Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20030702

Dossier : T-2120-02

Référence : 2003 CF 819

ENTRE :

                                                            TEN REN TEA CO. LTD.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                      VAN CHEONG TEA INC., SHU-MEI CHANG et

                                          BILL BEAUTY & HEALTH PRODUCT LTD.

                          faisant affaire sous la dénomination de SHING HING FOODS

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 La demanderesse, Ten Ren Tea Co. Ltd. (Ten Ren), sollicite un jugement sommaire en vertu de la Règle 213 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (les Règles) relativement à l'action pour usurpation de marque de commerce, imitation frauduleuse et mesures de redressement accessoires qu'elle a intentée contre les défendeurs. Voici les motifs pour lesquels nous rejetons la présente requête.


FAITS

[2]                 Ten Ren est une société ouverte constituée sous le régime des lois de Taïwan et ayant son bureau principal à Taipei, Taïwan. Elle exerce ses activités, notamment, dans le domaine de la fabrication, de l'importation, de la distribution, de la publicité, de la promotion, de la vente et de la négociation de marchandises à base de feuilles de thé au Canada et dans d'autres parties du monde.

[3]                 La défenderesse, Van Cheong Tea Inc. (Van Cheong), est une société constituée sous le régime des lois de la Colombie-Britannique et ayant son siège social à Richmond, dans cette province. Elle exerce ses activités sous la dénomination de Van Cheong Teas.

[4]                 Le défendeur, Shu-Mei Chang (Chang), réside à Richmond. Les résultats de recherche concernant Van Cheong révèlent que Chang en est le président et l'unique administrateur et actionnaire.

[5]                 La défenderesse, Bill Beauty & Health Product Ltd. (Bill Beauty), est une société constituée sous le régime des lois de la province d'Ontario et ayant son siège social à Scarborough, dans cette province. Le rapport de recherche de noms commerciaux de la Division des compagnies du ministère des Services aux consommateurs et aux entreprises indique que la défenderesse, Shing Hing Foods (Shing Hing), est inscrite en tant que dénomination sociale de Bill Beauty.

[6]                 Ten Ren a obtenu l'enregistrement, au Canada, de la marque de commerce KING'S le 23 janvier 2003 en liaison avec les marchandises suivantes :

[TRADUCTION] Du thé, des sachets de thé, des feuilles de thé, des gâteaux, de la garniture à base de thé pour des gâteaux et des tartes, du cacao, du café et des biscuits.

Elle a obtenu l'enregistrement pour la marque « 103 » à Taïwan le 1er janvier 1984 et a demandé l'enregistrement de la même marque au Canada le 28 mars 2001 en liaison avec des marchandises identiques à celles qui sont énumérées pour la marque de commerce KING'S, mais avec l'ajout des « bonbons » . La marque de commerce « 103 » a été enregistrée au Canada le 2 avril 2003.

[7]                 Ten Ren prétend employer les marques de commerce « 103 » et « KING'S » au Canada depuis au moins avril 2000, en liaison avec des produits à base de feuilles de thé emballés dans des boîtes de couleur vert foncé sur lesquelles sont imprimées des lettres dorées, des peintures de style chinois et des poèmes chinois. Ces produits sont vendus dans des magasins de détail Ten Ren en Ontario et en Colombie-Britannique qui sont situés, pour la plupart, dans des quartiers fréquentés par la communauté sinophone.

[8]                 Van Cheong commercialise aussi des produits à base de feuilles de thé. La chaîne de magasins Shing Hing commercialise et vend des mets fins à base de fruits de mer séchés, des nids d'oiseaux, des produits diététiques, des fines herbes et des produits à base de thé, y compris des produits à base de thé Van Cheong.

[9]                 Ten Ren allègue qu'elle a acheté à différents points de vente de Shing Hing des feuilles de thé emballées dans des boîtes de la même couleur vert foncé que celles de Ten Ren et sur lesquelles étaient imprimées des lettres dorées, des peintures de style chinois et des poèmes chinois et apposées les marques « 103 » , « 108 » et(ou) KING. Le 18 décembre 2002, Ten Ren a intenté une action pour usurpation de marque de commerce, imitation frauduleuse et mesures de redressement accessoires relativement à l'emploi que font les défendeurs des marques de commerce de Ten Ren ainsi que de l'emballage et de la présentation de ses produits à base de feuilles de thé appelés « 103 King's Tea » .


