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Date : 20040707

Dossier : IMM-7227-03

Référence : 2004 CF 965

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MICHAEL KELEN                                    

ENTRE :

                                                 HOSSEIN MIRZAEI GHARKHANI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rendue le 29 août 2003. La Commission a décidé que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. La Commission a jugé que le demandeur n'était pas crédible tant en ce qui avait trait à la persécution dont il disait être victime en Iran au motif de son homosexualité qu'en ce qui avait trait à son orientation sexuelle. Il a été prouvé que l'Iran persécute les homosexuels. Si la Commission avait cru que le demandeur était homosexuel, elle aurait conclu qu'il était une personne à protéger contre les sanctions de la loi iranienne contre les homosexuels, qui comprennent l'emprisonnement, la flagellation et même la lapidation à mort.

LES FAITS

[2]                Hossein Mirzaei Gharkhani (le demandeur) est citoyen de l'Iran. Il allègue craindre avec raison d'être persécuté par le gouvernement au motif de son appartenance à un groupe social, les homosexuels. Il affirme également être une personne à protéger parce qu'il serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités en Iran. La demande d'asile du demandeur découle du fait qu'il a été arrêté par les autorités iraniennes à deux reprises pour relations sexuelles homosexuelles.

[3]                Le premier incident est survenu en 2000 alors que le demandeur participait à une fête où il a eu une relation sexuelle avec un autre homme. Dix ou douze agents du Sepah Pasdaran ont fait irruption et ont arrêté le demandeur et plusieurs des autres hommes. Le demandeur a été emmené au poste de police et détenu pendant deux jours. Un tribunal islamique l'a condamné à trois mois d'emprisonnement et à 45 coups de fouet. Cependant, il a obtenu un sursis à l'exécution de sa sentence parce que ses parents se sont engagés à le rééduquer.

[4]                La deuxième fois, trois membres du Komite ont surpris le demandeur qui avait une relation sexuelle avec un homme dans le parc Mellat, à Téhéran, en février 2002, et l'ont emmené au poste de police. Après deux heures, il a été libéré grâce à l'intervention d'un ami proche qui était un membre influent du Komite. À la suite de cet incident, le demandeur s'est enfui chez son oncle à l'extérieur de Téhéran où il est resté caché jusqu'au 10 juillet 2002. Son oncle a alors pris des arrangements pour le faire sortir d'Iran et arriver au Canada. Le demandeur est arrivé au Canada le 6 septembre 2002 et a demandé l'asile le jour même.

[5]                La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'il ne craignait pas avec raison d'être persécuté pour l'un des motifs reconnus par la Convention. La Commission a aussi conclu que le demandeur n'était pas une personne à protéger parce que son renvoi en Iran ne l'exposerait pas personnellement à une menace à sa vie ou au risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités et qu'il n'y avait aucune raison de croire que son renvoi en Iran l'exposerait personnellement à un risque de torture.

[6]                La Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible en raison des incohérences, omissions et invraisemblances qu'elle a relevées dans son témoignage :


(1)        Selon les notes d'entrevue avec Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), le premier incident se serait produit entre la mi-janvier et la fin janvier 2001 à la résidence du demandeur où il se trouvait avec son partenaire de longue date Mehdi Asadi. Ces notes disent aussi qu'il a été détenu pendant trois jours et qu'il a été libéré après avoir signé une déclaration qu'il n'aurait plus de relations sexuelles homosexuelles. Cependant, le demandeur a par la suite écrit dans son Formulaire sur les renseignements personnels (FRP) et affirmé dans son témoignage que l'incident était survenu au printemps 2002 à une fête privée où il avait eu une relation sexuelle avec un homme appelé Behzad. Le demandeur a aussi affirmé qu'il avait été détenu pendant deux jours, puis libéré à la suite d'une ordonnance d'un tribunal. En outre, même si le demandeur avait écrit dans son FRP que ses parents étaient présents avec lui dans la salle du tribunal, il a par la suite affirmé qu'ils n'y étaient pas. Quand on lui a demandé d'expliquer ces incohérences, il s'est montré incapable de fournir des explications crédibles;

(2)                Le demandeur a témoigné que des agents de police l'avaient battu au point qu'il en avait presque perdu conscience et qu'ils lui avaient passé les menottes quand ils l'avaient arrêté dans le parc Mellat. Le demandeur a affirmé que ce fut la seule fois qu'il fut battu par les autorités. Pourtant, cet incident n'a pas été mentionné dans son FRP. La Commission a conclu que si le demandeur avait subi une telle agression, il en aurait fait mention dans son FRP;

(3)        Selon le FRP du demandeur, à plusieurs reprises, les autorités se sont rendues chez ses parents à sa recherche, mais ses parents ne savaient pas où il se trouvait. Pourtant, le demandeur a ultérieurement témoigné que sa mère l'avait souvent appelé et même l'avait visité quelques fois. La Commission a rejeté l'explication du demandeur selon laquelle il voulait dire que c'était son père qui ne savait pas où il se trouvait;

(4)        Le demandeur n'a pas mentionné à CIC ou dans son FRP qu'il avait utilisé un faux passeport pour sortir d'Iran. La Commission a rejeté l'explication donnée par le demandeur selon laquelle il n'en avait pas fait mention parce qu'on ne lui avait pas posé de question à ce sujet;


(5)        Il est peu vraisemblable que les autorités iraniennes, qui apparemment avaient été à sa recherche pendant plus de cinq mois et qui s'étaient rendues chez ses parents à de nombreuses reprises n'aient pas été capables de suivre sa trace jusque chez son oncle;

(6)        Il appartenait au demandeur de prouver qu'il est homosexuel. La Commission a noté que personne n'avait témoigné sur l'orientation sexuelle du demandeur et qu'il semblait ignorer que le parc Daneshju au coeur de Téhéran était un lieu de rencontres homosexuelles. Cette méconnaissance des lieux fait surgir un doute sur son orientation sexuelle de même que sur sa prétention d'avoir vécu à Téhéran.

