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Date : 20030327

Dossier : IMM-3000-01

Référence neutre : 2003 CFPI 359

ENTRE :

                                                             ZHONGYAO YANG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision par laquelle une agente des visas du Consulat général du Canada, à New York, aux États-Unis, a refusé, en date du 29 mai 2001, d'accorder au demandeur le statut de résident permanent. L'agente des visas a décidé que le demandeur n'était pas un entrepreneur au sens du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, et ses modifications (le Règlement).

[2]                Le demandeur prie la Cour de lui accorder :

1.          Une ordonnance de la nature d'un bref de certiorari annulant la décision de l'agente des visas qui a refusé sa demande d'immigration.


2.          Une ordonnance de la nature d'un bref de mandamus ou, subsidiairement, une directive enjoignant au défendeur d'approuver son visa d'immigrant ou de défrayer toutes les dépenses raisonnables qu'une autre entrevue l'obligerait à engager.

3.          Une ordonnance de la nature d'un bref de mandamus ou, subsidiairement, une directive enjoignant au défendeur, le cas advenant qu'il doive se présenter à une nouvelle entrevue, d'enregistrer celle-ci ou de permettre à son avocat d'y être présent.

4.          Une ordonnance de la nature d'une déclaration statuant que les agents d'évaluation doivent accorder « pleinement foi et crédibilité » à ceux comme lui :

(i)          qui ont un emploi assuré dans la « profession envisagée » à l'extérieur de leur patrie;        

(ii)         dont le revenu est au moins égal au revenu précisé dans les directives pour le parrainage d'une famille de la taille de la sienne; et

(iii)        qui ont accumulé le montant d'actif nécessaire pour une famille de la taille de la sienne (autrement dit, le défendeur doit reconnaître qu'ils [traduction] « pourront [également] réussir leur installation au Canada » ).

5.          Une ordonnance de la nature d'un bref de mandamus contraignant un agent à faire la révision de bonne foi, conformément au paragraphe 11(3) du Règlement, ou à lui délivrer un visa d'immigrant.

6.          Toute ordonnance favorable que la Cour estime appropriée.

7.          L'adjudication des frais et honoraires juridiques au montant de 6 600 $ plus les frais d'interrogatoire.


Contexte                     

[3]                Le demandeur est un citoyen de la Chine. Le 19 novembre 1999, il a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs autonomes et a inscrit son épouse et ses deux enfants qui demeurent en Chine comme personnes à charge. Le demandeur a l'intention d'ouvrir un restaurant de cuisine-minute chinoise dans une aire de restauration.

[4]                Le demandeur s'est présenté à une entrevue personnelle au Consulat général du Canada, à New York, le 24 mai 2001. Un interprète était présent à cette entrevue.

[5]                La décision de l'agente des visas lui a été communiquée par lettre datée du 29 mai 2001. L'agente des visas a évalué le demandeur comme propriétaire de restaurant dans la catégorie des entrepreneurs.

[6]                Dans sa décision, l'agente des visas a écrit ce qui suit :

[traduction]

[¼]

J'ai maintenant terminé l'évaluation de votre demande et j'ai établi que vous n'avez pas les qualités requises pour immigrer au Canada en tant qu'entrepreneur. Vous avez mentionné à l'entrevue que vous engageriez du personnel et que vous n'alliez pas travailler tout seul. Vous avez confirmé que vous vouliez seulement être évalué comme entrepreneur.

[¼]


Vous ne répondez pas à la définition d'un entrepreneur. Comme je vous en ai fait part à l'entrevue, je ne suis pas convaincue que vous avez la compétence nécessaire pour acheter et établir un restaurant au Canada.

[¼]

Vous ne répondez pas aux exigences de la Loi et de son règlement, comme je l'ai indiqué précédemment, et votre demande est par conséquent refusée.

Questions en litige

[7]                1.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur donnant matière à révision en refusant la demande après avoir conclu que le demandeur était susceptible de subvenir à ses besoins au Canada?

