Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

   Date : 20031210

Dossier : IMM-5944-02

Référence : 2003 CF 1426

Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                            KHAC TAN HUYNH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                Khac Tan Huynh est arrivé au Canada en 1985. Il a fait l'objet d'une mesure d'expulsion en 1993 après avoir commis de graves actes criminels : Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, alinéa 27(1)d) (les dispositions pertinentes sont reproduites dans l'annexe jointe au présent jugement). Il a été déclaré coupable de deux accusations pour l'emploi de documents contrefaits, de même que d'agression armée, d'agression causant des lésions corporelles et de possession d'arme. À l'époque, il avait reconnu avoir un problème d'alcoolisme, mais il a affirmé qu'il prenait des mesures afin de diminuer sa consommation. Il a interjeté appel de la mesure d'expulsion à la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Après avoir examiné l'ensemble des circonstances entourant le cas de M. Huynh, la Section d'appel a conclu en 1997 qu'il existait une possibilité réaliste de réadaptation de la part de M. Huynh. Par conséquent, elle a sursis à son renvoi du Canada pour cinq ans, mais lui a imposé certaines conditions, notamment une obligation « de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite » .

[2]                Par la suite, M. Huynh a commis d'autres infractions : possession de marijuana, conduite avec facultés affaiblies et conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à .08. La Section d'appel a procédé à un second examen du cas de M. Huynh en 2002. Elle a décidé d'annuler la suspension de la mesure de renvoi dont M. Huynh faisait l'objet.

[3]                M. Huynh prétend que la Section d'appel a commis de graves erreurs qui justifient l'annulation de sa décision. Je ne suis pas de cet avis. Je ne trouve aucune raison pour que je modifie la décision rendue par la Section d'appel.

Les questions en litige

[4]                M. Huynh a avancé deux arguments : d'abord, il a prétendu que la Section d'appel était tenue de lui donner les motifs de sa décision de lever la suspension de la mesure de renvoi dont il faisait l'objet. Deuxièmement, il a prétendu que la conclusion de la Section d'appel était déraisonnable.


a) Les motifs

[5]                La Loi exige que la Section d'appel motive sa décision sur demande dans les dix jours : paragraphe 69.4(5). M. Huynh n'a formulé aucune demande de la sorte. Il prétend pourtant que la Section d'appel aurait dû énoncer pourquoi elle avait levé la suspension dont il bénéficiait. Il n'a cité aucun précédent indiquant que la Section d'appel est tenue au-delà de ce qui est énoncé dans la Loi. Je conviens que les décideurs sont souvent tenus de motiver leurs décisions à l'égard de questions touchant les intérêts d'une personne. Le fait que la partie intéressée doive d'abord demander des motifs ne contredit pas cette obligation : Marine Atlantic Inc. c. Guilde de la marine marchande du Canada, [2000] A.C.F. no 1217 (QL) (C.A.). Si M. Huynh désirait qu'on lui donne des motifs, il n'avait qu'à les demander.

b) Le caractère déraisonnable


[6]                M. Huynh a également prétendu que, en l'absence de motifs de la part de la Section d'appel, la Cour est tenue de décider si la décision de lever la suspension de la mesure de renvoi était raisonnable : Perkins c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1759. J'ai examiné l'ensemble du dossier soumis à la Section d'appel et je ne vois aucune raison de modifier sa conclusion selon laquelle la suspension doit être levée. Il est vrai que certains éléments de preuve étaient favorables à M. Huynh : il occupait un emploi rémunéré, contribuait au soutien de sa famille et s'était fait une vie au Canada. Pourtant, la Section d'appel était saisie d'éléments de preuve quant aux autres condamnations de M. Huynh et quant au fait qu'il prenait toujours de l'alcool. Elle avait le droit de conclure que M. Huynh n'avait pas respecté les conditions régissant la suspension de sa mesure de renvoi et que la suspension devrait, par conséquent, être annulée.

[7]                Je souligne qu'en droit criminel, l'exigence « de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite » est une condition prescrite par la loi dans toutes les ordonnances de probation : Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, alinéa 732.1(2)a). Pour « avoir une bonne conduite » , une personne doit se conformer aux lois et règlements fédéraux, provinciaux et municipaux : R. c. R.(D.) (1999), 138 C.C.C. (3d) 405 (C.A. T.-N.). Je ne vois rien qui s'oppose à ce que le même point de vue s'applique en l'espèce.

[8]                Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[9]                L'avocat de M. Huynh a demandé qu'il lui soit donné l'occasion de présenter une question de portée générale pour certification. Tout argument à cet égard doit être présenté dans les cinq jours ouvrables suivant le présent jugement. L'avocat du défendeur dispose de trois jours ouvrables pour répondre.


                                                                   JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          L'avocat du demandeur dispose de cinq (5) jours ouvrables pour proposer la certification d'une question de portée générale;

3.          L'avocat du défendeur dispose de trois (3) jours ouvrables pour répondre à une telle proposition.

                                                                                                                          _ James W. O'Reilly _            

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.



                                         Annexe

Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2

Rapports défavorables : résidentspermanents

27. (1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui-ci, selon le cas :

                                          Annex

Immigration Act, R.S.C. 1985, c. I-2

Reports on permanent residents

27. (1) An immigration officer or a peace officer shall forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a permanent resident is a person who

d) a été déclaré coupable d'une infraction prévue par une loi fédérale, autre qu'une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions :

(i) soit pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a été imposée,

(ii) soit qui peut être punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans;

(d) has been convicted of an offence under any Act of Parliament, other than an offence designated as a contravention under the Contraventions Act for which a term of imprisonment of more than six months has been, or five years or more may be, imposed;

Motifs

69.4 (5) La section d'appel n'est tenue de motiver par écrit sa décision sur un appel présenté en vertu des articles 70 ou 71 que si l'une des parties le demande dans les dix jours suivant sa notification, auquel cas la transmission des motifs se fait sans délai.

Written reasons

69.4 (5) The Appeal Division shall forthwith give written reasons for its disposition of any appeal made pursuant to section 70 or 71 where either of the parties to the appeal has so requested within ten days after having been notified of the disposition of the appeal.

Code criminel, L.R.C., ch. C-46

Conditions obligatoires

732.1 (2) Le tribunal assortit l'ordonnance de probation des conditions suivantes, intimant au délinquant :

a) de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite;

Criminal Code, R.S.C., c. C-46

Compulsory conditions of probation order

732.1 (2) The court shall prescribe, as conditions of a probation order, that the offender do all of the following:

(a) keep the peace and be of good behaviour;



                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                      IMM-5944-02

INTITULÉ :                                     KHAC TAN HUYNH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :               TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :             LE 19 NOVEMBRE 2003

                                                                                                                                                           

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                    LE 10 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Mary Lam

POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg et Mary Lam

Avocats

1500, chemin Don Mills, bureau 404

Toronto (Ontario) M3B 3K4

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.