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     T-1338-97

OTTAWA (ONTARIO), le 23 juin 1997.

EN PRÉSENCE DE : monsieur le juge Lutfy

ENTRE :

     ALLAN DALE EVANS,

     requérant,

     et

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET COMMISSAIRE DE LA

     GENDARMERIE ROYALE DU CANADA,

     intimés.

     O R D O N N A N C E

VU la demande déposée par le requérant le 20 juin 1997 en vue d"obtenir une injonction interlocutoire;

LA COUR ORDONNE :

Que la demande visant à obtenir une injonction interlocutoire soit rejetée.

                         " Allan Lutfy "                          juge

Traduction certifiée conforme                  ____________________

                                 Bernard Olivier, LL.B.

     T-1338-97

ENTRE :

     ALLAN DALE EVANS,

     requérant,

     et

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET COMMISSAIRE DE LA

     GENDARMERIE ROYALE DU CANADA,

     intimés.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

     En novembre 1995, le requérant a déposé deux griefs concernant les résultats d"examens qui l"auraient rendu admissible à un concours en vue d"obtenir une promotion, soit l"avancement au rang de caporal au sein de la Gendarmerie royale du Canada. Ces griefs n"ont toujours pas été réglés.

     Le 11 juin 1997, les candidats qualifiés ont été invités à manifester leur intérêt, avant le 19 juin 1997, à 16 h, pour l"un ou l"autre des six postes de caporal offerts dans diverses régions de Terre-Neuve et du Labrador. Le requérant est présentement gendarme au détachement de la G.R.C. à Clarenville, et il s"intéresse particulièrement au poste de caporal offert dans cette municipalité.

     Le 13 juin 1997, le requérant a demandé que la dotation de ces postes soit retardée, au motif que ses griefs n"avaient pas encore été réglés. Il serait admissible à poser sa candidature à l"un ou l"autre de ces postes seulement si les griefs qu"il a déposés étaient réglés en sa faveur.

     Le 16 juin 1997, en matinée, le requérant a reçu consécutivement deux réponses à sa demande :

     a)      à 8 h 59, il a été avisé de ce qui suit :
         [TRADUCTION] Il ressort de nos dossiers que vous n"êtes pas pleinement admissible à participer au processus de promotion de 2e cycle. En outre, votre nom ne figure pas sur la liste nationale des candidats à une promotion, dressée en fonction des rangs. Seuls les candidats ayant déjà obtenu des résultats d"examen et d"entrevue dirigée figurent sur la liste des candidats à une promotion. Vous a-t-on laissé entendre que vous étiez un candidat pleinement admissible ou que vous figuriez sur la liste nationale dressée en fonction des rangs?         
         J"ignore la nature de vos griefs de même que l"étape où ils en sont rendus. Une fois que vous connaîtrez le résultat du règlement des griefs de même que votre statut, nous traiterons alors de la mesure de redressement qui s"impose.         

         J"espère que vous trouverez ces renseignements utiles.

     b)      à 9 h 17, il a été avisé de ce qui suit :

         [TRADUCTION] Suite à notre conversation téléphonique et au message précédent, nous attendrons le résultat du règlement des griefs déposés à Ottawa et envisagerons alors la mesure de redressement qui s"impose.         

     Le requérant cherche maintenant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision rejetant sa demande visant à faire retarder la dotation des six postes de caporal jusqu"à ce que ses griefs soient réglés.

     Le 20 juin 1997, l"avocat du requérant a déposé une requête visant à obtenir d"urgence une injonction interlocutoire, dont l"audition a eu lieu par conférence téléphonique. Dans sa requête, le requérant demande une ordonnance enjoignant aux intimés de cesser de poursuivre le processus de dotation des six postes de caporal jusqu"au règlement de ses griefs. Je crois comprendre que le requérant serait satisfait si l"injonction visait uniquement le poste de Clarenville. Après les plaidoiries des avocats, je n"étais pas convaincu qu"il convenait de prononcer une injonction. J"ai donc sursis au prononcé du jugement pour examiner davantage la jurisprudence sur laquelle se fondait le requérant.

     Les parties conviennent que pour obtenir l"injonction, le requérant doit établir que sa demande de contrôle judiciaire soulève une question grave, qu"il subira un préjudice irréparable si l"injonction n"est pas prononcée et que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur.

     Il ne me semble pas que le requérant soit même parvenu à remplir le fardeau peu exigeant en matière d"établissement de l"existence d"une question grave. Il prétend que les intimés ont omis de respecter les principes de justice naturelle et d"équité procédurale en décidant de rejeter sa demande visant à faire retarder la dotation des six postes. Le requérant a déposé sa requête le vendredi 13 juin, en après-midi, et il a obtenu une réponse le lundi 16 juin, en début de journée. La réponse a été fournie en temps utile et elle traitait des questions soulevées par le requérant dans ses griefs. Il y a eu une conversation téléphonique au cours de laquelle la question semble avoir été discutée davantage et une deuxième réponse confirmant la décision des intimés a été communiquée. Il me semble que la plainte du requérant porte davantage sur le refus des requérants que sur les procédures et le processus ayant mené à la prise de cette décision.

