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                                                                                                                         Dossier : T-743-02

                                                                                              Référence neutre : 2003 CFPI 585

ENTRE :

                                               JEANNE ELIZABETH SARSON

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

Je requiers que la version révisée ci-jointe de la transcription des motifs de jugement que j'ai rendus oralement à l'audience à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 2 avril 2003 soit déposée en vue de satisfaire aux dispositions de l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                                                                                                   « Carolyn A. Layden-Stevenson »             

                                                                                                        Juge

Ottawa (Ontario)

Le 12 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                                                                                         Dossier : T-743-02

                                                                                              Référence neutre : 2003 CFPI 585

ENTRE :

                                               JEANNE ELIZABETH SARSON

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                                                                                                                                                            

M O T I F S    D U    J U G E M E N T

                                                                                               

AUDIENCE TENUE EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

LIEU DE L'AUDIENCE :                         Salle d'audience no 5, Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le mercredi 2 avril 2003

AVOCATS:

Mme Jeanne E. Sarson                                    AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

M. John J. Ashley                                           AVOCAT DU DÉFENDEUR

MOTIFS RECUEILLIS PAR :

Drake Recording Services Limited

1592, rue Oxford

Halifax (Nouvelle-Écosse)

B3H 3Z4

Par : Trish Egan, Commissaire à l'assermentation


T A B L E    D E S    M A T I È R E S

No de page

JUGE LAYDEN-STEVENSON (oralement)                                                                          3   


Le mercredi 2 avril 2003, à 9 h 32

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON (Oralement) : Je m'excuse. Il m'a fallu plus de temps que je le croyais.

La demanderesse, Jeanne E. Sarson, demande le contrôle judiciaire de la décision du ministre du Revenu national, telle qu'elle a été prise par le représentant ministériel, le directeur des services fiscaux, bureau de Halifax, Agence des douanes et du revenu du Canada, que j'appellerai l'ADRC.

La décision se rapporte à l'article 223.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, communément appelé la disposition d'équité.

La demande de contrôle judiciaire se rapporte aux intérêts applicables aux déclarations de revenu de la demanderesse pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998 et 1999. Les frais d'intérêt découlent d'avis de nouvelle cotisation délivrés par le ministre le 8 juin 2000 pour les années d'imposition 1995 à 1999.

L'avis de nouvelle cotisation a été délivré à la suite d'une vérification effectuée par l'ADRC. Au cours de la vérification, il a été découvert que la demanderesse avait erronément déduit ce que j'appellerai une « créance irrécouvrable » dans ses déclarations de revenu.

À la suite de la réception de la nouvelle cotisation, Mme Sarson, par une lettre en date du 19 juin 2001, a demandé qu'il soit renoncé aux intérêts et aux pénalités.

Dans sa lettre, la demanderesse a expliqué qu'elle avait joint à sa déclaration de revenu, le 25 avril 1996, une lettre dans laquelle elle informait l'ADRC qu'elle déduisait une créance irrécouvrable pour l'année d'imposition 1995.


Étant donné que l'ADRC n'avait pas répondu à cette lettre, la demanderesse, qui n'avait pas reçu d'avis contraire, a supposé que son approche était correcte et elle a continué à employer cette approche pour les années d'imposition 1996 à 1999.

La première demande de renonciation aux intérêts et aux pénalités a été examinée et refusée par le directeur adjoint, Division de la validation et de l'exécution, dans une lettre en date du 28 janvier 2002. Cette lettre contenait la déclaration suivante :

[TRADUCTION] Notre examen montre que votre lettre du 25 avril 1996 ne contenait pas de renseignements à la suite desquels l'Agence n'a pas pris de mesures et que cela ne changeait rien à la responsabilité qui vous incombe de veiller à ce qu'une créance irrécouvrable soit déclarée correctement.

Par une lettre en date du 17 février 2002, la demanderesse a demandé au directeur des services fiscaux d'examiner la demande d'annulation des intérêts et de renonciation aux pénalités.

Le 4 avril 2002, un comité composé d'un conseiller technique en matière d'impôt sur le revenu et d'un conseiller technique en matière de taxe d'accise a recommandé qu'il soit refusé d'accorder une renonciation ou une annulation pour le motif que la nouvelle cotisation de la demanderesse était fondée sur une erreur comptable de la part de celle-ci.