2.          L'agente des visas a-t-elle à tort limiter l'exercice de son pouvoir?

3.          L'agente des visas a-t-elle omis d'évaluer le demandeur de façon complète et équitable?

4.          L'agente des visas a-t-elle tiré une conclusion incompatible avec les faits?

5.          L'agente des visas a-t-elle à tort rejeté l'actif du demandeur?

6.          Le demandeur a-t-il droit aux dépens?

Arguments du demandeur


[8]                Le demandeur allègue qu'il a droit qu'on lui accorde un visa d'immigrant parce que l'agente des visas a reconnu qu'il était susceptible de subvenir à ses besoins au Canada. Il fait valoir également que l'agente des visas a illégalement limité l'exercice de son pouvoir en le reléguant dans la sous-catégorie des entrepreneurs et en refusant de l'évaluer par rapport à la catégorie des travailleurs autonomes également.

[9]                De plus, le demandeur soutient que l'agente des visas a omis de mettre en lumière les renseignements qui l'ont amenée à ses conclusions. Particulièrement, il maintient qu'elle ne s'est pas enquise des fonctions qu'il exerce dans le cadre de son travail actuel, de la raison de son incapacité à se rappeler les noms de ses collègues de travail et de ses compétences comme chef. Il fait également valoir qu'elle a tiré des conclusions de fait erronées quant aux coûts estimatifs de la nourriture et aux produits d'exploitation d'un restaurant.

[10]            Le demandeur soutient que l'agente des visas a manqué à son devoir d'agir équitablement en rejetant tout son actif parce qu'elle n'était pas convaincue que les sommes d'argent inscrites à ses comptes bancaires lui appartenaient et qu'il pouvait en disposer. Il allègue également que l'agente des visas a fait erreur en se gardant de vérifier si le demandeur avait suffisamment d'argent pour ouvrir et exploiter un restaurant chinois en Ontario.

[11]            Finalement, le demandeur prétend avoir droit aux dépens car, dans le cas contraire, le défendeur s'en sortirait sans frais dans le présent litige. En outre, il soutient que l'agente des visas devrait rembourser le demandeur pour [traduction] « ne pas avoir manifesté le minimum d'expertise qu'elle s'est publiquement engagée à fournir » .


Arguments du défendeur

[12]            Le défendeur allègue que, compte tenu du fait que le demandeur faisait la demande d'un visa d'entrepreneur, celui-ci devait répondre à la définition d' « entrepreneur » donnée dans le Règlement. Il soutient que la conclusion selon laquelle le demandeur ne répondait pas à la définition d'entrepreneur était raisonnable et corroborée par la preuve. En outre, il prétend que l'évaluation de l'agente des visas à l'égard du demandeur n'était pas déraisonnable, qu'elle n'était pas fondée sur des considérations non pertinentes ou qu'elle n'avait pas été faite de manière abusive ou arbitraire. Par conséquent, le défendeur fait valoir que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur donnant matière à révision et que la Cour ne peut pas intervenir.

Dispositions législatives et règlements pertinents

[13]            Le paragraphe 6(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, est rédigé comme suit :

6. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, tout immigrant, notamment tout réfugié au sens de la Convention, ainsi que toutes les personnes à sa charge peuvent obtenir le droit d'établissement si l'agent d'immigration est convaincu que l'immigrant satisfait aux normes réglementaires de sélection visant à déterminer s'il pourra ou non réussir son installation au Canada, au sens des règlements, et si oui, dans quelle mesure.

6. (1) Subject to this Act and the regulations, any immigrant, including a Convention refugee, and all dependants, if any, may be granted landing if it is established to the satisfaction of an immigration officer that the immigrant meets the selection standards established by the regulations for the purpose of determining whether or not and the degree to which the immigrant will be able to become successfully established in Canada, as determined in accordance with the regulations.


[14]            Les articles pertinents du Règlement sont les suivants :

2.(1) « entrepreneur » désigne un immigrant

2.(1) "entrepreneur" means an immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;

(b) who intends and has the ability to provide active and on-going participation in the management of the business or commercial venture;

« travailleur autonome » s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.

"self-employed person" means an immigrant who intends and has the ability to establish or purchase a business in Canada that will create an employment opportunity for himself and will make a significant contribution to the economy or the cultural or artistic life of Canada;

8. (1) Sous réserve de l'article 11.1, afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge, à l'exception d'un parent, d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller et d'un immigrant qui entend résider au Québec, pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint :

. . .

