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                                                                                                          IMM-1071-96

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 11 AVRIL 1997

 

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE PINARD

 

 

 

Entre :

 

                                                DIMITAR LAZOV

                                                               et

                                  DJOULIA MAHAYLO LAZOVA,

 

 

                                                                                                               requérants,

 

 

                                                             - et -

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

 

                                                                                                                      intimé.

 

 

 

 

                                             O R D O N N A N C E

 

 

            La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention (la Commission) en date du 28 février 1996, statuant que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvelle audition par une formation différente.

 

 

                                                                          

                                                                       

 

                                                                                         Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

                                                                        François Blais, LL.L.


 

 

 

 

 

 

                                                                                                          IMM-1071-96

 

 

Entre :

 

                                                DIMITAR LAZOV

                                                               et

                                  DJOULIA MAHAYLO LAZOVA,

 

 

                                                                                                               requérants,

 

 

                                                             - et -

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

 

                                                                                                                      intimé.

 

 

 

 

                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

LE JUGE PINARD

 

 

            Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention (la Commission) en date du 28 février 1996, dans laquelle la Commission a statué que les requérants, M. Lazov et son épouse, n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

 

            La décision de la Commission se fonde tout simplement sur le manque de crédibilité de la preuve fournie par les requérants.  Cette conclusion défavorable de la Commission ne se fonde pas sur des incohérences intrinsèques ni sur une évaluation du comportement des requérants.  Le fondement principal de cette décision défavorable en matière de crédibilité s'appuie sur des invraisemblances dans le récit du requérant principal.  Il semble que la Commission n'ait pas cru un seul mot de toute la revendication du requérant au motif que l'assignation et le certificat médical produits n'étaient pas crédibles et qu'il était invraisemblable que le requérant soit recherché par les autorités bulgares.  La Commission s'est dit d'avis que si M. Lazov était recherché par les autorités bulgares, il n'aurait pas été en mesure de quitter la Bulgarie sans difficulté à trois reprises, dont deux antérieures à son départ pour le Canada.  Elle n'a pas non plus accordé de valeur probante aux lettres de la belle-mère de M. Lazov qui, selon elle, servent les intérêts du requérant.

 

            Un examen de la transcription et du dossier du tribunal révèle que la Commission est parvenue à plusieurs conclusions de fait erronées qui, à mon avis, rendent les inférences qu'elle a tirées déraisonnables au point de justifier l'intervention de la Cour.  Tout d'abord, la preuve indique que M. Lazov, après sa prétendue détention et avant son départ pour le Canada, a quitté la Bulgarie à deux reprises pour y retourner autant de fois.  Il n'y a pas de preuve appuyant la conclusion de la Commission selon laquelle, au cours de cette période, M. Lazov a quitté la Bulgarie et y est retourné à trois reprises.  Deuxièmement, la preuve concernant l'assignation révèle que celle-ci indiquait que M. Lazov devait se présenter au 6e poste de police et non au tribunal comme l'a conclu la Commission.  Troisièmement, la Commission a statué que les autorités ont intercepté la correspondance entre M. Lazov et sa belle-mère alors que la preuve qui ressort des lettres indique que la belle-mère de M. Lazov lui avait déjà envoyé du courrier qu'il n'a pas reçu.

 

            Je reconnais que l'erreur commise quant au nombre de fois que M. Lazov a quitté la Bulgarie et y est retourné n'a pas de conséquence, mais je ne peux accepter que les erreurs ayant trait à l'assignation et au courrier entre M. Lazov et sa belle-mère n'aient pas d'importance.  Ces deux erreurs ont trait aux conclusions essentielles portant sur la vraisemblance du récit.