[10]            Les défendeurs ont déposé une défense et une demande reconventionnelle le 31 janvier 2003, et la demanderesse a déposé une réponse et une défense à la demande reconventionnelle le 10 février 2003. Les défendeurs nient l'usurpation et prétendent qu'il n'y a pas de caractéristiques distinctives, d'achalandage ou de réputation de grande valeur se rattachant aux marques. Ils disent que la marque « King's » est générique et descriptive en ce qu'elle implique une qualité suprême, que les dénominations des fabricants respectifs figurent bien en évidence sur leurs produits respectifs, que l'expression « King Tea » est antérieure à l'emploi par Ten Ren au Canada de ses prétendues marques de commerce, que l'emballage est traditionnel pour des marchands chinois et que Ten Ren n'indique pas sur son emballage que « 103 » ou KING'S est une marque de commerce déposée. Dans la demande reconventionnelle, les défendeurs sollicitent, notamment, une déclaration portant que les enregistrements de marque de commerce visant « 103 » et KING'S sont invalides et nuls ainsi qu'une ordonnance exigeant du registraire qu'il les radie du registre. Dans sa réponse et sa défense, Ten Ren soutient que les marques employées par les défendeurs sont tellement similaires au point de créer de la confusion avec celles de la demanderesse qu'elles constituent une usurpation des marques de Ten Ren et une imitation frauduleuse de ses produits. Ten Ren nie aussi que l'emballage utilisé par Van Cheong est antérieur à celui de Ten Ren.

[11]            La preuve de la demanderesse consiste en des déclarations sous serment du directeur général adjoint du groupe de sociétés Ten Ren au Canada, auxquelles sont jointes diverses pièces. La preuve des défendeurs consiste en la déclaration sous serment du défendeur Chang, administrateur et président de la défenderesse, Van Cheong, et la déclaration sous serment de l'administrateur et président de la défenderesse, Bill Beauty, qui est aussi administrateur de la défenderesse, Shing Hing. Cette dernière déclaration sous serment est accompagnée d'une pièce.


RÈGLES APPLICABLES EN MATIÈRE DE JUGEMENT SOMMAIRE


Règles de la Cour fédérale (1998)

DORS/98-106

213. (1) Le demandeur peut, après le dépôt de la défense du défendeur - ou avant si la Cour l'autorise - et avant que l'heure, la date et le lieu de l'instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire sur tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

[...]

Federal Court Rules, 1998

SOR/98-106

213. (1) A plaintiff may, after the defendant has filed a defence, or earlier with leave of the Court, and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment on all or part of the claim set out in the statement of claim.

[...]

215. La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant. Elle doit plutôt énoncer les faits précis démontrant l'existence d'une véritable question litigieuse.

215. A response to a motion for summary judgment shall not rest merely on allegations or denials of the pleadings of the moving party, but must set out specific facts showing that there is a genuine issue for trial.

216. (1) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

216. (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

(2) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

a) le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l'instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d'un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

(a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

(3) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu'il existe une véritable question litigieuse à l'égard d'une déclaration ou d'une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

(3) Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.


(4) Lorsque la requête en jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l'action ou les questions litigieuses qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière habituelle ou elle peut ordonner la tenue d'une instance à gestion spéciale.


(4) Where a motion for summary judgment is dismissed in whole or in part, the Court may order the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, to proceed to trial in the usual way or order that the action be conducted as a specially managed proceeding.

ANALYSE

[12]            Dans ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd. (2001), 199 F.T.R. 319 (C.A.F.), demande d'autorisation d'appel rejetée, [2001] 2 R.C.S. ix, la Cour d'appel fédérale a confirmé que les critères applicables en matière de jugement sommaire correspondent à ceux qui sont énoncés dans Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. S.A., [1996] 2 C.F. 853 (C.F. 1re inst.). Les principes énoncés dans Granville Shipping (citations omises) sont les suivants :

1)              Ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire;

2)              Il n'existe pas de critère absolu. Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès;

3)              Chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien;

4)              Les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) peuvent faciliter l'interprétation;

5)              Saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario);

6)              Le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire;

7)              Lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient contre-interrogées devant le juge du procès. L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher.

[13]            La partie défenderesse a le fardeau de prouver qu'il existe une véritable question litigieuse, mais la partie demanderesse a celui de prouver les faits nécessaires à l'obtention du jugement sommaire. Les deux parties doivent faire de leur mieux pour permettre au juge des requêtes de décider s'il existe une question litigieuse : F. Von Langsdorff Licensing Ltd. c. S.F. Concrete Technology, Inc. (1999), 165 F.T.R. 74, 1 C.P.R. (4th) 88 (C.F. 1re inst.).