8. (1) Subject to section 11.1, for the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants, other than a member of the family class, a Convention refugee seeking resettlement or an immigrant who intends to reside in the Province of Quebec, will be able to become successfully established in Canada, a visa officer shall assess that immigrant or, at the option of the immigrant, the spouse of that immigrant

. . .

b) dans le cas d'un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, autre que le facteur visé à l'article 5 de cette annexe;

(b) in the case of an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factor set out in item 5 thereof;

c) dans le cas d'un entrepreneur, d'un investisseur ou d'un candidat d'une province, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, sauf ceux visés aux articles 4 et 5 de cette annexe;

. . .

(c) in the case of an entrepreneur, an investor or a provincial nominee, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factors set out in items 4 and 5 thereof.

. . .

(4) Lorsqu'un agent des visas apprécie un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, il doit, outre tout autre point d'appréciation accordé à l'immigrant, lui attribuer 30 points supplémentaires s'il est d'avis que l'immigrant sera en mesure d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès au Canada.

(4) Where a visa officer assesses an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, he shall, in addition to any other units of assessment awarded to that immigrant, award 30 units of assessment to the immigrant if, in the opinion of the visa officer, the immigrant will be able to become successfully established in his occupation or business in Canada.

11.(3) (3) L'agent des visas peut

a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou

11.(3) A visa officer may

(a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or

b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,

(b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10,

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.


Analyse et décision

[15]            Question 1

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur donnant matière à révision en refusant la demande après avoir conclu que le demandeur était susceptible de subvenir à ses besoins au Canada?

Le demandeur allègue que l'agente des visas a conclu qu'il subvenait à ses besoins en vivant aux États-Unis et qu'il n'y avait pas de raison pour laquelle il ne pourrait pas faire la même chose au Canada. Il s'est appuyé sur l'extrait suivant du contre-interrogatoire de l'agente :

[traduction]

Croyez-vous qu'il travaillait là [à l'Empire Buffet]?

R. Comme je l'ai dit précédemment - eh bien non, je ne suis pas entièrement sûre qu'il travaillait là, mais il n'est pas parvenu à me convaincre qu'il travaillait comme superviseur ou comme chef.

Q. Croyez-vous qu'il subvenait à ses besoins en travaillant dans un commerce qui n'était pas illégal?

R. Si j'ai bien compris votre question - et vous pourrez me le confirmer - j'ai présumé qu'il gagnait sa vie, puisqu'il résidait aux États-Unis - si j'ai bien compris votre question.

Q. Oui, vous avez répondu à la question. Merci. Y a-t-il des raisons expliquant pourquoi vous pensiez qu'il n'arriverait pas à faire la même chose au Canada?

R. Non, mais là n'est pas la question. La question est de savoir s'il répond ou non à la définition d' « entrepreneur » .


L'agente des visas a évalué le demandeur à l'égard de la catégorie des entrepreneurs. Même si je devais accepter que ce témoignage soit suffisant pour confirmer l'application de l'alinéa a) de la définition d' « entrepreneur » du paragraphe 2(1) du Règlement, il faudrait encore que le demandeur établisse qu'il « a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce » , aux termes de l'alinéa b) de la définition. C'est d'ailleurs ce qu'a reconnu l'agente des visas lorsqu'elle a affirmé qu'il fallait encore que le demandeur réponde à la définition d'entrepreneur. L'agente des visas n'a donc pas commis d'erreur donnant matière à révision à cet égard.

[16]            Question 2

L'agente des visas a-t-elle à tort limiter l'exercice de son pouvoir?

Dans la lettre jointe à la demande de résidence permanente, il était précisé que le demandeur faisait une demande comme chef travailleur autonome (catégorie 6241 de la CNP) ou, subsidiairement, comme entrepreneur. Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur donnant matière à révision en ne l'évaluant pas au regard de la profession de chef. Toutefois, au début de l'entrevue, après avoir écouté les explications de l'agente des visas, le demandeur a déclaré qu'il souhaitait être évalué seulement comme entrepreneur. L'agente des visas a d'ailleurs confirmé cela durant le contre-interrogatoire. Par conséquent, elle a évalué le demandeur au regard de la profession d'entrepreneur seulement. Comme le demandeur, je suis d'avis que, si une évaluation est demandée à l'égard d'une autre profession, cette évaluation devrait être faite. Mais, compte tenu de la preuve dont la Cour dispose, ce n'est pas le cas en l'espèce. Par conséquent, considérant cette preuve, j'estime que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur donnant matière à révision.


