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Date : 20011127

Dossier : IMM-914-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1298

ENTRE :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                                                          FAN GAO

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire introduite par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en application du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi), à l'encontre de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 22 janvier 2001 statuant que la défenderesse, Mme Fan Gao, était une réfugiée au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]                 La défenderesse est une citoyenne chinoise de la province de T'ien-Tsin qui est arrivée la première fois au Canada le 23 septembre 1996 pour poursuivre ses études.

[3]                 Quand la défenderesse est arrivée au Canada, elle était mariée à un citoyen chinois, de qui elle a divorcé plus tard en février 2000.

[4]                 En octobre 1999, la défenderesse a commencé une relation avec un homme marié qui était un citoyen canadien venu du Vietnam et d'origine chinoise.

[5]                 Au printemps 1998, la défenderesse a découvert qu'elle était enceinte. Elle a subi un avortement en juin 1998.

[6]                 En octobre 1999, la défenderesse est retournée en Chine pour un mois environ pour clore les procédures du divorce d'avec son mari et rendre visite à sa mère de santé fragile.

[7]                 En novembre 1999, la défenderesse a découvert qu'elle était de nouveau enceinte.

[8]                 Cependant, en janvier 2000, la défenderesse s'est retrouvée seule et abandonnée par son petit ami canadien.


[9]                 Le 20 juin 2000, la défenderesse a donné naissance à une fille nommée Mélanie, qui a la citoyenneté canadienne.

[10]            Elle a déposé sa revendication du statut de réfugié en avril 2000, au motif qu'elle craignait de retourner en Chine du fait de son appartenance à un groupe social (les femmes) et de sa nationalité.

POINT EN LITIGE

[11]            La Commission a-t-elle commis une erreur en reconnaissant à la défenderesse le statut de réfugié au sens de la Convention?

ANALYSE

La norme de contrôle

[12]            En premier lieu, il est nécessaire de définir la norme de contrôle que la Cour doit suivre concernant la Commission. En règle générale, la norme de contrôle pour les questions de fait, et pour celles de fait et de droit, est la décision manifestement déraisonnable, tandis que pour des questions de droit pur, c'est la décision correcte.

[13]            Dans la décision Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 4 C.F. 269 (C.F. 1re inst.), M. le juge Evans a déclaré :

[par. 45] D'un autre côté, la décision de la section du statut de réfugié relativement à la question de savoir si les faits pertinents remplissent les exigences du critère de Rasaratnam, interprété comme il se doit, constitue une question mixte de droit et de fait, et n'est susceptible de contrôle judiciaire que si elle est déraisonnable.

[14]            Plus tard, dans Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (C.F. 1re inst.), M. le juge Pelletier a précisé que :

[par. 5] La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer aux décisions de la SSR est, de façon générale, celle de la décision manifestement déraisonnable, sauf pour ce qui est des questions portant sur l'interprétation d'une loi, auquel cas la norme qu'il convient d'appliquer est celle de la décision correcte. Sivasamboo c. Canada [1995] 1 C.F. 741 (1re inst.), (1994) 87 F.T.R. 46, Pushpanathan c. Canada [1998] 1 R.C.S. 982, (1998) 160 D.L.R. (4th) 193.

[15]            Dans cette affaire, les questions soulevées par le demandeur se rapportent aux faits. En conséquence, la norme de contrôle à suivre est la décision manifestement déraisonnable.

[16]            J'ai soigneusement examiné la décision de la Commission; la Commission a décidé que :

[TRADUCTION] Le tribunal a considéré l'ensemble du témoignage et de la preuve documentaire présentés dans cette affaire et une décision de vive voix sera maintenant prononcée.

[17]            Après cette déclaration générale, il y a un court paragraphe intitulé « Introduction » et un paragraphe intitulé « Faits » .

[18]            Suivent deux paragraphes intitulés « Analyse » , qui renferment des extraits du témoignage de la revendicatrice et une conclusion claire que la revendicatrice est crédible.


[19]            Malheureusement, il n'existe pas une seule ligne de vraie analyse ou bien une simple phrase expliquant comment le témoignage oral ou la preuve documentaire caractérisent une persécution.

[20]            Il y a une absence d'appréciation de la preuve.

[21]            Il incombe à la Commission de donner les motifs qui l'ont amenée à conclure que la revendicatrice a le statut de réfugié.

[22]            La Commission a relevé différents faits pertinents quant à la décision de reconnaître le statut de réfugié de la revendicatrice.

[23]            Toutefois, la Commission n'a pas clairement exposé ce qui pourrait arriver à la revendicatrice si elle retournait en Chine.

[24]            La Commission a mentionné certains éléments qui faisaient ressortir qu'elle s'était mise dans une situation interdite en donnant naissance à un enfant hors mariage.

[25]            Les deux parties s'appuient sur le [Traduction] Règlement de planification des naissances de T'ien-Tsinqui énonce à l'article 24 :


[TRADUCTION] La femme qui donne naissance à un enfant hors mariage ainsi que l'homme responsable de cette naissance seront punis par leur unité, pays, ville, gouvernement et bureau de voisinage.

[26]            La Commission n'a pas dit quel genre de punition ou de sanction correspondrait éventuellement à de la persécution.

[27]            Le refus d'un logement et de l'accès à l'éducation ainsi que la négation du droit au travail et de gagner sa vie sont au nombre des sanctions possibles.

[28]            La revendicatrice a signalé dans son témoignage (Dossier du tribunal, p. 308) que les autorités gouvernementales pourraient refuser de lui donner une carte d'identité, sans laquelle elle ne peut pas avoir accès à l'éducation, elle ne peut pas travailler ou recevoir des soins médicaux, etc.

[29]            Étant donné l'importance des conséquences qui pourraient nuire à l'avenir de la revendicatrice, on pourrait s'attendre à ce que la Commission fournisse des motifs pertinents relativement à sa décision; cela n'a pas été le cas.

[30]            Le demandeur a convaincu la Cour qu'elle devait intervenir.


                                           ORDONNANCE

EN CONSÉQUENCE, LA COUR ORDONNE QUE :

-           La demande soit accueillie;

-           La décision de la Commission rendue le 22 janvier 2001 soit annulée et que l'affaire soit renvoyée devant un tribunal constitué différemment pour un nouvel examen.

[31]            Aucune question à certifier n'a été proposée par l'avocat de l'une ou l'autre partie.

Pierre Blais                                          

Juge                 

OTTAWA (ONTARIO)

Le 27 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  IMM-914-01

INTITULÉ :                                           MCI

c.

FAN GAO

LIEU DE L'AUDIENCE :                   MONTRÉAL (OTTAWA)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 13 NOVEMBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                      Le 27 NOVEMBRE 2001

COMPARUTIONS :

Me DANIEL LATULIPPE                                                            POUR LE DEMANDEUR

Me MICHAEL DOREY                                                                POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me DANIEL LATULIPPE                                                            POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Me MICHAEL DOREY                                                                POUR LA DÉFENDERESSE

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