Le revenu se rapportait à des créances irrécouvrables de la demanderesse, lesquelles n'avaient jamais été incluses dans le revenu de cette dernière.


Le directeur a examiné le dossier et a décidé de ne pas faire droit à la demande de renonciation et d'annulation pour le motif que l'ADRC n'avait commis aucune erreur ou qu'il n'y avait pas de circonstances indépendantes de la volonté de la demanderesse qui influeraient sur la capacité de cette dernière de produire correctement sa déclaration de revenu.

La nouvelle cotisation était fondée sur une erreur comptable relative à la créance irrécouvrable, qui n'avait jamais été incluse dans le revenu. La lettre du 25 novembre 1996 de la demanderesse n'indiquait pas le traitement comptable de la créance irrécouvrable. Son traitement et les rajustements nécessaires ont été découverts dans le cadre de la vérification.

Le directeur a annulé la pénalité pour production tardive à cause des circonstances difficiles dont la demanderesse avait fait mention dans sa demande.

Le 5 avril 2002, le directeur a écrit à la demanderesse pour l'informer qu'il avait décidé de ne pas renoncer aux intérêts, mais que les pénalités pour production tardive seraient annulées. La demande de contrôle judiciaire résulte de cette décision. Les parties pertinentes de la décision du représentant ministériel sont ainsi libellées :

[TRADUCTION J'ai noté les remarques que vous avez faites au sujet des intérêts et de la pénalité pour production tardive et j'ai minutieusement tenu compte des faits de l'affaire et de vos arguments tels qu'ils se rapportent à la législation applicable. Mon examen ne révèle rien qui indique une erreur de notre part ou des circonstances indépendantes de votre volonté qui auraient influé sur votre capacité de produire correctement votre déclaration de revenu. En outre, votre nouvelle cotisation était fondée sur une erreur comptable relative à une créance irrécouvrable qui n'avait jamais été incluse dans le revenu. Il existe un principe voulant qu'une créance irrécouvrable doive d'abord être incluse dans le revenu avant de pouvoir en être déduite. Le régime fiscal canadien est fondé sur l'autocotisation; tout particulier imposable est légalement tenu de déterminer les impôts payables pour l'année. Après un traitement initial et la correction d'erreurs évidentes figurant dans la déclaration, il se peut que l'on choisisse la déclaration pour procéder à une vérification, cette vérification étant alors assujettie à un examen détaillé. Lorsque votre déclaration de revenu pour l'année 1996 a été produite, vous avez joint une lettre dans laquelle vous exposiez votre situation et les services que vous fournissez. Dans votre lettre, vous nous remerciez de bien avoir voulu vous écouter et il a donc été considéré qu'aucune réponse n'était nécessaire. Toutefois, cette lettre n'indiquait pas le traitement comptable de la créance irrécouvrable, à savoir si la créance irrécouvrable avait antérieurement été incluse dans le revenu. Les circonstances du traitement comptable de la créance irrécouvrable et les rajustements nécessaires n'ont été découverts qu'au cours de notre vérification. Par suite de l'examen des circonstances qui existent dans votre cas, j'ai conclu que la pénalité pour production tardive devait être annulée, mais que les frais d'intérêt devaient néanmoins être payés.


L'argumentation de la demanderesse est en bonne partie fondée sur le contenu de la lettre qu'elle a envoyée à l'ADRC le 25 avril 1996. J'ai donc minutieusement examiné cette lettre, dans laquelle la demanderesse décrit les activités de « Flight Into Freedom » , un projet qu'elle a entrepris en 1993 en vue de venir en aide aux victimes de violence et de mauvais traitements rituels.

La lettre est passablement longue, mais elle fait état des activités de l'organisation ainsi que des difficultés auxquelles l'organisation fait face sur le plan social plutôt que financier. La seule mention précise d'une créance irrécouvrable figure aux premier et dernier paragraphes, qui se lisent comme suit :

[TRADUCTION] J'inclus la présente lettre pour expliquer brièvement la décision qui a été prise de déduire une créance irrécouvrable cette année. J'ai décidé de le faire à la suite d'une émission télévisée dans laquelle on disait au public qu'il était bon d'envoyer une lettre pour expliquer les changements survenus en ce qui concerne les déclarations de revenu personnelles d'une personne étant donné que cela éclaircissait les nouvelles situations.