[17]            Question 3

L'agente des visas a-t-elle omis d'évaluer le demandeur de façon complète et équitable?

Il incombe au demandeur d'établir qu'il satisfait aux normes de sélection du Règlement. Le demandeur prétend que l'agente des visas a omis de mettre en lumière les renseignements qui l'ont amenée à ses conclusions. Il soutient plus particulièrement qu'elle ne s'est pas enquise des fonctions qu'il exerce dans le cadre de son travail actuel, de la raison de son incapacité à se rappeler les noms de ses collègues de travail et de ses compétences comme chef.

[18]            Fonctions exercées par le demandeur

Le demandeur a indiqué qu'il souhaitait être évalué comme entrepreneur. Par conséquent, le demandeur doit établir qu'il est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion d'un restaurant. Les notes du STIDI révèlent que l'agente des visas a posé des questions sur l'expérience et la formation du demandeur en gestion. Voici un extrait de ces notes que l'on trouve aux pages 76 et 77 du dossier du tribunal :

[traduction]


LE DEMANDEUR AFFIRME AVOIR TRAVAILLÉ COMME RÉPARATEUR DE WAGONS JUSQU'À CE QU'IL VIENNE AUX ÉTATS-UNIS. SUR L'IMM8, IL A DÉCLARÉ AVOIR ÉTUDIÉ APRÈS SON ARRIVÉE. IL DIT TOUTEFOIS NE PAS AVOIR DÉCLARÉ QU'IL AVAIT ÉTUDIÉ APRÈS SON ARRIVÉE AUX ÉTATS-UNIS. JE LUI MONTRE LA RÉFÉRENCE AUX ÉTUDES SUR L'IMM8. IL AFFIRME QUE, LORSQU'IL EST ARRIVÉ, IL A TRAVAILLÉ À TEMPS PARTIEL. IL DIT QU'IL N'A JAMAIS ÉTUDIÉ ET QU'IL A TOUJOURS TRAVAILLÉ DANS UN RESTAURANT. QUAND AVEZ-VOUS COMMENCÉ À TRAVAILLER DANS UN RESTAURANT POUR LA PREMIÈRE FOIS? IL DIT QU'IL A COMMENCÉ À TRAVAILLER EN AOÛT 1992 ET QU'IL A TRAVAILLÉ PENDANT CINQ ANS À PLEIN TEMPS. QU'EST-IL ARRIVÉ ENSUITE? RIEN DE PARTICULIER, DIT-IL, LE PROPRIÉTAIRE DU RESTAURANT M'A ENGAGÉ PARCE QUE J'AVAIS DE L'EXPÉRIENCE EN GESTION. OÙ AVEZ-VOUS ACQUIS CETTE EXPÉRIENCE? IL DIT AVOIR TRAVAILLÉ DANS UN RESTAURANT PENDANT LONGTEMPS ET ÊTRE FAMILIER AVEC L'EXPLOITATION D'UN RESTAURANT, À SAVOIR LE TRAVAIL EN CUISINE ET LA PRÉPARATION DES SAUCES.

FORMATION DE CUISINIER

IL DIT N'AVOIR REÇU AUCUNE FORMATION OFFICIELLE DE CUISINIER. IL A APPRIS EN COURS D'EMPLOI AVEC LE CHEF, ÉTAPE PAR ÉTAPE. APRÈS QUELQUES MOIS, IL AVAIT ACQUIS L'EXPÉRIENCE. POUR OBTENIR UN EMPLOI DE CUISINIER, IL FAUT AVOIR FAIT UN PROGRAMME D'APPRENTISSAGE DE TROIS ANS OU COMPTER PLUSIEURS ANNÉES D'EXPÉRIENCE EN CUISINE COMMERCIALE.