 

            L'erreur commise par la Commission concernant l'assignation, qu'elle a qualifié de sommation du tribunal, est au coeur des doutes qu'entretient la Commission concernant la légitimité et le sérieux de cette assignation, et qui, en retour, ont mené la Commission à conclure que M. Lazov n'était pas recherché par les autorités.  Cela ressort manifestement d'un examen de la décision de la Commission et de la transcription.  Dans sa décision, la Commission indique ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

Le témoignage indique que le requérant a quitté la Bulgarie et y est retourné le 12 décembre 1994 et a quitté le pays à destination du Canada le 15 décembre 1994, malgré une assignation lui ordonnant de comparaître devant un tribunal.  La formation reconnaît qu'elle n'a aucune connaissance spécialisée lui permettant de se prononcer sur l'authenticité d'un tel document, mais elle note l'absence du nom ou de la signature du destinataire sur l'assignation, mentions qui semblent faire partie des renseignements fournis lors de l'établissement du document.  Cette absence jette des doutes, non seulement sur la légitimité de l'assignation, mais également sur la gravité de celle-ci.

 

 

            Et, dans la transcription, le président déclare ceci :

 

 

[TRADUCTION]

Je pense que l'une des questions que nous nous posons vient du fait que l'assignation est un document très important et qu'à tout le moins nous savons que dans la plupart des pays, y compris le Canada, un tel document n'est jamais placé dans une boîte aux lettres parce que le tribunal doit avoir la preuve que le destinataire l'a bien reçu et qu'en l'absence d'une telle preuve il enverra de nouveau l'assignation parce qu'autrement le destinataire pourrait simplement prétendre ne jamais l'avoir reçue, ce qui le justifierait de ne pas se présenter devant le tribunal.

 

 

            Ainsi, il semble que ce soit cette erreur de qualification de la part de la Commission concernant l'assignation, qu'elle a prise pour une sommation du tribunal au lieu d'une sommation de se présenter au poste de police, qui l'a amenée à conclure que ce document n'était pas légitime.  Bref, le mode de signification n'est pas compatible avec ce que la Commission considère comme le mode standard de signification de ce type de document.  En s'appuyant sur l'hypothèse erronée que le document en question était une sommation du tribunal, la Commission a apparemment conclu qu'elle n'était pas complète - et par conséquent pas légitime - puisque le nom ou la signature du destinataire ne figuraient pas sur la partie «reçu» du document.  La Commission semble


également avoir fondé sa conclusion selon laquelle le document en question n'était pas une assignation légitime sur sa conviction que, les citations à comparaître devant un tribunal étant des documents très importants, elles ne sont jamais placées dans une boîte aux lettres.

 

            La conclusion de la Commission selon laquelle les lettres adressées par la belle-mère de M. Lazov révèlent que le courrier de M. Lazov a été intercepté n'est pas non plus sans conséquence parce que la Commission s'est appuyée sur ce fait pour conclure que les lettres elles-mêmes n'étaient pas dignes de foi et qu'il était invraisemblable que les autorités bulgares soient à la recherche de M. Lazov.  La Commission indique ceci :

 

[TRADUCTION]

La formation conclut également que les lettres de la belle-mère du requérant servent les intérêts de celui-ci et, par conséquent, elle n'accorde aucune importance à leur contenu.  Les lettres semblent indiquer que le courrier des requérants a été intercepté et que leur auteur a dû envoyer les documents demandés en passant par un messager.  La formation n'accepte pas que le requérant, en raison de son rôle limité à Ilinden, puisse être poursuivi de façon si énergique par les autorités que même le courrier provenant de sa belle-mère soit intercepté.  Si les autorités ont effectivement intercepté le courrier, la formation ne voit aucune raison pour que celles-ci demandent à la belle-mère du requérant où celui-ci se trouvait.

 

            Compte tenu de ces erreurs graves et, à mon avis, importantes dans la décision de la Commission, la demande est accueillie, la décision de la Commission en date du 28 février 1996 annulée et le tribunal ordonne que l'affaire soit de nouveau entendue par une formation différente.

 

            Je conviens avec les parties qu'il n'y a pas de question à certifier.

 

 

O T T A W A

 

le 11 avril 1997

 

                                                                       

 

                                                                                         Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

                                                                        François Blais, LL.L.


 

 

 

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :                                         IMM-1071-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                     Dimitar Lazov et al. c. M.C.I.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :  Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : le vendredi 4 avril 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Pinard

 

 

DATE :le 11 avril 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Kirk Cooper                                                                pour les requérants

 

 

Jeremiah Eastman                                                       pour l'intimé

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Kirk Cooper                                                                pour les requérants

Toronto (Ontario)

 

 

George Thomson                                                         pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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