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Date : 20030722

Dossier : IMM-1505-02

Référence : 2003 CF 906

Ottawa (Ontario), le mardi 22 juillet 2003

EN PRÉSENCE DE Madame le juge Dawson

ENTRE :

                                                       HOSSAIN FALLAHI

                                                                                                                                 demandeur

                                                                        et

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                   défendeur

                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                Le 28 janvier 2002, un agent des visas de l'ambassade du Canada à Damas (Syrie) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada de M. Fallahi au motif de la non-admissibilité pour des raisons médicales de sa femme, Mme Homa Khatibi, qui est à sa charge. C'est cette décision qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire de M. Fallahi.


[2]                Madame Khatibi a subi une greffe de rein en 1987 et doit par suite prendre régulièrement des médicaments anti-rejet, notamment une dose quotidienne de 200 mg de cyclosporine. La cyclosporine coûte cher. Deux médecins agréés ont conclu que la cyclosporine dont Mme Khatibi a besoin coûterait environ 8 100 $ par an, que ces frais seraient supportés par le gouvernement de l'Ontario (province où M. Fallahi et sa femme avaient l'intention de s'installer) et que le coût annuel des services médicaux et (peut-être) sociaux s'élève au Canada, en moyenne, à environ 3 000 $ par habitant. Se fondant sur ces conclusions, les médecins agréés ont décidé que l'admission de Mme Khatibi au Canada risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services de santé canadiens. En conséquence, l'agent des visas a conclu que Mme Khatibi était non admissible pour des raisons médicales en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (abrogée) [la Loi]. Ce sous-alinéa était ainsi libellé :


19(1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

a) celles qui souffrent d'une maladie ou d'une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut :

[...]

(ii) soit que leur admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;

19(1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

(a) persons, who are suffering from any disease, disorder, disability or other health impairment as a result of the nature, severity or probable duration of which, in the opinion of a medical officer concurred in by at least one other medical officer,

[...]

(ii) their admission would cause or might reasonably be expected to cause excessive demands on health or social services;



[3]                Le ministre admet dans la présente espèce que les deux médecins agréés se sont trompés en concluant que la cyclosporine dont Mme Khatibi aurait besoin coûterait environ 8 100 $ par an. Ce chiffre provient apparemment d'un document intitulé « Rapport sur l'insuffisance et la défaillance rénales » établi par la Division de la politique de la santé, à la Direction générale de la sélection de Citoyenneté et Immigration Canada (le Rapport). Le chiffre de 8 100 $ est fondé sur une dose quotidienne de 400 mg. Or, les éléments communiqués aux médecins agréés portaient que Mme Khatibi n'a besoin que d'une dose quotidienne de 200 mg.

[4]                On soutient au nom du ministre que cette erreur est dénuée d'importance, étant donné que la correction du coût prévu des besoins de Mme Khatibi en cyclosporine en fonction de la dose précise qui lui est prescrite n'aurait pas d'effet sur la décision relative à la demande de résidence permanente. En effet, le chiffre de 4 050 $ (soit 8 100 $ divisés par deux pour tenir compte de la dose effective) dépasserait encore le coût annuel moyen par habitant des services de santé et entraînerait un fardeau excessif. Comme nous le disions ci-dessus, les médecins agréés dans la présente espèce ont conclu que le coût annuel moyen par habitant des services de santé s'élevait à quelque 3 000 $.

[5]                J'ai cependant conclu, pour les motifs exposés ci-dessous, que l'erreur commise par les médecins agréés justifie bel et bien l'intervention de la Cour.


[6]                Premièrement, la jurisprudence porte que la conclusion de non-admissibilité pour des raisons médicales doit être fondée sur une appréciation de la situation particulière et individuelle de la personne en question. Voir par exemple Poste c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 1997, 140 F.T.R. 126 (1re inst.). Dans la présente espèce, le Dr Saint-Germain, le médecin agréé principal de l'ambassade du Canada à Paris qui a contresigné la déclaration médicale et confirmé l'avis médical de non-admissibilité pour des raisons médicales, a signé un affidavit pour contester la demande de contrôle judiciaire. Il y déclare ce qui suit :

[traduction]

5.              Selon la preuve documentaire produite, l'état de Mme Khatibi exigerait l'administration régulière de cyclosporine et d'Imuran comme médicaments anti-rejet. La cyclosporine à elle seule coûte très cher, considérablement plus que les dépenses annuelles moyennes de santé par habitant au Canada. Selon un rapport établi par la Division de la politique de la santé à CIC, la cyclosporine coûterait environ 40 475 $ pour cinq ans.

[7]                Fonder son opinion sur le coût établi dans le Rapport équivaut à ne pas apprécier Mme Khatibi individuellement et à ne pas tenir compte de sa situation et de ses besoins particuliers. À mon sens, on ne peut enlever son importance à ce défaut en se contentant de diviser par deux le coût évalué dans le Rapport.


[8]                Deuxièmement, par fardeau « excessif » pour les services sociaux ou de santé pour l'application du sous-alinéa 19(1)a)(ii), il faut entendre un fardeau « supérieur à la normale, à condition que l'écart avec la normale soit significatif. Pour déterminer ce qui constitue un écart "significatif" dans ce contexte, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce. » Voir Deol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 1 C.A. 301 (C.A.), au paragraphe 30. Je ne suis pas disposée à essayer de deviner ce qu'aurait été le résultat si la considération relative au coût de la cyclosporine avait été fondée sur la bonne dose. Il n'appartient pas à la Cour de décider si, compte tenu de l'ensemble des faits, l'écart avec la normale dans la présente espèce est assez important pour qu'il y ait fardeau excessif. Cependant, il est expressément dit au paragraphe 31 de la décision Deol, précitée, que lorsque la question qui se pose est celle des coûts, le fardeau normal devrait être mesuré en fonction du segment de la population canadienne qui se situe dans le même groupe d'âge que la personne qui demande l'admission au Canada. C'est là un point de comparaison différent du coût annuel moyen par habitant qu'invoque le ministre lorsqu'il soutient que l'erreur est dénuée d'importance.

[9]                Ayant conclu au caractère substantiel de l'erreur des médecins agréés, je dois renvoyer l'affaire pour un nouvel examen.

[10]            Les avocats n'ont pas présenté de question pour la certification, et aucune n'est soulevée par le présent dossier.


ORDONNANCE

[11]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et la décision de l'agent des visas en date du 28 janvier 2002 est annulée.

2.          La demande de résidence permanente est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent des visas et deux autres médecins agréés.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                           Juge                          

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                        COUR FÉDÉRALE

                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-1505-02

INTITULÉ :                            Hossain Fallahi c. Le ministre de la Citoyenneté

et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :      Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :    8 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :           22 juillet 2003            

COMPARUTIONS :

Mira Thow                                POUR LE DEMANDEUR

Nalini Reddy                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Zaifman Associates

Avocats d'immigration

Winnipeg (Manitoba)                 POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général POUR LE DÉFENDEUR

du Canada


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