FORMATION EN AFFAIRES

IL DIT N'AVOIR REÇU AUCUNE FORMATION OFFICIELLE EN GESTION MAIS QU'IL EST PLEINEMENT COMPÉTENT DEPUIS QU'IL A TRAVAILLÉ DANS UN RESTAURANT.

[19]            Noms des employés

Les notes du STIDI révèlent également que l'agente des visas a demandé les noms des employés dont le demandeur avait la responsabilité et qu'elle a quitté la salle pour lui donner le temps de les écrire. Le demandeur a énuméré les fonctions exercées par les employés, mais il n'a pu donner les noms que de quatre employés. La seule raison qu'il a donnée pour s'expliquer était qu'il avait engagé les employés d'une agence. Les notes pertinentes du STIDI, lesquelles figurent à la page 78 du dossier du tribunal, sont rédigées comme suit :

[traduction]

[¼] JE LUI AI RÉPÉTÉ QUE LES PERSONNES POSSÉDANT DES CONNAISSANCES EN GESTION ONT LA COMPÉTENCE NÉCESSAIRE POUR GÉRER LE PERSONNEL, PARTICULIÈREMENT DANS LA RESTAURATION, ET QU'ELLES CONNAISSENT LE NOM DE LEURS EMPLOYÉS. IL DIT QU'IL A ENGAGÉ SON PERSONNEL D'UNE AGENCE ET QU'IL A PLUS D'EXPÉRIENCE DANS LA GESTION DE L'EXPLOITATION.

[20]            Je suis d'avis que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur donnant matière à révision ni omis d'évaluer le demandeur de façon complète et équitable à cet égard.

[21]            Compétences de chef

L'agente des visas a déclaré que le demandeur souhaitait être évalué seulement au regard de la profession d'entrepreneur. Dans la lettre jointe à sa demande, le demandeur sollicitait une évaluation comme chef travailleur autonome (catégorie 6241 de la CNP) ou, subsidiairement, comme entrepreneur. Sur le formulaire de la demande, il y était inscrit que la profession envisagée était celle de propriétaire de restaurant indépendant. Compte tenu du fait que le demandeur a dit à l'agente des visas qu'il voulait être évalué comme entrepreneur seulement, il n'était pas nécessaire pour elle de l'évaluer au regard d'une autre profession. L'agente des visas n'a pas commis d'erreur à cet égard.

[22]            Question 4

L'agente des visas a-t-elle tiré une conclusion incompatible avec les faits?


Le demandeur fait valoir que l'agente des visas a tiré des conclusions de fait erronées quant aux coûts estimatifs de la nourriture et aux produits d'exploitation de l'entreprise envisagée. Je conviens avec le demandeur que l'agente des visas a fait erreur à cet égard. Je suis par ailleurs convaincu que cette erreur n'était pas un élément central de l'issue de la cause. L'analyse de la décision et des notes du STIDI révèle que l'agente des visas a fondé sa décision sur la propriété des fonds et sur le fait qu'elle croyait que le demandeur manquait d'expérience en matière de gestion. Ses conclusions quant à ces deux aspects auraient empêché le demandeur de voir sa demande acceptée.

[23]            Question 5

L'agente des visas a-t-elle à tort rejeté l'actif du demandeur?

L'agente des visas n'était pas convaincue que les fonds inscrits dans les comptes bancaires appartenaient au demandeur et qu'il pouvait en disposer. Pour immigrer au Canada en tant qu'entrepreneur, le demandeur doit établir qu'il est en mesure d'acheter un restaurant au Canada ou d'y investir une somme importante. La Cour a tranché dans l'affaire Ye c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 912, A.C.F. no 1292 (1re inst.), qu'un agent des visas peut considérer la propriété des fonds déclarés par le demandeur. M. le juge Rothstein a écrit ce qui suit aux paragraphes 4 et 5 de cette décision :

Le demandeur a déclaré qu'il n'était pas tenu de montrer l'origine de ses biens. Toutefois, l'agent des visas n'était pas tenu d'accepter la preuve que des fonds de plus de 70 000 $US étaient à lui quand elle savait que le demandeur gagnait moins de 30 000 $US et qu'il avait un certain nombre de dépôts dans son compte bancaire pendant une période de deux mois qui totalisaient 50 000 $US ou plus. L'agent des visas n'a pas rendu une décision déraisonnable en n'acceptant pas que le demandeur est le propriétaire véritable de ces fonds et qu'ils seraient disponibles pour un investissement dans une affaire de restaurant au Canada.