[14]            L'action de la demanderesse concerne les marques de commerce « KING'S » , « 103 » et la présentation des produits à base de feuilles de thé appelés « 103 King's Tea » et tous les autres produits à base de feuilles de thé de la même série. D'après ce que nous comprenons de la position de la demanderesse, la présentation consiste en la couleur de l'emballage, son lettrage doré et l'impression sur la boîte d'images et de poèmes chinois. Avant de traiter des questions d'usurpation et d'imitation frauduleuse, il est utile d'énoncer certains faits pertinents qui ressortent de la preuve. Il n'est pas contesté que Ten Ren a obtenu des enregistrements au Canada pour les marques de commerce KING'S et « 103 » , qu'elle emploie ces marques depuis au moins avril 2000 et qu'elle continue à les employer. Il n'est pas non plus contesté que Van Cheong a employé les chiffres « 103 » et « 108 » ainsi que le mot « King » sur ses produits et que Shing Hing a vendu les produits Van Cheong. Il existe des faits supplémentaires qui, même s'ils sont suspects du point de vue de la demanderesse, demeurent incontestés dans les documents qui nous ont été présentés. Ces faits sont les suivants : Van Cheong emploie les marques 103 et 108 et le mot « King » depuis au moins le début de 2000 et Shing Hing vend les produits depuis le début de 2000; les produits à base de thé Ten Ren sont vendus emballés, non seulement dans des boîtes de couleur vert foncé, mais aussi dans une variété de couleurs et de dessins contenant divers chiffres; l'équivalent chinois du mot « King » est couramment employé par les marchands chinois, non seulement pour des produits à base de thé, mais pour une variété de produits comme signe de qualité suprême; un seul des huit magasins Shing Hing se trouve dans un centre commercial où un magasin Ten Ren est situé.

[15]            Initialement, la demanderesse a soutenu que parce que les marques sont déposées, il est impossible d'en contester la validité. Cependant, l'avocate de la demanderesse a convenu que, s'il est établi, l'emploi antérieur par les défendeurs constitue un motif de déclaration d'invalidité. L'avocate de la demanderesse estime que la preuve des défendeurs à cet égard est intéressée et douteuse, a relevé ce qu'elle appelle des « questions graves de crédibilité » relativement à cette preuve. Il est évident, étant donné les positions respectives des parties, qu'il s'agit d'une question importante qui exige une évaluation et une appréciation de la preuve et, selon toute vraisemblance, une décision au sujet de la crédibilité. Il s'agit-là de questions qui doivent être tranchées par un juge de première instance et non un juge des requêtes. Même si, à notre avis, cette conclusion suffit pour disposer de la requête, les défendeurs ont soulevé d'autres questions qui nous mènent aussi à conclure qu'il ne convient pas en l'espèce de procéder par voie de jugement sommaire.


[16]            Le raisonnement relatif à l'emploi antérieur s'applique non seulement à l'allégation de contrefaçon de marques de commerce déposées, mais aussi à celle d'imitation frauduleuse. Les défendeurs ont de plus contesté les marques de la demanderesse au motif qu'il ne s'y rattachent pas de caractéristiques distinctives et d'achalandage. La première question soulevée à cet égard est mentionnée dans Warner-Lambert Co. c. Concord Confections Inc. (2001), 201 F.T.R. 270, 11 C.P.R. (4th) 516 (C.F. 1re inst.). Dans ce jugement, le juge Lemieux décrit comme une question de droit non résolue le fait de « ...savoir si la présentation ou l'emballage constitue un facteur pertinent à considérer dans une action en usurpation de marque de commerce déposée, par opposition à une action en imitation frauduleuse » . Deuxièmement, la demanderesse doit satisfaire au critère d'imitation frauduleuse délimité dans Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, 44 C.P.R. (3d) 289. Ce critère comporte trois éléments: l'existence d'un achalandage, la déception du public due à la représentation trompeuse et des dommages actuels ou possibles, pour le demandeur.

[17]            En ce qui a trait à l'achalandage, la demanderesse invoque son emploi des marques au Canada depuis avril 2000 et le fait que la marque « 103 » est employée à Taïwan depuis 1984. Elle soutient que parce que les magasins Ten Ren sont situés dans des endroits fréquentés par la communauté sinophone, cette population inclut les personnes qui ont immigré au Canada de cette partie de l'Asie et qui, par conséquent, connaissent bien cette marque. Les défendeurs se fondent sur l'emploi antécédent allégué au Canada et en outre sur le fait que, en tout état de cause, l'achalandage se rattache non pas aux marques mais au nom « Ten Ren » . Ces questions impliqueront elles aussi l'évaluation et l'appréciation d'éléments de preuve. La preuve qui nous a été présentée n'est ni détaillée ni complète et nous ne pouvons rendre de décision, d'un côté comme de l'autre.


[18]            Pour ce qui est des caractéristiques distinctives, les défendeurs mentionnent que tant Ten Ren que Van Cheong emploient non seulement les boîtes de couleur vert foncé, mais diverses couleurs et divers chiffres. De plus, il y a une preuve - mince toutefois - quoique peu étoffés, indiquant que le mot « King » est traditionnellement et communément employé par les marchands chinois pour commercialiser leurs marchandises et leurs produits. Pour rendre une décision sur les caractéristiques distinctives, il faudra évaluer et apprécier la preuve et en inférer des conclusions de fait. Il s'agit-là d'une décision que nous ne pouvons rendre d'après les documents qui nous ont été présentés.