Le dernier paragraphe se lit comme suit :

[TRADUCTION] Je commencerai cette année à travailler les trois quarts du temps, ce qui entraînera une réduction de ma rémunération; des projets ont été formés avec les victimes en vue d'écrire un livre. Cela étant, il a été décidé de déduire une créance irrécouvrable étant donné que l'on s'attend à ce que la publication du livre et la croissance future rapportent de l'argent à « Flight Into Freedom » .

La demanderesse avait sans aucun doute l'intention d'être précise en ce qui concerne ses motifs mais, à mon avis, la lettre ne renfermait pas de renseignements qui auraient permis à l'ADRC de conclure que la déclaration de revenu avait été produite incorrectement.

Il ne m'est pas loisible de tenir compte d'éléments de preuve qui ne figurent pas au dossier. La Cour ne possède pas de pouvoirs illimités dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

En l'espèce, la portée du contrôle judiciaire est limitée à l'examen de la question de savoir si le représentant ministériel a exercé son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de considérations pertinentes et en omettant de tenir compte de facteur étrangers. En l'absence d'une erreur susceptible de révision, il n'est pas loisible à la Cour de substituer son avis à celui du ministre.


La norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable. Voir Cheng c. Sa Majesté la Reine, [2001] D.T.C. 5575 (C.F. 1re inst.) et Sharma c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), [2001] D.T.C. 5360 (C.F. 1re inst.).

Les plaidoiries de la demanderesse sont longues et, en bonne partie, composées de déclarations indiquant la frustration qu'elle a éprouvée par suite de démêlés qu'elle a eus avec l'ADRC, plutôt que d'arguments de nature juridique.

Sur le plan juridique, la demanderesse invoque deux arguments primordiaux : en premier lieu, le défendeur n'a pas observé les règles d'équité procédurale et de justice naturelle et, en second lieu, la décision était fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans qu'il soit tenu compte des éléments de preuve.

Je résumerai les prétentions de la demanderesse comme suit : pour ce qui est de la justice naturelle, la demanderesse soutient qu'il faut appliquer la législation d'une façon juste, impartiale, raisonnable, uniforme et transparente. La demanderesse affirme qu'on n'a pas appliqué la législation de cette façon puisque le représentant du ministre n'a pas suivi les lignes directrices énoncées dans la Circulaire IC-92-2 en ce qui concerne l'annulation des intérêts et pénalités et la renonciation aux intérêts et aux pénalités. De plus, l'obligation d'équité exige une qualité de traitement qui a ici été compromise. La demanderesse affirme que cela constitue un abus de pouvoir. Elle allègue que l'équité procédurale n'a pas été respectée puisqu'il n'a pas été tenu compte de sa lettre. Elle soutient qu'étant donné que l'ADRC ne s'est pas occupée de sa lettre et n'a pas corrigé l'avis de cotisation, un effet de boule de neige a été créé, d'où les frais d'intérêt maintenant exigés.


Quant à l'allégation selon laquelle la décision a été prise de façon abusive ou arbitraire sans qu'il soit tenu compte des éléments dont l'ADRC disposait -- je résumerai encore une fois les arguments de la demanderesse -- il est allégué qu'il était déraisonnable pour l'ADRC de ne pas tenir compte du fait qu'elle avait envoyé la lettre du 25 avril 1996 en rendant sa décision. L'inaction de l'ADRC consiste à avoir omis d'établir son impôt à la lumière de cette preuve.

La demanderesse affirme également que le fait que l'ADRC n'a pas lu sa lettre ou qu'elle l'a lue, mais n'en a pas tenu compte était une erreur et qu'il était donc déraisonnable de refuser sa demande pour le motif qu'aucune erreur n'avait été commise.

La demanderesse soutient que les faits suivants, qui sont énumérés dans les lignes directrices relatives à l'équité, auraient dû donner lieu à une décision en sa faveur : les retards de traitement, ce qui a eu pour effet qu'elle n'a pas été informée dans un délai raisonnable de l'existence d'une somme en souffrance; des erreurs de traitement par suite desquelles elle n'était pas au courant de certaines obligations et des conséquences fiscales qu'elle n'avait pas voulues puisqu'elle avait pris des mesures raisonnables pour observer la loi.