Le demandeur déclare que l'agent des visas lui a refusé l'occasion de montrer qu'il pouvait transférer les fonds dans son compte bancaire en dollars américains au Canada. Toutefois, même si les fonds peuvent être transférés au Canada, cela ne prouve pas que le demandeur en est le propriétaire bénéficiaire, et c'est ce qui inquiétait l'agent des visas. Je ne me mêlerai pas de la décision de l'agent des visas de ne pas tenir compte de l'actif du demandeur.


Même si, dans cette affaire, le demandeur était un « travailleur autonome » , j'appliquerais le même raisonnement à un demandeur de la catégorie des entrepreneurs.

[1]         Dans la présente affaire, l'agente des visas a inscrit dans le STIDI les notes suivantes qui figurent aux pages 77 et 78 du dossier du tribunal :

[traduction]

COMBIEN GAGNEZ-VOUS? 2 200 $US PAR MOIS. PAYEZ-VOUS DE L'IMPÔT? MON PATRON S'OCCUPE DE CELA POUR MOI. AVEZ-VOUS LE DOCUMENT AVEC VOUS? JE N'AI PAS DÉCLARÉ MON IMPÔT SUR LE REVENU PERSONNEL. DANS VOTRE RELEVÉ BANCAIRE, POUVEZ-VOUS ME MONTRER LE CHÈQUE QUE VOUS RECEVEZ DE VOTRE EMPLOYEUR? IL ME PAIE TOUJOURS EN ARGENT. IL DIT QU'IL DÉPOSE L'ARGENT UNE FOIS PAR MOIS GÉNÉRALEMENT PARCE QU'IL EST PAYÉ UNE FOIS PAR MOIS. DANS LE DERNIER RELEVÉ, IL Y A DEUX DÉPÔTS : UN DE 6 000 $ ET UN DE 3 000 $. AUCUN DÉPÔT DE 2 200 $ OU MOINS. IL DIT QU'UN AMI QUI A ACHETÉ UN RESTAURANT LUI A EMPRUNTÉ L'ARGENT PARCE QU'IL EN AVAIT BESOIN POUR SE PROCURER DE L'ÉQUIPEMENT QU'IL DEVAIT PAYER EN ARGENT. IL DIT QUE SON AMI LUI A DONNÉ UN MANDAT EN ÉCHANGE. JE ME SUIS ASSURÉE D'AVOIR BIEN COMPRIS CAR IL N'EST PAS LOGIQUE QUE DE L'ÉQUIPEMENT DE RESTAURANT SOIT PAYABLE EN ARGENT SEULEMENT, ET NON AVEC UN MANDAT. RETRAIT DE 5 000 $ ET DÉPÔTS DE 9 000 $. PAS LE MÊME MONTANT. IL DIT QUE SA PAIE ÉTAIT INCLUSE DANS LE DÉPÔT. IL DIT AVOIR DES BORDEREAUX DE DÉPÔT AVEC LUI. IL EN A ENVIRON 30. JE LUI AI DEMANDÉ DE ME MONTRER CELUI DU MANDAT. IL DIT QU'IL L'A CHERCHÉ MAIS QU'IL NE L'A PAS TROUVÉ HIER SOIR. IL NE PEUT EXPLIQUER POURQUOI IL A CHERCHÉ CE BORDEREAU DE DÉPÔT PARTICULIER HIER SOIR.

JE LUI AI DIT QUE JE FERAIS UNE PHOTOCOPIE DE SON DOCUMENT ET QUE JE DOUTAIS DE LA PROVENANCE DES FONDS.

LE RELEVÉ BANCAIRE D'OCTOBRE 1999 INDIQUE 33 000 $.

LE RELEVÉ BANCAIRE DE MAI 2001 INDIQUE 50 000 $.


LE RELEVÉ DE LA BANQUE EN CHINE INDIQUE UNE AUGMENTATION DE 15 000 $.

UNE AUGMENTATION TOTALE DE 32 000 $ EN 18 MOIS.

