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     Date : 19981105

     Dossier : T-91-98

OTTAWA (Ontario), le 5 novembre 1998.

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Rouleau

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel de la

     décision d'un juge de la citoyenneté,

     ET

     MOHAMMAD ESMAEL RAHIMYAR,

     appelant.

     JUGEMENT

JUGE ROULEAU

[1]      L'appel est accueilli.

" P. Rouleau "

            

                                 JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     Date : 19981105

     Dossier : T-91-98

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel de la

     décision d'un juge de la citoyenneté,

     ET

     MOHAMMAD ESMAEL RAHIMYAR,

     appelant.

     MOTIFS DU JUGEMENT

JUGE ROULEAU

[1]      Le présent appel porte sur la décision, en date du 12 décembre 1997, par laquelle un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté canadienne de M. Rahimyar au motif qu'il ne remplissait pas la condition de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29. Cet alinéa exige que la personne sollicitant la citoyenneté ait, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout. Le juge de la citoyenneté a conclu qu'il manquait à l'appelant, qui n'avait été physiquement présent au Canada que pendant 792 jours, 303 jours des 1095 jours exigés pour remplir la condition de résidence.

[2]      Le juge de la citoyenneté a statué que l'appelant n'avait pas rempli les exigences prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. Le juge de la citoyenneté n'était notamment pas convaincu que l'appelant avait maintenu des attaches suffisantes avec le Canada pendant ces absences pour qu'elles puissent compter comme des périodes de résidence en vertu de la Loi sur la citoyenneté.

[3]      M. Rahimyar a déposé un appel le 12 janvier 1998. Les appels déposés à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté avant l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998) le 25 avril 1998 sont des procès de novo. Nous sommes, par conséquent, autorisés à examiner l'ensemble des éléments de preuve, et notamment les témoignages. (Canada (MCI) c. Chan (1998), A.C.F. no 742, le juge Rothstein.)

[4]      L'appelant est né à Kabul, en Afghanistan, le 18 juin 1969. Il y a fait ses études secondaires. Il est arrivé au Canada le 31 décembre 1990 et il a revendiqué le statut de réfugié. Il était célibataire et sans travail à l'époque. Après trois ou quatre semaines, il s'est installé chez son frère à Richmond (C.-B.). Son frère possédait une entreprise avec un associé et l'appelant a travaillé avec eux pendant près d'un an. L'appelant a alors acheté son propre commerce, une épicerie de dépannage, qu'il a exploité pendant 7 ou 8 mois. M. Rahimyar a obtenu sa résidence permanente le 14 mars 1995.

[5]      Du 1er juin 1995 au 6 novembre 1995 (158 jours), M. Rahimyar a vendu son commerce et a rendu visite à sa famille à Singapour et à Peshawar, au Pakistan. Il est alors retourné en Colombie-Britannique et y est demeuré jusqu'au 7 octobre 1996. Il est alors reparti pour le Pakistan parce que ses parents avaient organisé un mariage pour lui. Il est revenu avec sa femme le 31 mars 1997, après s'être absenté pendant 174 jours. L'appelant n'a pas travaillé, ni cherché de travail pendant qu'il était au Pakistan. Il n'a pas quitté le Canada depuis mars 1997. Depuis, il a trouvé un travail de jour dans une entreprise de cartes de crédit et un travail de soir comme traiteur. L'entreprise de restauration pour laquelle il travaille fournit des repas à différents transporteurs aériens à l'aéroport. En conséquence, l'appelant s'est fait des relations chez Royal Airlines. Ce transporteur a accepté de l'engager s'il obtenait sa citoyenneté canadienne.

[6]      Dans Re Papadogiorgakis (1978), 2 C.F. 208, le juge en chef Thurlow a énoncé le principe selon lequel la présence physique à temps plein au Canada n'est pas une condition essentielle aux fins de la résidence. Une personne ayant son propre foyer établi au Canada ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou pour poursuivre des études. Dans Re Koo (1993), 1 C.F. 286, à la page 293, (C.F. 1re inst.), le juge Reed a passé en revue la jurisprudence portant sur la résidence et a résumé les différentes formulations permettant de décider si un appelant était résident au Canada, malgré son absence physique :

     La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant "vit régulièrement, normalement ou habituellement". Le critère peut être tourné autrement : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence?         

[7]      La Cour peut recourir aux six questions suivantes pour s'aider à tirer une conclusion sur la résidence :

     1.      La personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?
     2.      Où se trouvent la famille proche, les personnes à charge et la famille étendue du revendicateur?
     3.      La forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?
     4.      Quelle est l'étendue des absences physiques du revendicateur (lorsqu'il ne lui manque que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?
     5.      L'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, un emploi, des études ou l'accompagnement d'un conjoint ayant accepté un emploi temporaire à l'étranger)?
     6.      Quelle est la qualité des attaches du revendicateur avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

[8]      L'appelant a vendu son commerce avant de partir pour le Pakistan une première fois. Il n'a pas gardé de maison ni d'appartement pendant qu'il se trouvait à l'étranger. Toutefois, je suis convaincu qu'il a gardé un pied-à-terre au Canada. L'appelant a vécu au Canada pendant cinq ans avant d'aller au Pakistan. Le seul but du voyage était de rendre visite à sa famille, qu'il n'avait pas vue depuis plus de cinq ans. De nouveau, en octobre 1996, il s'est rendu au Pakistan pour visiter sa famille et pour se marier. Ces visites font en sorte qu'il lui manque 303 jours des 1095 jours de présence au Canada exigés.

[9]      Alors qu'il se trouvait à l'étranger, l'appelant a conservé un compte bancaire au Canada. Il a également payé ses impôts et gardé son permis de conduire provincial. Il a entreposé des biens pour la durée de son absence. Depuis son retour, il travaille à temps plein à deux endroits. Sa femme et deux de ses frères habitent également au Canada.

[10]      Je suis convaincu qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve permettant de conclure que l'appelant a maintenu sa résidence et qu'il n'avait pas seulement l'intention de la reprendre. Pour ces motifs, j'accueille l'appel.


" P. Rouleau "

            

                                 JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 5 novembre 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-91-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LOI SUR LA CITOYENNETÉ et

                     MOHAMMAD ESMAEL RAHIMYAR                     

LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 22 octobre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              5 novembre 1998

ONT COMPARU :                 

            

M. Mohammad Esmael Rahimyar                  le demandeur en son propre nom
Mme Julie Fisher                          amicus curiae

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Julie Fisher                          amicus curiae

Vancouver (C.-B.)

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