J'ai déjà conclu que la lettre ne contenait pas de renseignements permettant à l'ADRC de conclure que l'impôt sur le revenu avait été déclaré d'une façon incorrecte. Étant donné le degré élevé de retenue dont il faut faire preuve à l'égard du ministre, je ne puis conclure que le défendeur a commis une erreur au sujet de l'examen de la lettre du mois d'avril 1996 de la demanderesse.

La demanderesse invoque également les difficultés auxquelles elle faisait face sur le plan professionnel. Elle affirme que le défendeur n'a pas tenu compte de ces circonstances.


Il est exact qu'un trouble émotif ou mental sérieux est un facteur mentionné dans les Lignes directrices relatives à l'équité comme exemple de cas dans lequel il peut être justifié de renoncer aux intérêts parce qu'il s'agit d'une circonstance indépendante de la volonté du contribuable. Toutefois, il incombe au ministre de se prononcer sur la question.

En l'espèce, il est clair que le directeur a tenu compte de toutes les raisons données par la demanderesse à l'appui de sa demande. Dans son affidavit, le représentant ministériel déclare avoir tenu compte des facteurs suivants en décidant de ne pas annuler les intérêts : a) la demande faite par la demanderesse et les raisons y afférentes; b) le fait que la demanderesse avait produit ses déclarations de revenu à temps; c) le fait que l'ADRC n'avait commis aucune erreur; d) le fait qu'il n'y avait pas de circonstances indépendantes de la volonté de la demanderesse qui auraient influé sur sa capacité de produire correctement sa déclaration de revenu; e) le fait que la nouvelle cotisation était fondée sur une erreur comptable relative à une créance irrécouvrable qui n'avait jamais été incluse dans le revenu; f) le fait que la lettre du 25 avril 1996 de la demanderesse n'indiquait pas le traitement comptable de la créance irrécouvrable; le traitement de la créance irrécouvrable et les rajustements nécessaires ont été découverts au cours de la vérification, en 2001, et g) le fait qu'il n'avait pas été satisfait aux lignes directrices établies dans la Circulaire d'information 92-2 eu égard aux circonstances. J'ai examiné le dossier au complet et je conclus qu'il était loisible au directeur de prendre la décision à laquelle il est arrivé selon la norme de la décision manifestement déraisonnable et que mon intervention n'est pas justifiée. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée, mais eu égard aux circonstances, sans qu'aucuns dépens soient adjugés.

Madame, je vais signer aujourd'hui une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire sans que des dépens soient adjugés. Le sténographe transcrira mon jugement oral d'ici une semaine ou deux; une fois la transcription prête, je déposerai au bureau du greffe la transcription, qui constituera les motifs de jugement, et une copie de ces motifs vous sera transmise lorsqu'ils seront...


Mme SARSON : Ils les envoient par la poste, n'est-ce pas?

LE JUGE : Pardon?

Mme SARSON : Les envoient-ils par la poste ou dois-je venir les chercher?

LE GREFFIER : Nous les envoyons par la poste.

Mme SARSON : Ils les envoient par la poste?

LE JUGE : Ils les envoient par la poste.

LE GREFFIER : Cette séance spéciale de la Cour fédérale du Canada est maintenant close. Ordonnance.

(FIN DE L'AUDIENCE)


CERTIFICAT DU STÉNOGRAPHE

Je, Patricia Cantle, sténographe, certifie par les présentes que j'ai transcrit ce qui précède et qu'il s'agit d'une transcription fidèle et exacte de la preuve qui a été soumise dans l'affaire JEANNE ELIZABETH SARSON (la demanderesse) et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL (le défendeur), laquelle a été enregistrée sous forme électronique conformément à l'article 15 de la Court Reporters Act.

                               Patricia Cantle                          

      Sténographe agréée

Le mercredi 9 avril 2003

Halifax (Nouvelle-Écosse)


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               T-743-02

INTITULÉ :                                                              Jeanne Elizabeth Sarson

c.

Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    Le 2 avril 2003

TRANSCRIPTION DES MOTIFS DE :            Madame le juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :                                            Le 12 mai 2003

COMPARUTIONS:

Mme Jeanne Elizabeth Sarson                                     POUR LA DEMANDERESSE

M. John Ashley                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

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