[19]            En ce qui concerne l'aspect relatif à la représentation trompeuse de l'imitation frauduleuse, il s'agit de savoir si le défendeur a fait (intentionnellement ou non) une représentation trompeuse au public qui amène ou est susceptible d'amener ce dernier à croire que la source des produits des défendeurs est identique à celle de ceux qu'offre la demanderesse. En résumé, il s'agit de savoir s'il existe des possibilités de confusion. Le seul élément de preuve de la demanderesse à cet égard est la présentation des produits et le fait que les magasins Ten Ren et Shing Hing sont tous situés dans des communautés sinophones. La demanderesse allègue que ce fait crée de la confusion, sans toutefois donner d'exemples de confusion réelle. Les défendeurs mentionnent de nouveau le fait qu'un seul des huit magasins Shing Hing est situé dans le même centre commercial qu'un magasin Ten Ren, que les magasins Ten Ren vendent des produits à base de thé Ten Ren alors que les magasins Shing Hing vendent divers produits, y compris des produits à base de thé Van Cheong, et que la dénomination de Ten Ren et de Van Cheong est imprimée bien en évidence sur les boîtes de leurs produits respectifs, tant en anglais qu'en chinois. Au risque de nous répéter, une décision sur cette question nécessite une évaluation et une appréciation de la preuve. Qui plus est, elle nécessite une preuve plus étoffée que celle qui nous a été présentée.


[20]            Le jugement sommaire offre un moyen qui permet d'éviter les délais et les frais liés à un procès qu'occasionneraient des demandes ou des moyens de défense non fondés : Feoso Oil Ltd. c. The Sarla, [1995] 3 C.F. 68 (C.A.). Il s'agit d'un outil précieux pour radier de fausses demandes et défenses, mais qui ne vise pas à priver une partie à un litige du droit à un procès, à moins qu'il soit clairement établi qu'il n'y a en fait aucune question véritable importante pour la demande ou la défense que le juge de première instance doit trancher : Aguonie v. Galion Solid Waste Material Inc. (1998), 38 O.R. (3d) 161 (C.A.). Tel n'est pas le cas en l'espèce. La présente action soulève des questions liées aux caractéristiques distinctives, à la confusion et à l'imitation frauduleuse, questions dont notre Cour reconnaît la complexité : Nature's Path Foods Inc. c. Country Fresh Enterprises Inc. (1998), 85 C.P.R. (3d) 286 (C.F. 1re inst.), ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 1 (C.F. 1re inst.), confirmée par ITV Technologies Inc., précité. Pour les motifs susmentionnés, nous sommes convaincus que les défendeurs ont soulevé des questions véritables et nous concluons que les décisions nécessaires pour disposer de la présente affaire ne peuvent être prises au vu de la preuve qui nous a été présentée. Il ne convient donc pas de rendre un jugement sommaire.

[21]            À l'audience, la demanderesse a demandé, advenant que sa requête ne soit pas accueillie, une injonction provisoire en attendant l'instruction. Nous sommes disposés à présumer que la demanderesse a établi une question sérieuse, mais aucun élément de preuve ne nous a été présenté au sujet d'un préjudice irréparable. Même s'il existait une telle preuve, l'avocate de la demanderesse a admis que la nature du préjudice n'est pas de nature à faire l'objet d'une indemnisation par voie de dommages-intérêts. Cela étant, je conclus que la prépondérance des inconvénients favorise les défendeurs. La demande d'injonction provisoire est rejetée.

[22]            En conséquence, la requête est rejetée et une ordonnance le prévoira. Les défendeurs ont droit aux dépens, que nous fixons à 1 000 $.

                                                           < < Carolyn Layden - Stevenson > >         

__________________________________

     Juge

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

2 juillet 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                  Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                              T-2120-02

INTITULÉ :                                             Ten Ren Tea Co. Ltd. c. Van Cheong Tea Inc., Shue-Mei Chang et Bill Beauty & Health Product Ltd.

faisant affaire sous la dénomination de Shing Hing Foods

DATE DE L'AUDIENCE :                 24 juin 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      La juge Layden-Stevenson

DATE :                                                    Le 2 juillet 2003

COMPARUTIONS :              Me Eva W.W. Mak

Pour la demanderesse

Me Oscar Wong

Pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Eva W.W. Mak

Sun & Partners

North York (Ontario)

Pour la demanderesse

Me Oscar C. Wong

Oscar C. Wong and Associates

Richmond Hill (Ontario)

Pour les défendeurs

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