SON SALAIRE ANNUEL EST INFÉRIEUR À 30 000 $. DIFFICILE D'ÉPARGNER TOUT CET ARGENT. IL DIT QUE SON ÉPOUSE NE TRAVAILLE PAS ET QU'ELLE RESTE À LA MAISON POUR PRENDRE SOIN DES ENFANTS.

JE LUI AI DIT QUE J'AVAIS DES DOUTES QUANT À L'AUGMENTATION DES FONDS. IL DIT QUE C'EST BIEN SON ARGENT ET QU'IL N'EN A PAS ENVOYÉ VRAIMENT BEAUCOUP À SON ÉPOUSE.

Il DIT QU'IL POSSÈDE UNE GRANDE MAISON EN CHINE.

IL ÉTAIT RÉPARATEUR DE WAGONS. JE LUI AI DIT QUE JE NE COMPRENAIS PAS COMMENT IL POUVAIT RÉUSSIR À ÉPARGNER POUR CETTE MAISON.

IL DIT QUE SON PÈRE A DÉJÀ POSSÉDÉ UNE ENTREPRISE DE CONSTRUCTION. SON PÈRE EST DÉCÉDÉ EN 1989. (LES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION SONT GÉNÉRALEMENT UNE AFFAIRE DE FAMILLE.) VOUS N'AVEZ JAMAIS TRAVAILLÉ AVEC VOTRE PÈRE? IL DIT QU'IL ÉTAIT AUX ÉTUDES. IL A TERMINÉ SES ÉTUDES SECONDAIRES EN 1984 (5 ANS AVANT LE DÉCÈS DE SON PÈRE).

IL DIT QU'APRÈS SES ÉTUDES, IL S'EST DÉBROUILLÉ SEUL ET A TRAVAILLÉ POUR UNE SOCIÉTÉ DE TRANSPORT MARITIME. (IL N'EN A PAS FAIT ÉTAT LORSQU'IL A CONFIRMÉ SON EXPÉRIENCE DE TRAVAIL, NI SUR L'IMM8.) JE L'EN INFORME ET IL ME RÉPOND QU'IL A ABANDONNÉ SES ÉTUDES POUR AIDER SA FAMILLE FINANCIÈREMENT.

IL DIT QU'IL DEVAIT TRAVAILLER PARCE QUE SON PÈRE COMMENÇAIT À ÊTRE ÂGÉ. IL DIT AVOIR APPRIS RÉCEMMENT QUE SON PÈRE LUI AVAIT LAISSÉ DE L'ARGENT. RÉCEMMENT = APRÈS LE DÉCÈS DE SON PÈRE.

LES EXPLICATIONS CONCERNANT LA PROVENANCE DES FONDS OU DES ÉLÉMENTS D'ACTIF NE SONT PAS CRÉDIBLES.


JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QUE LE DEMANDEUR A LES COMPÉTENCES NÉCESSAIRES POUR GÉRER UNE ENTREPRISE. JE DOUTE QUE LES SOMMES D'ARGENT QU'IL DIT AVOIR SOIENT LES SIENNES.

À mon avis, il était loisible à l'agente des visas de conclure que les fonds que le demandeur déclarait avoir ne lui appartenaient pas entièrement. L'agente des visas n'a pas commis d'erreur à cet égard.

[2]         Question 6

Le demandeur a-t-il droit aux dépens?

Puisque le demandeur n'a pas obtenu gain de cause dans sa demande, aucuns dépens ne lui seront adjugés.

[3]         Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[4]         Les parties auront une semaine à partir de la date de la présente décision pour soumettre la proposition d'une question grave de portée générale et une autre semaine pour répondre.

                                                                            « John A. O'Keefe »              

Ottawa (Ontario)                                                                            Juge                         

Le 27 mars 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                    IMM-3000-01

INTITULÉ :                   ZHONGYAO YANG

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE      L'IMMIGRATION

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le lundi 28 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS : Le jeudi 27 mars 2003

COMPARUTIONS :

Timothy E. Leahy                                        POUR LE DEMANDEUR

Mary Matthews                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Timothy E. Leahy                                        POUR LE DEMANDEUR

5075, rue Yonge, bureau 408

Toronto (Ontario)

M2N 6C6

Morris Rosenberg, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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