     Cependant, même s"il existait une question grave, je suis convaincu que le requérant n"a pas établi qu"il subirait un préjudice irréparable. Si l"injonction n"est pas prononcée, le poste de caporal de Clarenville aura été doté avant le règlement des griefs du requérant. Si les griefs du requérant sont réglés en sa faveur, sa famille devra déménager si un poste de caporal s"ouvre dans une autre région. Il s"agit d"une preuve spéculative, qui suppose que les griefs du requérant seront réglés en sa faveur et que ses résultats d"examen seront supérieurs à ceux d"autres personnes ayant posé leur candidature en vue de l"obtention du même poste. Même si ces hypothèses du requérant s"avéraient fondées, toute perte pécuniaire serait réparée par l"octroi de dommages-intérêts. Les autres inconvénients qui résulteraient de l"installation de sa famille dans une autre communauté ne constituent pas un préjudice irréparable. (Voir Kerrutt c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1992), 53 F.T.R. 93, à la page 97.) Il se peut même que ces inconvénients soient inhérents à la recherche de promotions au sein d"organismes comme la G.R.C. qui maintiennent une présence sur un vaste territoire.

     Dans Tkachuk c. Canada (1991), 48 F.T.R. 73, les fonctions d"un caporal de la G.R.C. en civil avaient été mutées à des fonctions en uniforme. Ses supérieurs avaient qualifié ce changement de décision administrative nécessaire et non de décision à caractère punitif ou disciplinaire. Le caporal a cherché à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision et un redressement de la nature d"une injonction interlocutoire. En rejetant la demande d"injonction interlocutoire, le juge MacKay a dit, à la page 76 :

     Pour obtenir une injonction interlocutoire, qui est un recours extraordinaire, une partie requérante doit établir qu"elle subira un préjudice que l"octroi de dommages-intérêts ne permet pas de réparer. Comme je l"ai déjà mentionné, la partie requérante affirme dans son affidavit que la mutation à des fonctions en uniforme [TRADUCTION] " ... est une mutation à caractère punitif qui me mettra dans une situation embarrassante sur le plan professionnel ". Or, la partie requérante ne subira aucune baisse de salaire et n"a pas besoin de déménager.         
     À mon sens, il n"y a pas suffisamment d"éléments de preuve pour souscrire à l"affirmation de la partie requérante voulant que la mutation ait un caractère punitif. De l"avis de la partie requérante, la mutation a un caractère punitif et, dans les circonstances de l"espèce, il se peut qu"elle produise cet effet sur la partie requérante, peu importe qu"elle vise à punir ou qu"elle repose sur des raisons administratives valables. Le surintendant affirme que la deuxième hypothèse est la bonne. Pour ce qui est de l"affirmation selon laquelle la mutation met la partie requérante dans une situation embarrassante sur le plan professionnel, je ne puis admettre qu"une mutation, au sein de la Gendarmerie, à un autre détachement et à de nouvelles fonctions ne comportant aucune baisse de salaire, aussi embarrassante soit-elle pour la partie requérante personnellement, constitue un préjudice irréparable suffisant pour justifier l"octroi d"une injonction interlocutoire. En outre, quel que soit le préjudice causé à la partie requérante par cet embarras, il pourra en définitive être réparé par la disculpation qui pourra s"ensuivre si le grief présenté est accueilli ou si des droits de la partie requérante sont reconnus durant l"instruction de l"action, si elle devait obtenir gain de cause.         

     Dans Tkachuk, précité, la demande d"injonction du requérant a été déposée quelque trois semaines après l"entrée en vigueur des modifications de ses fonctions. En l"espèce, la demande d"injonction ne pouvait être entendue avant la journée suivant laquelle les intimés pouvaient doter les six postes de caporal. Sur cette question, le juge MacKay a dit, à la page 77 :

     La deuxième raison pour laquelle l"injonction interlocutoire demandée devrait être refusée, c"est que la mutation à laquelle s"oppose la partie requérante est chose faite. En effet, cette mutation a pris effet le 15 mai 1991, soit une semaine avant le dépôt de la demande d"injonction. Si ce n"était le rétablissement de la partie requérante après son opération, celle-ci serait en train de remplir ses fonctions au détachement de Burnaby où elle a été mutée. Comme l"a déclaré le juge Walsh pour la présente Cour dans l"arrêt Ministre des transports du Québec c. Procureur général du Canada, [1982] 2 C.F. 17, aux pages 22 et 23:         
         Pour ce qui concerne les demandes d"injonctions interlocutoires, je peux dire tout de suite qu"elles doivent être rejetées étant donné que les mesures qu"elles cherchaient à empêcher, c"est-à-dire l"annulation de certains services et l"exploitation d"autres services à des intervalles moins fréquents, avaient déjà été prises lorsque les demandes ont été entendues et qu"une injonction ne peut être prononcée pour empêcher quelque chose qui a déjà été fait.                 

     Par ces motifs, la demande visant à obtenir une injonction interlocutoire sera rejetée.

                         " Allan Lutfy "                          juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 juin 1997.

Traduction certifiée conforme                  ____________________

                                 Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

    

NO DU GREFFE :              T-1338-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Allen Dale Evans c. Procureur général du Canada et

LIEU DE L"AUDIENCE :          par téléconférence à Ottawa
DATE DE L"AUDIENCE :          le 20 juin 1997

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE LUTFY

EN DATE DU :              23 juin 1997

ONT COMPARU :

Corwin Mills                              POUR LE REQUÉRANT

John Ashley                              POUR LES INTIMÉS

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Mills, Dymond & Hussey                      POUR LE REQUÉRANT

Clarenville (Terre-Neuve)

George Thomson                          POUR LES INTIMÉS

Sous-procureur général du Canada

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