAY

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                En l'espèce, les demandeurs sont des chrétiens palestiniens qui craignent de rentrer au Liban. Lorsque la Section de la protection des réfugiés (SPR) a décidé de rejeter leur demande d'asile, elle a conclu que, en général, si les Palestiniens font l'objet de discrimination au Liban, ils n'y sont pas persécutés. Cette conclusion est contestée par les demandeurs, mais ils contestent surtout les conclusions de la SPR en ce qui a trait à la crédibilité.

[2]                Plus précisément, l'avocat des demandeurs attire l'attention de la Cour sur les trois conclusions suivantes :

Le demandeur d'asile principal a ensuite témoigné qu'entre 1984 et 1990, des membres de différentes milices se présentaient périodiquement au domicile familial pour extorquer de l'argent et des biens personnels à la famille parce qu'elle était palestinienne et chrétienne. De l'avis du tribunal, ce témoignage n'est pas crédible. Le tribunal note l'absence de preuve documentaire fiable de ces tentatives d'extorsion et souligne que, même si de telles preuves existaient, elles seraient, à son sens, de nature criminelle et ne relèveraient pas des motifs énoncés dans la Convention. En outre, il n'existe pas de preuve documentaire fiable que ces groupes aient parfois chassé des Palestiniens chrétiens de chez eux. Le tribunal est d'avis que si pareil comportement à leur égard avait été courant au Liban, il en existerait des preuves documentaires.

(Décision de la Commission, à la page 12)

D'après son témoignage, il aurait été grièvement blessé et emmené d'urgence à l'hôpital. Le tribunal constate qu'aucune preuve documentaire n'a été présentée pour confirmer l'hospitalisation du demandeur à l'époque.

Le tribunal rappelle qu'il appartient au demandeur de prouver ce qu'il affirme. De l'avis du tribunal, s'il est alléà l'hôpital à cause d'un accident, il aurait des preuves documentaires fiables à présenter pour l'attester.

(Décision de la Commission, à la page 13)

De plus, le demandeur d'asile principal déclare qu'en 1996, il y a eu une campagne d'arrestation contre les Palestiniens après l'assassinat d'un dirigeant islamique au Liban. Là encore, le tribunal n'a pu trouver de preuve documentaire fiable attestant de rafles de Palestiniens en 1996. Et d'après le tribunal, les autorités n'auraient aucune raison de cibler le demandeur d'asile principal, car il n'existe pas de preuves fiables qu'il ait eu des activités politiques. En fait, il n'y a pas de preuve fiable et digne de foi qu'il ait été arrêté auparavant par les autorités (il est à noter que ce ne sont pas ces autorités qui l'auraient arrêté quand il avait 13 ans) pour quelque motif que ce soit.

(Décision de la Commission, à la page 15)

[Non souligné dans l'original.]


[3]                Il est manifeste que, dans chaque conclusion citée relative à la crédibilité, la SPR considère de manière soupçonneuse les déclarations du demandeur d'asile principal; en d'autres termes, on ne le croit pas, à moins qu'il ne produise des preuves documentaires à l'appui de ses dires. Cependant, avec l'arrêt Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, il a été établi que, lorsqu'un demandeur déclare sous serment que certaines allégations sont vraies, il y a alors une présomption selon laquelle ces allégations sont véridiques, à moins qu'il y ait un motif de mettre en doute leur véracité. Par conséquent, je conclus que la SPR a adopté une approche incorrecte pour évaluer la déposition du demandeur.

[4]                À moins d'être très certain que la preuve documentaire sur les conditions régnant dans le pays en cause est vraiment complète, ce qui peut être très difficile à prouver et qui ne l'a pas été en l'occurrence, les carences de ce type de preuve n'impliquent pas que l'incident allégué ne s'est pas produit.

[5]                Ce que je veux dire ici, c'est que si les preuves documentaires descriptives sont considérées comme « la reine des preuves » lorsqu'il s'agit d'évaluer la déposition d'un demandeur d'asile, il ne servirait pas à grand-chose de tenter d'évaluer sa crédibilité. Et ce, parce que dans ce cas, le processus ne consisterait qu'en une simple comparaison : si les preuves documentaires ne vont pas dans le sens d'un exposé des faits émanant du demandeur, cet exposé est automatiquement considéré comme faux et donc rejeté. Cela n'est pas une norme acceptable pour décider une question de crédibilité. Je suis d'avis que le processus d'évaluation suivi par la SPR constitue un exemple d'une telle méthode inacceptable d'évaluation d'une déposition complexe faite sous serment.


[6]                En outre, en ce qui a trait à la deuxième conclusion relative à la crédibilité signalée plus haut, que ce soit avant ou pendant l'audition de la demande d'asile, la SPR n'a donné aucune raison permettant au demandeur de penser qu'il lui faudrait produire des dossiers d'hospitalisation pour étayer ses déclarations faites sous serment. En effet, je conclus que la SPR a porté atteinte au principe d'application régulière de la loi en tirant sa conclusion défavorable sans donner au demandeur la possibilité soit de produire les documents demandés, soit d'expliquer au moins pourquoi il ne les avait pas produits.

[7]                Par conséquent, je conclus que les conclusions défavorables quant à la crédibilité tirées par la SPR, citées plus haut, constituent une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

                                      ORDONNANCE

Par conséquent, j'annule la décision de la SPR et je renvoie l'affaire à une formation différente pour réexamen.

« Douglas R. Campbell »

                                                                                                     Juge                     

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-1716-04

INTITULÉ :                                                    GERIES ZAKI EL MOUSSA, WAKIM NIHAY

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                              LE 7 FÉVRIER 2005

DATE DE L'AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO).

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 10 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS:                        

Waikwa Wanyoike                                            POUR LES DEMANDEURS

Stephen Jarvis                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                                                                                                                                           

Waikwa Wanyoike

Toronto (Ontario)                                              POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR

             

                                                   

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