LA QUESTION EN LITIGE

[7]                La question en litige en l'espèce est de savoir si la conclusion que la Commission a tirée sur la crédibilité est manifestement déraisonnable.

ANALYSE


[8]                Le demandeur soutient que la conclusion que la Commission a tirée sur la crédibilité est manifestement déraisonnable parce que les incohérences qu'elle invoque proviennent d'une interprétation fautive de la preuve. Par conséquent, le demandeur soutient que la Commission a fait des inférences injustifiées à partir de ses déclarations. Selon le demandeur, les explications qu'il a fournies dissipaient les incohérences relevées par la Commission. De plus, le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en exigeant la preuve de son orientation sexuelle, parce que l'absence d'une corroboration ne peut pas être utilisée pour miner la crédibilité d'un témoignage qui n'a pas été contredit. En outre, le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur en choisissant de croire la preuve documentaire relative à la notoriété du parc Daneshju plutôt que son propre témoignage donné sous serment. Enfin, le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en faisant planer un doute sur son affirmation selon laquelle il vivait à Téhéran, parce que, tout au long de son témoignage, il avait montré qu'il connaissait bien cette ville.

[9]                Le défendeur soutient pour sa part que la Commission n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire dans son évaluation de la crédibilité du demandeur. Il allègue que, en l'espèce, la Commission a étayé sa conclusion défavorable quant à la crédibilité sur les contradictions qu'elle a relevées dans l'ensemble de la preuve. Qui plus est, le défendeur souligne que la Commission a donné au demandeur l'occasion de corriger les problèmes de sa preuve, mais qu'elle n'a pas été satisfaite des réponses qu'elle a reçues du demandeur. Finalement, le défendeur soutient que l'appréciation de la preuve est justement la fonction de la Commission et qu'il lui était loisible d'accepter ou de rejeter les explications du demandeur.


[10]            Après avoir examiné les motifs détaillés de la Commission et le dossier certifié, je suis incapable d'accepter les prétentions du demandeur. La norme de contrôle qui s'applique aux conclusions de fait tirées par la Commission et à son évaluation de la crédibilité d'un demandeur est la décision manifestement déraisonnable. Dans un contrôle judiciaire effectué au regard de cette norme, la Cour ne substituera pas sa propre opinion à celle de la Commission à moins que cette opinion ne soit clairement erronée. Voir Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), De (Da) Li Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.). En l'espèce, la Commission a relevé un nombre important d'incohérences et d'invraisemblances et je ne crois pas que ses conclusions soient manifestement déraisonnables vu la preuve qui lui avait été présentée.

[11]            Il est loisible à la Commission de tirer une conclusion défavorable en matière de crédibilité en se fondant sur des incohérences et des omissions qu'elle relève dans la preuve d'un demandeur. J'ai examiné les observations du demandeur sur les inférences de la Commission et je conclus que, pour accepter ces observations, il faudrait que la Cour fasse une nouvelle évaluation de la preuve et substitue son opinion à celle de la Commission. Lors du contrôle judiciaire, la Cour n'a pas cette fonction.


[12]            L'observation du demandeur selon laquelle la Commission a commis une erreur en exigeant la preuve de son orientation sexuelle est sans fondement. Il est important de noter que la crédibilité du demandeur n'allait pas de soi. Au contraire, la Commission a sérieusement mis en doute toutes les allégations du demandeur. Qui plus est, l'observation selon laquelle la Commission a commis une erreur en se fiant à la preuve documentaire plutôt qu'au témoignage que le demandeur avait donné sous serment quant à la notoriété du parc Daneshju est également sans fondement. Comme la Cour d'appel fédérale l'a dit dans Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244 (C.A.F.), la perception qu'un tribunal peut avoir qu'un demandeur n'est pas crédible en ce qui a trait à un élément central de sa revendication du statut de réfugié peut aboutir à la conclusion qu'il n'y a aucun élément de preuve crédible au soutien de la revendication. En outre, la Commission peut rejeter un élément de preuve non contredit s'il n'est pas plausible dans le cadre de l'ensemble de l'affaire ou lorsque des incohérences sont relevées dans la preuve. Voir Monteiro c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 1720 (C.F. 1re inst.), le juge Martineau, au paragraphe 15; Akinlolu c. Canada (M.E.I.), [1997] A.C.F. no 296 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay, au paragraphe 13.

[13]            Vu que, en l'espèce, j'ai conclu que la Commission n'a pas commis d'erreur dans sa conclusion, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[14]            Vu que ni l'un ni l'autre avocat n'ont demandé la certification d'une question, aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                    « Michael A. Kelen »                                                                                                      _______________________________

              Juge       

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                            IMM-7227-03

INTITULÉ:                           HOSSEIN MIRZAEI GHARKHANI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IIMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE : LE 30 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :           LE JUGE KELEN

COMPARUTIONS:

ANTYA SCHRACK                                        POUR LE DEMANDEUR

PETER BELL                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Antya Schrack                                                POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Procureur général du Canada          

Vancouver (C.-B.)


                         COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040707

                                            Dossier : IMM-7227-03

ENTRE :

HOSSEIN MIRZAEI GHARKHANI

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                   

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